La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2021 | FRANCE | N°20-17610

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 novembre 2021, 20-17610


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1331 F-D

Pourvoi n° E 20-17.610

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

M. [D] [R], domicilié

[Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-17.610 contre le jugement rendu le 6 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1331 F-D

Pourvoi n° E 20-17.610

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

M. [D] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-17.610 contre le jugement rendu le 6 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant à la Fédération des élus des entreprises publiques locales, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [R], de la SCP Spinosi, avocat de la Fédération des élus des entreprises publiques locales, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 6 juillet 2020), M. [R], salarié de l'association la Fédération des élus des entreprises publiques locales (la Fédération), a, par lettre recommandée avec accusé de réception, envoyée le 29 novembre 2019, été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

2. Il a été licencié, pour faute grave, par lettre du 13 décembre 2019.

3. Le salarié, qui s'était porté candidat au second tour des élections des membres du comité social et économique, a été élu, comme membre titulaire, le 16 décembre 2019.

4. Par déclaration du 27 décembre 2019, la Fédération a sollicité l'annulation de cette élection en soutenant, notamment, que le salarié n'avait, à la date du second tour, pas la qualité d'électeur et n'était pas éligible.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief au jugement d'annuler son élection, alors « que le juge est tenu de motiver sa décision et de répondre aux moyens des conclusions des parties de nature à influer sur la solution du litige ; que par des écritures demeurées sans réponse, M. [R] faisait valoir que l'employeur avait connaissance de l'imminence de sa candidature aux élections professionnelles et qu'il avait initié la procédure de licenciement pour s'éviter l'élection d'un élu proactif et indépendant ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen déterminant, le juge de l'élection a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

8. Pour annuler l'élection du salarié, le jugement retient que le contrat de travail a été rompu dès le 14 décembre 2019, soit deux jours avant la tenue du second tour du scrutin, le 16 décembre 2019, et que, à cette dernière date, le salarié n'avait pas la qualité d'électeur et n'était plus éligible.

9. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que la Fédération avait, à la date de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, connaissance de l'imminence de sa candidature au second tour du scrutin, de sorte que, dans cette hypothèse, il aurait appartenu au tribunal de rechercher si l'intéressé s'était trouvé empêché de travailler par une voie de fait de l'employeur résultant de l'inobservation, par celui-ci, des règles assurant la protection des candidats aux élections professionnelles, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la requête aux fins d'annulation de l'élection de M. [R] est recevable, le jugement rendu le 6 juillet 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris, autrement composé ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Fédération des élus des entreprises publiques locales et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que la requête aux fins d'annulation de l'élection de M. [D] [R] était recevable, et par conséquent annulé l'élection de M. [D] [R] comme membre titulaire du CSE de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques locales qui s'est déroulée le 16 décembre 2019,

AUX MOTIFS QUE

M. [R] conclut, en application des articles 117 et 119 du code de procédure et de l'article 14 des statuts, à l'irrecevabilité de la requête du fait que celle-ci a été enregistrée sous la signature du directeur général de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales, qui n'a ni pouvoir ni capacité à saisir le tribunal,

L'employeur qui a la charge d'organiser les élections des membres du comité d'entreprise et dont le représentant légal, s'il est une personne morale, siège en tant que membre de droit au sein du comité qu'il préside, dispose du droit de saisir le tribunal d'instance de toute contestation de la régularité des élections (Cass. Soc. 15 janvier 2002, n° 00-60276),

L'article 14 des statuts stipule que le président représente en justice la Fédération, tant en demande qu'en défense, l'article 15, des mêmes statuts, donnant expressément pouvoir à celui-ci de subdéléguer tout ou partie de ses pouvoirs,

En l'espèce, la délégation de pouvoir du président au directeur général du 21 juin 2018, pour une durée indéterminée, est ainsi rédigée : "Je soussigné. [U] [Z], agissant en qualité de président de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales ?/? confère les pouvoirs suivants à M. [L] [O], directeur général ? Représenter la Fédération en justice, ainsi qu'engager et suivre pour la Fédération toute instance devant les juridictions françaises et étrangères ?/? Représenter la Fédération auprès des institutions représentatives du personnel",

M. [O], directeur général, est ainsi investi d'une délégation de pouvoir du président de la Fédération ; il a la capacité d'agir en justice pour la représenter,

L'article 58 alinéa 2 3° du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2020, prévoit : "? Elle contient à peine de nullité ? 3° L'objet de la demande,

Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige",

La requête aux fins d'annulation de l'élection de M. [R], qui a trait à la validité des élections professionnelles, matière relevant de l'ordre public, est recevable, en l'absence de tentative préalable de conciliation, l'employeur et les organisations syndicales ne pouvant pas conclure un accord pour se faire juge de leur validité,

Pour toutes ces raisons, la requête aux fins d'annulation de l'élection de M. [R] est recevable,

1° ALORS QUE le juge du fond ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il résulte des conclusions des parties ; qu'en énonçant que la requête en annulation du syndicat était recevable au motif que M. [O], directeur général, était investi d'une délégation de pouvoir du président de la Fédération du 21 juin 2018, quand il ne s'agissait pas de rechercher si M. [O] disposait d'une délégation de pouvoir du Président de la Fédération mais de vérifier si, comme M. [R] le demandait dans ses conclusions, conformément à l'article 14 de ses statuts la Fédération justifiait de l'existence d'une délibération de son conseil d'administration autorisant le directeur général à agir en justice, le juge électoral a modifié l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile,

