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16/12/2021 | FRANCE | N°20-17326

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 décembre 2021, 20-17326


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1274 F-D

Pourvoi n° W 20-17.326

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

La société SCI des Scourtils, société civile immobiliÃ

¨re, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-17.326 contre l'ordonnance n° RG : 19/03835 rendue le 12 mai 2020 par le premier prési...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1274 F-D

Pourvoi n° W 20-17.326

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

La société SCI des Scourtils, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-17.326 contre l'ordonnance n° RG : 19/03835 rendue le 12 mai 2020 par le premier président de la cour d'appel d'Amiens, dans le litige l'opposant à Mme [K] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société SCI des Scourtils, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance rendue par le premier président d'une cour d'appel (Amiens, 12 mai 2020), la société SCI des Scourtils (la société) a sollicité Mme [U], avocat au barreau de Beauvais, pour mener à terme la vente immobilière de son immeuble. La société et Mme [U] ont signé une convention d'honoraires, laquelle prévoyait un honoraire complémentaire de résultat.

2. Mme [U] a adressé à la société une facture d'honoraire de résultat d'un certain montant, correspondant à 10 % du prix de cession de l'immeuble. En l'absence d'accord entre les parties sur le montant de l'honoraire, Mme [U] a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de son honoraire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme de 115 000 euros HT, soit 138 000 euros TTC, l'honoraire de résultat dû et, au besoin, de la condamner à payer la somme de 138 000 euros TTC ainsi que celle de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, alors :

« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il ne peut ainsi s'extraire des stipulations claires et précises d'un contrat au prétexte qu'elles lui paraissent contraires à la raison et ne pas correspondre à la volonté des parties ; qu'en retenant, après avoir énoncé que les stipulations de l'article 2.6 de la convention d'honoraires du 9 mai 2017 conclue entre la SCI des Scourtils et Me [U], relatives à l'honoraire de résultat, étaient dépourvues de toute équivoque et ne concernaient que les seules sommes à caractère indemnitaire allouées par le juge dans le cadre d'un procès à la suite d'une instance introduite en demande par le client par l'intermédiaire de son conseil, que les parties avaient nécessairement entendu étendre au prix de la vente immobilière non contentieuse le principe et les modalités de l'honoraire de résultat visé à l'article 2.6 en cas d'action contentieuse et que toute autre interprétation serait contraire à la raison, le premier président a dénaturé l'article 2.6 de la convention d'honoraires du 9 mai 2017, en violation du principe susvisé ;

2°/ que le juge ne peut statuer en équité ; qu'en retenant, après avoir énoncé que les stipulations de l'article 2.6 de la convention d'honoraires du 9 mai 2017 conclue entre la SCI des Scourtils et Me [U], relatives à l'honoraire de résultat, étaient dépourvues de toute équivoque et ne concernaient que les seules sommes à caractère indemnitaire allouées par le juge dans le cadre d'un procès à la suite d'une instance introduite en demande par le client par l'intermédiaire de son conseil, que les parties avaient nécessairement entendu étendre au prix de la vente immobilière non contentieuse le principe et les modalités de l'honoraire de résultat visé à l'article 2.6 en cas d'action contentieuse et que toute autre interprétation serait contraire à la raison, le premier président, qui a statué en équité, a violé l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. C'est sans statuer en équité et par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de l'acte rendait nécessaire, que le premier président a retenu que les parties avaient nécessairement entendu étendre au produit de la vente immobilière non contentieuse mentionnée à l'article 1.1, objet unique du mandat confié à l'avocat, le principe et les modalités de l'honoraire de résultat visé à l'article 2.6 du même contrat.

