LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 novembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 725 FS-B
Pourvoi n° A 20-15.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2021
1°/ la société Cooperl arc Atlantique, société coopérative ouvrière de production, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ la société Brocelliande-ALH, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° A 20-15.789 contre l'arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Mix'buffet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat des sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocelliande-ALH, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Mix'buffet, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Girardet, Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, M. Bruyère, conseillers, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mme Champ, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2020), la société Cooperl arc Atlantique, coopérative agricole spécialisée dans l'achat, l'abattage et la découpe de porc, et sa filiale, la société Brocéliande-ALH, qui fabrique de la charcuterie, sont en relations d'affaires depuis 2011 avec la société Mix'buffet, qui prépare et vend des produits alimentaires.
2. Invoquant l'augmentation du cours du porc, la société Cooperl arc Atlantique a, courant juin 2019, proposé une hausse du prix de ses produits à la société Mix'buffet. Les négociations n'ayant pas abouti, la société Cooperl arc Atlantique a, le 4 juillet 2019, notifié à la société Mix'buffet la cessation de leurs relations commerciales à compter du 3 juillet 2019 concernant deux produits.
3. Le 8 juillet 2019, la société Mix'buffet a assigné les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH devant le juge des référés d'un tribunal de commerce aux fins de voir constater la rupture brutale des relations commerciales et ordonner leur poursuite pour une durée de douze mois avec obligation de renégocier de bonne foi les prix. Les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH ont opposé l'incompétence du juge des référés du tribunal de commerce au profit du juge des référés du tribunal de grande instance et, en l'absence de médiation préalable, l'irrecevabilité des demandes de la société Mix'buffet.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH font grief à l'arrêt de rejeter leur exception d'incompétence, alors « que selon l'article L. 521-1 du code rural, les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité et que selon l'article L. 521-5 du même code, ces sociétés et leurs unions relèvent de la compétence des juridictions civiles, ce dont il ressort que les sociétés coopératives ont un objet non commercial les faisant échapper à la compétence des tribunaux de commerce, même si elles accomplissent des actes tels que des achats pour revendre, réputés actes de commerce, dès lors que ceux-ci sont effectués au profit des agriculteurs coopérateurs ; qu'en décidant néanmoins, pour retenir la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Rennes, que les tribunaux de commerce étaient compétent pour trancher les contestations relatives aux actes de commerce, tels que définis à l'article 632 ancien du code de commerce, que les sociétés coopératives ou leurs unions peuvent accomplir avec des tiers, bien qu'il ait été constant que la coopérative, en sa qualité de société coopérative agricole, achetait, au profit de ses agriculteurs coopérateurs, leurs produits pour les revendre à la société Mix'buffet, par l'intermédiaire de la société Brocéliande-ALH, ce dont il résultait que le tribunal de commerce de Rennes n'était pas compétent pour statuer sur le litige qui l'opposait à la société Mix'buffet, la cour d'appel a violé les articles L. 521-1 et L. 521-5 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
5. Dès lors que la cour d'appel, saisie par l'effet dévolutif, était juridiction d'appel tant du tribunal de grande instance que du tribunal de commerce, les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH sont sans intérêt à reprocher à l'arrêt de confirmer la compétence du juge des référés de ce tribunal.
6. Le moyen est donc irrecevable.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formées à leur encontre par la société Mix'buffet, alors « que tout litige entre professionnels relatif à l'exécution d'un contrat ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit, préalablement à toute saisine du juge et à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf si le contrat prévoit un autre dispositif de médiation ou en cas de recours à l'arbitrage ; qu'en cas d'échec de la médiation menée par le médiateur des relations commerciales, toute partie au litige peut saisir le président du tribunal compétent pour qu'il statue sur le litige en la forme des référés sur la base des recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles ; que cette exigence s'impose également dans le cadre d'une procédure de référé engagée en raison de l'urgence ; qu'en décidant néanmoins que la disposition prescrivant le recours à une médiation préalable ne prive pas le juge des référés du pouvoir de prendre toute mesure propre à faire cesser un trouble manifestement illicite si l'urgence justifie de passer outre le processus de procédure amiable, bien que l'urgence n'ait pas autorisé la société Mix'buffet à s'affranchir de l'obligation légale de soumettre le litige à la médiation du médiateur des relations commerciales agricoles, dès lors qu'il portait sur la vente de produits alimentaires, la cour d'appel a violé l'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, ensemble l'article 873 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. En cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, les dispositions de l'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés.
9. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que ces dispositions ne privaient pas la société Mix'buffet de la faculté de saisir le juge des référés sur le fondement de l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. La société Brocéliande-ALH fait grief à l'arrêt de lui ordonner sous astreinte de continuer à livrer à la société Mix'buffet, de juillet à octobre 2019, au prix accepté par celle-ci s'agissant de deux catégories de jambon, l'ensemble des produits actuellement commercialisés entre elles, et ce dans des volumes conformes au niveau des mêmes mois de l'année précédente, alors :
« 1°/ que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH faisaient valoir qu'il ne résultait d'aucune pièce du dossier qu'elles auraient été le fournisseur exclusif de la société Mix'buffet en jambon ; qu'en affirmant néanmoins, pour retenir que les conditions de la rupture de la relation commerciale établie étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite et de nature à causer un dommage imminent à la société Mix'buffet, qu'il n'était pas discuté que la société Cooperl arc Atlantique était son fournisseur exclusif en jambon, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de leurs conclusions d'appel, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°/ que le juge des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, imposer à l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies la poursuite de la relation commerciale en lui imposant un prix de vente de ses marchandises, si les parties n'étaient pas convenues, avant la rupture, de l'application d'un prix déterminé pendant une certaine durée ; qu'en imposant néanmoins, comme mesure conservatoire, la poursuite des relations commerciales en enjoignant à la société Brocéliande-ALH de céder ses marchandises aux prix unilatéralement fixés par la société Mix'buffet et que la société Brocéliande-ALH avait refusés lors des négociations, comme étant insuffisants, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard de l'article 873 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-1 et L. 442-4 du code de commerce ;
3°/ que le bordereau de pièces annexé aux conclusions d'appel des sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH mentionne, en pièce n° 37, une "Attestation du Commissaire aux Comptes du 22 novembre 2019 relative aux marges brutes négatives réalisées sur la période de juillet à octobre 2019" ; qu'en affirmant néanmoins, pour imposer à la société Brocéliande-ALH les prix de vente acceptés par la société Mix'buffet pendant les négociations tandis qu'elle les avait refusés, que les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH se bornant à produire des documents internes, il n'était pas démontré que ces prix auraient eu pour effet d'imposer au fournisseur une marge commerciale négative, la cour d'appel a dénaturé ce bordereau de pièces, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4°/ qu'en se se bornant à énoncer, pour imposer à la société Brocéliande-ALH les prix de ventes acceptés par la société Mix'buffet pendant les négociations tandis qu'elle les avait refusés, qu'il n'était pas démontré que ces prix auraient eu pour effet d'imposer au fournisseur une marge commerciale négative, dès lors que les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH se bornaient à produire des documents internes, sans rechercher, comme elle y été invitée, si cette marge brute négative était confirmée par l'attestation établie le 22 novembre 2019 par la société Rouxel Tanguy et associés - Actheos, commissaire aux comptes, laquelle avait procédé aux vérifications et rapprochements nécessaires au calcul de la perte de marge et du montant des pertes en résultant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-1 et L. 442-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
12. Après avoir constaté qu'une relation commerciale existait entre les parties depuis 2011, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'aucun préavis de rupture n'avait été adressé à la société Mix'buffet et qu'une telle précipitation avait causé de graves problèmes d'approvisionnement à cette société qui avait été brusquement privée d'un fournisseur stratégique pendant une période de forte activité, ce dont elle a pu déduire que cette rupture était constitutive d'un trouble manifestement illicite.
13. Elle a ainsi légalement justifié sa décision d'ordonner, afin de faire cesser le trouble constaté, le rétablissement de juillet à octobre 2019 des relations commerciales au prix majoré que la société Mix'buffet avait accepté lors des négociations ayant précédé la rupture, sans excéder ses pouvoirs ni être tenue de procéder à une recherche que la nécessité d'un tel rétablissement rendait inutile.
14. Le moyen, inopérant en ses première et troisième branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocéliande-ALH et les condamne à payer à la société Mix'buffet la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Cooperl arc Atlantique et Brocelliande-ALH
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence du Juge des référés du Tribunal de commerce de Rennes, au profit du Juge des référés du Tribunal de grande instance de Rennes, pour statuer sur les demandes dont il avait été saisi par la Société MIX BUFFET à l'encontre de la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE et de la Société BROCELIANDE-ALH ;
AUX MOTIFS QUE sur la compétence du tribunal de commerce, les appelantes font grief à l'ordonnance entreprise d'avoir écarté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société coopérative agricole Cooperl Arc Atlantique, alors que les sociétés coopératives agricoles relèvent exclusivement des juridictions civiles et que [c'est] le tribunal de grande instance de Rennes qui devait être considéré comme compétent pour la société coopérative agricole Cooperl Arc Atlantique ; que toutefois, si l'article L. 521-5 du code rural énonce que les sociétés coopératives et leurs unions relèvent de la compétence des juridictions civiles, il n'a pas pour effet de soustraire à la compétence des tribunaux de commerce les contestations relatives aux actes de commerce, tels que définis à l'article 632 du code de commerce, que les sociétés coopératives ou leurs unions peuvent accomplir avec des tiers ; que c'est, en conséquence, à raison que le juge des référés du tribunal de commerce s'est déclaré compétent ;
ALORS QUE, selon l'article L. 521-1 du Code rural, les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité et que selon l'article L. 521-5 du même Code, ces sociétés et leurs unions relèvent de la compétence des juridictions civiles, ce dont il ressort que les sociétés coopératives ont un objet non commercial les faisant échapper à la compétence des tribunaux de commerce, même si elles accomplissent des actes tels que des achats pour revendre, réputés actes de commerce, dès lors que ceux-ci sont effectués au profit des agriculteurs coopérateurs ; qu'en décidant néanmoins, pour retenir la compétence du Juge des référés du Tribunal de commerce de Rennes, que les tribunaux de commerce étaient compétent pour trancher les contestations relatives aux actes de commerce, tels que définis à l'article 632 ancien du Code de commerce, que les sociétés coopératives ou leurs unions peuvent accomplir avec des tiers, bien qu'il ait été constant que la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE, en sa qualité de société coopérative agricole, achetait, au profit de ses agriculteurs coopérateurs, leurs produits pour les revendre à la Société MIX BUFFET, par l'intermédiaire de la Société BROCELIANDE-ALH, ce dont il résultait que le Tribunal de commerce de Rennes n'était pas compétent pour statuer sur le litige qui l'opposait à la Société MIX BUFFET, la Cour d'appel a violé les articles L 521-1 et L 521-5 du Code rural et de la pêche maritime.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE et la Société BROCELIANDE-ALH de leur demande tendant à voir juger irrecevables les demandes formées à leur encontre par la Société MIX BUFFET, puis d'avoir ordonné, sous astreinte, à la Société BROCELIANDE-ALH de continuer à livrer à la Société MIX BUFFET l'ensemble des produits actuellement commercialisés entre elles et notamment les produits jambon supérieur DD diam 120 au prix de 3,40 euros le kilo et jambon supérieur fumé DD diam 120 au prix de 3,71 euros le kilo et ce dans des volumes conformes au niveau de commandes des mêmes mois de l'année précédente et d'avoir dit que cette obligation durerait les entiers mois de juillet, août, septembre et octobre 2019 ;
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité des demandes de la société Mix Buffet, les appelantes soulèvent l'irrecevabilité des demandes de la société Mix Buffet en l'absence de recours à la procédure de médiation préalable à la saisine du juge telle que prescrite par le code rural et de la pêche maritime ; que l'article L 631-28 du code rural et de la pêche maritime dispose, dans sa rédaction applicable à la cause : "Tout litige entre professionnels relatif à l'exécution d'un contrat ou d'un accord-cadre mentionné à l'article L. 631-24 ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit, préalablement à toute saisine du juge, faire l'objet d'une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles sauf si le contrat prévoit un autre dispositif de médiation ou en cas de recours à l'arbitrage. (...) En cas d'échec de la médiation menée par le médiateur des relations commerciales en application du premier alinéa du présent article, toute partie au litige peut saisir le président du tribunal compétent pour qu'il statue sur le litige en la forme des référés sur la base des recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles." ; que l'article L 631-24 du même code prévoit, en son alinéa 1er: "Tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est