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26/01/2022 | FRANCE | N°19-22916

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 2022, 19-22916


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 57 F-D

Pourvoi n° B 19-22.916

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 JANVIER 2022r>
La société [T] [V] Real Estate agents, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 19-22.916 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 57 F-D

Pourvoi n° B 19-22.916

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 JANVIER 2022

La société [T] [V] Real Estate agents, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 19-22.916 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [O] [V], domicilié [Adresse 5],

2°/ à M. [N] [V], domicilié [Adresse 3],

3°/ à la société Business Consulting agents, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

MM. [O] et [N] [V] et la société Business Consulting agents ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et les demandeurs au pourvoi incident invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de la société [T] [V] Real Estate agents, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [O] et [N] [V], et de la société Business Consulting agents, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Aix-en-Provence, 4 juillet 2019) et les productions, la société [T] [V] Real Estate Agents (la société NPREA), ayant comme enseigne [T] [V] et Associés, a été constituée par MM. [O] et [T] [V]. Après avoir cédé une partie de ses parts à son frère [N], [T] [V] est décédé. MM. [O] et [N] [V] ont par la suite cédé l'intégralité de leurs parts à Mme [E], veuve de [T] [V]. Parallèlement, s'est immatriculée au registre du commerce et des sociétés la société L'Immobilière du quai, ayant pour enseigne [T] [V] et Associés. Enfin, MM. [O] et [N] [V] ont constitué la société Business Consulting agents (la société BCA), ayant deux établissements avec pour enseigne « [V] » et « [V] real estate ».

2. Par un jugement irrévocable du 3 décembre 2013, la société NPREA a été déboutée de sa demande tendant à voir annuler le dépôt de la marque [V] par MM. [O] et [N] [V]. Par ailleurs, le dépôt de cette marque par la société NPREA, a été annulé comme portant sur un signe indisponible. MM. [V] et la société BCA ont été déboutés de leurs demandes reconventionnelles tendant à l'annulation des autres marques, l'interdiction d'utilisation de celles-ci et en dommages-intérêts pour contrefaçon ou atteinte aux droits de la personnalité.

3. Postérieurement, MM. [O] et [N] [V] ainsi que la société BCA ont fait assigner la société NPREA pour des actes de contrefaçon.

Examen des moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé.

4. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 10 mars 2021, où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre.

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

6. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 10 mars 2021, où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

7. La société NPREA fait grief à l'arrêt d'écarter l'ensemble des fins de non-recevoir qu'elle a soulevées, de dire qu'en reproduisant la marque « [V] », accompagnée du seul autre vocable « Agence » sur des panneaux publicitaires, elle a commis une contrefaçon de la marque « [V] » enregistrée à l'INPI sous le n° 3529356, de la condamner à verser diverses sommes à MM. [O] et [N] [V] et à la société BCA, et d'interdire la dénomination [V] sans qu'y soit accolé le prénom de [T], alors « que seuls les faits nouveaux ayant modifié la situation juridique permettent d'échapper à l'autorité de la chose jugée ; que, par jugement du 3 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Nice a débouté MM. [V] et la société BCA de leur demande d'interdiction de l'utilisation par la société NPREA des dénominations [V] et [T] [V] ; qu'un tel débouté vaut pour l'avenir ; qu'en estimant que la présence, postérieure au jugement, du signe "[V]" sur des panneaux publicitaires de la société NPREA constituait un fait nouveau rendant la demande recevable, quand ces panneaux n'avaient pas changé la situation juridique, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355 du code civil :

8. Selon ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

9. Pour déclarer recevables les demandes présentées au titre de la contrefaçon de la marque [V], l'arrêt retient que postérieurement au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 3 décembre 2013 ayant débouté MM. [V] et la société BCA de leur demande en annulation des marques « [T] [V] et Associés - Real estate agents » et « [T] [V] et Associés » déposées par la société NPREA, celle-ci a utilisé le signe « [V] » à plusieurs reprises, ce qui caractérise des circonstances nouvelles.

10. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le tribunal de grande instance de Nice avait débouté MM. [O] et [N] [V] et la société BCA de leur demande en vue de voir prononcer l'interdiction pour la société NPREA d'utiliser les dénominations « [V] » et « [T] [V] », et, d'autre part, que la circonstance que la société NPREA ait continué d'utiliser le signe « [V] » postérieurement à ce jugement ne caractérisait pas une circonstance nouvelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce, confirmant le jugement, il déclare irrecevables les conclusions et pièces transmises par le RPVA le 15 novembre 2017 par les demandeurs, dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées le 6 novembre 2017 par la société [T] [V] Real Estate Agents, dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la pièce 52 produite par les demandeurs, déboute la société [T] [V] Real Estate Agents de sa demande de déchéance de la marque « [V] » n° 3529356, déclare M. [N] [V] déchu de ses droits sur la marque « [V] [N] » n° 3529355 pour l'ensemble des produits et services visés à l'enregistrement, soit les classes 6, 24, 27, 36, 37 et 42, ordonne la publication du jugement au registre national des marques, déclare irrecevable la demande d'annulation de la marque « [V] » n° 3529356, dit la demande d'annulation de la marque « [V] [N] » sans objet, dit qu'en reproduisant la marque « [V] » sur des panneaux publicitaires pour promouvoir des transactions immobilières, la société [T] [V] Real Estate Agents a causé à la société Business Consulting agents une concurrence déloyale, condamne la société [T] [V] Real Estate Agents à payer à la société Business Consulting agents une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de cette concurrence déloyale, déboute MM. [O] et [N] [V] et la société Business Consulting agents du surplus de leurs demandes indemnitaires et accessoires et déboute la société [T] [V] Real Estate Agents de ses demandes reconventionnelles, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne MM. [O] et [N] [V] et la société Business Consulting agents aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [O] et [N] [V] et la société Business Consulting agents et les condamne à payer à la société [T] [V] Real Estate Agents la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour la société [T] [V] Real Estate agents.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté l'ensemble des fins de non-recevoir soulevées par la société NPREA, dit qu'en reproduisant la marque « [V] », accompagnée du seul autre vocable « Agence » sur des panneaux publicitaires, la société NPREA a commis une contrefaçon de la marque « [V] » enregistrée à l'INPI sous le n° 3529356, condamné la société NPREA à verser diverses sommes à MM. [O] et [N] [V] et à la société BCA, et interdit la dénomination [V] sans qu'y soit accolé le prénom de [T],

