LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 novembre 2021
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 784 F-D
Pourvoi n° X 20-17.166
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 NOVEMBRE 2021
La société [Y], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [Y] [Y], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société JCDB, a formé le pourvoi n° X 20-17.166 contre un arrêt n° RG 18/05304 rendu le 14 mai 2020 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Mme [B] [B], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à la société JCDB, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société [Y], ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 mai 2020) la société JCDB a été mise en redressement judiciaire le 25 octobre 2017, puis en liquidation judiciaire le 13 décembre 2017, la société [Y] étant désignée en qualité de liquidateur.
2. Le 13 décembre 2017, la Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes (la banque) a déclaré ses créances qui ont été contestées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer régulière la déclaration de créances effectuée par la banque et d'admettre les créances de celle-ci au passif de la société JCDB, alors :
« 1° / que lorsque l'identité du préposé signataire de la déclaration de créance est contestée, il appartient au créancier d'établir que le signataire est bien le préposé investi de la délégation de pouvoirs ou du mandat consenti à cette fin ; qu'en retenant, pour admettre au passif de la société JCDB, les créances déclarées par la Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes, de 1 796,19 euros à titre chirographaire échu, 45 000 euros à titre chirographaire, de 2 323,75 euros à titre privilégié échu et 43 508,52 euros à titre privilégié à échoir, que la société [Y], ès qualités de liquidateur de la société JCDB, "affirme à tort qu'il appartient à la BPARA de rapporter la preuve que M. [U] est bien le signataire de cette délégation de pouvoir", cependant que dès lors que la société [Y] contestait la signature apposée sur la délégation de pouvoir consentie par M. [U], il appartenait à la banque d'en justifier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du même code ;
2°/ que le pouvoir donné au préposé par délégation n'est pas soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; que l'acceptation de la délégation de pouvoirs, qui est une condition de sa validité, ne peut être tacite ; qu'en retenant néanmoins que "le liquidateur judiciaire n'est pas fondé à invoquer la nécessité d'une acceptation écrite et expresse, cette acceptation pouvant comme en l'espèce être tacite et se déduire de l'usage des pouvoirs conférés par la délégation", la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 applicable aux procédures collectives ouvertes à compter du 1er juillet 2014, un créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance et aucune forme particulière n'est prévue pour cette ratification qui peut être implicite.
5. Il en résulte que la banque, qui a conclu devant la cour d'appel en lui demandant d'admettre au passif de la société JCDB les sommes mentionnées dans sa déclaration de créances du 13 décembre 2017, a ainsi nécessairement ratifié ladite déclaration.
6. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile la décision se trouve légalement justifiée.
7. Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [Y], en sa qualité de liquidateur de la société JCDB, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société [Y], en sa qualité de liquidateur de la société JCDB.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré régulière la déclaration de créance effectuée par la Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes le 13 décembre 2017, prononcé l'admission au passif de la société JCDB des créances de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à titre chirographaire échu pour une somme de 1.796,19 au titre du solde d'un compte professionnel, à titre chirographaire pour une somme de 45.000 euros au titre d'une caution bancaire, à titre privilégié échu pour une somme de 2.323,75 euros au titre de deux prêts n°07037461 renuméroté 01837461 et n°07037462 renuméroté 01837462 et à titre privilégié à échoir pour une somme de 43.508,52 euros, au titre de ces deux prêts ;
