LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 20-81.077 F-D
N° 01464
GM
1ER DÉCEMBRE 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER DÉCEMBRE 2021
Mme [F] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 2019, qui, pour fraude fiscale, l'a condamnée à dix-huit mois d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et cinq ans de privation des droits civiques, civils et de famille et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [F] [G], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Monsieur le Directeur général des finances publiques, de Monsieur le Directeur général des finances publiques de la Haute-Savoie, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la fin de l'année 2012, la situation fiscale de Mme [F] [G] et de son époux, M. [X] [M] a fait l'objet d'une vérification par l'administration fiscale.
3. Le 6 janvier 2016, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, l'administration fiscale a porté plainte contre les époux [M] pour fraude fiscale par défaut de déclaration des revenus en 2010 et par dépôt d'une déclaration d'ensemble des revenus minorés au titre de l'année 2011.
4. Les époux [M] ont été cités devant le tribunal correctionnel, qui, par jugement en date du 26 juin 2016, a relaxé M. [M], déclaré Mme [G] coupable des faits visés à la prévention et l'a condamnée à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement ainsi qu'à payer une amende de 40 000 euros et, à titre de peine complémentaire, a prononcé à son encontre la privation des droits civiques, civils et de famille pour une durée de 5 ans.
5. Mme [G], le procureur de la République et le directeur général des finances publiques ont formé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et le quatrième moyen pris en sa troisième branche
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé irrecevable le moyen tiré de l'absence de saisine du tribunal correctionnel par la citation directe de Mme [G], alors « qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure pénale, si la personne réside à l'étranger, elle est citée au parquet du procureur de la République près le tribunal saisi ; le procureur de la République vise l'original et en envoie la copie au ministre des affaires étrangères ou à toute autorité déterminée par les conventions internationales ; que, dans les conclusions déposées pour Mme [G], il était soutenu que le tribunal correctionnel qui l'avait jugé n'était pas saisi des faits, dès lors que si la citation directe avait donné lieu à un exploit d'huissier établi à l'adresse de Mme [G] en Suisse, et remis à parquet, ce dernier n'avait pas procédé à la remise de l'acte à l'autorité suisse compétente comme le prévoit la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 à laquelle la France et la Suisse sont parties ; que, dès lors qu'était ainsi invoquée une exception d'incompétence, pouvant être soulevée en tout état de cause, la cour d'appel qui a jugé cette exception irrecevable pour n'avoir pas été soulevée in limine litis devant le tribunal correctionnel, a méconnu l'article 385 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article 385 du code de procédure pénale que les exceptions tenant au mode de délivrance de la citation d'un prévenu résidant à l'étranger qui ont trait à la saisine de la juridiction de jugement et non à sa compétence, doivent, à peine de forclusion, être présentées avant toute défense au fond.
9. Pour déclarer irrecevable l'exception de nullité du jugement tirée de ce que les prescriptions de l'article 562 du code de procédure pénale relatives à la citation d'une personne résidant à l'étranger n'auraient pas été respectées, l'arrêt attaqué relève que Mme [G] a été régulièrement représentée devant les premiers juges par son conseil, qui a déposé des conclusions qui ne font état d'aucune nullité de la citation de la prévenue devant le tribunal correctionnel, lequel n'a par ailleurs été saisi d'aucune demande sur ce point et qu'elle ne peut être présentée pour la première fois en cause d'appel.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du principe ci-dessus rappelé.
11. Ainsi le moyen doit être écarté.
Sur le quatrième moyen pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
12. Le moyen, en ses première et deuxième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [G] coupable de fraude fiscale et de l'avoir condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement ferme, à une amende de 30 000 euros et à la peine complémentaire de privation des droits civiques, civils et de famille pour une durée de 5 ans, alors :
« 1°/ que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; que l'exercice d'un recours, qui est un droit, ne saurait être pris en considération pour apprécier la nécessité d'un emprisonnement ferme ; qu'en l'espèce, pour condamner la prévenue à une peine d'emprisonnement sans sursis de dix-huit mois, la cour d'appel a relevé l'importance des droits fraudés, l'ancrage dans la délinquance astucieuse de la prévenue et le fait qu'elle « n'avait toujours pas réglée sa situation fiscale » ; que dès lors que la prévenue contestait le fait qu'elle soit assujettie en France et qu'elle ait dissimulé des revenus, tant dans le cadre de la présente procédure que dans le cadre de la procédure en cours devant le juge administratif, la cour d'appel a méconnu le droit d'interjeter appel dans chacune des procédures en cause, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 du Protocole n° 7 à ladite Convention, préliminaire du code de procédure pénale et 132-19 du code pénal ;
2°/ que faute de constater et d'expliquer en quoi toute autre peine que l'emprisonnement ferme était manifestement inadéquate, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
13. Pour confirmer la peine de dix-huit mois d'emprisonnement sans sursis prononcée par les premiers juges, l'arrêt attaqué énonce que les infractions en cause ont porté sur des sommes importantes, le préjudice résultant de l'infraction étant donc conséquent et que ce préjudice est aussi moral, dans la mesure où la fraude fiscale porte atteinte au bien commun, à l'égalité des citoyens devant l'impôt et aux valeurs de la solidarité nationale, puisque l'impôt finance l'accès aux droits fondamentaux comme les droits à la santé, à l'éducation, au logement, à la sûreté.
14. Il relève qu'il convient de prendre aussi en compte, pour l'appréciation de la peine, la situation personnelle de la prévenue dont le casier judiciaire porte mention de cinq condamnations entre 1996 et 2005 pour exercice d'activité professionnelle malgré interdiction judiciaire, banqueroute, faux et usage de faux, escroquerie, usurpation de titre, abus de confiance, le nombre et la nature des condamnations montrant son ancrage dans un type de délinquance dite « astucieuse », aucune de ces condamnations n'ayant réussi à la dissuader.
15. Les juges ajoutent que Mme [G] a tiré profit, en connaissance de cause, de cette fraude qui a financé son train de vie.
16. La cour d'appel en conclut que la peine d'emprisonnement prononcée par les premiers juges apparaît justifiée et proportionnée.
17. En se déterminant par ces seuls motifs, dont il se déduit que toute peine autre que l'emprisonnement sans sursis était manifestement inadéquate, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des exigences de l'article132-19 du code pénal.
18. Dès lors, le moyen, dont la première branche qui critique un motif surabondant est inopérante, n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier décembre deux mille vingt et un.