5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La société fait le même grief à l'ordonnance attaquée, alors « qu'une simple offre de règlement ne vaut pas reconnaissance de dette certaine et non équivoque ; qu'en se bornant à retenir, pour accorder un honoraire de résultat à Me [U], que la SCI des Scourtils avait fait une offre par courriel du 25 septembre 2018 de versement d'un honoraire de résultat de 57 500 euros, et avait ainsi reconnue être débitrice d'un honoraire de résultat, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1376 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. C'est sans encourir le grief du moyen que le premier président a retenu qu'il résultait de l'offre, faite par la société, de versement d'un honoraire de résultat de 57 500 euros, l'existence d'une convention sur le principe d'un tel honoraire de résultat, nonobstant un désaccord sur son montant.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société fait le même grief à l'ordonnance attaquée, alors « que l'honoraire complémentaire de résultat convenu peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu ; qu'en l'espèce, la SCI des Scourtils soutenait que l'honoraire de résultat de Me [U] était exagéré et sollicitait sa réduction ; qu'en retenant que la convention d'honoraires du 9 mai 2017 imposait contractuellement de fixer l'honoraire de résultat dû par la SCI des Scourtils à Me [U] à la somme de 115 000 euros HT, soit 138 000 euros TTC, sans rechercher, comme il y était invité, si cet honoraire ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10, alinéa 5, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. »

Réponse de la Cour

10. Vu l'article 10, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 :

11. Il résulte de ce texte que l'honoraire complémentaire de résultat peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu.

12. Pour fixer les honoraires dont la société était redevable à l'égard de Mme [U], l'ordonnance énonce qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est du reste pas contesté par la société elle-même, que celle-ci avait fait, au courant du mois de septembre 2018, une offre par courriel de versement d'un honoraire de résultat de 57 500 euros, reconnaissant ainsi, d'une part, être bien débitrice, en vertu du contrat, d'un honoraire de résultat, et, d'autre part, être débitrice d'un honoraire de résultat d'un montant de loin supérieur aux seuls 10 % de la plus-value.

13. L'ordonnance ajoute que c'est par une inexacte application des stipulations de la convention d'honoraires, que la bâtonnière de l'ordre des avocats a réduit à hauteur de 57 500 euros TTC les honoraires de Mme [U], alors que la convention d'honoraires imposait contractuellement de fixer l'honoraire de résultat de Mme [U] à la somme de 115 000 euros HT, soit 138 000 euros TTC, après application du taux de 10 % du prix de cession du bien.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si l'honoraire de résultat convenu présentait un caractère exagéré au regard du service rendu, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 12 mai 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Douai ;

Condamne Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] et la condamne à payer à la société SCI des Scourtils la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société SCI des Scourtils

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé et taxé à la somme de 115 000 euros HT soit 138 0000 euros TTC (cent trente-huit mille euros toutes taxes comprises) l'honoraire de résultat dû par la SCI des Scourtils à Me [K] [U] et au besoin condamné la SCI des Scourtils à payer la somme de 138 000 euros TTC à Me [K] [U], d'avoir condamné la SCI des Scourtils à payer à Me [K] [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir condamné la SCI des Scourtils aux dépens de l'instance ;

