LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
NL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 novembre 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 712 F-B
Pourvoi n° Q 20-50.026
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2021
Le procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du Parlement de Bretagne, CS 66423, 35064 Rennes cedex, a formé le pourvoi n° Q 20-50.026 contre l'arrêt rendu le 24 février 2020 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [T] [T],
2°/ à Mme [Z] [U],
domiciliés tous deux [Adresse 1], pris en qualité de représentants légaux de [P] [U] [G] et [R] [U] [G],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 février 2020), M. [T] [T], né en République centrafricaine et naturalisé français par décret du 12 janvier 2011, a fait transcrire sur les registres de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les actes de naissance de ses deux enfants, [R] et [P] [U] [G], nées en République centrafricaine respectivement les 8 mars 2000 et 19 décembre 2007, et reconnues par lui le 5 décembre 2012.
2. Le ministère public a demandé l'annulation de cette transcription.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le procureur général près la cour d'appel de Rennes fait grief à l'arrêt de rejeter la demande du ministère public tendant à annuler les actes de naissance d'[R] et [P] [U] [G] transcrits sur les registres du service central de l'état civil, alors « qu'en application de l'article 20, alinéa 1, du code civil, l'enfant français par filiation ou par la naissance en France est réputé avoir été français dès sa naissance, même si l'existence des conditions requises par la loi pour l'attribution de la nationalité française n'est établie que postérieurement ; qu'en vertu de l'article 18 du code civil, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; que l'article 18 du code civil consacrant un cas d'attribution et non d'acquisition de la nationalité française, c'est la nationalité du parent qu jour de naissance de l'enfant et non la nationalité du parent au jour de l'établissement de la filiation qu'il convient de prendre en considération pour déterminer si l'enfant est français par filiation ; qu'un jugeant que la date pertinente pouvait être celle à laquelle la filiation a été établie si cet établissement est intervenu postérieurement à la naissance, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 18 et de l'alinéa 1er de l'article 20 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 18 du code civil :
4. Aux termes de ce texte, est Français l'enfant dont l'un des parents au moins est Français.
5. Pour rejeter la demande du ministère public, après avoir rappelé cette règle, l'arrêt énonce que la date à retenir afin de déterminer la nationalité du parent est celle de la naissance, ou, si l'établissement de la filiation est postérieur à la naissance, la date à laquelle la filiation est établie. Il relève que la filiation entre M. [B] [T] [T], naturalisé français par décret du 12 janvier 2011, et [R] et [O], a été établie le 5 décembre 2012, date à laquelle les deux enfants étaient mineures et leur père français. Il en déduit que celles-ci sont françaises et que c'est à bon droit que leurs actes de naissance ont été transcrits sur les registres de l'état civil français.
6. En statuant ainsi, alors que la nationalité du ou des parents à prendre en considération pour l'attribution de la nationalité en raison de la naissance d'un parent français est celle que ce parent avait au jour de la naissance de l'enfant, peu important sa nationalité au jour de l'établissement de la filiation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne M. [T] [T] et Mme [U] [G] en leur qualité de représentants légaux de [P] et [R] [U] [G] aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Rennes
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement par lequel le tribunal de grande instance de Nantes a rejeté la demande du ministère public tendant à annuler les actes de naissance de [R] et [P] [U] [G] transcrits sur les registres d'état civil du service central d'état civil :
AUX MOTIFS QUE :
" En l'espèce, il est constant que les enfants [R] et [P] [U] [G] sont nées respectivement le 8 mars 2000 et le 19 décembre 2007, que [B] [T] [T] a été naturalisé français le 12 janvier 2011 et que la filiation de ce dernier a l'égard des deux enfants a été établie postérieurement, le 5 décembre 2012, par acte de reconnaissance.
Aux termes de l'article 18 du code civil, l'enfant dont un parent au moins est français, est français. La date à retenir afin de déterminer la nationalité des parents est celle de la naissance, ou si l'établissement de la filiation est postérieur à la naissance, la date à laquelle la filiation a été établie.
L'article 20 du même code prévoit que 'L'enfant qui est français en vertu des dispositions du présent chapitre est réputé avoir été français dès sa naissance, même si l'existence des conditions requises par la loi pour l'attribution de la nationalité française n'est établie que postérieurement'.
Enfin, l'article 20-1 du code civil dispose que 'La filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité.'.
N'étant pas nées en France, les enfants [R] et [P] [U] [G] ne peuvent être françaises que si l'un de leurs parents au moins était français au jour de leur naissance ou le cas échéant au jour de l'établissement de leur filiation en application de l'article 18 du code civil et si la filiation à l'égard du parent français a été établie durant leur minorité conformément aux dispositions de l'article 20-1 du code civil.
En l'espèce, il est constant que les enfants sont nées respectivement le 8 mars 2000 pour [R] et le 19 décembre 2007 pour [P], que la filiation entre Monsieur [B] [T] [T] et elle a été établie le 5 décembre 2012 et que Monsieur [B] [T] [T] a été naturalisé français par décret du 12 janvier 2011.
Il en résulte qu'au jour de l'établissement de la filiation [E] et [P] [U] [G] à l'égard de leur père Monsieur [B] [T] [T], les deux enfants étaient mineures et leur père était français. " ;
ALORS QU'en application de l'article 20, alinéa 1, du code civil, l'enfant français par filiation ou par la naissance en France est réputé avoir été français dès sa naissance, même si l'existence des conditions requises par la loi pour l'attribution de la nationalité française n'est établie que postérieurement ; qu'en vertu de l'article 18 du code civil, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; que l'article 18 du code civil consacrant un cas d'attribution et non d'acquisition de la nationalité française, c'est la nationalité du parent au jour de la naissance de l'enfant, et non la nationalité du parent au jour de l'établissement de la filiation, qu'il convient de prendre en considération pour déterminer si l'enfant est français par filiation ; qu'en jugeant que la date pertinente pouvait être celle à laquelle la filiation a été établie si cet établissement est intervenu postérieurement à la naissance, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 18 et de l'alinéa 1er de l'article 20 du code civil ;
ALORS QUE l'article 22-1 du code civil prévoit que l'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce ; que les dispositions de cet article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration ; qu'en l'espèce, les noms [E] et [P] [U] [G] ne sont pas mentionnés dans le décret de naturalisation du 12 janvier 2011 de Monsieur [B] [T] [T] ; qu'en jugeant [R] et [P] [U] [G] françaises par filiation sur le fondement des articles 18 et 20, alinéa 2, du code civil, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 22-1 du même code ;