La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2021 | FRANCE | N°19-24375

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 novembre 2021, 19-24375


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation partielle sans renvoi

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1246 F-D

Pourvoi n° N 19-24.375

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

1°/ la société L

aboratoires dermatologiques Ducray, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Laboratoires dermatologiques...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation partielle sans renvoi

Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1246 F-D

Pourvoi n° N 19-24.375

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

1°/ la société Laboratoires dermatologiques Ducray, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Laboratoires dermatologiques A-Derma, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° N 19-24.375 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige les opposant à M. [Y] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Laboratoires dermatologiques Ducray, de la société Laboratoires dermatologiques A-Derma, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon , 12 septembre 2019), le contrat de travail de M. [S] au sein de la société Laboratoires dermatologiques Ducray (la société Ducray) s'est poursuivi, à compter du 9 février 2017, avec la société Laboratoires dermatologiques A-Derma (la société A-Derma), en application de l'article L.1224-1 du code du travail.

2. Titulaire de plusieurs mandats de représentants du personnel jusqu'en novembre 2016, le salarié est, depuis les élections de novembre 2016, membre suppléant du comité d'établissement.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées, en première instance, contre la société Ducray, et en appel contre celle-ci et la société A-Derma qu'il a assignée en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Ducray et A-Derma font grief à l'arrêt de juger recevables les demandes présentées par le salarié, et en conséquence, de les condamner in solidum à lui payer une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, d'annuler la mise à pied disciplinaire notifiée au salarié le 9 octobre 2015 et de les condamner in solidum à payer des sommes au titre du rappel de salaire sur mise à pied et des congés payés afférents, alors « que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; qu'il n'y a pas d'évolution du litige lorsque l'élément modifiant les données de ce litige est intervenu au cours de la procédure devant la juridiction du premier degré ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le transfert du contrat de travail à la société Laboratoires dermatologiques A-Derma était intervenu le 9 février 2017, soit avant le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 25 septembre 2017 et avant l'audience du bureau de jugement devant ce conseil, en date du 19 avril 2017 ; que dès lors, à supposer même que cette société n'ait pas été partie en première instance, elle ne pouvait être appelée en intervention forcée en cause d'appel, le transfert de son contrat de travail étant déjà connu du salarié lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes ; qu'en jugeant recevables « les demandes » présentées par le salarié au prétexte inopérant qu'il avait explicitement visé les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail selon lesquelles le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, et le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux, et que les sociétés intimées n'avaient pas produit au débat la convention qui serait intervenue entre elles, la cour d'appel a violé l'article 555 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l' article 555 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ce texte que les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

7. L'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieur à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

8. Pour juger recevable l'intervention forcée en cause d'appel de la société A-Derma, l'arrêt retient que si les premiers juges ont omis de prendre en compte les conclusions responsives déposées au nom des Laboratoires dermatologiques A-Derma venant aux droits des Laboratoires dermatologiques Ducray, actant l'intervention dans la cause du nouvel employeur du salarié, consécutivement au transfert du contrat de travail du salarié intervenu le 9 février 2017, cette omission ne porte pas à conséquence dans la mesure où aucune condamnation n'a été prononcée par le jugement de débouté et que les sociétés intimées ne peuvent en tirer aucune conséquence sur la recevabilité des demandes présentées devant la cour par le salarié, l'appelant ayant explicitement visé les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société A-Derma n'était pas partie devant les premiers juges et que l'action engagée en appel par le salarié contre cette société était fondée sur des circonstances connues de celui-ci lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé le textes susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. Les sociétés Ducray et A-Derma font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer au salarié une compensation mensuelle à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente et de les condamner aux dépens et à lui payer une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure, alors « qu'en cas de transfert du contrat de travail intervenu en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'ancien employeur ne peut être condamné au paiement d'un rappel de salaire pour la période postérieure au transfert ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le contrat de travail du salarié a été transféré de la société Laboratoires dermatologiques Ducray à la société Laboratoires dermatologiques A-Derma le 9 février 2017 ; qu'en les condamnant cependant in solidum à payer au salarié une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente à la compensation, la cour d'appel a condamné la société Laboratoires dermatologiques Ducray au paiement d'un rappel de salaire pour une période postérieure au 9 février 2017 où elle n'était plus l'employeur et a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L.1224-1 et L.1224-2 du code du travail :

11. Il se déduit de ces articles que, sauf collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, seul le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert.

