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15/12/2021 | FRANCE | N°20-18971

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 décembre 2021, 20-18971


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2021

Cassation sans renvoi

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1420 F-D

Pourvoi n° J 20-18.971

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

La société HÃ

´tel [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 20-18.971 contre l'arrêt rendu le 17 jui...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2021

Cassation sans renvoi

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1420 F-D

Pourvoi n° J 20-18.971

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

La société Hôtel [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 20-18.971 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [U], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Hôtel [Localité 5], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [U], et l'avis oral de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 juin 2020), Mme [U] a été engagée le 2 octobre 2007 par la société Hôtel [Localité 5] (la société), en qualité de femme de chambre cafetière.

2. Déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens médicaux des 29 février et 17 mars 2016, la salariée a été licenciée, le 3 mai suivant, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

3. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

4. Un jugement du 26 septembre 2017 l'a déboutée de toutes ses demandes.

5. La salariée a relevé appel de ce jugement selon déclaration d'appel du 16 octobre 2017 rédigée comme suit : « Objet de l'appel : appel total ».

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer une certaine somme à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée, alors « que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner expressément les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif de l'appel n'opère pas ; que la cour d'appel qui n'est alors, en l'absence de régularisation de la déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure, saisie d'aucune demande, ne peut statuer au fond, sauf à excéder ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations de la cour d'appel que la déclaration d'appel de Mme [U] indiquait seulement « appel total » et ne mentionnait pas les chefs du jugement expressément critiqués et que l'appelante n'avait pas régularisé sa déclaration d'appel dans le délai qui lui avait été imparti pour conclure ; qu'en statuant cependant au fond sur les prétentions de Mme [U], la cour d'appel, qui a ce faisant excédé ses pouvoirs, a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, dans leur rédaction née du décret du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. La salariée conteste la recevabilité du moyen au motif qu'il est incompatible avec la thèse développée devant la cour d'appel.

8. Cependant dans ses conclusions la société a soutenu qu'en application de l'article 562 du code de procédure civile l'effet dévolutif de l'appel n'opérait pas.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

10. Il résulte de ce texte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

11. Pour infirmer le jugement et condamner la société à payer à la salariée diverses sommes, l'arrêt retient qu'il ne résulte de l'article 562 du code de procédure civile, relatif à l'effet dévolutif de l'appel, aucune fin de non-recevoir au sens des articles 122 et suivants du code de procédure civile, que la sanction appliquée à une déclaration d'appel qui, comme c'est le cas en l'espèce indique seulement « appel total », est non une irrecevabilité mais la nullité prévue par l'article 901, et qu'en l'espèce, la société Hôtel [Localité 5] n'invoque pas la nullité pour vice de forme, mais une fin de non recevoir.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la déclaration d'appel mentionnait « appel total » et n'indiquait pas les chefs critiqués du jugement, la cour d'appel, qui ne pouvait que constater que cette déclaration était dépourvue d' effet dévolutif et qu'elle n'était saisie d'aucune demande, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Constate que la cour d'appel n'est saisie d'aucun chef du jugement ;

Condamne Mme [U] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Hotel [Localité 5]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Mme [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Hôtel [Localité 5] à payer à Mme [U] une indemnité de 15.000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Hôtel [Localité 5] aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [U], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE la société Hôtel [Localité 5] conclut à l'irrecevabilité des prétentions de Mme [U] sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, la déclaration d'appel ne visant aucun chef de jugement ; que Mme [U], qui demande de déclarer son appel recevable, ne donne pas spécifiquement la réplique sur ce point ; que l'article 562 du code de procédure civile prévoit que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'il ne résulte de ce texte, relatif à l'effet dévolutif de l'appel, aucune fin de non-recevoir au sens des articles 122 et suivants du code de procédure civile ; qu'en réalité, la sanction appliquée à une déclaration d'appel qui, comme c'est le cas en l'espèce (puisque la déclaration d'appel de Mme [U] indique seulement « appel total »), méconnaît les prescriptions de l'article 901 4° ne consiste pas en l'irrecevabilité des demandes ; qu'en effet, l'article 901 4° du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que la déclaration d'appel qui mentionne « appel général » ou « appel total » (comme c'est le cas en l'espèce) ne répond pas aux exigences de ce texte et encourt non pas une irrecevabilité mais la nullité prévue par l'article 901 précité ; que cette nullité, qui ne sanctionne pas une irrégularité de fond, est une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile qui ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'elle peut être couverte par une nouvelle déclaration d'appel ; que la régularisation ne peut pas intervenir après l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la société Hôtel [Localité 5] n'invoque pas la nullité pour vice de forme ; qu'elle invoque une fin de non-recevoir ; qu'en outre, elle n'invoque au soutien de sa demande aucun grief qui lui serait causé par l'irrégularité comme le prévoit l'article 114 alinéa 2 ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir sera rejetée ;

