LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 janvier 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 2 FS-B
Pourvoi n° N 20-20.331
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2022
1°/ M. [J] [O], domicilié [Adresse 1],
2°/ la société BPCE assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° N 20-20.331 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Matmut, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [O] et de la société BPCE assurances, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Matmut, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 29 juin 2020), le 2 juillet 2014, alors que M. [K] procédait bénévolement à des travaux sur la toiture de la maison de M. [O], un incendie s'est déclaré.
2. Après avoir indemnisé M. [O], son assuré, la société BPCE assurances (la BPCE), soutenant que l'incendie avait été causé par une imprudence de M. [K] lors de l'utilisation d'une lampe à souder, a assigné en remboursement l'assureur de celui-ci, la société Matmut. M. [O] est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité des dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La BPCE et M. [O] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que la partie à une convention d'assistance bénévole engage sa responsabilité par sa faute d'imprudence ; qu'en écartant la responsabilité de M. [K] dans l'incendie causé par son utilisation de la lampe à souder au motif que la conclusion d'une convention d'assistance bénévole exclurait que sa responsabilité puisse être retenue en présence d'une simple imprudence, quand toute faute, même d'imprudence, dans l'exécution de la convention d'assistance était susceptible d'engager la responsabilité de M. [K] bien qu'il ait agi à titre bénévole, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. En présence d'une convention d'assistance bénévole, toute faute de l'assistant, fût-elle d'imprudence, ayant causé un dommage à l'assisté est susceptible d'engager la responsabilité de l'assistant.
5. Pour rejeter les demandes de M. [O] et de son assureur, après avoir relevé que l'utilisation de la lampe à souder avait causé l'incendie, l'arrêt retient que la responsabilité de M. [K] s'apprécie au regard de la commune intention des parties qui exclut qu'en présence d'une convention d'assistance bénévole, l'assistant réponde des conséquences d'une simple imprudence ayant causé des dommages aux biens de l'assisté qui était tenu de garantir sa propre sécurité, celle de ses biens et celle de la personne à laquelle il a fait appel.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Matmut aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [O] et la société BPCE assurances
La société BPCE Assurances et M. [O] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté leurs demandes tendant à ce que la Matmut soit condamnée à verser à la société BPCE Assurances la somme de 128 857,54 € en remboursement des indemnités versées à M. [O] et à ce qu'elle soit condamnée à verser à ce dernier les sommes de 6 596 € et de 5 000 € en indemnisation de ses préjudices matériel et moral ;
1°) ALORS QUE la partie à une convention d'assistance bénévole engage sa responsabilité par sa faute d'imprudence ; qu'en écartant la responsabilité de M. [K] dans l'incendie causé par son utilisation de la lampe à souder au motif que la conclusion d'une convention d'assistance bénévole exclurait que sa responsabilité puisse être retenue en présence d'une simple d'imprudence (arrêt, p. 5, al. 2), quand toute faute, même d'imprudence, dans l'exécution de la convention d'assistance était susceptible d'engager la responsabilité de M. [K] bien qu'il ait agi à titre bénévole, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse commet une faute la partie à une convention d'assistance bénévole ayant pour objet l'exécution d'une prestation matérielle qui méconnaît les règles de l'art ; qu'en écartant toute faute de M. [K], sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 9), si ce dernier n'avait pas manqué aux règles de l'art en s'abstenant de protéger le périmètre de son intervention d'un départ de feu avant d'utiliser la lampe à souder, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse celui qui effectue bénévolement une prestation matérielle sans aucune intervention de celui pour le compte duquel elle est effectuée est tenu d'une obligation de sécurité de résultat ; qu'en écartant l'existence d'une faute de M. [K] au motif qu'il avait agi bénévolement (arrêt, p. 5, al. 2), quand elle constatait que l'incendie avait pour origine son utilisation de la lampe à souder, à l'exclusion de toute autre cause (arrêt, p. 5, al. 1er), ce dont il résultait que l'incendie était la conséquence d'un manquement de M. [K] à son obligation de sécurité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1147 et 1315 du code civil, devenus 1231-1 et 1353 du même code.