12. La cour d'appel, après avoir constaté que le contrat de travail s'était poursuivi à compter du 9 février 2017 avec la société A-Derma en application de l'article L.1224-1 du code du travail, a condamné in solidum les sociétés Ducray et A-Derma à payer au salarié une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente.

13. En statuant ainsi, alors que seule la société A-Derma, nouvel employeur, pouvait être tenue envers le salarié au paiement des créances de salaires et congés payés nées postérieurement à la date du transfert du contrat de travail, en sorte que la société Ducray ne pouvait être condamnée in solidum avec la société A-Derma à payer au salarié les sommes correspondant à la compensation mensuelle de 680 euros et aux congés payés afférents pour la période postérieure au 9 février 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14.Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de déclarer recevables les demandes contre la société Ducray et de condamner cette dernière au paiement de diverses sommes, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiqués par ce moyen.

15. Ainsi que suggéré par le mémoire ampliatif pour le premier moyen et par le mémoire en défense pour le troisième moyen, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la
Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge recevables les demandes présentées par M. [S] à l'encontre de la la société Laboratoires dermatologiques A-Derma et condamne cette dernière in solidum avec la société Laboratoires dermatologiques Ducray à lui payer une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, outre l'indemnité de congés payés afférente, et les sommes de 155,42 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied, de 15,54 euros au titre des congés afférents et de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, et en ce qu'il condamne la société Laboratoires dermatologiques Ducray in solidum avec la société Laboratoires dermatologiques A-Derma à payer à M. [S] des sommes correspondant à la compensation mensuelle de 680 euros et aux congés payés afférents pour la période postérieure au 9 février 2017, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable l'intervention forcée en appel de la société Laboratoires dermatologiques A-Derma

Déboute M. [S] de sa demande à l'encontre de la société Laboratoires dermatologiques Ducray en paiement de sommes correspondant à la compensation mensuelle brute de 680 euros et aux congés payés afférents pour la période postérieure au 9 février 2017 ;

Condamne M. [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoires dermatologiques Ducray et la société Laboratoires dermatologiques A-Derma.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé recevable les demandes présentées par M. [S], et en conséquence, d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma à payer à M. [S] une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente à la compensation et les intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, d'AVOIR annulé la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [S] le 9 octobre 2015, d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et société Laboratoires dermatologiques A-Derma à payer à M. [S] les sommes de 155,42 € brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied et 15,54 € au titre des congés payés afférents, et d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et société Laboratoires dermatologiques A-Derma aux dépens et à payer à M. [S] une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure, AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité des demandes formées par M. [S] : Attendu que M. [S] a formé appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dijon, à l'encontre de la seule SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray, dès lors que les premiers juges n'avaient fait mention dans le jugement entrepris que de cette société qui était son employeur lors de la saisine de la juridiction prud'homale et qui l'était resté jusqu'au 9 février 2017, date du transfert de son contrat de travail au profit de la SAS Les Laboratoires Dermatologiques A-Derma nouvellement créée, comme le conseil de prud'hommes l'a au demeurant justement rappelé dans sa décision ; qu'il est d'ailleurs justifié de l'autorisation de l'inspecteur du travail pour ce transfert consécutif à la scission des moyens des laboratoires Ducray et la création d'une entité autonome à laquelle étaient rattachés les collaborateurs en charge des produits A-Derma ; Attendu que les intimés soulèvent dans leurs écritures la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour défendre de la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray qui n'est plus l'employeur de M. [S] ; Attendu qu'en outre, il invoque les dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile au motif de l'absence de survenance ou de révélation d'un fait susceptible de justifier la recevabilité des « demandes présentées, pour la première fois, à hauteur de cour contre les Laboratoires Dermatologiques A-Derma » ; Attendu que l'examen du dossier permet de constater que les premières écritures prises par l'employeur de M. [S] l'avaient été au nom de la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray ; que cependant, avant l'audience du bureau de jugement du 19 avril 2017 lors de laquelle l'affaire a été plaidée, des conclusions responsives avaient été déposées au nom des « Laboratoires Dermatologiques A-Derma, venant aux droits des Laboratoires Dermatologiques Ducray, société par actions simplifiée », dont le siège social était d'ailleurs fixé à une adresse strictement identique à celle de la société des laboratoires Ducray ; Attendu que, si les premiers juges ont omis de prendre en compte cette mention actant l'intervention dans la cause du nouvel employeur de M. [S], consécutivement au récent transfert du contrat de travail du salarié demandeur, étant observé que cette omission ne portait pas à conséquence dans la mesure où aucune condamnation n'a été prononcée par ce jugement de débouté, les sociétés intimées ne peuvent en tirer aucune conséquence sur la recevabilité des demandes présentées devant la cour par M. [Y] [S] à l'encontre des deux sociétés, l'appelant ayant explicitement visé les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail selon lesquelles :
- le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification,
- le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux ;
Attendu que les sociétés intimées n'ayant pas produit au débat la convention qui serait intervenue entre elles, la cour prononcera solidairement à l'encontre de l'ancien et du nouvel employeur les éventuelles condamnations au paiement des sommes réclamées par M. [S] » ;

1. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel (p. 8-9), les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma avaient soulevé l'irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la société Laboratoires dermatologiques A-Derma au visa des articles 554 et 555 du code de procédure civile en soulignant, d'abord, que l'intervention forcée en cause d'appel ne pouvait être dirigée contre une personne qui était partie en première instance, comme c'était le cas de la société Laboratoires dermatologiques A-Derma qui avait pris en première instance des écritures en indiquant venir aux droits de la société Laboratoires dermatologiques Ducray, et ensuite, que l'intervention forcée n'était en tout cas possible qu'en présence d'une évolution du litige caractérisée par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige, condition non remplie en l'espèce puisque le transfert du contrat de travail de M. [S] à la société Laboratoires dermatologiques A-Derma avait eu lieu le 9 février 2017 soit antérieurement au jugement du conseil de prud'hommes qui en faisait au demeurant mention ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2. ALORS subsidiairement QU'il résulte des articles 554 et 555 du code de procédure civile que seules peuvent être appelées en intervention forcée devant la cour d'appel, sous réserve que l'évolution du litige implique leur mise en cause, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ; qu'en l'espèce, le salarié avait interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 25 septembre 2017 à l'égard de la seule société Laboratoires dermatologiques Ducray puis avait assigné en intervention forcée la société Laboratoires dermatologiques A-Derma ; qu'il résulte pourtant de l'arrêt que devant le conseil de prud'hommes, avant l'audience du bureau de jugement du 19 avril 2017 lors de laquelle l'affaire a été plaidée, des conclusions responsives avaient été déposées au nom des « Laboratoires Dermatologiques A-Derma, venant aux droits des Laboratoires Dermatologiques Ducray », actant l'intervention dans la cause du nouvel employeur de M. [S], ce dont il résulte que la société Laboratoires dermatologiques A-Derma était partie en première instance et ne pouvait dès lors être appelée en intervention forcée en appel ; qu'en jugeant recevables « les demandes » présentées par M. [S] au prétexte inopérant qu'il avait explicitement visé les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail selon lesquelles le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, et le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux, et que les sociétés intimées n'avaient pas produit au débat la convention qui serait intervenue entre elles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3. ALORS en toute hypothèse QUE l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; qu'il n'y a pas d'évolution du litige lorsque l'élément modifiant les données de ce litige est intervenu au cours de la procédure devant la juridiction du premier degré ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le transfert du contrat de travail de M. [S] à la société Laboratoires dermatologiques A-Derma était intervenu le 9 février 2017, soit avant le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 25 septembre 2017 et avant l'audience du bureau de jugement devant ce conseil, en date du 19 avril 2017 ; que dès lors, à supposer même que cette société n'ait pas été partie en première instance, elle ne pouvait être appelée en intervention forcée en cause d'appel, le transfert de son contrat de travail étant déjà connu du salarié lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes ; qu'en jugeant recevables « les demandes » présentées par M. [S] au prétexte inopérant qu'il avait explicitement visé les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail selon lesquelles le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, et le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux, et que les sociétés intimées n'avaient pas produit au débat la convention qui serait intervenue entre elles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