1) ALORS QUE lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner expressément les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif de l'appel n'opère pas ; que la cour d'appel qui n'est alors, en l'absence de régularisation de la déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure, saisie d'aucune demande, ne peut statuer au fond, sauf à excéder ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations de la cour d'appel que la déclaration d'appel de Mme [U] indiquait seulement « appel total » et ne mentionnait pas les chefs du jugement expressément critiqués et que l'appelante n'avait pas régularisé sa déclaration d'appel dans le délai qui lui avait été imparti pour conclure ; qu'en statuant cependant au fond sur les prétentions de Mme [U], la cour d'appel, qui a ce faisant excédé ses pouvoirs, a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, dans leur rédaction née du décret du 6 mai 2017 ;

2) ALORS QUE lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé ; qu'en l'espèce, après avoir énoncé que la sanction de la déclaration d'appel qui ne mentionne pas expressément les chefs de jugement critiqués était une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile qui ne pouvait être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoquait de prouver le grief que lui causait l'irrégularité, la cour d'appel en a conclu que dès lors que la société Hôtel [Localité 5] ne se prévalait pas de la nullité de la déclaration d'appel, elle était en droit de statuer au fond ; qu'en statuant ainsi, quand l'intimée avait le choix de soulever soit la nullité de la déclaration d'appel devant le conseiller de la mise en état, soit, dès lors que l'appelante n'avait pas régularisé sa déclaration d'appel dans le délai qui lui avait été imparti pour conclure, l'absence d'effet dévolutif de l'appel, ce qu'elle a expressément fait dans ses conclusions devant la cour d'appel, cette dernière a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, dans leur rédaction née du décret du 6 mai 2017 ;

3) ALORS QUE lorsque la cour d'appel n'est valablement saisie d'aucune demande du fait de l'absence d'effet dévolutif de l'appel, les demandes de l'appelant deviennent, de ce fait, nécessairement irrecevables même si l'appel est, lui, recevable ; qu'en l'espèce, la société Hôtel [Localité 5] a fait valoir l'absence d'effet dévolutif de l'appel de la salariée du fait de l'absence de régularisation de sa déclaration d'appel entachée d'irrégularité, dont elle a déduit que la cour d'appel n'était saisie d'aucune prétention recevable ; qu'en retenant que la sanction de la déclaration d'appel qui ne mentionnait pas expressément les chefs de jugement critiqués ne pouvait pas consister en l'irrecevabilité des demandes de l'appelant, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, dans leur rédaction née du décret du 6 mai 2017 ;

4) ALORS, en toute hypothèse, QUE la cour d'appel, qui doit statuer dans la limite de sa saisine, doit relever d'office le moyen tenant à l'absence dévolutif de l'acte d'appel ; qu'en se bornant à relever que l'intimée invoquait seulement une fin de non-recevoir, sans relever d'office le moyen tenant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, dans leur rédaction née du décret du 6 mai 2017.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Mme [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Hôtel [Localité 5] à payer à Mme [U] une indemnité de 15.000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Hôtel [Localité 5] aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [U], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

