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05/01/2022 | FRANCE | N°20-21928

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 janvier 2022, 20-21928


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2 F-D

Pourvoi n° Y 20-21.928

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JANVIER 2022

La sociétÃ

© Ferring, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-21.928 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 20...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2 F-D

Pourvoi n° Y 20-21.928

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JANVIER 2022

La société Ferring, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-21.928 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Panpharma, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Ferring, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Panpharma, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2020), la société Ferring commercialise, sous le nom de « Tractocile », un médicament dont le principe actif est l'atosiban et dont le générique est commercialisé par la société Sun Pharmaceuticals dans le cadre d'un marché public d'approvisionnement exclusif d'un certain nombre d'établissements hospitaliers, par l'intermédiaire du groupement d'achat UNIHA. En raison d'une rupture d'approvisionnement, ce groupement a conclu avec la société Ferring un marché de gré à gré. Ayant constaté que la société Panpharma fournissait à un certain nombre d'établissements hospitaliers un médicament ayant le même principe actif, cependant que son médicament, bien que disposant d'une autorisation de mise sur le marché, ne figurait pas encore sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques prévue à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, la société Ferring a assigné cette société en réparation de son préjudice, sur le fondement de la concurrence déloyale.

Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

2. La société Ferring fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°) qu'en application de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, l'achat de médicaments par les établissements de santé publics est limité aux produits, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché, inscrits sur la liste des spécialités agréées établie par arrêté ministériel ; qu'en conséquence, est illégale la vente par un laboratoire à une collectivité publique d'un médicament non agréé ; que la violation d'une réglementation en vigueur, en ce qu'elle crée une distorsion de concurrence et un avantage illicite par rapport à ceux qui exercent leur activité de façon régulière, est constitutive d'un acte de concurrence déloyale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé d'une part que la société Ferring justifiait de l'inscription d'un médicament ayant pour principe actif l'Atosiban sur la liste des produits agréés à l'usage des collectivités publiques et d'autre part que la société Panpharma avait fourni au CHU de Nantes un médicament reposant sur le même principe actif avant d'en avoir obtenu l'inscription sur la liste des produits agréés à l'usage des collectivités publiques ; que cette vente, contraire aux dispositions de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, constitue un acte de concurrence déloyal à l'égard de la société Ferring ; qu'en énonçant, pour décider le contraire, qu'il ne pouvait être utilement reproché à un fournisseur de produits pharmaceutiques (Panpharma) de ne pas avoir respecté une interdiction qui ne pesait pas sur lui mais seulement sur l'acheteur public de ces produits, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

2°) qu'en application de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, l'achat de médicaments par les établissements de santé publics est limité aux produits agréés par arrêté ministériel ; que l'article L. 5123-6 du même code prévoit une dérogation à l'exigence d'agrément en cas d'urgence ; qu'il résulte de l'application combinée de ces deux textes qu'est illégale, et, partant, susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale, la vente par un laboratoire à une collectivité publique d'un médicament non agréé si la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; qu'en l'espèce, pour écarter la qualification d'acte de concurrence déloyale à la vente sur ce marché par la société Panpharma de l'Atosiban n'ayant pas reçu l'agrément exigé, l'arrêt énonce que c'est à l'acheteur public qu'il revient d'apprécier la condition d'urgence ; qu'en décidant ainsi que la réalisation par un laboratoire d'une vente illicite ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

3°) que l'article L. 5123-6, 1°, du code de la santé publique prévoit, en cas d'urgence, une dérogation au principe de l'achat et de l'utilisation par les établissements de santé civils et militaires des seuls produits spécialisés agréés ; que cette disposition, dérogatoire aux règles applicables aux marchés publics et à la commercialisation des médicaments à l'usage des collectivités publiques, ne peut ne peut recevoir application qu'en cas de carence en approvisionnement en produits spécialisés agréés inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel tel qu'exigé par l'article L. 5123-2 du même code ; que la cour d'appel a retenu que le recours à l'urgence était en l'espèce justifié par deux courriers adressés à la société Panpharma par le groupement UNIHA successivement les 27 janvier et 12 février 2016, dont le premier était revêtu de la mention "URGENT", et aux termes desquels il était écrit : "Je vous serais reconnaissante de bien vouloir me communiquer les meilleurs prix fermes du 1er au 29 février 2016 [puis du 1er mars au 31 mai 2016] que vous pouvez consentir à UNIHA pour la fourniture des spécialités pharmaceutiques Atosiban [...]", l'acheteur public ayant même invité la société Panpharma à répondre à cette demande "par retour de fax" ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser l'urgence au sens de l'article L. 5123-6 du code de la santé publique et donc la carence de la société Ferring à approvisionner le groupement Uniha en produits spécialisés agréés pour la période litigieuse, seule raison susceptible de justifier le recours à l'urgence, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

4°) que la procédure d'urgence prévue par l'article L. 5123-6, 1°, du code de la santé publique, dérogatoire aux règles applicables aux marchés publics et à la commercialisation des médicaments à l'usage des collectivités publiques, ne peut être mise en oeuvre qu'en cas de carence en approvisionnement en produits spécialisés agréés inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel tel qu'exigé par l'article L. 5123-2 du même code ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi que l'y invitait pourtant la société Ferring, si cette dernière, qui avait d'ailleurs remis une offre de prix, n'était pas en mesure d'honorer les commandes passées par le CHU de Nantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

3. L'arrêt retient que la société Panpharma est fondée à se prévaloir de la procédure dérogatoire qui, par application de l'article L. 5123-6 du code de la santé publique, permet aux établissements de santé civils ou militaires de s'approvisionner en produits ne figurant pas sur la liste de l'article L. 5123-2 du même code "en cas d'urgence", notamment dans l'hypothèse d'une pénurie de produits agréés, et qu'il revient à l'acheteur public d'apprécier le caractère d'urgence, au sens du texte susvisé, lui permettant de déroger au principe d'un approvisionnement exclusif en médicaments agréés.