4. ALORS enfin QU'il résulte de l'article L. 1224-2 du code du travail que le nouvel employeur n'est pas tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification lorsque la substitution d'employeurs est intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu à l'appui de sa décision que le salarié avait explicitement visé les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail selon lesquelles le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification et le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux, et que les sociétés intimées n'avaient pas produit au débat « la convention qui serait intervenue entre elles » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas constaté avec certitude l'existence d'une convention entre les deux employeurs, dont la preuve incombait au salarié qui invoquait l'application de l'article L. 1224-2 du code du travail, a privé sa décision de base légale au regard dudit texte.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma à payer à M. [S] une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente à la compensation et les intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, et d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et société Laboratoires dermatologiques A-Derma aux dépens et à payer à M. [S] une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure,
AUX MOTIFS QUE « Sur la discrimination alléguée : Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ; qu'un accord doit déterminer les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes ; que cet accord doit prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle ; Attendu que le chef d'entreprise ou ses représentants ne doivent employer aucun moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque ; que toute mesure prise par l'employeur, contrairement aux dispositions des alinéas précédents, est considérée comme abusive et donne lieu à des dommages et intérêts, ces dispositions étant d'ordre public ; Attendu qu'il résulte, par ailleurs, de l'article L. 1132-1 du code du travail, qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; Attendu que l'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; Attendu que les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération du fait de leur mandat, ni dès lors percevoir un salaire inférieur à celui qu'ils auraient gagné s'ils avaient effectivement travaillé pendant leurs heures de délégation, primes et accessoires de salaire inclus ; Attendu qu'en l'espèce, M. [S] fait valoir qu'au fil de l'exécution de ses mandats d'élu, il s'est rendu compte que le temps passé à ses fonctions portait préjudice à son activité professionnelle, entraînant une baisse de sa rémunération, dès lors que le temps passé à l'exercice de ses fonctions électives n'était ni pondéré, s'agissant de sa rémunération variable, ni compensé ; Attendu qu'à la faveur de la diffusion, courant 2016, par la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray, d'un document faisant apparaître, en partie 1.1 intitulée : « Mesures des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes », le montant de la rémunération moyenne mensuelle du visiteur médical masculin, soit : 4 488 euros, M. [S] a constaté un différentiel proche de 1 000 euros brut par mois, par rapport à la moyenne de la rémunération de trente visiteurs médicaux ayant une ancienneté moyenne de treize années, très nettement inférieure à la sienne de vingt-cinq ans ; que le revenu annuel brut de M. [S] en 2015 était de 45 690 euros, soit 3 807,50 euros par mois ; Attendu que c'est dans ces conditions que M. [S] a saisi la juridiction prud'homale, le 6 juillet 2016 ; que par ordonnance du 26 septembre 2016, le bureau de conciliation et d'orientation a fait droit à sa demande de communication de pièces et ordonné à la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray la production des fiches de paie des mois de décembre, depuis 2013, de tous ses homologues commerciaux ; que, selon communication du 5 octobre 2016, l'employeur a produit les bulletins de paie de vingt et un salariés pour les mois de décembre 2013, décembre 2014 et décembre 2015 ; Attendu que l'analyse de ces pièces et de celles communiquées ultérieurement par l'employeur aurait permis à M. [S] de constater :
- que la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray aurait classé ses visiteurs médicaux à des groupes et niveaux différents sans raisons objectives, lui-même stagnant au Groupe VI, niveau C2, depuis plusieurs années (2004),
- que des visiteurs médicaux ayant souvent une ancienneté bien inférieure à la sienne étaient classés au Groupe VII, niveau A, depuis plusieurs années ;
Attendu que les documents produits au débat établissent bien l'existence d'une différence de traitement au détriment de M. [S], en comparaison de celui réservé à ses collègues non protégés ; Attendu que M. [S] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre ; Attendu que l'employeur conteste toute discrimination, faisant valoir qu'il ne fait qu'appliquer l'accord d'entreprise en vigueur en versant une compensation forfaitaire pour le temps passé en réunion sur convocation de l'entreprise ou pour les heures de délégation ; que cette « compensation forfaitaire pour tout le temps passé en réunion sur convocation de l'entreprise et pour les heures de délégation est égale à la différence entre la prime de résultats corrigée (calculée en majorant le résultat réalisé du mois de 5 points forfaitaires par jour à compenser) et la prime de résultat brute, calculées sur les grilles de rémunération applicables et les résultats obtenus sur chaque mois » ; que l'employeur justifie qu'en guise de « compensation forfaitaire », M. [S] a ainsi perçu :
