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10/11/2021 | FRANCE | N°20-12286

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 novembre 2021, 20-12286


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1236 F-D

Pourvoi n° T 20-12.286

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Blackswan Invest, sociÃ

©té par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-12.286 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la cour d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1236 F-D

Pourvoi n° T 20-12.286

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Blackswan Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-12.286 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à Mme [B] [F], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Blackswan Invest, de Me Balat, avocat de Mme [F], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, Mme Le Lay, M. Barincou, conseillers, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2019), Mme [F] a été engagée à compter du 1er septembre 2011 par la société Blackswan Invest (la société), en qualité de directrice des investissements.

2. Licenciée pour motif économique par lettre du 22 avril 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir le paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'employeur « ne verse aux débats aucun élément, et notamment aucun document comptable, pour permettre à la cour d'apprécier la cause économique au niveau du secteur d'activité du groupe, alors que ce dernier est composé de plus d'une vingtaine de sociétés, comme l'indique l'attestation d'absence d'effectif salarié datée du 6 décembre 2017 » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la salariée ne prétendait pas qu'elle appartenait à un groupe de sociétés au sens des dispositions de l'article L. 2331-1 du code du travail et qu'elle même n'admettait ni ne reconnaissait appartenir à un tel groupe, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

5. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si les éléments du dossier permettent d'établir l'existence d'une menace sur la sauvegarde de la compétitivité de la société, cette dernière ne verse aux débats aucun élément, et notamment aucun document comptable, pour permettre à la cour d'apprécier la cause économique au niveau du secteur d'activité du groupe, alors que ce dernier est composé de plus d'une vingtaine de sociétés, comme l'indique l'attestation d'absence d'effectif salarié datée du 6 décembre 2017.

6. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, ni la salariée ni l'employeur ne faisaient état de l'appartenance de ce dernier à un groupe, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Blackswan Invest

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SAS Blackswan Invest à payer à Mme [B] [F] la somme de 40.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE, sur le licenciement : aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient ; que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement ; que selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que l'existence d'un motif économique tel que défini par le législateur notamment, ne suffit pas à justifier le licenciement ; que l'employeur ne pourra procéder au licenciement économique du salarié concerné que si son reclassement s'avère impossible ; qu'il s'en déduit que le licenciement pour motif économique ne repose sur une cause réelle et sérieuse que si l'employeur peut tout à la fois justifier des difficultés économiques ou de la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité qu'il allègue, et établir qu'il a mis tout en oeuvre pour assurer le reclassement du salarié ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée : (...) La société Blackswan Invest a pour principales activités d'une part la gestion locative et d'autre part une activité d'investissement.

