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25/01/2022 | FRANCE | N°20-84185

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 janvier 2022, 20-84185


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° U 20-84.185 F-D

N° 00078

CK
25 JANVIER 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2022

M. [B] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 6 juillet 2020, qui, pour infraction au code

de l'urbanisme, l'a condamné à 800 euros d'amende avec sursis et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.

Un ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° U 20-84.185 F-D

N° 00078

CK
25 JANVIER 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2022

M. [B] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 6 juillet 2020, qui, pour infraction au code de l'urbanisme, l'a condamné à 800 euros d'amende avec sursis et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations du Cabinet Colin - Stoclet, avocat de M. [B] [S], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [S] est propriétaire de parcelles de terrain situées dans la commune de [Localité 1], au bord du lac de Pareloup. Suite au constat, réalisé le 16 mars 2013 par un agent de la direction départementale des territoires (DDT) de l'[Localité 2], de la présence d'une résidence mobile de loisirs se trouvant sous un abri, M. [S] a été poursuivi des chefs d'exécution de travaux sans déclaration préalable et d'exécution de travaux en violation du plan local d'urbanisme (PLU) visant le bardage et les fenêtres entourant ladite résidence.

3. Le tribunal a rejeté l'exception de nullité du procès verbal de constat de l'agent de la DDT de l'[Localité 2] tirée de ce que des photographies de la résidence ont été prises depuis la parcelle de terrain de M. [S], sans son autorisation.

4. Le prévenu a été déclaré coupable des chefs susvisés et condamné à démolir sous astreinte le bardage et les fenêtres.

5. M. [S] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des procès-verbaux de constat et d'audition fondée et, en conséquence, de s'être prononcé sur la culpabilité et sur la peine, alors :

« 1°/ que toute personne a droit au respect de son domicile ; que la visite d'une construction achevée constituant un domicile ne peut être mise en oeuvre sans l'accord de l'occupant et, à défaut d'un tel accord, sans autorisation du juge judiciaire ; que, pour rejeter l'exception de nullité des procès-verbaux de constat, la cour d'appel, qui a constaté qu'une partie des photographies avait été prise depuis la propriété de M. [S] en l'absence de celui-ci sans que la possibilité lui ait été offerte de s'y opposer, a retenu que l'habitation ne constituait pas le domicile de M. [S], de sorte que la protection instituée à l'article L. 461-1 du code de l'urbanisme n'avait pas lieu à s'appliquer ; qu'en statuant ainsi tandis qu'une résidence secondaire constitue un domicile au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et bénéficie dès lors de la protection instaurée par l'article L. 461-1 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a violé les articles 8 de cette convention, L. 461-1 et L. 480-1 du code de l'urbanisme et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que pour rejeter l'exception de nullité des procès-verbaux de constat, la cour d'appel, qui a constaté qu'une partie des photographies avait été prise depuis la propriété de M. [S] en l'absence de celui-ci sans que la possibilité lui ait été offerte de s'y opposer, a retenu que les constatations littérales du procès-verbal pouvaient être effectuées depuis le domaine public ou depuis une autre parcelle ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il importait peu que les constatations aient pu être effectuées régulièrement et dans le respect des règles régissant les visites en matière d'urbanisme, dès lors qu'il était établi que tel n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 461-1 et L. 480-1 du code de l'urbanisme et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme :

8. Toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile doit être prévue par la loi.

9. Pour rejeter l'exception de nullité du procès verbal de constat, tirée de ce que les photographies jointes à ce document par l'agent, ont été prises depuis la propriété de M. [S], l'arrêt attaqué retient qu'avant l'entrée en vigueur de l'article L. 480-17 du code de l'urbanisme imposant l'accord écrit du propriétaire d'un domicile pour entrer dans sa propriété, l'article L. 461-1 du même code autorisait l'entrée dans une propriété privée en l'absence d'opposition expresse du propriétaire et que les photographies jointes aux procès-verbaux de 2013 et 2014, en ce qu'elles présentent toutes les faces du bâtiment, ont été prises à la fois depuis le domaine public et depuis la propriété de M. [S] en l'absence de celui-ci, et sans que la possibilité lui ait été offerte de s'y opposer.

10. Le juge d'appel relève également qu'à supposer que des photographies ont été prises depuis la propriété de M. [S], les constatations littérales figurant dans les procès-verbaux, relatives à la seule présence d'une habitation, puis à la pose d'un bardage sur celle-ci, peuvent sans difficulté être effectuées depuis le domaine public ou une autre parcelle. Il ajoute que la protection du domicile instituée par l'article L. 461-1 du code de l'urbanisme n'a pas lieu à s'appliquer au chalet de M. [S], en précisant que l'intéressé demeure dans la commune de [Localité 3] et que le chalet construit par lui sur les rives du lac de Pareloup ne lui sert pas d'habitation permanente, mais de pied à terre pour profiter des lieux, s'y détendre ou pratiquer des loisirs et en concluant ainsi que ce lieu ne constitue pas le domicile de M. [S], sauf le temps où il y est physiquement présent.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

12. En effet, d'une part, la description du chalet comme lieu d'habitation et de villégiature, même non permanente, ne saurait à elle seule exclure sa qualification de domicile, au sens que lui confère l'article 8 de la Convention, de sorte que le recueil de l'accord du propriétaire, dont elle a constaté qu'il faisait défaut, était nécessaire à l'agent pour procéder à la visite.

13. D'autre part, en estimant que la nullité invoquée n'était pas fondée en raison du fait que les constatations pouvaient être faites depuis la voie publique, tandis qu'elle admettait que l'agent était bien entré dans la propriété sans autorisation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.

14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 6 juillet 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq janvier deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-84185
Date de la décision : 25/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 06 juillet 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jan. 2022, pourvoi n°20-84185


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SAS Cabinet Colin - Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.84185
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