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la procédure en contrefaçon de la marque etlt;[V]etgt; déposée le 8 octobre 2007 par Messieurs [N] et [O] [V] sous le numéro 3529356 : Ce dépôt, intervenu sous le numéro 3529356 et en classes notamment 36 et 37 (services immobiliers), a été effectué par Messieurs [O] et [N] [V] mais nullement par la société BCA, laquelle ne justifie ni même n'allègue avoir la qualité de licenciée de ceux-ci, peu important qu'elle utilise les enseignes etlt;[V]etgt; et etlt;[V] Real Estateetgt; dans la mesure où celles-ci ne constituent pas des marques. C'est donc à juste titre que le Tribunal a jugé irrecevable l'action en contrefaçon de la marque etlt;[V]etgt; engagée par la société BCA. Aux termes de l'article L. 716-5 alinéa 4 et dernier du Code de la Propriété Intellectuelle "Est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi. (...)". Ainsi le point de départ de ce délai est le dépôt de la marque postérieure, peu important l'exploitation antérieure d'un signe identique. La société NPREA a déposé en classe 36 le 3 mars 2008 les marques etlt;[T] [V] et Associés – Real Estate Agentsetgt; sous le numéro 3560358, et etlt;[T] [V] et Associésetgt; sous le numéro 3560359. Le caractère non avenu de l'interruption du délai de prescription par la demande en Justice (article 2243 du Code Civil) s'applique au demandeur "si sa demande est définitivement rejetée", ce qui exclut le défendeur. Or le jugement rendu le 3 décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NICE fait suite à une assignation délivrée le 12 décembre 2008 par la société NPREA à l'encontre notamment de Messieurs [O] et [N] [V], ce qui exclut l'application de ce texte à ces 2 derniers qui n'étaient que défendeurs à l'action de la société NPREA. Par ailleurs ledit jugement mentionne des conclusions de ces défendeurs du 20 août 2013 aux fins d'annulation des 2 marques précitées, mais sans que la société NPREA ne démontre que ses adversaires n'avaient pas conclu antérieurement. Le délai de prescription de 5 ans ne peut en conséquence être appliqué à Messieurs [V]. Le jugement niçois ci-dessus a notamment débouté Messieurs [V] et la société BCA de leur demande reconventionnelle en annulation des marques etlt;[T] [V] et Associés - REAL ESTATE AGENTSetgt; et etlt;[T] [V] et Associésetgt; déposées par la société NPREA, au motif que celles-ci ajoutent au terme etlt;[V]etgt; des signes distinctifs prévenant le risque d'une confusion. En l'absence de tout appel contre ce jugement ce dernier est devenu définitif, et l'autorité de la chose jugée de l'article 1355 du Code Civil s'oppose au principe d'une autre action entre les mêmes parties et pour la même cause. Cependant des circonstances nouvelles, c'est-à-dire postérieures au jugement, justifient de déroger à ce principe. Les procès-verbaux de constat par Huissier de Justice à la requête de Messieurs [V] titulaires de la marque etlt;[V]etgt; déposée le 8 octobre 2007 démontrent la présence :
- le 27 mars 2014 d'un panneau etlt;A VENDRE - AGENCE [V] - 04 93 01 42 74etgt; [téléphone de la société NPREA] sur une maison à [Localité 7] (06), sur une maison à [Localité 6], sur deux maisons à [Localité 8] (06) avec cette fois-ci le téléphone [XXXXXXXX01] [de la S.A.R.L. Bellevue Real Estate; - le 15 mai des mêmes 4 panneaux ;
- et le 23 juin d'un panneau etlt;A VENDRE - AGENCE [V] - 04 93 01 33 33etgt; [téléphone à la fois de la société NPREA et de la S.A.R.L. l'Immobilière du Quai sur deux maisons à [Localité 6]. Il existe ainsi des preuves que la société NPREA a utilisé le signe etlt;[V]etgt; à plusieurs reprises après le jugement définitif du 3 décembre 2013, ce qui justifie que le Tribunal de Grande Instance de Marseille ait jugé recevable l'action de Messieurs [V] en contrefaçon de leur marque ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Selon la défenderesse, l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Nice qui a débouté [O] [V] et [N] [V] de leur action en contrefaçon du chef des marques [T] [V] et Associés et [T] [V] Real Estate Agents, consacre une fin de non-recevoir justifiant de déclarer [O] [V] et [N] [V] irrecevables en leurs nouvelles demandes au titre de la contrefaçon. Cependant, il sera relevé que si en décembre 2013, le tribunal de grande instance de Nice a effectivement considéré que les faits invoqués par [O] et [N] [V] au titre de la contrefaçon de la marque [V] n'étaient pas constitués et les a déboutés de leurs demandes, l'autorité de chose jugée attachée à cette décision ne s'oppose pas à ce que des faits matériels nouveaux soient invoqués au soutien d'une demande au titre de la contrefaçon de la même marque. En l'espèce, les intéressés invoquent de faits commis postérieurement au jugement et qui, à les supposer commis et contrefaisants, consacrent des éléments nouveaux rendant les demandes recevables. Le tribunal de grande instance de Nice a considéré que le dépôt des marques [V], [T] [V] et Associés [T] [V] et Associés Real Estate Agents et [V] Prestige ne consacrait pas une contrefaçon de la marque [V] déposée le 8 octobre 2017 par [O] [V] et [N] [V] et sur ce point le jugement a l'autorité de chose jugée, de sorte que le tribunal de grande instance de Marseille ne peut, sauf à porter atteinte à l'autorité qui est attachée à cette décision définitive, rechercher si le dépôt de ces marques consacre une contrefaçon. En revanche, les demandeurs invoquent d'autres faits contrefaisants, à savoir des faits d'exploitation du signe [V] notamment sur des panneaux publicitaires postérieurement au prononcé du jugement rendu le 3 décembre 2013 par le tribunal de grande instance de Nice, et ces actes d'exploitation consacrent bien des éléments nouveaux non appréhendés par le tribunal de grande instance de Nice, de sorte que les demandes présentées au titre de la contrefaçon sont bien recevables ;

ALORS QUE seuls les faits nouveaux ayant modifié la situation juridique permettent d'échapper à l'autorité de la chose jugée ; que, par jugement du 3 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Nice a débouté MM. [V] et la société BCA de leur demande d'interdiction de l'utilisation par la société NPREA des dénominations [V] et [T] [V] ; qu'un tel débouté vaut pour l'avenir ; qu'en estimant que la présence, postérieure au jugement, du signe « [V] » sur des panneaux publicitaires de la société NPREA constituait un fait nouveau rendant la demande recevable, quand ces panneaux n'avaient pas changé la situation juridique, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour MM. [O] et [N] [V] et de la société Business Consulting agents.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté MM. [O] [V] et [N] [V] de leurs demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société NPREA avait commis des actes de contrefaçon de leur marque « [V] » n° 3529356 en utilisant les marques « [T] [V] et Associés » n° 3560359, « [T] [V] et Associés - Real Estate Agents » n° 3560358 et « [T] [V] et [R] [P] » n° 4246087, à ce qu'elle soit condamnée à réparer leur préjudice et à ce qu'il lui soit fait interdiction d'en faire usage,