- 342,00 euros en novembre 2011,
- 268,00 euros en mars 2012,
- 296,00 euros en septembre 2013 ;
que M. [S] regrette, de son côté, que, pour les rares compensations réglées, l'employeur ait identifié sa fonction d'élu en mentionnant sur les bulletins de paie concernés : « compensation forfaitaire », stigmatisant ainsi l'exercice d'un mandat par le visiteur médical ; Attendu que M. [S] a versé au débat l'avenant à l'accord d'entreprise du 29 juin 2005 relatif au « personnel des réseaux titulaire d'un mandat » ; qu'il souligne que ledit accord a été « invalidé » par la chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt prononcé le 27 février 2013 [pourvoi n° 11-26.412], la cour régulatrice ayant rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Versailles, dès lors que ladite cour avait notamment « souverainement constaté que les variables retenues par l'employeur pour déterminer la rémunération sur objectifs de la salariée lui étaient défavorables », lesdites variables étant celles fixées par l'accord d'entreprise susvisé ; Attendu qu'en l'espèce, les premiers juges se sont contentés d'indiquer qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir appliqué l'accord d'entreprise de compensation sur la base de l'activité réellement déclarée par le salarié lui-même, étant observé que M. [S] aurait omis de transmettre régulièrement ses déclarations d'activité ; Attendu que M. [S] s'était légitimement étonné auprès de l'employeur de ce que lui soient réclamées, au demeurant en 2013, des fiches de délégation de 2010, et ce d'autant qu'il avait été intégralement remboursé de ses frais, un tel paiement n'ayant pu intervenir qu'après communication desdites fiches au service compétent de l'entreprise ; Attendu qu'il y a lieu de retenir que l'accord litigieux prévoyait, en ce qui concerne les visiteurs médicaux : « prime de résultats : pour un jour de réunion sur convocation de l'entreprise, compensation forfaitaire équivalente à la différence entre la prime de résultats corrigée (calculée en majorant le réalisé du mois de 5 points) et la prime de résultats brute » ; que les modalités convenues devaient permettre pour les visiteurs médicaux une indemnisation forfaitaire « de l'ensemble des éléments de la rémunération globale, de l'ensemble des absences au titre de l'exercice du mandat » ; qu'une disposition spécifique existait par ailleurs concernant les visiteurs médicaux ayant un mandat de secrétaire de comité d'entreprise ; qu'il était prévu, s'agissant de la prime de résultats : « quel que soit le temps passé en heures de délégation dans le mois, compensation forfaitaire équivalente à la différence entre la prime de résultats corrigée (calculée en majorant le réalisé du mois de 5 points forfaitaires) et la prime de résultats brute » ; Attendu que M. [S], qui se trouvait être le seul visiteur médical élu du personnel, avait attiré à de nombreuses reprises l'attention de son employeur sur le fait qu'il ne pouvait être attendu de lui qu'il réalisât les mêmes performances qu'un visiteur médical sans mandat(s) et donc présent sur le terrain, contrairement à lui, 100 % de son temps de travail ; Attendu que, selon l'article 2 de son contrat de travail et l'avenant n° 2 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, applicable à l'entreprise, le visiteur médical rencontre les membres du corps médical, principalement les médecins, et en l'espèce les dermatologues, pour présenter et exposer les propriétés thérapeutiques des produits de la société ; que M. [S] souligne avec pertinence qu'à la différence du VRP ou de l'attaché commercial, il ne génère pas de chiffre d'affaires direct ; qu'en raison de l'exercice de son mandat de représentant du personnel, son temps de présence sur le terrain est amputé de 30 % au moins de son temps de travail ; Attendu que M. [S] dénonce essentiellement le fait que l'unique majoration de cinq points prévue par l'accord d'entreprise pour tenir compte de l'exercice de fonctions représentatives du personnel est insuffisante, et de surcroît sans effet lorsque le visiteur médical n'atteint pas les 85 points nécessaires pour obtenir le déclenchement de la prime qualité visite (PQV) ; qu'or, à raison du temps passé pour exercer les fonctions électives ou syndicales, la présence ' plus rare ' du visiteur médical sur le terrain ne lui permet pas d'effectuer un nombre de visites suffisant pour atteindre les 85 points ; qu'il résulte en effet des grilles et pièces communiquées que lorsque le visiteur médical n'atteint pas 80 points, la majoration de cinq points se trouve privée d'effet ; qu'en se contentant de prévoir une majoration de cinq points, sans minorer le nombre de points exigibles pour obtenir le paiement des primes en tenant compte du temps consacré aux fonctions électives, ni davantage majorer les points obtenus au ratio du temps consacré aux fonctions