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24/11/2021 | FRANCE | N°19-20400

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 novembre 2021, 19-20400


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1316 F-D

Pourvoi n° S 19-20.400

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

Mme [F] [M], épouse [Y],

domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 19-20.400 contre l'arrêt rendu le 22 février 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1316 F-D

Pourvoi n° S 19-20.400

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

Mme [F] [M], épouse [Y], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 19-20.400 contre l'arrêt rendu le 22 février 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à l'association Sud-Ouest emploi, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [M], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de l'association Sud-Ouest emploi, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 24 janvier 2018, pourvoi n° 16-26.585), Mme [M] a été engagée en qualité de chargée de mission ressources humaines par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 7 septembre 2008 par l'association Comité de bassin d'emploi Lyon Sud. À la suite de la dissolution de celle-ci, son contrat de travail a été transféré à l'association Sud-Ouest emploi le 1er octobre 2011.

2. Elle a été licenciée pour faute grave le 13 février 2013.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures complémentaires accomplies entre juillet 2012 et février 2013 et des congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'il ne lui pas fait obligation pour répondre à cette exigence de produire un décompte hebdomadaire ; qu'en jugeant que les éléments fournis par la salariée n'étaient pas de nature à étayer ses demandes, au motif que les tableaux des heures supplémentaires accomplies mensuellement ne mentionnaient pas le nombres d'heures complémentaires accomplies chaque semaine durant la période de juillet 2012 à février 2013, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

3°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que l'employeur est tenu d'effectuer un décompte de la durée du travail ; qu'à défaut, il ne satisfait pas à sa charge probatoire et les juges du fond doivent se fonder sur les seuls éléments fournis par le salarié pour apprécier le nombre d'heures supplémentaires effectuées ; qu'en déboutant la salariée de sa demande, sans vérifier que l'employeur justifiait des heures effectuées par celle-ci, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée et, partant, a violé les articles L. 3171-1 dans sa rédaction alors applicable et L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

7. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures complémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que la salariée avait produit un tableau mentionnant les heures mensuelles effectuées entre les mois de juillet 2012 et de février 2013, retient que ce document ne mentionne pas le nombre d'heures complémentaires accomplies durant chaque semaine de chacun des mois de cette période. Il en déduit que les éléments fournis par la salariée ne sont ni clairs ni précis et ne sont pas de nature à étayer ses prétentions.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de nature à justifier les heures effectivement effectuées par l'intéressée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement justifié par une faute grave et de la débouter de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que ne caractérise pas un abus dans l'exercice de la liberté d'expression constitutif d'une faute grave l'évocation en des termes neutres et modérés auprès de l'employeur, de l'altération de la relation contractuelle et des manquements aux obligations contractuelles et à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, sans autre diffusion ni publicité et sans répercussion au sein de l'entreprise ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1121-1 du code du travail :

10. Il résulte de ce texte que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

11. Pour dire que le licenciement de la salariée reposait sur une faute grave, l'arrêt retient que les relations entre celle-ci et l'association ont été, après le transfert du contrat de travail, immédiatement conflictuelles dès lors que la salariée a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2011, commencé à contester sa rémunération auprès de son nouvel employeur en sollicitant diverses régularisations, que le conflit n'a cessé de s'exacerber dès lors qu'outre ce courrier, la salariée a adressé à son employeur huit autres correspondances, sous forme de courriers recommandés ou de courriels, établies jusqu'au 4 janvier 2013. Il relève, dans ces correspondances, les phrases suivantes : dans le courrier du 4 novembre 2011 : « s'agissant d'heures de travail demandées implicitement par l'employeur, effectivement réalisées, et qui vont de surcroît certainement donner lieu à paiement par le client, le refus de me rémunérer constitue à mon sens une faute grave de votre part. La gestion de la situation au sein de Sud-Ouest emploi continue d'être consternante, sauf à y voir une volonté délibérée de harcèlement à mon encontre » ; dans le courrier du 19 novembre 2011 : « mon courrier du 4 novembre est resté sans réponse de votre part... Je ne comprends pas vos agissements sauf à maintenir à mon égard une volonté de harcèlement et de nuisances dans la réalisation de la mission... » ; dans celui du 11 décembre 2012 : « j'ai trouvé une enveloppe sur mon bureau ce lundi matin, il s'agissait de ma fiche de paye d'octobre... et je souhaiterais avoir le détail de calcul de mon 13ème mois » ; dans le courrier du 16 décembre 2012 : « Depuis des mois les relations entre Sud-Ouest emploi et moi-même se sont dégradées au point d'en arriver comme vous le soulignez à rompre tout dialogue, je vous le confirme, et cet état de fait n'est que le résultat de vos agissements à mon égard depuis le premier jour de mon arrivée à Sud-Ouest emploi (...) Il apparaît clairement que Sud-Ouest emploi a failli à tous ses devoirs et à aucun moment n'a agi en employeur responsable : tant dans l'étude sérieuse du dossier de transfert que dans la reprise et la gestion de mon contrat de travail. Depuis mon arrivée à Sud-Ouest emploi, tout a été mis en oeuvre par vos soins pour dégrader nos relations de travail et de confiance, pour me mettre devant le fait accompli, pour ne pas respecter nos liens contractuels, pour rompre toute communication et nuire à la bonne réalisation de la mission (...) ces pressions, mises à l'écart, décisions unilatérales violent mes droits, dégradent mes conditions de travail et atteignent gravement à ma santé et c'est aujourd'hui la peur au ventre que je prends mon travail chaque jour, m'attendant à trouver de nouvelles notes de service, lettres, remise en cause de ma personne et de mon contrat (...) Dans quelle mesure, Sud-Ouest emploi, association d'insertion portant une mission de service public, peut-elle avoir de telles pratiques envers ses salariés, pratiques si éloignées du rôle social qu'elle est censée jouer » ; dans le courrier du 4 janvier 2013 : « Vous persistez à arguer que mon temps de travail est de 60 % (...) Je maintiens ma position : mon temps de travail est de 70 % d'un équivalent temps plein (...) De plus, ce sont les agissements de Sud-Ouest emploi envers la CCRC, d'une particulière mauvaise foi qui me privent des heures effectuées sur la région de [Localité 3] (...) Le fait de ne pas me payer mon salaire contractuel depuis plusieurs mois constitue une faute grave de l'employeur. »

