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20/01/2022 | FRANCE | N°20-18767

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 janvier 2022, 20-18767


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 97 F-D

Pourvoi n° N 20-18.767

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

La société Garantie mutuelle des fonctio

nnaires, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 20-18.767 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Montpellier...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 97 F-D

Pourvoi n° N 20-18.767

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

La société Garantie mutuelle des fonctionnaires, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 20-18.767 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [B] [U],

2°/ à Mme [D] [U],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 1],

4°/ à M. [W] [U], domicilié [Adresse 4],

5°/ à Mme [Y] [U], domiciliée [Adresse 3],

6°/ à la société BPCE assurances, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société BPCE assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé (Montpellier, 28 mai 2020), au cours d'une sortie en mer sur un bateau loué par M. [W] [U], assuré auprès de la société GMF Assurances (l'assureur), mais piloté par M. [C], assuré auprès de la société BPCE Assurances, [D] [U], âgée de 15 ans, est tombée dans l'eau et a été gravement blessée par l'hélice du bateau.

2. M. [B] [U] et Mme [Y] [R], épouse [U], en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure [D], ont saisi le juge des référés d'un tribunal de grande instance aux fins d'expertise et de condamnation de M. [W] [U], de M. [C] et des sociétés d'assurance à leur verser une provision, à valoir sur l'indemnisation des préjudices de la victime.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. [W] [U] et M. [C], à payer à M. [B] [U] et Mme [Y] [U], agissant en qualité de représentants légaux de [D] [U], la somme de 15 000 euros à titre de provision alors :

« 1°) que, l'existence d'une contestation sérieuse sur l'obligation à garantie de l'assureur fait obstacle à l'octroi d'une provision en référé ; qu'en l'espèce, la cour a constaté qu'il résultait des conditions particulières du contrat d'assurance conclu entre l'assureur et M. [W] [U] qu'était exclue de la garantie la responsabilité civile de l'assuré du fait des dommages résultant de la pratique de la navigation de plaisance sur les bateaux et engins nautiques à voile ou à moteur ; qu'en retenant, pour condamner l'assureur à paiement d'une provision, que l'« exclusion de garantie « pour les dommages résultant de la pratique de la navigation de plaisance sur des bateaux », n'apparaît pas suffisamment sérieuse en l'état des éléments du dossier qui rapportent des fautes extérieures à cette « pratique » telles que ci-dessus précisées et liées à des fautes civiles d'imprudence et de sécurité », en l'occurrence celle, selon les premiers juges, « d'avoir confié imprudemment à M. [C] un navire pour lequel il ne disposait pas d'un permis et des capacités suffisantes permettant de la conduire en toute sécurité », la cour d'appel, qui a tranché une difficulté portant sur l'étendue de la garantie de l'assureur et l'inopposabilité à l'assuré d'une clause d'exclusion, a violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, devenu 835, alinéa 2 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge des référés ne peut, pour octroyer une provision, interpréter le sens d'un contrat ; qu'en l'espèce, le contrat d'assurance stipule que « Nous ne garantissons pas la responsabilité civile de l'assuré du fait des dommages résultant de la pratique de la navigation de plaisance sur des bateaux, engins nautiques à voile ou à moteur, à l'exception des planches à voile, kyte surf, y compris les dommages survenus pendant les opérations d'embarquement et de débarquement » ; qu'en jugeant que cette clause d'exclusion n'avait pas vocation à s'appliquer dès lors que la faute d'imprudence de M. [W] [U] avait été commise alors qu'il avait cédé le pilotage du bateau à M. [C], la cour, qui a interprété le contrat d'assurance comme signifiant que les dommages survenus alors que l'assuré, bien que chef de bord et seul titulaire d'un permis de conduire un bateau, en a momentanément cédé le pilotage, ne seraient pas considérés comme étant apparus au cours de la pratique de la navigation, a tranché une contestation sérieuse et violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, devenu 835, alinéa 2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 809, alinéa 2, devenu 835, alinéa 2, du code de procédure civile :

4. Il résulte de ce texte que l'existence d'une contestation sérieuse sur l'obligation à garantie de l'assureur fait obstacle à l'octroi d'une provision en référé.

5. L'arrêt, après avoir relevé qu'il ressort de l'enquête pénale et des pièces produites aux débats que M. [W] [U] était le seul locataire du bateau dont il assurait la garde et la maîtrise en tant que chef de bord selon les termes du contrat de location et qu'étant seul titulaire du permis mer pour piloter le bateau, il avait néanmoins cédé la barre à M. [C] qu'il savait non titulaire du permis requis et que, dans ces conditions, son obligation en paiement d'une provision à valoir sur le préjudice et les frais liés aux blessures dont [D] [U] a été victime sera maintenue, énonce que, de même, la contestation soulevée par l'assureur, qui évoque une exclusion de garantie du contrat d'assurance « pour les dommages résultant de la pratique de la navigation de plaisance sur des bateaux », n'apparaît pas suffisamment sérieuse en l'état des éléments du dossier qui rapportent des fautes extérieures à cette « pratique » telles que ci-dessus précisées et liées à des fautes civiles d'imprudence et de sécurité que l'intéressé a d'ailleurs tardivement reconnues en cours d'audition devant les services de gendarmerie.