électives, l'accord d'entreprise du 29 juin 2005 n'assure pas la neutralité ni la valorisation de l'exercice des mandats électifs exercés par le visiteur médical et qu'elle a une incidence défavorable sur sa rémunération ; Attendu qu'à cet égard, c'est vainement que l'employeur conteste l'utilisation faite par M. [S] du tableau relatif aux rémunérations moyennes des hommes et des femmes au sein du groupe [F] dont il est lui-même l'auteur ; que l'appelant ne saurait, aux yeux de l'employeur, comparer sa rémunération au revenu moyen de 110 visiteurs médicaux des différentes entités de l'unité économique et sociale [E] [F], comprenant plusieurs entités juridiques de la branche dermo-cosmétique, alors qu'il ne fait partie que du réseau Ducray composé de 25 visiteurs médicaux ; qu'en effet, il n'est pas contesté que l'ensemble des visiteurs médicaux des différents réseaux de l'unité économique et sociale bénéficient du même système de calcul de prime, qui relève de la même convention collective et qu'une même grille de classification leur est appliquée ; Attendu que M. [S] justifie également la dégradation de son classement dont il soutient qu'il correspond très exactement au début de l'exercice de ses mandats, en 2009 ; Attendu que, si les bulletins de paie transmis par l'employeur, en exécution d'une décision du bureau de conciliation et d'orientation, ont été légitimement anonymisés, de manière à ne pas permettre l'identification de manière individuelle des salariés concernés et de respecter leur vie privée, il n'en demeure pas moins que l'employeur n'a pas établi, d'une autre manière, un tableau comparatif des salaires fixes et des classifications des salariés en fonction de leur ancienneté ; Attendu que les premiers juges ont considéré que M. [S] ne démontrait pas une inégalité de traitement due à ses fonctions d'élu, dès lors qu'il n'établissait pas que ses performances commerciales, avant d'être élu, lui permettait d'atteindre la classification au groupe VII ; qu'il n'est cependant pas davantage établi par l'employeur que les visiteurs médicaux classés dans ce groupe aient eux-mêmes rempli les conditions de la définition conventionnelle de la classification dans ce groupe ; que l'employeur ne conteste pas sérieusement, ni en tout cas utilement, le défaut de critères objectifs pour opérer la classification - au groupe VI ou au groupe VII - des visiteurs médicaux au sein de l'entreprise ; que M. [S] dénonce encore le fait que le passage du groupe VI niveau C au groupe VII niveau A soit automatique par « la règle des 110 », ladite règle n'ayant d'ailleurs pas été respectée au sein de l'entreprise ; que les performances commerciales de M. [S] ont nécessairement été affectées négativement par le temps consacré à ses fonctions électives, cette réalité n'étant pas prise en considération dans l'application de la « règle des 110 » ; Attendu qu'il résulte des pièces produites et des débats que, si les jours de contact de professionnels « perdus » par M. [S], évalués à 55 par an, avaient été proratisés, ces résultats auraient été plus proches de ceux de ses collègues visiteurs médicaux non protégés ; que l'appelant admet une diminution de son temps de mandat depuis novembre 2016 ; qu'il fait cependant valoir avec pertinence qu'il ne pouvait, en quelques mois, redresser un secteur qu'il avait dû partiellement délaisser pendant plusieurs années du fait de ses mandats ; qu'au surplus, M. [S] fait valoir, sans être contesté par l'employeur :
- que son secteur est sous dimensionné par rapport à celui de ses collègues, puisqu'il ne comporte que 60 dermatologues, l'employeur n'ayant pas augmenté son secteur pour tenir compte de la réduction de son mandat,
- qu'il dispose d'une « cible » de 70 dermatologues, lorsque celle de ses homologues représente 150 à 200 professionnels,
- que ses fonctions électives n'ont jamais été prises en considération par l'employeur pour déterminer les seuils à atteindre en termes d'objectifs ;
Attendu que la SAS Les Laboratoires Dermatologiques A-Derma ne rapporte pas la preuve de ce que l'écart important entre la rémunération de M. [S] et celle de ses collègues non protégés serait justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié fondé sur une inégalité de traitement et une discrimination syndicale ; Attendu qu'il est constant que le salaire moyen mensuel perçu par l'appelant en 2015 est inférieur de 680 euros à la moyenne du salaire calculé par l'employeur dans son rapport de situation soumis au comité central d'entreprise de la branche dermo-cosmétique lors d'une réunion du 19 janvier 2016 ; que cette différence de rémunération n'est pas justifiée par des éléments objectifs, l'employeur n'ayant jamais pondéré les objectifs de M. [S] pour tenir compte du temps consacré à l'exercice de ses mandats ; Attendu qu'il y a lieu de retenir le montant de 680 euros pour déterminer la compensation mensuelle due à M. [S] à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel ; que s'agissant d'un rappel de salaire, conformément à la demande explicitement formulée par M. [S], l'employeur devra également régler le montant des congés payés afférents ; que la base retenue pour le calcul du rappel de salaire dû s'analyse en une somme brute avant précompte des cotisations de sécurité sociale » ;