A ce titre elle est amenée à acquérir pour son propre compte et celui de ses mandants des murs de commerce de pied d'immeuble. Il apparaît que les principaux clients de notre société ont arrêté des décisions de nature à impacter de plein fouet le volume d'investissement portant sur des locaux commerciaux de pied d'immeuble. Il ne sera de ce fait plus possible d'investir sur des actifs dont la commercialité est qualifiée d'insuffisante et relevant des investissements dits N°2. La baisse prévisible d'activité est considérable, puisque les investissements de commercialité N°2 ont masqué en 2015 une diminution significative du chiffre d'affaires lié à la recherche d'investissements dont la commercialité est satisfaisante (N°1 et 1 bis) qui est passé de 817.000 euros HT en 2013 à 578.000 euros HT seulement en 2015. Cette situation qui s'inscrit dans un contexte qui demeure particulièrement concurrentiel, nous impose de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de sauvegarder la compétitivité de notre société. Telles sont les raisons qui nous conduisent à procéder à une réorganisation au sein de la société, laquelle conduit à la suppression de votre poste de directrice des investissements. Comme nous vous l'avons indiqué, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée » ; qu'il résulte des éléments communiquées, et notamment des documents comptables, que, dans un contexte fortement concurrentiel à l'origine d'une raréfaction des opportunités d'investissements, la société Blackswan Invest a dû faire face à une diminution de la rentabilité locative, conduisant à une baisse de son chiffre d'affaires portant sur ses investissements principaux N°1 et N°1 bis, passé de 817.039 euros en 2013, à 578.000 euros en 2015 ; que la cour observe, par ailleurs, que les comptes de la société Blackswan Invest mentionnent, au passif, un report à nouveau négatif de - 340.823 euros en 2014 et de - 329.793 euros en 2015, alors que le capital social est de 700.000 euros, et que le résultat net de la société Blackswan Invest est passé de 12.965 euros en 2015 à 3.238 euros en 2016 ; que la cour rappelle, toutefois, que la cause économique du licenciement doit d'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe de la société Blackswan Invest et que la charge de la preuve de l'existence d'un motif économique repose sur l'employeur ; qu'or, si les éléments du dossier permettent d'établir l'existence d'une menace sur la sauvegarde de la compétitivité de la société Blackswan Invest, cette dernière ne verse aux débats aucun élément, et notamment aucun document comptable, pour permettre à la cour d'apprécier la cause économique au niveau du secteur d'activité du groupe, alors que ce dernier est composé de plus d'une vingtaine de sociétés, comme l'indique l'attestation d'absence d'effectif salarié datée du 6 décembre 2017 ; qu'ainsi, l'existence d'un motif économique au licenciement de Mme [B] [F] n'est pas établie et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'à la date du licenciement, Mme [B] [F] percevait une rémunération mensuelle brute de 10.000 euros et avait 57 ans ; qu'il ressort des contrats de travail versés aux débats qu'elle a été embauchée le 1er septembre 2011 et qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de 4 ans et 8 mois au sein de l'établissement ; qu'elle justifie avoir retrouvé un emploi à compter du 23 février 2017 ;

Que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée à Mme [B] [F], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ; que la société sera condamnée au paiement de cette somme et le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'employeur « ne verse aux débats aucun élément, et notamment aucun document comptable, pour permettre à la cour d'apprécier la cause économique au niveau du secteur d'activité du groupe, alors que ce dernier est composé de plus d'une vingtaine de sociétés, comme l'indique l'attestation d'absence d'effectif salarié datée du 6 décembre 2017 » ; qu'en statuant ainsi, cependant que Mme [F] ne prétendait pas que la société Blackswan appartenait à un groupe de sociétés au sens des dispositions de l'article L. 2331-1 du code du travail et que la société n'admettait ni ne reconnaissait appartenir à un tel groupe, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, en statuant comme elle l'a fait, sans provoquer les observations préalables des parties sur le moyen tiré de l'appartenance de la société emlployeur à un groupe, au niveau duquel aurait dû s'apprécier la cause économique résultant d'une menace sur la sauvegarde de la compétitivité, qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE la reconnaissance de l'appartenance à un groupe de reclassement au sens de l'article L. 1233-4 du code du travail - qui suppose uniquement l'existence d'un ensemble d'entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel - n'implique pas celle de l'appartenance à un ensemble d'entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail comme exigé par l'article L. 1233-3 du même code pour apprécier le motif économique à l'aune de la santé économique et financière du secteur d'activité du groupe ;

Qu'à supposer qu'en statuant ainsi, la cour d'appel ait estimé que l'attestation d'absence d'effectif salarié datée du 6 décembre 2017 valait reconnaissance par la société Blackswan Invest de son appartenance à un groupe au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, cependant que l'employeur avait produit cette attestation comptable dans l'unique but de démontrer l'absence de postes disponibles dans le groupe de reclassement auquel elle admettait appartenir, ce qui ne constituait pas une reconnaissance de son éventuelle appartenance à un groupe de sociétés au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, plus subsidiairement, QUE le périmètre du groupe à prendre en considération pour apprécier la cause économique d'un licenciement est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail ; qu'en retenant dès lors que la société Blackswan Invest faisait partie d'un groupe comptant une vingtaine de sociétés, sans caractériser l'existence, entre elles et l'employeur, de liens de contrôle ou d'influence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 2331-1 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

5°) ET ALORS, très subsidiairement, QUE la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; qu'en statuant dès lors comme elle l'a fait, sans caractériser concrètement en quoi cette vingtaine de sociétés du groupe composerait avec l'employeur un seul et même secteur d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-12286
Date de la décision : 10/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 nov. 2021, pourvoi n°20-12286


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12286
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