LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 janvier 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 19 F-D
Pourvoi n° G 20-17.544
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2022
La caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° G 20-17.544 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (B)), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [4], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement secondaire [Adresse 2],
2°/ à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, de la SARL Corlay, avocat de la société [4], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents de travail, 10 décembre 2019), la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle la maladie de M. [G] (la victime), salarié de la société [4] (l'employeur), déclarée le 8 juillet 2011, et a fixé, le 6 mai 2014, à 31 % le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, dont 6 % pour le taux professionnel, à la date de consolidation du 6 janvier 2014.
2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique et de l'incapacité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur et à l'entreprise utilisatrice la décision de la caisse du 6 mai 2014 reconnaissant à la victime un taux d'incapacité permanente partielle de 31 % au 6 janvier 2014, résultant de la maladie professionnelle déclarée le 8 juillet 2011, alors « que l'obligation de transmission des documents médicaux mise à la charge de la caisse par l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale ne s'étend pas à la communication des documents couverts par le secret médical, laquelle ne peut être réalisée qu'avec l'accord de l'assuré ou suivant les modalités définies aux articles L. 143-10, R. 143-32 et R. 143-33 du même code ; qu'en l'espèce, en retenant, pour faire droit à la demande de l'employeur et de l'entreprise utilisatrice tendant à voir dire inopposable à leur égard la décision de la caisse reconnaissant à l'assuré un taux d'incapacité permanente partielle de 31 % à la date de consolidation du 6 janvier 2014, résultant de la maladie professionnelle du 8 juillet 2011, que la caisse n'avait « produit que la copie de la déclaration de maladie professionnelle, sans aucun certificat médical » et n'aurait ainsi pas satisfait à ses obligations résultant de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, la Cour nationale s'est méprise sur l'obligation mise à la charge de la caisse et a ainsi violé l'article R. 143-8 dudit code. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-614 du 3 juillet 2003, alors applicable, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat du tribunal les documents médicaux concernant l'affaire et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné.
5. Cette obligation porte sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi, tels que le certificat médical initial, les certificats de prolongation, le certificat de guérison ou de consolidation, et l'avis du service du contrôle médical.
6. Ayant relevé que la caisse n'avait produit, en première instance, que la copie de la déclaration de maladie professionnelle, sans aucun certificat médical, la Cour nationale en a exactement déduit que, n'ayant pas satisfait à son obligation de communication, la décision fixant le taux d'incapacité permanente de la victime était inopposable à l'employeur.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et la condamne à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Vaucluse
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, en date du 26 février 2015, et statuant à nouveau, a déclaré inopposable aux sociétés [4] et [3], la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse en date du 6 mai 2014 reconnaissant à M. [E] [G] un taux d'incapacité permanente partielle de 31 % à la date de consolidation du 6 janvier 2014, résultant de la maladie professionnelle du 8 juillet 2011 ;
AUX MOTIFS QU' « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que, dans les rapports l'opposant à l'employeur, la caisse primaire est tenue de rapporter la preuve du bien-fondé de ses décisions ;
Que l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale dispose ‘Dans les dix jours suivant la réception de la déclaration (du recours), le secrétariat du tribunal en adresse copie à la caisse intéressée et l'invite à présenter ses observations écrites, en trois exemplaires, dans un délai de dix jours. Dans ce même délai, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l'affaire et d en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné.'
Qu'en l'espèce, il résulte du dossier transmis à la Cour par le tribunal que la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse n'a, en première instance, produit que la copie de la déclaration de maladie professionnelle, sans aucun certificat médical ;
Que la caisse n'a donc pas satisfait à ses obligations résultant de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale ;
Qu'il convient en conséquence de déclarer la décision de la caisse inopposable à l'employeur ;
Qu'aucune régularisation ne saurait être autorisée en cause d'appel ;
Qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré. »
ALORS QUE l'obligation de transmission des documents médicaux mise à la charge de la caisse par l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale ne s'étend pas à la communication des documents couverts par le secret médical, laquelle ne peut être réalisée qu'avec l'accord de l'assuré ou suivant les modalités définies aux articles L. 143-10, R. 143-32 et R. 143-33 du même code ; qu'en l'espèce, en retenant, pour faire droit à la demande de l'employeur et de l'entreprise utilisatrice tendant à voir dire inopposable à leur égard la décision de la caisse reconnaissant à l'assuré un taux d'incapacité permanente partielle de 31 % à la date de consolidation du 6 janvier 2014, résultant de la maladie professionnelle du 8 juillet 2011, que la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse n'avait « produit que la copie de la déclaration de maladie professionnelle, sans aucun certificat médical » et n'aurait ainsi pas satisfait à ses obligations résultant de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, la cour nationale s'est méprise sur l'obligation mise à la charge de la CPAM et a ainsi violé l'article R. 143-8 dudit code.