LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 janvier 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 39 F-D
Pourvoi n° F 20-17.772
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022
La société Groupement français de caution, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-17.772 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble résidence Clos de la Vienne Adagio, dont le siège est [Adresse 4], représenté par son syndic la société Nexity Lamy, [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Groupement français de Caution, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble résidence Clos de la Vienne Adagio, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 29 janvier 2020), le syndicat des copropriétaires de l'immeuble résidence Clos de la Vienne Adagio à [Localité 3] (le syndicat), prise en la personne de son syndic, la société Nexity Lamy, se plaignant de malfaçons et de non-conformités ayant affecté la construction de l'immeuble, a assigné le Groupement français de caution aux fins de mise en oeuvre de la garantie d'achèvement souscrite auprès de lui par le constructeur, en procédant ou en faisant procéder aux travaux décrits et estimés par l'expert judiciaire et ce sous astreinte.
2. Un jugement irrévocable du 17 septembre 2015 a fait droit à cette demande.
3. Par acte du 4 octobre 2018, le syndicat a saisi le juge de l'exécution en liquidation de l'astreinte.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le Groupement français de caution fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir et de déclarer recevable l'action du syndicat, alors « que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale ; que l'action en liquidation d'astreinte ne constitue pas une mise en oeuvre de voies d'exécution forcée permettant au syndic d'agir sans autorisation préalable ; qu'en déclarant l'action en liquidation de l'astreinte prononcée le 17 janvier 2017 recevable, quand il résulte de ses constatations que le mandat d'ester en justice donné au syndic par la résolution n° 4 du 30 avril 2014 avait pour objet les actions en justice tendant à ce que soit obtenu l'achèvement des travaux et leur réception, la reprise des non-conformités et des désordres ou malfaçons ainsi que la réparation des préjudices subis, non la liquidation d'une astreinte prononcée par jugement du 17 janvier 2017, la cour d'appel a violé l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Le syndicat conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
7. Cependant, la cour d'appel a statué d'office sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation du syndic, de sorte que ce moyen, qui résulte de la décision attaquée, est recevable.
Bien-fondé du moyen
8. L'arrêt retient que la résolution n° 4 adoptée lors de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires du 30 avril 2014 donne mandat au syndic d'ester en justice en vue de défendre les intérêts du syndicat, et notamment d'introduire toutes actions en justice nécessaires, tant en référé qu'au fond, afin d'obtenir, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, l'achèvement des travaux, leur réception, la reprise des non-conformités, défauts de finition, malfaçons ou désordres et la réparation de tous les préjudices subis, et plus généralement de faire le nécessaire pour la défense des intérêts de la copropriété.
9. La cour d'appel a pu déduire de ces éléments que l'autorisation particulièrement large d'agir en justice, ainsi donnée au syndic, devait être comprise comme s'étendant aux instances liées aux difficultés d'exécution de ce jugement, lesquelles en constituent la suite directe, notamment aux instances en liquidation de l'astreinte.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Groupement français de caution aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Groupement français de caution et le condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble résidence Clos de la Vienne Adagio à [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Groupement Français de Caution
Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'avoir débouté la société Groupement français de Caution de sa fin de non-recevoir et d'avoir déclaré recevable l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble résidence Clos Vienne Adagio dans le cadre de la présente instance ;
aux motifs propres que « Sur la recevabilité de l'action du syndicat des copropriétaires contestée par le GFC. Au soutien de sa contestation, le GFC fait valoir que le mandat d'agir donné à ce syndicat par l'assemblée générale des copropriétaires le 30 avril 2014 n'était valable que pour les seules instances engagées en 2014, à l'exclusion de celles qui l'ont été postérieurement, sous l'empire d'autres exercices sociaux et alors que les copropriétaires concernés ont pu changer. Le syndicat des copropriétaires produit le procès-verbal de l'assemblée générale de la copropriété du 30 avril 2014 qui a adopté une résolution n° 4 donnant mandat au syndic d'ester en justice en vue de la défense des intérêts de ce syndicat et, notamment, d'introduire toutes actions en justice nécessaires, tant en référé qu'au fond, devant le tribunal de grande instance de Limoges à l'encontre : - de la SCI Landouge, - de la société européenne de promotion, - du GFC, - de la compagnie d'assurance Albinga, - voire de toutes autres parties concernées, afin d'obtenir sur la base du rapport d'expertise établi par le cabinet Arcane en décembre 2013, l'achèvement des travaux, leur réception en bonne et due forme, la reprise