régi, lorsqu'il est conclu sous forme écrite, dans le respect des articles 1365 et 1366 du code civil, par les dispositions du présent article. Toutefois, le présent article et les articles L. 631-24-1, L. 631-24-2 et L. 631-24-3 du présent code ne s'appliquent pas aux ventes directes au consommateur, aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées, aux cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d'intérêt national définis à l'article L. 761-1 du code de commerce ou sur d'autres marchés physiques de gros de produits agricoles." ; que le seul renvoi de l'article L 631-28 à l'article L 631-24 est insuffisant à établir que le recours obligatoire à une médiation préalable avant toute saisine d'un juge serait limité aux contrats écrits, l'article L 631-24 se bornant à préciser la notion de contrat agricole, et l'article L 631-28 se référant à tout litige entre professionnels relatif à l'exécution d'un contrat ou d'un accord -cadre ; que la disposition instituant une procédure de médiation préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si une partie l'invoque ; que toutefois, la disposition prescrivant le recours à une médiation préalable ne prive pas le juge des référés du pouvoir de prendre, dans les conditions de l'article 873 du code de procédure civile, toute mesure propre à faire cesser un trouble manifestement illicite si l'urgence justifie de passer outre le processus de règlement amiable du conflit, ce qui est le cas en l'espèce ; que l'ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée en ce qu'elle a dit recevable l'action de la société Mix Buffet ;
ALORS QUE tout litige entre professionnels relatif à l'exécution d'un contrat ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit, préalablement à toute saisine du juge et à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf si le contrat prévoit un autre dispositif de médiation ou en cas de recours à l'arbitrage ; qu'en cas d'échec de la médiation menée par le médiateur des relations commerciales, toute partie au litige peut saisir le président du tribunal compétent pour qu'il statue sur le litige en la forme des référés sur la base des recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles ; que cette exigence s'impose également dans le cadre d'une procédure de référé engagée en raison de l'urgence ; qu'en décidant néanmoins que la disposition prescrivant le recours à une médiation préalable ne prive pas le juge des référés du pouvoir de prendre toute mesure propre à faire cesser un trouble manifestement illicite si l'urgence justifie de passer outre le processus de procédure amiable, bien que l'urgence n'ait pas autorisé la Société MIX BUFFET à s'affranchir de l'obligation légale de soumettre le litige à la médiation du médiateur des relations commerciales agricoles, dès lors qu'il portait sur la vente de produits alimentaires, la Cour d'appel a violé l'article L 631-28 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, ensemble l'article 873 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné, sous astreinte, à la Société BROCELIANDE-ALH de continuer à livrer à la Société MIX BUFFET l'ensemble des produits actuellement commercialisés entre elles et notamment les produits jambon supérieur DD diam 120 au prix de 3,40 euros le kilo et jambon supérieur fumé DD diam 120 au prix de 3,71 euros le kilo et ce dans des volumes conformes au niveau de commandes des mêmes mois de l'année précédente et d'avoir dit que cette obligation durerait les entiers mois de juillet, août, septembre et octobre 2019 ;
AUX MOTIFS QUE, sur la rupture brutale de la relation commerciale établie, l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que l'article L. 442-6 I 5° du code du commerce, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit : "I - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précédent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ; (...) IV. - Le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire." ; qu'il est établi que, le 4 juillet 2019, la société Cooperl a informé la société Mix Buffet qu'elle refusait toute négociation quant à la hausse du prix et cessait, à compter du 3 juillet 2019, les livraisons de deux produits (jambon supérieur DD et jambon supérieur DD fumé) ; que l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties n'est pas contestée ; qu'il est constant qu'aucun préavis de rupture n'a été notifié à la société Mix Buffet ; que les appelantes ne sauraient invoquer, pour justifier l'absence de préavis, le comportement fautif de la société Mix Buffet tenant à son refus de renégocier les prix à un niveau suffisant, alors qu'il n'est pas discuté que Mix Buffet a accepté en premier lieu, que les prix augmentent de 8 %, en second lieu, que la part des matières premières dans le coût de production de la société Cooperl soit portée, comme le réclamait cette dernière, à 85 % (pièce Mix Buffet n°17) ; qu'en l'absence d'un quelconque préavis de rupture, et alors même que les relations commerciales existaient entre les parties depuis 2011 et que la grille tarifaire adoptée par les parties avait été très récemment actualisée le 9 mai 2019 avec effet au 1er juin 2019, la rupture partielle brutale de la relation commerciale établie se trouve caractérisée ; que dès lors qu'il n'est pas discuté que la société Cooperl était le fournisseur exclusif de Mix Buffet en jambon, les conditions de la rupture ont été constitutives d'un trouble manifestement illicite et ont été de nature à causer à la société Mix Buffet un dommage imminent ; que le juge des référés ne fait qu'user du pouvoir que lui confère l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, lorsqu'il adopte, comme mesure conservatoire, la poursuite des effets du contrat aux conditions acceptées par la victime de la rupture brutale ; que tel est le cas en l'espèce, dès lors que :