AUX MOTIFS QUE la société JCDB et Mme [B] n'ayant pas reçu la signification de la déclaration d'appel à leur personne, l'arrêt est rendu par défaut ; que l'article L. 622-24 du code de commerce dispose dans son alinéa 2 que "la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance." ; qu'en l'espèce, la BPARA a déclaré sa créance au passif de la société JVM (sic) par courrier du 13 décembre 2017 signé par M. [G] [G], auquel était joint un document intitulé délégation de pouvoirs ; que la SELARL [Y] affirme que la déclaration de créances s'apparente à une action en justice et que M. [G], préposé de la BPARA, a signé ces courriers alors que sa délégation de pouvoir n'était pas valable, car consentie par M. [U] en sa qualité de directeur général dont la banque ne démontre pas qu'il a lui-même reçu ce pouvoir de déclarer les créances ; qu'elle ajoute douter de la signature de ce directeur général en comparaison avec d'autres documents et affirme à tort qu'il appartient à la BPARA de rapporter la preuve que M. [U] est bien le signataire de cette délégation de pouvoir ; que la société anonyme BPARA réplique en soutenant avec pertinence que son extrait KBIS établit que M. [U], directeur général, est un de ses représentants légaux et qu'il n'a pas à justifier d'un pouvoir à déclarer les créances ; qu'elle relève avoir cherché vainement les différences alléguées par le liquidateur judiciaire entre les différentes signatures de son directeur général ; que sont inopérants pour l'appréciation de la régularité de la déclaration de créance : - le caractère synallagmatique de la délégation de pouvoir à un préposé qui n'est pas discuté ; - l'interrogation posée par le liquidateur judiciaire sur la signature apposée par M. [G] sur la déclaration de créance litigieuse, qu'il n'argue pas de faux et au sujet de laquelle il ne tente pas de fournir de quelconques éléments de doute ; - l'interrogation de la SELARL [Y], qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe également, sur une fausseté de signature de M. [U] sur la délégation de pouvoir du 28 mars 2017 qu'elle n'invoque d'ailleurs pas, au regard de la variation ou d'une dispersion habituelle des signatures de M. [U] fournies comme éléments de comparaison ; que la SELARL [Y] affirme enfin qu'une telle délégation de pouvoir doit être acceptée expressément par le délégataire ; qu'il n'est pas établi par les pièces de la BPARA que M. [G] a accepté la délégation qu'elle lui a faite, sa signature étant mentionnée comme spécimen sur une procuration ; que comme le relève la BPARA, le liquidateur judiciaire n'est pas fondé à invoquer la nécessité d'une acceptation écrite et expresse, cette acceptation pouvant comme en l'espèce être tacite et se déduire de l'usage des pouvoirs conférés par la délégation ; qu'en effet, cette rencontre des consentements dans le cadre d'un acte synallagmatique ne résulte pas nécessairement d'une signature ou d'une mention expresse, et le liquidateur judiciaire invoque à tort les règles inhérentes à la mise en cause de la responsabilité du délégataire de pouvoir, qui n'est pas concernée en l'espèce ; que l'ordonnance entreprise doit en conséquence être infirmée en ce qu'elle a rejeté en partie les créances de la BPARA ; que comme le relève à juste titre la SELARL [Y], le juge-commissaire a omis de statuer sur l'intégralité des créances déclarées par la BPARA en ne prononçant le rejet que d'un montant de 46 796,19 €, alors qu'étaient alors contestées plusieurs créances pour un total de 92 628,46 € ; que ces créances ne sont pas discutées et leur admission est prononcée, les précisions étant faites au dispositif de cet arrêt ;
1°) ALORS QUE lorsque l'identité du préposé signataire de la déclaration de créance est contestée, il appartient au créancier d'établir que le signataire est bien le préposé investi de la délégation de pouvoirs ou du mandat consenti à cette fin ; qu'en retenant, pour admettre au passif de la société JCDB, les créances déclarées par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, de 1.796,19 euros à titre chirographaire échu, 45.000 euros à titre chirographaire, de 2.323,75 euros à titre privilégié échu et 43.508,52 euros à titre privilégié à échoir, que la Selarl [Y], ès qualités de liquidateur de la société JCDB, « affirme aÌ tort qu'il appartient aÌ la BPARA de rapporter la preuve que M. [U] est bien le signataire de cette délégation de pouvoir » (p. 4 § 10 de l'arrêt), cependant que dès lors que la Selarl [Y] contestait la signature apposée sur la délégation de pouvoir consentie par Monsieur [U] (p. 13 à 16, concl.), il appartenait à la banque d'en justifier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du même code ;
2°) ALORS QUE le pouvoir donné au préposé par délégation n'est pas soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; que l'acceptation de la délégation de pouvoirs, qui est une condition de sa validité, ne peut être tacite ; qu'en retenant néanmoins que « le liquidateur judiciaire n'est pas fondé à invoquer la nécessité d'une acceptation écrite et expresse, cette acceptation pouvant comme en l'espèce être tacite et se déduire de l'usage des pouvoirs conférés par la délégation » (p.5 § 1 de l'arrêt), la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce.