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26/01/2022 | FRANCE | N°19-25781

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 19-25781


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 115 F-D

Pourvoi n° R 19-25.781

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JANVIER 2022

Mme [M] [E], domiciliée [Adre

sse 2], a formé le pourvoi n° R 19-25.781 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), da...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 115 F-D

Pourvoi n° R 19-25.781

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JANVIER 2022

Mme [M] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 19-25.781 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société ERT technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de Mme [E], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société ERT technologies, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 5 septembre 2019), Mme [E] a été engagée le 4 octobre 2010 par la société ERT technologies, en qualité de technicienne de paies, puis d'assistante RH et enfin, à compter du 1er décembre 2014 comme responsable RH.

2. Licenciée le 16 juin 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, de dommages-intérêts au titre du repos compensateur non pris, ainsi que d'indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, Mme [E] produisait un décompte journalier des heures supplémentaires invoquées, lequel était suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre ; que dès lors, en jugeant que ce décompte ne permettait pas d'étayer les prétentions de la salariée, par un ensemble de motifs inopérants tenant à l'absence de production d'autre document que le décompte, à l'absence de réclamation de la salariée pendant la relation contractuelle, et au fait que certaines heures mentionnées dans le décompte seraient sujettes à caution, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ d'autre part, qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que les tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires produits par la salariée ne pouvaient être retenus, aux motifs inopérants qu'ils étaient invérifiables, établis unilatéralement, et qu'ils n'étaient pas signés par le responsable hiérarchique de Mme [E], la cour d'appel a derechef violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt retient que pour justifier de sa réclamation à hauteur de pas moins de 24 835 euros, la salariée produit des décomptes de ses heures supplémentaires sur plusieurs années, sans l'assortir d'aucun autre document. L'arrêt ajoute que, comme en justifie l'employeur, ces tableaux sont sujets à caution dès lors qu'ils comportent des contre-vérités, tout particulièrement s'agissant de temps de présence pris en compte, alors que la salariée était hospitalisée ou absente de l'entreprise ou en congés payés.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [E] de ses demandes de condamnation à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise du repos compensateur, au titre du travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail, ainsi qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société ERT technologies aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ERT technologies et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour Mme [E]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. [M] [E] de ses demandes tendant à voir condamner la société ERT Technologies à lui verser la somme de 22 577,53 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, la somme de 2 2257,75 euros brut au titre des congés s'y rapportant, la somme de 2 478,18 euros net à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise du repos compensateur, ainsi que la somme de 21 594,77 euros net au visa de l'article L. 8223-1 du code du travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« aucune convention de forfait n'a été acceptée par la salariée ; que son statut de cadre et son autonomie ne suffisent pas à écarter les dispositions légales en termes de temps de travail ; que toutefois, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance de preuves apportées par le salarié ; qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en l'espèce, pour justifier de sa réclamation à hauteur de pas moins de 24 835 euros, Mme [E] produit des décomptes d'heures supplémentaires sur plusieurs années ; que cette réclamation n'est assortie d'aucun autre document ; que comme en justifie l'employeur, les tableaux versés aux débats sont sujets à caution dès lors qu'ils comportent des contre-vérités, tout particulièrement s'agissant de temps de présence pris en compte alors que Mme [E] était hospitalisée ou absente de l'entreprise ou en congés payés ; qu'elle n'a formé aucune réclamation à cet égard pendant toute la durée de la relation contractuelle, alors que son poste lui facilitait une telle revendication ; que c'est donc par une exacte appréciation que les premiers juges ont rejeté la réclamation formée par la salariée ; qu'il en est de même de la demande de dédommagement pour travail dissimulé, celle-ci reposant exclusivement sur des heures supplémentaires non justifiées » ;

ET AUX MOTIFS, à les supposer adoptés, QU'« à compter du 1er avril 2012, Mme [E] va accéder à la fonction de responsable RH et bénéficier du statut de cadre niveau A2 ; qu'aucun avenant au contrat de travail n'est établi ; qu'au 1er Juin 2014, elle accèdera au niveau cadre B1 ; qu'au 1er décembre 2014 au niveau cadre B2 ; (?) qu'à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires, Mme [E] produit des tableaux de pointage excel ; que ceux-ci sont invérifiables et surtout établis unilatéralement ; qu'en tout état de cause ils ne sont pas signés par son responsable hiérarchique ; qu'ainsi lesdits tableaux ne pourront pas être retenus ; qu'au surplus, le contrat de travail, paraphé et signé par les parties, stipule en son article 6 « Mme [E] [M] pourra être amenée à effectuer, à la demande expresse de la Société, des heures supplémentaires (?) » ; qu'ainsi Mme [E] a toujours su que les heures supplémentaires ne peuvent être validées qu'avec l'accord de sa hiérarchie ; qu'à la lecture des paragraphes précédents Mme [E] n'est pas fondée à affirmer qu'elle n'est pas soumise au forfait jours ; qu'ainsi les demandes de Mme [E] en rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés s'y rapportant, dommages-intérêts pour repos compensateur non pris, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ne peuvent prospérer et seront rejetées dans leur intégralité » ;

1°) ALORS, d'une part, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, Mme [E] produisait un décompte journalier des heures supplémentaires invoquées, lequel était suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre (production n° 6 ; conclusions d'appel, p. 40 s.) ; que dès lors, en jugeant que ce décompte ne permettait pas d'étayer les prétentions de la salariée, par un ensemble de motifs inopérants tenant à l'absence de production d'autre document que le décompte, à l'absence de réclamation de la salariée pendant la relation contractuelle, et au fait que certaines heures mentionnées dans le décompte seraient sujettes à caution (arrêt attaqué, p. 4), la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°) ALORS, d'autre part, QU'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que les tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires produits par la salariée ne pouvaient être retenus, aux motifs inopérants qu'ils étaient invérifiables, établis unilatéralement, et qu'ils n'étaient pas signés par le responsable hiérarchique de Mme [E] (arrêt attaqué, p. 4 § 7 ; jugement attaqué, p. 4 §§ 1 s.), la cour d'appel a derechef violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

3°) ALORS, de troisième part, QU'en jugeant que la demande de Mme [E] au titre des heures supplémentaires devait être rejetée, aux motifs, à les supposer adoptés, qu'il résultait des stipulations du contrat que Mme [E] avait toujours su que les heures supplémentaires ne pouvaient être validées qu'avec l'accord de sa hiérarchie (jugement attaqué, p. 4), sans rechercher, comme elle y était invitée par la salariée (conclusions d'appel, p. 39-40, et p. 45), si les heures supplémentaires invoquées n'avaient pas été justement accomplies avec la connaissance et l'accord de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

4°) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa démonstration visant à prouver l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées, Mme [E] produisait, outre un décompte d'heures supplémentaires, un ensemble de courriels envoyés en soirée, ainsi que des billets de train pour des déplacements professionnels dont elle soulignait les heures matinales de départ, et tardives de retour (production n° 12 ; conclusions d'appel, p. 39-40) ; qu'elle produisait encore ses bulletins de salaire pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 (productions n° 7, 8, 9 et 10), et soulignait le caractère artificiel de l'arrêt soudain de toute mention d'heures supplémentaires sur ses bulletins à compter d'avril 2012 –date de sa promotion comme responsable ressources humaines–, alors qu'elle n'avait « pas modifié son rythme de travail, la société étant en pleine expansion (conclusions d'appel, p. 35-36) ; que dès lors, en jugeant, pour rejeter les prétentions relatives aux heures supplémentaires, que la réclamation de Mme [E] n'était « assortie d'aucun autre document » que le décompte d'heures supplémentaires (arrêt attaqué, p. 4 § 4), la cour d'appel a dénaturé par omission les pièces précitées, en violation du principe susvisé ;

5°) ALORS, en outre, QUE le défaut de réponse à conclusions est un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas au moyen de la salariée tiré de ce que l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées était corroborée par les courriels et les billets de train produits aux débats (conclusions d'appel, p. 39-40 ; production n° 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ET ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions est un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas au moyen de Mme [E] tiré de ce que l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées était corroborée par la disparition aussi soudaine qu'artificielle de la mention d'heures supplémentaires sur ses bulletins de paie à compter du 1er avril 2012, date de sa promotion en qualité de responsable ressources humaines (conclusions d'appel, p. 35-36 ; productions n° 7, 8, 9 et 10), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme [M] [E] de ses demandes tendant à voir juger qu'elle avait été victime d'agissements discriminatoires –au sens d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement–, et à voir en conséquence condamner la société ERT Technologies à lui verser la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts à ce titre ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme [E] soutient avoir été victime d'agissements discriminatoires de la part de son employeur ; que cependant, force est de constater qu'elle ne précise en rien en quoi elle a fait l'objet d'une discrimination pour des motifs limitativement définis aux articles L. 1132-1 à L. 1132-3 du code du travail ; que sa revendication repose en réalité sur la violation du principe « à travail égal salaire égal » ; qu'à cet égard, la salariée fait valoir qu'elle percevait une rémunération différente de celle d'un autre collègue cadre, M. [L] [R], qu'elle estime placé dans une situation hiérarchiquement identique et pourtant moins bien noté ; que cependant l'employeur démontre que celui-ci n'était pas positionné de la même manière au regard de sa relation avec la hiérarchie ; qu'il n'était pas rattaché à la même direction que Mme [E] ; que l'attribution de prime à son profit n'était pas régie suivant les mêmes règles contractuelles ; que le fait que la salariée n'ait pas été conviée à une réunion ne suffit pas à établir qu'elle avait été mise à l'écart ; que dans ces conditions, la demande formée par Mme [E] à cet égard doit être rejetée » ;

