LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 20-86.244 F-D
N° 01502
MAS2
8 DÉCEMBRE 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 DÉCEMBRE 2021
M. [U] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 28 octobre 2020, qui l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U] [F], les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [3], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 14 février 2012, la société [3] ([3]) a déposé entre les mains du doyen des juges d'instruction une plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée des chefs d'établissement et usage d'une fausse attestation et escroquerie au jugement, suite à la production de deux attestations dans le cadre d'un contentieux de concurrence déloyale l'opposant aux sociétés [2] ([2]) et [1].
3. La société [2] avait produit en justice des attestations de deux salariées, Mmes [T] [C] et [P] [D], ayant quitté la société [3] pour rejoindre la société [2].
4. La société [3] a soutenu que ces deux attestations faisaient état de faits matériellement inexacts dans la mesure où les intéressées auraient eu, préalablement à leur démission, des contacts avec les sociétés [1] et [2], et notamment avec M. [U] [F], président-directeur général de la société [2].
5. Au cours de l'instruction, Mmes [C] et [D] ont été mises en examen du chef d'établissement d'une attestation faisant état de faits matériellement inexacts. M. [F] a été mis en examen des chefs de complicité de ce délit, d'usage d'une attestation faisant état de faits matériellement inexacts et de tentative d'escroquerie au jugement.
6. Par ordonnance du 26 décembre 2016, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque. Par arrêt du 21 juin 2018, la chambre de l'instruction a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions.
7. M. [F] et la société [2] ont alors fait citer la société [3] devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale.
8. Par jugement du 19 novembre 2019, le tribunal correctionnel a déclaré recevable l'action engagée par la société [2] et irrecevable l'action engagée par M. [F].
9. M. [F] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé la plainte avec constitution de partie civile de la société [3] non fautive et débouté M. [F] de ses demandes dirigées contre cette société, alors « que la personne visée par une plainte avec constitution de partie civile ayant débouché sur un non-lieu est fondée à solliciter de l'auteur de la plainte une indemnisation dès lors que ce dernier a dénoncé un fait qu'il savait inexact, peu important qu'il ait également dénoncé dans la même plainte des faits qu'il pouvait penser exacts ; que ne tire pas les conséquences de ses propres constatations et viole les articles 91 du code de procédure pénale et 1382 du code civil, ensemble les articles 591 et 593 du même code, la cour d'appel qui déboute M. [F], poursuivi à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile de la société [3], des chefs de complicité d'établissement d'une attestation faisant état de faits matériellement inexacts, d'usage d'une telle attestation et de tentative d'escroquerie et ayant bénéficié d'un non-lieu définitif de ces chefs, de ses demandes indemnitaires contre la société [3] après avoir elle-même constaté que la société [3] ne pouvait ignorer, lors du dépôt de sa plainte, que l'une des deux attestations qui y étaient visées ne faisait pas état de faits matériellement inexacts. »
Réponse de la Cour
11. Pour rejeter la demande formée par M. [F], l'arrêt attaqué, après avoir déclaré son action recevable, relève que la lecture du rapport et du compte rendu du détective, rapprochée de celle de l'attestation de Mme [C], n'est pas de nature à confirmer ou étayer l'accusation d'établissement d'une fausse attestation. Il précise que cette attestation ne revêt pas les caractéristiques que la société [3] lui prête dans sa plainte avec constitution de partie civile.
12. Les juges ajoutent que, si la première attestation n'a pas la portée qui lui est impartie dans la plainte, la seconde, rédigée par Mme [D], et deux témoignages, établissent l'intervention de M. [F] dans l'animation d'une réunion, ce qui était de nature à corroborer les affirmations de la société [3] quant à l'organisation d'un concert formé pour surprendre la religion de la justice commerciale et, à tout le moins, à la conforter dans ses suspicions.
13. Ils concluent qu'en déposant la plainte dont s'agit, la société [3] n'a fait que saisir la justice pénale de faits qui, sans rajout ou travestissement des éléments de contexte utiles, pouvaient recevoir les qualifications susvisées.
14. Le moyen revient à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus dont ils ont déduit, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, que la société [3] n'avait pas commis de faute en portant plainte avec constitution de partie civile.
15. En effet, il ne résulte de la motivation précitée aucune contradiction de motifs, la cour d'appel n'ayant pas affirmé que la société [3] avait sciemment déposé une plainte dénonçant le caractère inexact d'une attestation qu'elle savait exacte.
16. Dès lors, le moyen doit être écarté.
17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [F] devra payer à la société [3] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit décembre deux mille vingt et un.