2° ALORS QU'aux termes de l'article 14 des statuts de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales "le président représente la Fédération en justice, tant en demandeur, qu'en défendeur, mais il ne peut intenter aucune action en justice au nom de celle-ci sans y être autorisé par une délibération conforme du conseil d'administration" ; qu'en décidant que la requête en annulation du syndicat était recevable au motif que M. [O], directeur général, était investi d'une délégation de pouvoir du président de la Fédération du 21 juin 2018, quand il aurait dû vérifier si une délibération conforme du conseil d'administration de la Fédération avait été prise pour autoriser le représentant légal à mener l'action litigieuse, le juge de l'élection a violé l'article 117 du code de procédure civile ensemble l'article 14 des statuts de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir annulé l'élection de M. [D] [R], comme membre titulaire du CSE de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques locales, qui s'est déroulée le 16 décembre 2019,

AUX MOTIFS QUE

L'article L. 2314-19 du code du travail dispose que sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l'entreprise,

Un salarié licencié avant les élections professionnelles ne satisfait pas aux conditions d'éligibilité, même si la procédure légale du licenciement n'a pas été respectée par l'employeur (cf. Soc. 24 janvier 1990, cassation, n° 89-60.020, Bull. 1990, V. n° 20),

Le salarié qui pose sa candidature, postérieurement au déclenchement d'une procédure de licenciement, ne peut se prévaloir du statut protecteur attaché à la qualité de candidat (cf. Soc. 3 avril 2001, rejet, n° 99-40.190, Bull. 2001, V. n° 122 ; Soc. 20 septembre 2017, rejet, n° 16-15.652),

L'article 658 du code de procédure civile dispose que "Dans tous les cas prévus aux articles 655 et 656, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656. La lettre contient en outre une copie de l'acte de signification. Il en est de même en cas de signification à domicile élu ou lorsque la signification est faite à une personne morale. Le cachet de l'huissier est apposé sur l'enveloppe",

La date de signification d'un acte ou d'une lettre n'est pas reportée au jour de la réception de la lettre dont l'article 658 du code de procédure civile prescrit l'envoi (cf. 2ème Civ. 29 janvier 1976, rejet, n° 75-10.231, Bull. 1976, II. n° 31 ; 2ème Civ. 28 mai 1979, cassation, n° 77-15.805, Bull. 1979, II. n° 156 ; 2ème Civ. 12 octobre 1994, cassation, n° 92-19.332, Bull. 1994, II. n° 193, JCP 1995 II 22469),

En l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 29 novembre 2019, présentée le 2 décembre 2019, la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales a convoqué M. [R] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 9 décembre 2019 à 9h. II ne s'est pas présenté à cette convocation.

Le 13 décembre 2019, l'employeur lui a adressé en recommandée avec accusé de réception une lettre lui notifiant son licenciement pour faute grave complétée d'une notification du 14 décembre 2019, par l'intermédiaire de Me [W] [K], huissier de justice à [Localité 3],

La date de signification de l'acte n'est pas reportée au jour de la réception, mais reste celle du 14 décembre 2019,

Pour cette raison, le contrat de travail, entre la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales et M. [R], a été rompu dès le 14 décembre, 2 jours avant la tenue du deuxième tour de scrutin, et non pas le 16 décembre 2019, date à laquelle il a retiré l'acte auprès de l'étude d'huissier,

Par lettre du 13 décembre, reçue le 16 décembre 2019, il a adressé son vote par correspondance mais à la date du scrutin (16 décembre 2019), M. [R], dont le contrat de travail était d'ores et déjà rompu, n'avait plus la qualité d'électeur, ni d'éligible. Il ne pouvait être valablement élu.

C'est pourquoi l'élection de M. [R] est annulée, comme membre titulaire du CSE de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales, qui s'est déroulée lors du 2ème tour de scrutin du 16 décembre 2019,

1° ALORS QUE les conditions d'électorat et d'éligibilité aux élections s'apprécient au jour du 1er tour du scrutin ; qu'en considérant qu'il y avait lieu d'annuler l'élection de M. [R], comme membre titulaire du CSE de la Fédération des Elus des Entreprises Publiques Locales, qui s'était déroulée lors du 2ème tour de scrutin du 16 décembre 2019, quand il aurait dû apprécier ces conditions à la date du 2 décembre 2019, date du premier tour du scrutin, le juge électoral a violé l'article L. 2314-19 du code du travail,

2° ALORS QUE le juge est tenu de motiver sa décision et de répondre aux moyens des conclusions des parties de nature à influer sur la solution du litige ; que par des écritures demeurées sans réponse, M. [D] [R] faisait valoir que l'employeur avait connaissance de l'imminence de sa candidature aux élections professionnelles et qu'il avait initié la procédure de licenciement pour s'éviter l'élection d'un élu proactif et indépendant (cf. prod n° 1, p. 12 § 5, p. 14, p. 17 et p. 18 § dernier à p. 19 § premier) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen déterminant, le juge de l'élection a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-17610
Date de la décision : 24/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Paris, 06 juillet 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 nov. 2021, pourvoi n°20-17610


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.17610
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award