des non-conformités, défauts de finition, malfaçons ou désordres, et la réparation de tous les chefs de préjudice subis, plus généralement de faire le nécessaire pour la défense des intérêts de la copropriété. Ce mandat est particulièrement large puisqu'il vise toutes les actions en justice et qu'il n'est aucunement limité dans le temps. C'est en vertu de ce mandat d'agir que le syndicat des propriétaires a engagé l'action en justice qui a conduit au jugement du 17 septembre 2015 qui a condamné, sous astreinte, le GFC à mettre en oeuvre sa garantie d'achèvement. L'autorisation d'agir ainsi donnée doit être comprise comme s'étendant aux instances liées aux difficultés d'exécution de ce jugement, lesquelles en constituent la suite directe, notamment aux instances en liquidation de l'astreinte qu'il prévoit. Le caractère général de ce mandat d'agir en justice ne saurait être remis en cause à raison de l'application de règles comptables qui sont étrangères à l'autorisation donnée ou d'un prétendu changement de copropriétaires dont la preuve n'est, au demeurant, pas rapportée. D'ailleurs, le GFC n'a pas relevé appel du jugement du juge de l'exécution du 17 janvier 2017 qui a retenu la recevabilité de l'action en liquidation de l'astreinte engagée par le syndicat des propriétaires sur la base du mandat d'agir donné le 30 avril 2014. Il convient donc de déclarer recevable la présente action comme valablement engagée sur le fondement de ce même mandat » ;
et aux motifs adoptés que « Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Clos Vienne Adagio : Conformément aux dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». En l'espèce, le Groupement Français de Caution soulève que le syndicat a engagé la présente procédure devant le juge de l'exécution sans justifier de la régularité de son pouvoir pour agir. Cette demande, qui vise le syndicat et non le syndic, et plus particulièrement son droit d'agir en justice s'analyse en une fin de non-recevoir dont le régime est fixé par les articles 122 et suivants du code de procédure civile. L'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dispose que la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. L'article 15 dispose, par ailleurs, que « Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ». L'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Clos Vienne Adagio ayant pour objet la liquidation d'une astreinte prononcée par jugement du TGI de Limoges du 17 septembre 2015 puis du juge de l'exécution de Limoges le 17 janvier 2017, soit des instances où il était partie principale, et le prononcé d'une nouvelle astreinte aux fins de réalisation par le Groupement Français de Caution des travaux ordonnés par jugement du 17 septembre 2015, aucun défaut de droit d'agir en justice n'est caractérisé. Il est, en outre, justifié par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence du Clos de la Vienne Adagio du mandat donné par procèsverbal d'assemblée générale en date du 30 avril 2014 au syndic d'ester en justice en vue de la défense des intérêts du syndicat des copropriétaires, et plus spécialement « d'introduire toute action en justice nécessaire, tant en référé qu'au fond devant le tribunal de grande instance de Limoges à l'encontre : - de la S.C.I. Landouge, - de la société européenne de promotion, - du Groupement Français de Caution, - de la compagnie Albingia, assureur dommage-ouvrage, - voir de toutes les autres parties concernées, afin d'obtenir, sur la base du rapport d'expertise établi par le cabinet Arcane de décembre 2013, l'achèvement des travaux, leur réception en bonne et due forme, la reprise des non-conformités, défauts de finition, malfaçons et désordres, et la réparation de tous les chefs de préjudices subis, plus généralement, de faire le nécessaire pour la défense des intérêts de la copropriété ». Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Clos de la Vienne Adagio, représenté par son syndic la SAS Nexity Lamy a ainsi pouvoir comme droit d'agir dans le cadre de la présente procédure et le Groupement Français de Caution sera, en conséquence, débouté de sa fin de non-recevoir » ;
alors 1°/ que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale ; que l'action en liquidation d'astreinte ne constitue pas une mise en oeuvre de voies d'exécution forcée permettant au syndic d'agir sans autorisation préalable ; qu'en déclarant l'action en liquidation de l'astreinte prononcée le 17 janvier 2017 recevable, quand il résulte de ses constatations que le mandat d'ester en justice donné au syndic par la résolution n° 4 du 30 avril 2014 avait pour objet les actions en justice tendant à ce que soit obtenu l'achèvement des travaux et leur réception, la reprise des non-conformités et des désordres ou malfaçons ainsi que la réparation des préjudices subis, non la liquidation d'une astreinte prononcée par jugement du 17 janvier 2017, la cour d'appel a violé l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
alors 2°/ qu'en retenant, pour déclarer l'action en liquidation de l'astreinte prononcée le 17 janvier 2017 recevable, que la société GFC n'avait pas relevé appel du jugement du juge de l'exécution du 17 janvier 2017 qui avait retenu la recevabilité de l'action en liquidation de l'astreinte prononcée le 17 septembre 2015 engagée par le syndicat des propriétaires sur la base du mandat d'agir donné le 30 avril 2014, motif impropre à établir que le syndic aurait reçu mandat d'agir en liquidation de l'astreinte prononcée le 17 janvier 2017, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.