Aux motifs qu'il ressort des pièces du dossiers que, le 9 mai 2017, maître [K] [U], avocat au barreau de Beauvais, et la SCI des Scourtils représentée par son gérant en exercice, monsieur [T] [I] ont conclu en deux exemplaires une « convention d'honoraires » dûment paraphée, signée, datée et établie en deux exemplaires ; qu'aux termes des stipulations de cette convention : « 1.1 Monsieur [I] confie à Maître [K] [U], avocat au Barreau de Beauvais, la défense de ses intérêts dans le cadre de la cession du local appartenant à la SCI des Scourtils, situé [Adresse 2]. 1.2 L'intervention de Maître [K] [U] sera limitée au conseil, à l'assistance et la représentation de Monsieur [I], ès-qualités de gérant de la SCI des Scourtils dans la procédure précitée. 1.3 Maître [K] [U] s'engage à procéder à toutes les diligences, à mettre en oeuvre tous les moyens de droit et de procédure pour assurer à son client les meilleures chances de succès dans la procédure. 1.4 Le client et l'avocat s'informeront mutuellement des faits et circonstances relatifs au litige et à l'évolution de la procédure, et se communiqueront pièces, documents et correspondances nécessaires à cette information. 1.5 L'avocat accomplira tout acte de procédure qu'il estimera justifiés par l'intérêt de son client auquel il soumettra ses mémoires et actes préparés par lui dans la mesure où cela sera possible, étant rappelé que sauf avis contraire, ces derniers seront réputés approuvés par le client » ; qu'il est constant et (non) contesté que la procédure de vente d'immeuble objet de la présente convention est parvenue à son terme, la vente s'étant conclue et réalisée entre la SCI des Scourtils, vendeur, et l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (Epif) au prix de 1 150 000 euros ; que maître [U] a réclamé à la SCI des Scourtils la somme de 115 000 euros HT au titre de ses honoraires, soit 10 % du prix de cession, maître [U] se fondant sur les stipulations de l'article 2.6 de la convention aux termes desquels « 2.6 Honoraires de résultat – Action en demande. En fonction du résultat obtenu, Maître [K] [U] se réserve la faculté de solliciter un honoraire complémentaire dit ‘de résultat' en fonction du gain pécuniaire obtenu, fixé dans les conditions suivantes : Le gain pécuniaire obtenu est constitué par les sommes allouées au client, autres que celles perçues au titre de l'article 700 du cpc en remboursement des frais de procédure, qui ont un caractère indemnitaire (ex. : prestation compensatoire, dommages-intérêts? etc.). Il s'appliquera aussi bien sur les montants attribués en numéraires que sur ceux prenant la forme d'une attribution de droit, abandon de soulte, usufruit? c'est-à-dire sur les avantages procurés. Les honoraires de résultat seront réglés à Maître [K] [U] lors de la perception effective par le client des sommes mises à la charge de la partie adverse. En cas d'échelonnement du paiement, il sera calculé sur la totalité du capital et réglé à compter du versement de la première échéance. Ce paiement pourra être effectué par prélèvement des sommes déposées à ce titre sur le compte Carpa de l'avocat, ce que le client autorise d'ores et déjà par les présentes. Dans l'hypothèse où la décision attribuant les sommes servant de base à l'attribution des honoraires de résultat serait frappée d'appel mais auraient été exécutée, le montant des honoraires de l'avocat restera déposé sur le compte Carpa jusqu'à l'intervention d'une décision définitive. » ; que la SCI des Scourtils contestant cette demande a demandé à la bâtonnière de l'ordre des avocats du barreau de Beauvais de taxer ses honoraires, taxation effectuée par ordonnance du 30 avril 2019 à hauteur de 57 500 euros TTC ; que maître [U] poursuit l'infirmation de cette ordonnance, maintenant sa demande à hauteur de 138 000 euros TTC, la SCI des Scourtils demandant que lui soient déclarées inopposables les stipulations de la convention d'honoraires relatives à l'honoraire de résultat, la SCI faisant valoir qu'aucune instance contentieuse n'a eu lieu, de sorte que ces stipulations applicables uniquement aux instances contentieuses, sont inapplicables ; qu'il est vrai que les stipulations de l'article 2.6 de la convention d'honoraires sont relatives aux « action(s) en demande », mentionnant les sommes « allouées au client autres que celles perçues au titre de l'article 700 du cpc en remboursement des frais de procédure », et ne visent que les seules sommes « qui ont un caractère indemnitaire (ex. prestation compensatoire, dommages-intérêts? etc.) ; qu'il en résulte que les stipulations précitées de l'article 2.6 relatives à l'honoraire de résultat, dépourvues de toute équivoque, ne concernent que les seules sommes à caractère indemnitaire allouées par le juge dans le cadre d'un procès à la suite d'une instance introduite en demande par le client par l'intermédiaire de son conseil ; mais que, en premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1188 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige : « Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. » ; qu'aux termes de la convention d'honoraires, ainsi qu'il a été ci-avant rappelé : « Monsieur [I] confie à Maître [K] [U] [?] la défense de ses intérêts dans le cadre de la cession du local appartenant à la SCI des Scourtils [?]L'intervention de Maître [K] [U] sera limitée au conseil, à l'assistance et la représentation de Monsieur [I], ès-qualités de gérant de la SCI des Scourtils dans la procédure précitée [?] Maître [K] [U] s'engage à procéder à toutes les diligences, à mettre en oeuvre tous les moyens de droit et de procédure pour assurer à son client les meilleures chances de succès dans la procédure [?] ; que la convention avait ainsi pour unique objet l'assistance par maître [U] de la SCI dans le cadre de la vente amiable d'un bien immobilier, et ce, hors de toute action contentieuse ; qu'en prévoyant expressément au contrat, en cas de succès de l'opération, à l'article 2.6 de la convention, le principe et les modalités d'un honoraire de résultat, certes littéralement applicables aux sommes obtenues à l'issue d'un procès, les parties ont nécessairement entendu d'un commun accord étendre au produit de la vente immobilière non contentieuse mentionnée à l'article 1.1, objet unique du contrat, le principe et les modalités de l'honoraire de résultat visé à l'article 26 du même contrat en cas d'action contentieuse ; qu'en second lieu, aux termes des dispositions de l'article 1104 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige : « Les contrats doivent être [?] exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public. » ; qu'en soutenant, ce que la raison contredit, que l'honoraire de résultat ne s'appliquerait, dans le cadre d'un contrat ayant pour unique objet la vente amiable d'un bien immobilier, qu'aux sommes obtenues à l'issue d'un procès qui n'a jamais été envisagé, la SCI des Scourtils méconnaît également les dispositions précitées ; qu'elle les méconnaît davantage encore en soutenant, ainsi qu'elle l'a fait à l'audience, que la commission de 10 % visée à l'article 2.6 de la convention d'honoraires s'appliquerait non sur le prix de cession (1 150 000 euros), mais sur la plus-value réalisée par la SCI à la suite de la vente, soit sur la seule somme de 215 000 euros ; que maître [U] fait pertinemment observer que, à l'instar de la commission perçue par un agent immobilier à l'occasion d'une transaction immobilière, une telle commission s'applique en % sur le prix de cession du bien, et non sur la plus-value réalisée par le vendeur une fois toutes ses charges déduites ; que, lors de la signature de la convention, le gérant de la SCI des Scourtils n'a dès lors pu imaginer que le calcul de cette commission s'effectuerait selon les modalités qu'il expose aujourd'hui devant le juge ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est du reste pas contesté par la SCI des Scourtils elle-même, que celle-ci avait fait, au courant du mois de septembre 2018, une offre par courriel de versement d'un honoraire de résultat de 57 500 euros, reconnaissant ainsi, d'une part être bien débitrice, en vertu du contrat, d'un honoraire de résultat, et, d'autre part, être débitrice d'un honoraire de résultat d'un montant de loin supérieur aux seuls 10 % de la plus-value (10 % de 215 000 = 21 500 euros), et même aux seuls 20 000 euros proposés aujourd'hui à titre subsidiaire ; qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est par une inexacte application des stipulations précitées de la convention d'honoraires du 9 mai 2017 et des dispositions précitées des articles 1104 et 1188 du code civil, que la bâtonnière de l'ordre des avocats du barreau de Beauvais (néanmoins après avoir pertinemment relevé que maître [U] avait dûment satisfait à toutes ses obligations contractuelles et fourni avec succès la prestation attendue), a réduit à hauteur de 57 500 euros TTC les honoraires de maître [U], alors que la convention d'honoraires susvisée imposait contractuellement de fixer l'honoraire de résultat de maître [U] à la somme de 115 000 euros HT, soit 138 000 euros TTC, après application du taux de 10 % du prix de cession du bien ; qu'il sera fait une équitable appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la SCI des Scourtils à payer à maître [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; et qu'il y a lieu de condamner la SCI des Scourtils, partie succombante, en application de l'article 696 du code de procédure civile, aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