6. En interprétant ainsi la clause d'exclusion de garantie de la police d'assurance pour retenir qu'elle n'était pas opposable à l'assuré, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse portant sur l'obligation à garantie de l'assureur, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Ainsi qu'il est suggéré par le demandeur du pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Comme il est dit au paragraphe 6, il n'y a pas lieu à référé sur la demande dirigée à l'encontre de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Garantie mutuelle des fonctionnaires, in solidum avec M. [W] [U] et M. [C], à payer à M. [B] [U] et Mme [Y] [U], agissant en qualité de représentants légaux de [D] [U], la somme de 15 000 euros à titre de provision, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires à payer à M. [B] [U] et Mme [Y] [U], agissant en qualité de représentants légaux de [D] [U], une somme à titre de provision ;

CONDAMNE la société Garantie mutuelle des fonctionnaires aux dépens exposés dans l'instance suivie devant la cour d'appel de Montpellier ;

CONDAMNE M. [W] [U] et M. [C] aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel de Montpellier que devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Garantie mutuelle des fonctionnaires

La société GMF reproche à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir condamnée, in solidum avec M. [W] [U] et M. [C], à payer à M. et Mme [B] [U] agissant en qualité de représentants légaux de Melle [D] [U], la somme de 15 000 euros à titre de provision ;

Alors 1°) que, l'existence d'une contestation sérieuse sur l'obligation à garantie de l'assureur fait obstacle à l'octroi d'une provision en référé ; qu'en l'espèce, la cour a constaté qu'il résultait des conditions particulières du contrat d'assurance conclu entre la société GMF et M. [W] [U] qu'était exclue de la garantie la responsabilité civile de l'assuré du fait des dommages résultant de la pratique de la navigation de plaisance sur les bateaux et engins nautiques à voile ou à moteur (conditions générales, article 2.1., p. 21) ; qu'en retenant, pour condamner la société GMF à paiement d'une provision, que l' « exclusion de garantie "pour les dommages résultant de la pratique de la natation de plaisance sur des bateaux", n'apparaît pas suffisamment sérieuse en l'état des éléments du dossier qui rapportent des fautes extérieures à cette "pratique" telles que ci-dessus précisées et liées à des fautes civiles d'imprudence et de sécurité », en l'occurrence celle, selon les premiers juges, « d'avoir confié imprudemment à M. [C] un navire pour lequel il ne disposait pas d'un permis et des capacités suffisantes permettant de la conduire en toute sécurité », la cour d'appel, qui a tranché une difficulté portant sur l'étendue de la garantie de l'assureur et l'inopposabilité à l'assuré d'une clause d'exclusion, a violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, devenu 835, alinéa 2 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que, le juge des référés ne peut, pour octroyer une provision, interpréter le sens d'un contrat ; qu'en l'espèce, le contrat d'assurance stipule que « Nous ne garantissons pas la responsabilité civile de l'assuré du fait des dommages résultant de la pratique de la navigation de plaisance sur des bateaux, engins nautiques à voile ou à moteur, à l'exception des planches à voile, kyte surf, y compris les dommages survenus pendant les opérations d'embarquement et de débarquement » (conditions générales, article 2.1., p. 20) ; qu'en jugeant que cette clause d'exclusion n'avait pas vocation à s'appliquer dès lors que la faute d'imprudence de M. [W] [U] avait été commise alors qu'il avait cédé le pilotage du bateau à M. [C], la cour, qui a interprété le contrat d'assurance comme signifiant que les dommages survenus alors que l'assuré, bien que chef de bord et seul titulaire d'un permis de conduire un bateau, en a momentanément cédé le pilotage, ne seraient pas considérés comme étant apparus au cours de la pratique de la navigation, a tranché une contestation sérieuse et violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, devenu 835, alinéa 2 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que, subsidiairement, le juge ne peut dénaturer la portée d'un contrat dont les stipulations sont claires et précises ; que le contrat d'assurance stipulait, dans des termes clairs et précis, que « Nous ne garantissons pas la responsabilité civile de l'assuré du fait des dommages résultant de la pratique de la navigation de plaisance sur des bateaux, engins nautiques à voile ou à moteur, à l'exception des planches à voile, kyte surf, y compris les dommages survenus pendant les opérations d'embarquement et de débarquement » (conditions générales, p. 20) ; que le fait pour le responsable d'une embarcation de céder les commandes momentanément à une tierce personne non qualifiée est un fait résultant de la pratique de la navigation ; qu'en supposant que la cour d'appel n'ait pas procédé à une interprétation du contrat, en retenant que cette clause d'exclusion de garantie n'avait vocation à s'appliquer qu'à la conduite par l'assuré d'un bateau de plaisance, et non à la faute civile ayant consisté, pour l'assuré responsable de l'embarcation en tant que seul locataire du bateau et chef de bord selon les termes du contrat de location, à avoir confié momentanément le pilotage du bateau à un tiers non qualifié, elle en aurait alors dénaturé la portée en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil et du principe d'interdiction de dénaturer les contrats.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-18767
Date de la décision : 20/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 28 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 jan. 2022, pourvoi n°20-18767


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18767
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