- la poursuite du contrat est ordonnée pour une durée tenant compte de celle de la relation commerciale et compatible avec la nature de l'activité et des produits concernés ;
- la société Mix Buffet ayant accepté les prix de 3,40 euros le kilo pour le jambon supérieur DD diam 120 et de 3,71 euros le kilo pour le jambon supérieur fumé DD diam 120, prix dont la preuve n'est rapportée, avec l'évidence requise en référé, ni qu'ils étaient manifestement hors de proportion avec l'évolution du cours du porc, aucun élément n'étant opposé à l'affirmation de Mix Buffet selon laquelle la hausse consentie de 8 % prenait déjà en compte la hausse des cours, ni, dès lors, qu'ils auraient pour effet d'imposer au fournisseur une marge commerciale négative, comme le soutiennent les appelantes qui se bornent à produire des documents internes (pièce appelantes n°24) ;
que l'ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée sur les condamnations prononcées ;
1°) ALORS QUE, dans leurs conclusions d'appel, la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE et la Société BROCELIANDE-ALH faisaient valoir qu'il ne résultait d'aucune pièce du dossier qu'elles auraient été le fournisseur exclusif de la Société MIX BUFFET en jambon ; qu'en affirmant néanmoins, pour retenir que les conditions de la rupture de la relation commerciale établie étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite et de nature à causer un dommage imminent à la Société MIX BUFFET, qu'il n'était pas discuté que la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE était son fournisseur exclusif en jambon, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de leurs conclusions d'appel, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°) ALORS QUE le juge des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, imposer à l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies la poursuite de la relation commerciale en lui imposant un prix de vente de ses marchandises, si les parties n'étaient pas convenues, avant la rupture, de l'application d'un prix déterminé pendant une certaine durée ; qu'en imposant néanmoins, comme mesure conservatoire, la poursuite des relations commerciales en enjoignant à la Société BROCLELIANDE-ALH de céder ses marchandises aux prix unilatéralement fixés par la Société MIX BUFFET et que la Société BROCELIANDE-ALH avait refusés lors des négociations, comme étant insuffisants, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard de l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble les articles L 442-1 et L 442-4 du Code de commerce ;
3°) ALORS QUE le bordereau de pièces annexé aux conclusions d'appel de la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE et de la Société BROCELIANDE-ALH mentionne, en pièce n° 37, une « Attestation du Commissaire aux Comptes du 22 novembre 2019 relative aux marges brutes négatives réalisées sur la période de juillet à octobre 2019 » ; qu'en affirmant néanmoins, pour imposer à la Société BROCELIANDE-ALH les prix de ventes acceptés par la Société MIX BUFFET pendant les négociations tandis qu'elle les avait refusés, que la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE et la Société BROCELIANDE-ALH se bornant à produire des documents internes (pièce appelantes n° 24), il n'était pas démontré que ces prix auraient eu pour effet d'imposer au fournisseur une marge commerciale négative, la Cour d'appel a dénaturé ce bordereau de pièces, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4°) ALORS QU'en se bornant à énoncer, pour imposer à la Société BROCELIANDE-ALH les prix de ventes acceptés par la Société MIX BUFFET pendant les négociations tandis qu'elle les avait refusés, qu'il n'était pas démontré que ces prix auraient eu pour effet d'imposer au fournisseur une marge commerciale négative, dès lors que la Société COOPERL ARC ATLANTIQUE et la Société BROCELIANDE-ALH se bornaient à produire des documents internes (pièce appelantes n° 24), sans rechercher, comme elle y été invitée, si cette marge brute négative était confirmée par l'attestation établie le 22 novembre 2019 par la Société ROUXEL TANGUY et ASSOCIES – ACTHEOS, Commissaire aux comptes, laquelle avait procédé aux vérifications et rapprochements nécessaires au calcul de la perte de marge et du montant des pertes en résultant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble les articles L 442-1 et L 442-4 du Code de commerce.