AUX MOTIFS QUE la contrefaçon est, aux termes de l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle « l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque » ; que dans son jugement définitif précité, le tribunal de grande instance de Nice a notamment débouté MM. [V] et la société BCA de leur demande reconventionnelle en annulation des marques « [T] [V] et Associés Real Estate Agents » et « [T] [V] et Associés » déposées par la société NPREA, au motif que celles-ci ajoutent au terme « [V] » des signes distinctifs prévenant le risque de confusion ; qu'ne conséquence, le tribunal de grande instance de Marseille est fondé pour avoir jugé irrecevables les demandes formées devant lui par MM. [V] à l'encontre de ces deux marques ; que, pour la troisième marque litigieuse, « [T] [V] et [R] [P] », déposée le 3 février 2016 en classes 36 et 37 par la société NPREA sous le numéro 4246087, le même raisonnement s'applique : en effet cette société a depuis sa constitution en juillet 1995 la dénomination « SARL [T] [V] Real Estate Agents », a eu pour associé fondateur à hauteur de 99% de son capital M. [T] [V] qui de plus en a été le gérant jusqu'à son décès le 7 août 2000 ; que ce double ajout « [T] » et « [R] [P] » au signe « [V] » constituent deux signes distinctifs de nature à séparer dans l'esprit du public la marque « [T] [V] et [R] [P] » de la marque « [V] » et ainsi prévenir tout risque de confusion » ; que c'est par suite à tort que MM. [V] demandent à la cour d'interdire à la société NPREA de faire usage des marques « [T] [V] et Associés – Real Estate Agents », « [T] [V] et Associés » et « [T] [V] et [R] [P] » déposées par la société NPREA ;

1°/ ALORS QUE le jugement n'a d'autorité qu'à l'égard de la contestation qu'il tranche ; qu'ayant constaté qu'elle était saisie de faits postérieurs au jugement du 3 décembre 2013 et sur lesquels le tribunal de grande instance de Nice ne s'était pas prononcé, la cour d'appel, qui s'est néanmoins fondée, pour déclarer irrecevables les demandes de MM. [N] et [O] [V] relatives à l'utilisation des marques « [T] [V] et Associés – Real Estate Agents » et « [T] [V] et Associés », sur l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement, a violé l'article 1355 du code civil ;

2°/ ALORS QU' en outre, l'autorité de chose jugée s'attache au seul dispositif du jugement ; que les motifs, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, en sont dénués ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de MM. [N] et [O] [V] relatives à l'utilisation des marques « [T] [V] et Associés – Real Estate Agents » et « [T] [V] et Associés », que le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 3 décembre 2013 avait conclu à l'absence de risque de confusion entre les marques en présence, quand ces énonciations figuraient dans les seuls motifs de la décision, dépourvus de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1355 du code civil ;

3°/ ALORS QUE l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme enseigne, nom commercial ou dénomination sociale, lorsque cette utilisation est soit antérieure, soit le fait d'un tiers de bonne foi utilisant son nom patronymique ; qu'ayant constaté que la demande d'enregistrement de la marque « [T] [V] et [R] [P] » avait été déposée le 3 février 2016, postérieurement au dépôt de la marque « [V] » et que [T] [V] était décédé le 7 août 2000, ce dont il résultait que la société NPREA ne pouvait se prévaloir ni d'un usage antérieur du signe « [T] [V] et [R] [P] », ni de ce que [T] [V] aurait exercé en son sein des fonctions de contrôle et de direction, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé que l'utilisation de la marque « [T] [V] et [R] [P] » n'était pas contrefaisante, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ ALORS QU' en matière de contrefaçon par imitation, le risque de confusion entre les signes en présence doit faire l'objet d'une appréciation globale, en ce qui concerne leur similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en se bornant, pour rejeter les demandes de MM. [N] et [O] [V] fondées sur l'utilisation de la marque « [T] [V] et [R] [P] », à affirmer que l'ajout des mots « [T] » et « [R] [P] » au signe « [V] » était « de nature à séparer dans l'esprit du public la marque "[T] [V] et [R] [P]" de la marque "[V]" et ainsi prévenir tout risque de confusion », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le nom « [V] » ne présentait pas un caractère dominant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en la cause, interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-22916
Date de la décision : 26/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jan. 2022, pourvoi n°19-22916


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.22916
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