AUX MOTIFS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que l'employeur peut néanmoins s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; que l'article L. 4121-1 dispose : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes » ; que l'article L. 4121-2 dispose : « L'employeur met en æuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1et L. 1153-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs » ; qu'en l'espèce, Mme [U] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude consécutive à une maladie non professionnelle ainsi rédigé: « inapte définitif au poste actuel. Art. R. 4624-32 du code du travail. Apte à un poste sans port de charges lourdes ou contraintes posturales » (cf. avis d'inaptitude du 17 mars 2016 en pièce 12 E) ; que cet avis d'inaptitude contraignait la société Hôtel [Localité 5] à entreprendre des recherches visant au reclassement de Mme [U] ; que cette dernière affirme cependant en substance que son inaptitude résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'à cet égard, il n'est pas discuté que Mme [U] souffre depuis l'année 2014 d'un syndrome de prolapsus génital ; que cette maladie a donné lieu à plusieurs arrêts de travail et la médecine du travail a eu l'occasion de se prononcer sur l'aptitude de Mme [U] ; que le 5 mars 2015, le médecin la déclarait « inapte temporaire - voir médecin traitant. A revoir à la reprise. Etude de poste à faire » (pièce 12 S) ; que le 26 mars 2015, le médecin la déclarait « apte avec restrictions - pas de port de charges etgt; 5 kg. Pas d'attraction de chariots de linge - A revoir : 3 mois » (pièce 13 S) ; que le 7 mai 2015, le médecin du travail prononçait un avis d'inaptitude avec restrictions ainsi rédigé : « pas de port de charges etgt; 5 kg. Pas d'attraction de chariots de linge. A revoir : 2 mois » (pièce 15 S) ; qu'à la même époque (cf. courrier de l'inspecteur du travail adressé à la société Hôtel [Localité 5] le 4 mai 2015 – pièce 14 S) l'inspection du travail écrivait à l'employeur : « Nous faisons suite à la visite effectuée dans votre établissement le mercredi 29 avril dernier concernant (?) la situation de Mme [U] employée en qualité de femme de chambre depuis octobre 2007. (?) Suite à étude de poste (?) il est apparu que la définition du poste de Mme [U] devrait faire l'objet d'un certain nombre de clarifications, tenant compte des préconisations médicales [pas de port de charges supérieures à 5 kg, pas de traction de chariots de linge] (?). Comme nous vous l'avons indiqué le 29 avril, cette clarification devrait inclure a minima la rédaction d'une fiche de poste indiquant de manière précise : - le nombre de chambres à nettoyer chaque jour, leur localisation ordinaire et les quelques travaux de nettoyage annexes à réaliser sur les parties communes ; - des consignes et procédures de travail permettant, après mise en oeuvre d'une formation préalable et de la prochaine étude ergonomique que vous avez évoquée, d'atteindre le niveau de qualité requis tout en travaillant dans des conditions satisfaisantes ; - les aménagements de poste décidés à la suite de l'avis médical d'aptitude (par exemple, ainsi que vous nous l'avez indiqué, l'approvisionnement des étages en linge propre par la gouvernante, Mme [K]). (?) » ; que le 12 novembre 2015, le médecin du travail concluait : « apte avec restrictions – limiter le nettoyage des baignoires – pas de port de charges lourdes – pas d'attraction de chariots de linge – A revoir : 3 mois » (pièce 16 S) ; que Mme [U] expose que les restrictions n'ont pas été respectées par la société Hôtel [Localité 5] et produit pour en justifier des photographies prises à partie de son téléphone portable entre les mois de mars 2015 et janvier 2016 (pièces 17 à 22 S) ainsi que des éléments médicaux (notamment pièces 26 – avis d'arrêt de travail du 22 juillet 2015 du médecin traitant qui indique « douleurs abdominopelviennes sur prolapsus génital avec non-respect des mesures préconisées par la médecine du travail avec port de charges excessives et harcèlement moral » - et 28 – lettre du même médecin traitant adressée à un confrère le 22 juillet 2015 dans lequel le médecin indique en substance que les préconisations de la médecine du travail ne sont pas respectées) ; que ces pièces – tant les photographies que les avis médicaux – n'établissent pas la réalité du non-respect, par l'employeur de