1°) Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il ne peut ainsi s'extraire des stipulations claires et précises d'un contrat au prétexte qu'elles lui paraissent contraires à la raison et ne pas correspondre à la volonté des parties ; qu'en retenant, après avoir énoncé que les stipulations de l'article 2.6 de la convention d'honoraires du 9 mai 2017 conclue entre la SCI des Scourtils et Me [U], relatives à l'honoraire de résultat, étaient dépourvues de toute équivoque et ne concernaient que les seules sommes à caractère indemnitaire allouées par le juge dans le cadre d'un procès à la suite d'une instance introduite en demande par le client par l'intermédiaire de son conseil, que les parties avaient nécessairement entendu étendre au prix de la vente immobilière non contentieuse le principe et les modalités de l'honoraire de résultat visé à l'article 2.6 en cas d'action contentieuse et que toute autre interprétation serait contraire à la raison, le premier président a dénaturé l'article 2.6 de la convention d'honoraires du 9 mai 2017, en violation du principe susvisé ;

2°) Alors à tout le moins que le juge ne peut statuer en équité ; qu'en retenant, après avoir énoncé que les stipulations de l'article 2.6 de la convention d'honoraires du 9 mai 2017 conclue entre la SCI des Scourtils et Me [U], relatives à l'honoraire de résultat, étaient dépourvues de toute équivoque et ne concernaient que les seules sommes à caractère indemnitaire allouées par le juge dans le cadre d'un procès à la suite d'une instance introduite en demande par le client par l'intermédiaire de son conseil, que les parties avaient nécessairement entendu étendre au prix de la vente immobilière non contentieuse le principe et les modalités de l'honoraire de résultat visé à l'article 2.6 en cas d'action contentieuse et que toute autre interprétation serait contraire à la raison, le premier président, qui a statué en équité, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3°) Alors qu'une simple offre de règlement ne vaut pas reconnaissance de dette certaine et non équivoque ; qu'en se bornant à retenir, pour accorder un honoraire de résultat à Me [U], que la SCI des Scourtils avait fait une offre par courriel du 25 septembre 2018 de versement d'un honoraire de résultat de 57 500 euros, et avait ainsi reconnue être débitrice d'un honoraire de résultat, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1376 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé et taxé à la somme de 115 000 euros HT soit 138 000 euros TTC (cent trente-huit mille euros toutes taxes comprises) l'honoraire de résultat dû par la SCI des Scourtils à Me [K] [U] et au besoin condamné la SCI des Scourtils à payer la somme de 138 000 euros TTC à Me [K] [U], d'avoir condamné la SCI des Scourtils à payer à Me [K] [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir condamné la SCI des Scourtils aux dépens de l'instance ;