ET AUX MOTIFS, à les supposer adoptés, QUE « Mme [E] soutient avoir fait l'objet d'agissements discriminatoires du fait : premièrement, qu'elle perçoive des primes moins importantes que certains de ses collègues ; que l'attribution de ces primes est déterminée en fonction de quatre critères dont la performance du salarié ; que Mme [E] ne donnait pas satisfaction sur ce point ; qu'ainsi sa demande ne peut prospérer ; deuxièmement : de l'embauche des RRH en janvier 2016, ceux-ci bénéficiant d'un véhicule de service avec carte Total et d'un téléphone professionnel, ce qui n'était pas son cas ; que ces RHH ont été recrutés pour gérer chacun deux établissements, qu'il leur était imposé d'être présents, sur une même semaine, sur les deux établissements à leur convenance et en fonction des nécessités ; que ce n'était pas du tout le cas de Mme [E] ; qu'ainsi sa demande ne peut être retenue ; que sans autres explications ni justificatifs, Mme [E] ne pourra être suivie dans sa demande et sera déboutée » ;

1°) ALORS, d'une part, QUE l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ; qu'en l'espèce, à supposer que la cour d'appel ait jugé que Mme [E] et M. [R] ne se trouvaient pas dans une situation identique, aux motifs imprécis que M. [R] « n'était pas positionné de la même manière au regard de sa relation avec la hiérarchie », qu'il n'était « pas rattaché à la même direction que Mme [M] [E] », et que « l'attribution de prime à son profit n'était pas régie suivant les mêmes règles contractuelles » (arrêt attaqué, p. 6), la cour d'appel, qui a rejeté la demande la salariée sans mieux s'expliquer sur les éléments excluant selon elle une identité de situation, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

2°) ALORS, d'autre part, QU'à supposer que la cour d'appel ait jugé que la différence de traitement entre Mme [E] et M. [R] était justifiée par des éléments objectifs, aux motifs imprécis que M. [R] « n'était pas positionné de la même manière au regard de sa relation avec la hiérarchie », qu'il n'était « pas rattaché à la même direction que Mme [M] [E] », et que « l'attribution de prime à son profit n'était pas régie suivant les mêmes règles contractuelles » (arrêt attaqué, p. 6), la cour d'appel, qui a rejeté la demande la salariée sans mieux s'expliquer sur les éléments justifiant selon elle une différence de traitement, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

3°) ALORS, de troisième part, QUE le défaut de réponse à conclusions est un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel (en partic. p. 46), Mme [E] faisait valoir, éléments de preuve à l'appui, que la prime litigieuse était attribuée en fonction de la catégorie (cadre ou ouvrier Etam) et de la notation ; que des salariés étaient donc dans une situation identique dès qu'ils relevaient de la même catégorie et qu'ils avaient la même notation ; que tel était le cas de Mme [E] et M. [R] ; que dès lors, à supposer que la cour d'appel ait jugé que les salariés ne se trouvaient pas dans une situation identique, sans répondre au moyen précité, elle a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, de quatrième part, QUE le juge a l'obligation d'analyser les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Mme [E] faisait valoir que pendant l'année 2013, au titre de laquelle la prime avait été attribuée, M. [R] et elle-même avaient le même supérieur hiérarchique : le directeur général M. [P] (conclusions d'appel, p. 45-46) ; qu'à l'appui de sa démonstration, elle produisait l'organigramme de la société d'avril 2013 et la note de service associée, qui confirmaient ses dires (production n° 16) ; que dès lors, en jugeant que M. [R] n'était pas rattaché au même supérieur hiérarchique, sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve précités, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS de cinquième part, QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la circonstance que Mme [E] n'ait pas bénéficié des mêmes avantages que les nouvelles responsables ressources humaines de régions, consistant dans l'octroi d'un véhicule de service avec carte Total et utilisation personnelle, ainsi que d'un téléphone portable, ne caractérisait pas un manquement au principe d'égalité de traitement (conclusions d'appel, p. 45 à 50), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard dudit principe ;

6°) ET ALORS QUE dans ses écritures d'appel, Mme [E] se prévalait d'un faisceau d'éléments pour démontrer des inégalités de traitement injustifiées, notamment en ce qu'elle avait perçu une prime exceptionnelle 2013 inférieure à celle de M. [R], et en ce qu'elle n'avait pas bénéficié des mêmes avantages que les nouvelles responsables ressources humaines de région (conclusions d'appel, p. 45 à 50) ; qu'elle détaillait les différents éléments révélant ces inégalités (ibid.) ; que dès lors, en se bornant à examiner isolément la prime de 2013 et la non-convocation de l'exposante à une réunion de 2014, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, n'établissaient pas les inégalités dénoncées ainsi qu'une intention de l'employeur d'appliquer un traitement défavorable à Mme [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25781
Date de la décision : 26/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 05 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jan. 2022, pourvoi n°19-25781


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ridoux, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.25781
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