LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 janvier 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 34 F-D
Pourvoi n° E 20-20.968
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022
M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-20.968 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre des baux ruraux), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [S],
2°/ à Mme [E] [N], épouse [S],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [Y], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [S], après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 9 mai 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ.,18 janvier 2018, pourvoi n° 16-20.158), par acte du 20 décembre 2012, M. et Mme [S] ont acquis des parcelles agricoles prises à bail par M. [Y].
2. Par acte du 28 février 2013, M. et Mme [S] ont délivré à celui-ci un congé aux fins de reprise pour exploitation personnelle à effet au 28 février 2015.
3. Par requête du 29 mai 2013, M. [Y] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en prorogation du bail jusqu'à l'âge de la retraite.
4. M. et Mme [S] ont demandé reconventionnellement la résiliation du bail pour défaut d'entretien et d'exploitation des biens loués.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de prolongation du bail jusqu'au 28 février 2021 et, en conséquence, de prononcer la résiliation du bail, alors :
« 1°/ que, pour se prononcer sur la résiliation d'un bail rural, le juge doit apprécier les manquements du preneur au jour de la demande de résiliation ; qu'en retenant, pour prononcer la résiliation du bail, des manquements de M. [Y], tels que résultant de constats d'huissiers de justice dressés les 15 juillet 2014, 22 juillet 2014 et 18 août 2015, quand la demande de résiliation avait été formée par les époux [S] le 29 novembre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que, subsidiairement, la résiliation d'un bail rural prend effet au jour de la décision judiciaire qui la prononce, et non au jour du manquement qui la justifie ; qu'en toute hypothèse, en fixant la résiliation du bail rural au mois de juillet 2014, date des premiers constats des manquements de M. [Y], soit une date antérieure à celle la prononçant, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, ayant relevé que plusieurs constats d'huissier de justice établissaient que les parcelles louées n'étaient plus travaillées ni entretenues, depuis de nombreux mois, au point que les bailleurs avaient dû procéder à des remises en état et nettoyages en raison de la présence d'une végétation non maîtrisée, de ronces encombrant les lieux et de coupes d'arbres non effectuées, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la gravité des manquements imputés à M. [Y] en se plaçant à la date de la demande en résiliation, a pu en déduire que celle-ci devait être prononcée.
7. En second lieu, la résiliation judiciaire d'un contrat à exécution successive ne prenant pas nécessairement effet à la date de la décision qui la prononce, la cour d'appel, qui a constaté que M. [Y] avait cessé toute activité et quitté les lieux en juin 2014, a pu fixer au mois de juillet 2014 la résiliation du bail.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille ving-deux
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. [Y]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [Y] de sa demande de prolongation du bail jusqu'au 28 février 2021 et, en conséquence, prononcé la résiliation du bail ;
1°) ALORS QUE pour se prononcer sur la résiliation d'un bail rural, le juge doit apprécier les manquements du preneur au jour de la demande de résiliation ; qu'en retenant, pour prononcer la résiliation du bail, des manquements de M. [Y], tels que résultant de constats d'huissiers de justice dressés les 15 juillet 2014, 22 juillet 2014 et 18 août 2015, quand la demande de résiliation avait été formée par les époux [S] le 29 novembre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) ALORS QUE (subsidiairement) la résiliation d'un bail rural prend effet au jour de la décision judiciaire qui la prononce, et non au jour du manquement qui la justifie ; qu'en toute hypothèse, en fixant la résiliation du bail rural au mois de juillet 2014, date des premiers constats des manquements de M. [Y], soit une date antérieure à celle la prononçant, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.