Aux motifs qu'il ressort des pièces du dossiers que, le 9 mai 2017, maître [K] [U], avocat au barreau de Beauvais, et la SCI des Scourtils représentée par son gérant en exercice, monsieur [T] [I] ont conclu en deux exemplaires une « convention d'honoraires » dûment paraphée, signée, datée et établie en deux exemplaires ; qu'aux termes des stipulations de cette convention : « 1.1 Monsieur [I] confie à Maître [K] [U], avocat au Barreau de Beauvais, la défense de ses intérêts dans le cadre de la cession du local appartenant à la SCI des Scourtils, situé [Adresse 2]. 1.2 L'intervention de Maître [K] [U] sera limitée au conseil, à l'assistance et la représentation de Monsieur [I], ès-qualités de gérant de la SCI des Scourtils dans la procédure précitée. 1.3 Maître [K] [U] s'engage à procéder à toutes les diligences, à mettre en oeuvre tous les moyens de droit et de procédure pour assurer à son client les meilleures chances de succès dans la procédure. 1.4 Le client et l'avocat s'informeront mutuellement des faits et circonstances relatifs au litige et à l'évolution de la procédure, et se communiqueront pièces, documents et correspondances nécessaires à cette information. 1.5 L'avocat accomplira tout acte de procédure qu'il estimera justifiés par l'intérêt de son client auquel il soumettra ses mémoires et actes préparés par lui dans la mesure où cela sera possible, étant rappelé que sauf avis contraire, ces derniers seront réputés approuvés par le client » ; qu'il est constant et (non) contesté que la procédure de vente d'immeuble objet de la présente convention est parvenue à son terme, la vente s'étant conclue et réalisée entre la SCI des Scourtils, vendeur, et l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (Epif) au prix de 1 150 000 euros ; que maître [U] a réclamé à la SCI des Scourtils la somme de 115 000 euros HT au titre de ses honoraires, soit 10 % du prix de cession, maître [U] se fondant sur les stipulations de l'article 2.6 de la convention aux termes desquels « 2.6 Honoraires de résultat – Action en demande. En fonction du résultat obtenu, Maître [K] [U] se réserve la faculté de solliciter un honoraire complémentaire dit ‘de résultat' en fonction du gain pécuniaire obtenu, fixé dans les conditions suivantes : Le gain pécuniaire obtenu est constitué par les sommes allouées au client, autres que celles perçues au titre de l'article 700 du cpc en remboursement des frais de procédure, qui ont un caractère indemnitaire (ex. : prestation compensatoire, dommages-intérêts? etc.). Il s'appliquera aussi bien sur les montants attribués en numéraires que sur ceux prenant la forme d'une attribution de droit, abandon de soulte, usufruit? c'est-à-dire sur les avantages procurés. Les honoraires de résultat seront réglés à Maître [K] [U] lors de la perception effective par le client des sommes mises à la charge de la partie adverse. En cas d'échelonnement du paiement, il sera calculé sur la totalité du capital et réglé à compter du versement de la première échéance. Ce paiement pourra être effectué par prélèvement des sommes déposées à ce titre sur le compte Carpa de l'avocat, ce que le client autorise d'ores et déjà par les présentes. Dans l'hypothèse où la décision attribuant les sommes servant de base à l'attribution des honoraires de résultat serait frappée d'appel mais auraient été exécutée, le montant des honoraires de l'avocat restera déposé sur le compte Carpa jusqu'à l'intervention d'une décision définitive. » ; que la SCI des Scourtils contestant cette demande a demandé à la bâtonnière de l'ordre des avocats du barreau de Beauvais de taxer ses honoraires, taxation effectuée par ordonnance du 30 avril 2019 à hauteur de 57 500 euros TTC ; que maître [U] poursuit l'infirmation de cette ordonnance, maintenant sa demande à hauteur de 138 000 euros TTC, la SCI des Scourtils demandant que lui soient déclarées inopposables les stipulations de la convention d'honoraires relatives à l'honoraire de résultat, la SCI faisant valoir qu'aucune instance contentieuse n'a eu lieu, de sorte que ces stipulations applicables uniquement aux instances contentieuses, sont inapplicables ; qu'il est vrai que les stipulations de l'article 2.6 de la convention d'honoraires sont relatives aux « action(s) en demande », mentionnant les sommes « allouées au client autres que celles perçues au titre de l'article 700 du cpc en remboursement des frais de procédure », et ne visent que les seules sommes « qui ont un caractère indemnitaire (ex. prestation compensatoire, dommages-intérêts? etc.) ; qu'il en résulte que les stipulations précitées de l'article 2.6 relatives à l'honoraire de résultat, dépourvues de toute équivoque, ne concernent que les seules sommes à caractère indemnitaire allouées par le juge dans le cadre