12. L'arrêt en déduit qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la salariée a ainsi tenu des propos excessifs dans les correspondances qu'elle a adressées à son employeur entre le 4 novembre 2011 et le 4 janvier 2013 et qu'elle a en ces occasions abusé de la liberté d'expression dont elle jouit au sein de l'association et en dehors de celle-ci.

13. En statuant ainsi, alors que les correspondances de la salariée, qui se bornaient à critiquer les modalités de rémunération de ses heures de travail, ses conditions de travail et à dénoncer un harcèlement à son égard sans contenir de propos excessifs, injurieux et diffamatoires, ne caractérisaient pas un abus par la salariée de sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [M] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures complémentaires et de congés payés afférents, dit que le licenciement de Mme [M] repose sur une faute grave et la déboute de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'article 700 du code de procédure civile et laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens, l'arrêt rendu le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne l'association Sud-Ouest emploi aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la l'association Sud-Ouest emploi à payer à Mme [F] [M], épouse [Y], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [M]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures complémentaires accomplies entre juillet 2012 et février 2013 et au titre des congés payés y afférents.

AUX MOTIFS QU'à l'appui, [F] [M] épouse [Y] produit des tableaux en pièce n° 14 ; que la cour constate après analyse de ces tableaux que seules sont indiquées les heures complémentaires accomplies mensuellement et que [F] [M] épouse [Y] n'a pas mentionné le nombre d'heures complémentaires accomplies durant chaque semaine de chacun des mois durant la période de juillet 2012 à février 2013 ; qu'il s'ensuit que les éléments fournis par [F] [M] épouse [Y] ne sont ni clairs ni précis; qu'ils ne sont donc pas de nature à étayer ses prétentions ni à laisser supposer qu'il a bien accompli les heures complémentaires qu'elle allègue.

1° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'il ne lui pas fait obligation pour répondre à cette exigence de produire un décompte hebdomadaire ; qu'en jugeant que les éléments fournis par la salariée n'étaient pas de nature à étayer ses demandes, au motif que les tableaux des heures supplémentaires accomplies mensuellement ne mentionnaient pas le nombres d'heures complémentaires accomplies chaque semaine durant la période de juillet 2012 à février 2013, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

2° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en jugeant que les tableaux fournis n'étaient pas de nature à laisser supposer que la salariée avait bien accompli les heures complémentaires qu'elle alléguait, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

3° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que l'employeur est tenu d'effectuer un décompte de la durée du travail ; qu'à défaut, il ne satisfait pas à sa charge probatoire et les juges du fond doivent se fonder sur les seuls éléments fournis par le salarié pour apprécier le nombre d'heures supplémentaires effectuées ; qu'en déboutant la salariée de sa demande, sans vérifier que l'employeur justifiait des heures effectuées par celle-ci, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée et, partant, a violé les articles L. 3171-1 dans sa rédaction alors applicable et L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement justifié par une faute grave et d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces du dossier que : - le contrat de travail de [F] [M] épouse [Y] initialement conclu avec l'association Comité de bassin d'emploi Lyon sud a été transféré à l'association SUD EMPLOI EST à compter du 1er octobre 2011 après la dissolution de l'association Comité de bassin d'emploi Lyon sud ; - les relations entre [F] [M] épouse [Y] et l'association SUD EMPLOI EST ont été immédiatement conflictuelles dès lors que [F] [M] épouse [Y] a par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2011 commencé à contester sa rémunération auprès de son nouvel employeur en sollicitant diverses régularisations ; - le conflit n'a cessé de s'exacerber dès lors qu'outre le courrier du 4 novembre 2011, la salariée a adressé à son employeur huit autres correspondances sous forme de courriers recommandés ou de courriels établies jusqu'au 4 janvier 2013 ; qu'il convient de relever, après lecture des correspondances ainsi adressées, les phrases suivantes : - courrier du 4 novembre 2011 : « s'agissant d'heures de travail demandées implicitement par l'employeur, effectivement réalisées, et qui vont de surcroît certainement donner lieu à paiement par le client, le refus de me rémunérer constitue à mon sens une faute grave de votre part. La gestion de la situation au sein de Sud-Ouest Emploi continue d'être consternante, sauf à y voir une volonté délibérée de harcèlement à mon encontre » ; - courrier du 19 novembre 2011 : « mon courrier du 4 novembre est resté sans réponse de votre part... Je ne comprends pas vos agissements sauf à maintenir à mon égard une volonté de harcèlement et de nuisances dans la réalisation de la mission... » ; - courrier du 11 décembre 2012 : "j'ai trouvé une enveloppe sur mon bureau ce lundi matin, il s'agissait de ma fiche de paye d'octobre... et je souhaiterais avoir le détail de calcul de mon 13ème mois" ; - courrier du 16 décembre 2012 : " Depuis des mois les relations entre Sud-Ouest Emploi et moi-même se sont dégradées au point d'en arriver comme vous le soulignez à rompre tout dialogue, je vous le confirme, et cet état de fait n'est que le résultat de vos agissements à mon égard depuis le premier jour de mon arrivée à Sud-Ouest Emploi (...) Il apparaît clairement que Sud-Ouest Emploi a failli à tous ses devoirs et à aucun moment n'a agi en employeur responsable : tant dans l'étude sérieuse du dossier de transfert que dans la reprise et la gestion de mon contrat de travail. Depuis mon arrivée à Sud-Ouest Emploi, tout a été mis en oeuvre par vos soins pour dégrader nos relations de travail et de confiance, pour me mettre devant le fait accompli, pour ne pas respecter nos liens contractuels, pour rompre toute communication et nuire à la bonne réalisation de la mission (...) ces pressions, mises à l'écart, décisions unilatérales violant mes droits dégradent mes conditions de travail et atteignent gravement à ma santé et c'est aujourd'hui la peur au ventre que je prends mon travail chaque jour, m'attendant à trouver de nouvelles notes de service, lettres, remise en cause de ma personne et de mon contrat (..,) Dans quelle mesure, Sud-Ouest Emploi, association d'insertion portant une mission de service public peut-elle avoir de telles pratiques envers ses salariés, pratique si éloignées du rôle social qu'elle est censée jouer ? » ; - courrier du 4 janvier 2013 : "Vous persistez à arguer que mon temps de travail est de 60 % (...) Je maintiens ma position : mon temps de travail est de 70 % d'un équivalent temps plein (...) De plus, ce sont les agissements du Sud-Ouest Emploi envers la CCRC, d'une particulière mauvaise foi qui me privent des heures effectuées sur la région de [Localité 3] (...) Le fait de ne pas me payer mon salaire contractuel depuis plusieurs mois constituent une faute grave de l'employeur. » ; - qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que [F] [M] épouse [Y] a ainsi tenu des propos excessifs dans les correspondances qu'elle a adressées à son employeur entre le 4 novembre 2011 et le 4 janvier 2013 ; qu'il y a donc lieu de dire que [F] [M] épouse [Y] a en ces occasions abusé de la liberté d'expression dont elle jouit au sein de l'association SUD EMPLOI EST et en dehors de celle-ci ; que l'employeur justifie donc des faits reposant sur des propos excessifs ; que la cour dit que ces faits constituent à eux seuls une violation par [F] [M] épouse [Y] des obligations découlant de son contrat de travail et qui rendent impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

1° ALORS QUE seul l'emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs constitue un abus de la liberté d'expression ; qu'en se bornant à rapporter la teneur des courriers litigieux et affirmer péremptoirement qu'ils sont excessifs, sans les analyser et caractériser l'excès qu'ils revêtent, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

2° ALORS encore QUE l'exercice de la liberté d'expression constitue un abus caractérisant une faute grave qu'en cas d'intention de nuire à l'employeur, de malveillance à son encontre ou de trouble caractérisé au sein de l'entreprise ; qu'en retenant l'abus tenant à des propos excessifs sans caractériser aucun de ces trois éléments, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1234-1, L.1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

3° ALORS en tout cas QUE ne caractérise pas un abus dans l'exercice de la liberté d'expression constitutif d'une faute grave l'évocation en des termes neutres et modérés auprès de l'employeur, de l'altération de la relation contractuelle et des manquements aux obligations contractuelles et à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, sans autre diffusion ni publicité et sans répercussion au sein de l'entreprise ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20400
Date de la décision : 24/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 22 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 nov. 2021, pourvoi n°19-20400


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20400
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