son obligation de sécurité : les photographies ne montrent que des chariots et du matériel et il n'apparaît pas que Mme [U] les porte ; que quant aux éléments médicaux (pièces 26 et 28), ils émanent d'un médecin qui ne fait que retranscrire les propos de Mme [U] sans pour autant avoir été personnellement témoin des faits que sa patiente lui rapportait ; que toutefois, s'agissant de l'obligation de sécurité, c'est à l'employeur d'établir qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'il convient donc de vérifier lesdites mesures, étant observé : - d'une part que l'employeur devait prendre des mesures spécifiques dès le 26 mars 2015 puisqu'à cette date, il n'ignorait pas que Mme [U] devait limiter son port de charges, - d'autre part qu'il est médicalement établi (pièce 29 de la salariée) que le port de charges lourdes aggrave la maladie de Mme [U] ; que le professeur [H] écrit en effet le 15 décembre 2015 : « Je soussigné, Professeur [Y] [H], certifie que l'état de santé de Mme [U] née le [Date naissance 1]/1964 est susceptible de s'aggraver si elle porte des charges lourdes. Il s'agit d'un prolapsus génital. Il est donc plutôt conseillé d'éviter le port de charges lourdes » ; qu'enfin il est indifférent que le prolapsus génital dont souffre Mme [U] soit ou non d'origine professionnelle ; que les pièces produites et les débats montrent : - que la société Hôtel [Localité 5] est organisée de telle manière que « cela permet à nos femmes de chambres de ne pas trop charger les chariots mis à leur disposition » (pièce 8 E – attestation d'une salariée de l'hôtel, adjointe de direction) ; que Mme [K], gouvernante, est chargée de réaliser le travail suivant : « Mon rôle est de distribuer le linge et le partager dans chaque lingerie des femmes de chambre ainsi que celle de Mme [U] en ce qui concerne le réapprovisionnement des produits d'accueil et des bouteilles d'eau 50 cl, ils sont stockés dans une réserve dont je détiens les clés, que je prépare dans un chariot et les stocke dans les lingeries des femmes de chambre et de Mme [U] » (pièce 7 E) ; qu'il doit être noté à ce stade que le poids des chargements n'est pas indiqué, de sorte qu'il n'est pas permis à la cour de vérifier, à partir de ces témoignages, si l'obligation de limiter les charges à moins de 5 kilogrammes, était ou non respecté ; - que la société Hôtel [Localité 5] a demandé une étude du poste de femme de chambre à un ergonome, lequel a réalisé son étude courant juillet 2015 (pièce 6 E où apparaissent des recommandations relatives à l'utilisation du chariot pour en limiter le poids), étude transmise à l'inspecteur du travail le 9 septembre 2015 (pièce 38 E) ; qu'il doit encore être relevé à ce stade que l'étude n'évoque en rien la question d'une limitation du poids des chargements à 5 kilogrammes ; que la société Hôtel [Localité 5] a établi une fiche de poste de femme de chambre ; que cette fiche de poste ne précise rien du poids des chariots devant nécessairement être véhiculés par les salariés ; qu'en définitive, l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve de ce qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de Mme [U], échoue dans la démonstration attendue de lui ; que plus précisément, il n'établit pas avoir pris les mesures propres à limiter à 5 kilogrammes les chariots tractés par Mme [U] ; qu'il a été vu qu'un port de charges lourdes était susceptible d'aggraver la maladie de Mme [U] (cf. pièce 29 – certificat du Professeur [H]) ; qu'il a été jugé que la société Hôtel [Localité 5] ne justifiait pas avoir pris les mesures préconisées par le médecin du travail qui, pendant pratiquement toute l'année 2015, limitait à 5 kg le port de charges de Mme [U] ; qu'il est constant que le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude définitif le 17 mars 2016 ; que cet avis est consécutif à une aggravation de l'état de santé de Mme [U], aggravation qui présente, compte tenu de la chronologie ci-avant rappelée et de la pathologie de la salariée, un lien avec le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que dès lors que l'inaptitude de Mme [U] est causée par le comportement fautif de l'employeur, le licenciement pour inaptitude qui en résulte est sans cause réelle et sérieuse ; que sans qu'il soit nécessaire d'examiner le deuxième moyen relatif à l'obligation de reclassement, il convient d'infirmer le jugement ;

1) ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'il en résulte que l'employeur n'est pas débiteur d'une obligation de sécurité de résultat qui serait méconnue du seul fait qu'est constatée une affection du salarié en lien avec les conditions de travail, sous la réserve de pouvoir s'exonérer de sa responsabilité, mais d'une obligation de moyen renforcée qui n'est pas méconnue dès lors que l'employeur démontre avoir pris toutes les mesures de prévention s'imposant à lui ; qu'en l'espèce, en estimant que l'employeur était tenu à une obligation de sécurité de résultat, avant d'en inférer que dès lors que l'état de santé de la salariée s'était dégradée, l'employeur avait manqué à son obligation, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

2) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la fiche de poste de femme de chambre ne précisait rien du poids des chariots devant nécessairement être véhiculés par les salariés et qu'en définitive, l'employeur n'établissait pas avoir pris les mesures propres à limiter à 5 kilogrammes les chariots tractés par Mme [U] ; qu'en statuant ainsi, quand l'avis du médecin du travail du 26 mars 2015 interdisait le port de charges supérieur à 5 kg et non pas que le poids des chariots dépasse 5 kg, la cour d'appel a dénaturé cet avis du médecin du travail (cf. productions), en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

3) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la fiche de poste de femme de chambre ne précisait rien du poids des chariots devant nécessairement être véhiculés par les salariés et qu'en définitive, l'employeur n'établissait pas avoir pris les mesures propres à limiter à 5 kilogrammes les chariots tractés par Mme [U] ; qu'en statuant ainsi, quand l'avis du médecin du travail du 7 mai 2015 interdisait le port de charges supérieur à 5 kg et non pas que le poids des chariots dépasse 5 kg, la cour d'appel a dénaturé cet avis du médecin du travail (cf. productions), en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

4) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en retenant que la fiche de poste de femme de chambre ne précisait rien du poids des chariots devant nécessairement être véhiculés par les salariés et qu'en définitive, l'employeur n'établissait pas avoir pris les mesures propres à limiter à 5 kilogrammes les chariots tractés par Mme [U] quand l'avis du médecin du travail du 12 novembre 2015 interdisait le port de charges lourdes et non pas que le poids des chariots dépasse 5 kg, la cour d'appel a dénaturé cet avis (cf. productions), en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

5) ALORS QUE lorsque le médecin du travail a procédé à une étude du poste du salarié déclaré apte avec restrictions et a émis des recommandations à l'attention du salarié de nature à rendre son poste compatible avec son état de santé, le juge ne peut dire que l'employeur est responsable de l'aggravation de l'état de santé du salarié sans avoir vérifié si ce dernier avait bien respecté les préconisations du médecin du travail ; qu'en l'espèce, la société Hôtel [Localité 5] faisait valoir qu'elle avait demandé au médecin du travail, accompagné d'un ergonome, de réaliser une étude du poste de femme de chambre en présence de Mme [U] et qu'au terme de cette étude, le médecin du travail avait préconisé que Mme [U] charge le chariot à plusieurs moments de la journée en linges et produits d'accueil afin de diminuer le poids du chargement et qu'elle utilise, pour stocker le linge sale, plusieurs sacs de manière à diminuer le poids de chacun en-dessous de 5 kg ; qu'en jugeant que l'employeur était responsable de l'aggravation de l'état de santé de Mme [U] ayant conduit à son inaptitude définitive, sans avoir recherché si la salariée avait respecté les mesures que lui avait recommandées le médecin du travail pour limiter son port des charges à 5 kg, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4624-3 et L. 4624-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-18971
Date de la décision : 15/12/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 déc. 2021, pourvoi n°20-18971


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.18971
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