LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 décembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 808 F-D
Pourvoi n° X 21-18.941
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [H].
Admission au bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 juin 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021
M. [N] [H], domicilié chez Mme [O] [G] [E], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-18.941 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2021 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant au conseil départemental du Puy de Dôme, service de l'aide sociale à l'enfance (ASE), dont le siège est [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [H], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte Desbois et Sebagh, avocat du conseil départemental du Puy de Dôme, service de l'ASE, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 28 avril 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 20-15.389), le 26 juin 2018, [N] [H], ressortissant malien, se disant né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 3] (Mali), a saisi le juge des enfants pour être confié à l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. [N] [H] fait grief à l'arrêt de donner mainlevée de son placement à l'aide sociale à l'enfance et de dire n'y avoir plus lieu à intervention au titre de l'assistance éducative, alors « que les décisions de justice étrangères portant sur l'état des personnes ont de plein droit autorité de la chose jugée sur le territoire de l'Etat dans lequel elles sont invoquées dès lors qu'elles respectent les conditions de régularité internationale qui, en l'absence de convention internationale, tiennent à la compétence internationale indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, à sa conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ainsi qu'à l'absence de fraude ; qu'un jugement supplétif d'acte de naissance est une décision de justice étrangère qui produit, sous réserve de sa régularité internationale, tous ses effets dans l'ordre juridique au sein duquel il est invoqué ; qu'en l'espèce, M. [H] produisait un jugement supplétif d'acte de naissance n° 2625 rendu le 17 avril 2018 par le tribunal civil de la Commune II du district de [Localité 3], établissant qu'il était né le [Date naissance 1] 2004 et sur la base duquel ont été établis deux actes de naissance maliens également soumis à la cour ; que pour écarter ce jugement étranger, la cour d'appel de Riom, après avoir rappelé que la Police aux frontières avait émis un avis défavorable sur ce document, le qualifiant « d'irrégulier », s'est bornée à relever que « les différentes irrégularités et incohérences cumulées affectant les trois documents qui sont interdépendants les uns des autres puisqu'il s'agit d'un acte de naissance et d'un extrait de ce même acte, établis sur la base d'un jugement supplétif, en altèrent sérieusement le caractère probant, de sorte que ces actes ne peuvent faire foi en application de l'article 47 du code civil » ; qu'en appréciant l'effet du jugement supplétif malien d'acte de naissance à l'aune de l'article 47 du code civil, cependant qu'il convenait d'opérer une telle appréciation à l'aune des règles entourant l'efficacité des jugements étrangers en France, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 47 du code civil ensemble, et par refus d'application l'article 509 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. En relevant que le jugement supplétif présentait des irrégularités et incohérences tenant à l'usage d'un papier ordinaire non sécurisé, ainsi qu'à la mention du nom de deux communes différentes, la cour d'appel a fait ressortir que cette décision ne remplissait pas les conditions de régularité internationale requises pour sa reconnaissance en France.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. [N] [H] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la preuve de la minorité peut être rapportée, par le demandeur à une mesure de protection de l'enfance, par tous moyens ; que pour dénier toute force probante à la carte d'identité consulaire produite par M. [N] [H], indiquant qu'il était né le [Date naissance 1] 2004 et dont l'authenticité n'était pas discutée, la cour d'appel s'est bornée à relever que « la carte d'identité consulaire obtenue par M. [H] le 9 août 2019 ne constitue pas un acte d'état civil au sens de l'article précité et ne fait pas foi de la date de naissance qui y est portée » ; qu'en écartant ainsi, sans même l'examiner, la carte consulaire produite par l'exposant pour établir sa minorité, motifs pris que cet élément de preuve ne constituait pas un acte d'état civil, la cour d'appel a violé l'article 375 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Ayant écarté le caractère le probant de l'ensemble des documents d'état civil produits, c'est dans l'exercice de son pourvoi souverain que la cour d'appel a estimé que la carte consulaire, dont la délivrance reposait nécessairement sur les documents d'état civil qu'elle avait préalablement examinés, ne pouvait faire foi de la date de naissance qui y était portée.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [H]
M. [N] [H] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 4 avril 2019 par le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ayant ordonné la mainlevée de la mesure le confiant à l'aide sociale à l'enfance du Puy-de-Dôme et dit n'y avoir plus lieu à intervention au titre de l'assistance éducative à son égard.
1°/ ALORS QUE les décisions de justice étrangères portant sur l'état des personnes ont de plein droit autorité de la chose jugée sur le territoire de l'Etat dans lequel elles sont invoquées dès lors qu'elles respectent les conditions de régularité internationale qui, en l'absence de convention internationale, tiennent à la compétence internationale indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, à sa conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ainsi qu'à l'absence de fraude ; qu'un jugement supplétif d'acte de naissance est une décision de justice étrangère qui produit, sous réserve de sa régularité internationale, tous ses effets dans l'ordre juridique au sein duquel il est invoqué ; qu'en l'espèce, M. [H] produisait un jugement supplétif d'acte de naissance n° 2625 rendu le 17 avril 2018 par le tribunal civil de la Commune II du district de [Localité 3] (v.production n° 7), établissant qu'il était né le [Date naissance 1] 2004 et sur la base duquel ont été établis deux actes de naissance maliens également soumis à la Cour ; que pour écarter ce jugement étranger, la Cour d'appel de Riom, après avoir rappelé que la Police aux frontières avait émis un avis défavorable sur ce document, le qualifiant « d'irrégulier » (v. arrêt attaqué, p. 3), s'est bornée à relever que « les différentes irrégularités et incohérences cumulées affectant les trois documents qui sont interdépendants les uns des autres puisqu'il s'agit d'un acte de naissance et d'un extrait de ce même acte, établis sur la base d'un jugement supplétif, en altèrent sérieusement le caractère probant, de sorte que ces actes ne peuvent faire foi en application de l'article 47 du code civil » (v. arrêt attaqué, p. 4) ; qu'en appréciant l'effet du jugement supplétif malien d'acte de naissance à l'aune de l'article 47 du code civil, cependant qu'il convenait d'opérer une telle appréciation à l'aune des règles entourant l'efficacité des jugements étrangers en France, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 47 du code civil ensemble, et par refus d'application l'article 509 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la preuve de la minorité peut être rapportée, par le demandeur à une mesure de protection de l'enfance, par tous moyens ; que pour dénier toute force probante à la carte d'identité consulaire produite par M. [N] [H], indiquant qu'il était né le [Date naissance 1] 2004 et dont l'authenticité n'était pas discutée, la Cour d'appel s'est bornée à relever que « la carte d'identité consulaire obtenue par M. [H] le 9 août 2019 ne constitue pas un acte d'état civil au sens de l'article précité et ne fait pas foi de la date de naissance qui y est portée » (v. arrêt attaqué, p. 5) ; qu'en écartant ainsi, sans même l'examiner, la carte consulaire produite par l'exposant pour établir sa minorité (v. production n° 8), motifs pris que cet élément de preuve ne constituait pas un acte d'état civil, la Cour d'appel a violé l'article 375 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE, en tout état de cause, lorsque les documents produits ne permettent pas d'établir la minorité, les juges doivent rechercher si la minorité alléguée est vraisemblable ; que lorsque, après la réalisation d'examens radiologiques osseux, un doute persiste quant à l'âge exact de la personne examinée, ce doute doit lui profiter ; que pour juger que la minorité de l'exposant n'était pas établie, la Cour d'appel, après avoir constaté que « la fiabilité [des examens radiologiques osseux] n'est pas suffisante pour déterminer précisément l'âge civil de l'intéressé » (v. arrêt, p. 5), s'est contentée de renvoyer au rapport d'évaluation rédigé le 22 février 2018 par les services de l'aide sociale à l'enfance (v. production n° 6) qui se bornait, pour conclure que l'âge allégué n'était pas vraisemblable, à se référer à « l'apparence physique », au « comportement du jeune et [à] la maturité dont il faisait preuve » (v. arrêt, p. 5) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à déterminer si la minorité alléguée était vraisemblable et, plus loin, à écarter tout doute quant à la minorité de l'exposant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 375 et 388 du code civil.
Le greffier de chambre