4. En l'état de ces énonciations, et abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, critiqués par la première branche, la cour d'appel, qui a, à bon droit, estimé que la réalisation de la condition de fourniture dérogatoire devait être appréciée par l'établissement utilisateur du médicament en cause, et a, dans le cadre de son appréciation souveraine des éléments de preuve versés aux débats, estimé que celle-ci était remplie, a, sans avoir à faire la recherche invoquée par la quatrième branche, légalement justifié sa décision.

5. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ferring aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ferring et la condamne à payer à la société Panpharma la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Ferring.

La société Ferring fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 18 septembre 2020 d'avoir jugé que la société Panpharma n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Ferring et débouté en conséquence cette dernière de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Panpharma ;

alors 1°/ qu'en application de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, l'achat de médicaments par les établissements de santé publics est limité aux produits, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché, inscrits sur la liste des spécialités agréées établie par arrêté ministériel ; qu'en conséquence, est illégale la vente par un laboratoire à une collectivité publique d'un médicament non agréé ; que la violation d'une règlementation en vigueur, en ce qu'elle crée une distorsion de concurrence et un avantage illicite par rapport à ceux qui exercent leur activité de façon régulière, est constitutive d'un acte de concurrence déloyale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé d'une part que la société Ferring justifiait de l'inscription d'un médicament ayant pour principe actif l'Atosiban sur la liste des produits agréés à l'usage des collectivités publiques et d'autre part que la société Panpharma avait fourni au CHU de Nantes un médicament reposant sur le même principe actif avant d'en avoir obtenu l'inscription sur la liste des produits agréés à l'usage des collectivités publiques ; que cette vente, contraire aux dispositions de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, constitue un acte de concurrence déloyal à l'égard de la société Ferring ; qu'en énonçant, pour décider le contraire, qu'il ne pouvait être utilement reproché à un fournisseur de produits pharmaceutiques (Panpharma) de ne pas avoir respecté une interdiction qui ne pesait pas sur lui mais seulement sur l'acheteur public de ces produits, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

alors 2°/ qu'en application de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, l'achat de médicaments par les établissements de santé publics est limité aux produits agréés par arrêté ministériel ; que l'article L. 5123-6 du même code prévoit une dérogation à l'exigence d'agrément en cas d'urgence ; qu'il résulte de l'application combinée de ces deux textes qu'est illégale, et, partant, susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale, la vente par un laboratoire à une collectivité publique d'un médicament non agréé si la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; qu'en l'espèce, pour écarter la qualification d'acte de concurrence déloyale à la vente sur ce marché par la société Panpharma de l'Atosiban n'ayant pas reçu l'agrément exigé, l'arrêt énonce que c'est à l'acheteur public qu'il revient d'apprécier la condition d'urgence ; qu'en décidant ainsi que la réalisation par un laboratoire d'une vente illicite ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

alors 3°/ que l'article L. 5123-6, 1°, du code de la santé publique prévoit, en cas d'urgence, une dérogation au principe de l'achat et de l'utilisation par les établissements de santé civils et militaires des seuls produits spécialisés agréés ; que cette disposition, dérogatoire aux règles applicables aux marchés publics et à la commercialisation des médicaments à l'usage des collectivités publiques, ne peut ne peut recevoir application qu'en cas de carence en approvisionnement en produits spécialisés agréés inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel tel qu'exigé par l'article L. 5123-2 du même code ; que la cour d'appel a retenu que le recours à l'urgence était en l'espèce justifié par deux courriers adressés à la société Panpharma par le groupement UNIHA successivement les 27 janvier et 12 février 2016, dont le premier était revêtu de la mention « URGENT », et aux termes desquels il était écrit : « Je vous serais reconnaissante de bien vouloir me communiquer les meilleurs prix fermes du 1er au 29 février 2016 [puis du 1er mars au 31 mai 2016] que vous pouvez consentir à UNIHA pour la fourniture des spécialités pharmaceutiques Atosiban [...] », l'acheteur public ayant même invité la société Panpharma à répondre à cette demande « par retour de fax » ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser l'urgence au sens de l'article L. 5123-6 du code de la santé publique et donc la carence de la société Ferring à approvisionner le groupement Unika en produits spécialisés agréés pour la période litigieuse, seule raison susceptible de justifier le recours à l'urgence, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

alors 4°/ que la procédure d'urgence prévue par l'article L. 5123-6, 1°, du code de la santé publique, dérogatoire aux règles applicables aux marchés publics et à la commercialisation des médicaments à l'usage des collectivités publiques, ne peut être mise en oeuvre qu'en cas de carence en approvisionnement en produits spécialisés agréés inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel tel qu'exigé par l'article L. 5123-2 du même code ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi que l'y invitait pourtant la société Ferring, si cette dernière, qui avait d'ailleurs remis une offre de prix, n'était pas en mesure d'honorer les commandes passées par le CHU de Nantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-21928
Date de la décision : 05/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 jan. 2022, pourvoi n°20-21928


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21928
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