d'un procès à la suite d'une instance introduite en demande par le client par l'intermédiaire de son conseil ; mais que, en premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1188 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige : « Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. » ; qu'aux termes de la convention d'honoraires, ainsi qu'il a été ci-avant rappelé : « Monsieur [I] confie à Maître [K] [U] [?] la défense de ses intérêts dans le cadre de la cession du local appartenant à la SCI des Scourtils [?]L'intervention de Maître [K] [U] sera limitée au conseil, à l'assistance et la représentation de Monsieur [I], ès-qualités de gérant de la SCI des Scourtils dans la procédure précitée [?] Maître [K] [U] s'engage à procéder à toutes les diligences, à mettre en oeuvre tous les moyens de droit et de procédure pour assurer à son client les meilleures chances de succès dans la procédure [?] ; que la convention avait ainsi pour unique objet l'assistance par maître [U] de la SCI dans le cadre de la vente amiable d'un bien immobilier, et ce, hors de toute action contentieuse ; qu'en prévoyant expressément au contrat, en cas de succès de l'opération, à l'article 2.6 de la convention, le principe et les modalités d'un honoraire de résultat, certes littéralement applicables aux sommes obtenues à l'issue d'un procès, les parties ont nécessairement entendu d'un commun accord étendre au produit de la vente immobilière non contentieuse mentionnée à l'article 1.1, objet unique du contrat, le principe et les modalités de l'honoraire de résultat visé à l'article 26 du même contrat en cas d'action contentieuse ; qu'en second lieu, aux termes des dispositions de l'article 1104 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige : « Les contrats doivent être [?] exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public. » ; qu'en soutenant, ce que la raison contredit, que l'honoraire de résultat ne s'appliquerait, dans le cadre d'un contrat ayant pour unique objet la vente amiable d'un bien immobilier, qu'aux sommes obtenues à l'issue d'un procès qui n'a jamais été envisagé, la SCI des Scourtils méconnaît également les dispositions précitées ; qu'elle les méconnaît davantage encore en soutenant, ainsi qu'elle l'a fait à l'audience, que la commission de 10 % visée à l'article 2.6 de la convention d'honoraires s'appliquerait non sur le prix de cession (1 150 000 euros), mais sur la plus-value réalisée par la SCI à la suite de la vente, soit sur la seule somme de 215 000 euros ; que maître [U] fait pertinemment observer que, à l'instar de la commission perçue par un agent immobilier à l'occasion d'une transaction immobilière, une telle commission s'applique en % sur le prix de cession du bien, et non sur la plus-value réalisée par le vendeur une fois toutes ses charges déduites ; que, lors de la signature de la convention, le gérant de la SCI des Scourtils n'a dès lors pu imaginer que le calcul de cette commission s'effectuerait selon les modalités qu'il expose aujourd'hui devant le juge ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est du reste pas contesté par la SCI des Scourtils elle-même, que celle-ci avait fait, au courant du mois de septembre 2018, une offre par courriel de versement d'un honoraire de résultat de 57 500 euros, reconnaissant ainsi, d'une part être bien débitrice, en vertu du contrat, d'un honoraire de résultat, et, d'autre part, être débitrice d'un honoraire de résultat d'un montant de loin supérieur aux seuls 10 % de la plus-value (10 % de 215 000 = 21 500 euros), et même aux seuls 20 000 euros proposés aujourd'hui à titre subsidiaire ; qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est par une inexacte application des stipulations précitées de la convention d'honoraires du 9 mai 2017 et des dispositions précitées des articles 1104 et 1188 du code civil, que la bâtonnière de l'ordre des avocats du barreau de Beauvais (néanmoins après avoir pertinemment relevé que maître [U] avait dûment satisfait à toutes ses obligations contractuelles et fourni avec succès la prestation attendue), a réduit à hauteur de 57 500 euros TTC les honoraires de maître [U], alors que la convention d'honoraires susvisée imposait contractuellement de fixer l'honoraire de résultat de maître [U] à la somme de 115 000 euros HT, soit 138 000 euros TTC, après application du taux de 10 % du prix de cession du bien ; qu'il sera fait une équitable appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la SCI des Scourtils à payer à maître [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; et qu'il y a lieu de condamner la SCI des Scourtils, partie succombante, en application de l'article 696 du code de procédure civile, aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

1°) Alors que l'honoraire complémentaire de résultat convenu peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu ; qu'en l'espèce, la SCI des Scourtils soutenait que l'honoraire de résultat de Me [U] était exagéré et sollicitait sa réduction ; qu'en retenant que la convention d'honoraires du 9 mai 2017 imposait contractuellement de fixer l'honoraire de résultat dû par la SCI des Scourtils à Me [U] à la somme de 115 000 euros HT, soit 138 000 euros TTC, sans rechercher, comme il y était invité, si cet honoraire ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10, alinéa 5, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

2°) Alors en tout état de cause que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de l'article 2.6 de la convention d'honoraires du 9 mai 2017 conclue entre la SCI des Scourtils et Me [U], l'honoraire de résultat était calculé en fonction du gain obtenu de façon progressive, par tranche, soit : jusqu'à 10 000 euros, application d'un taux de 0 % ; sur la tranche de 10 001 à 20 000 euros, application d'un taux de 5 % ; Au-delà de 20 000 euros ; qu'en retenant que cette convention imposait de fixer l'honoraire de résultat de Me [U] à la somme de 115 000 euros HT, après application d'un taux de 10 % sur la totalité du prix de cession de l'immeuble de 1 115 000 euros, le premier président a dénaturé cet écrit, en violation du principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-17326
Date de la décision : 16/12/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 12 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 déc. 2021, pourvoi n°20-17326


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.17326
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