1. ALORS QUE lorsqu'un salarié alléguant une discrimination entend se prévaloir à ce titre d'une inégalité de traitement par rapport à d'autres salariés, il lui incombe de démontrer que ces derniers sont placés dans une situation identique à la sienne ; que ce n'est que si cette preuve est rapportée que l'employeur doit ensuite justifier la différence de traitement par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les documents produits au débat établissaient bien l'existence d'une différence de traitement au détriment de M. [S], en comparaison de celui réservé à ses collègues non protégés pour en déduire que M. [S] établissait ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que les collèges auxquels M. [S] se comparaient étaient placés dans une situation identique à la sienne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

2. ALORS QU'une discrimination ne peut être retenue au terme d'une comparaison avec des salariés relevant d'entreprises différentes, peu important qu'elles appartiennent au même groupe ou à la même unité économique et sociale et qu'elles appliquent la même convention collective et le même système de calcul de prime ; qu'en l'espèce, les sociétés avaient souligné que le tableau sur lequel M. [S] fondait sa demande, issu du rapport de situation comparée des hommes et des femmes présenté au CCE de la branche dermo-cosmétique de l'UES [E] [F] en janvier 2016, présentait les rémunérations moyennes de tous les visiteurs médicaux des différentes entités de cette branche de l'UES, soit 110 personnes employés par différentes entités de l'UES, et que M. [S], à l'époque employé par la société Laboratoires dermatologiques Ducray qui n'employait que 25 visiteurs médicaux, ne pouvait se comparer à des salariés d'autres entités juridiques (conclusions d'appel, p. 15-16) ; qu'en validant cependant la comparaison effectuée par le salarié au prétexte qu'il n'était pas contesté que l'ensemble des visiteurs médicaux des différents réseaux de l'UES bénéficiaient du même système de calcul de prime qui relevait de la même convention collective et qu'une même grille de classification leur était appliquée, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 du code du travail ;

3. ALORS en outre QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma soulignaient que si les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Avene appliquaient la même grille PQV (prime de qualité de visite), la société [E] [F] dermatologie en appliquait une différente car les produits présentés par ses visiteurs médicaux étaient soumis à la charte de visite médicale (conclusions d'appel, p. 17 ; prod. 9 et 10) ; qu'en retenant à l'appui de sa décision qu'il n'était pas contesté que l'ensemble des visiteurs médicaux des différents réseaux de l'UES bénéficiaient du même système de calcul de prime, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des sociétés, en violation du principe susvisé ;

4. ALORS QUE s'agissant d'un visiteur médical titulaire d'un mandat de représentant du personnel et d'un mandat de secrétaire de comité d'entreprise, l'avenant à l'accord d'entreprise « personnel des réseaux titulaire d'un mandat » signé à l'unanimité le 29 juin 2005 prévoit une compensation forfaitaire équivalente à la différence entre la prime de résultat corrigée, calculée en majorant le réalisé du mois de 5 points forfaitaires, et la prime de résultats brute pour chaque jour de réunion sur convocation de l'entreprise (toute convocation équivalant de façon forfaitaire à une journée) (articles 7-1-2 et 7-1-3) et pour le temps passé en heures de délégation (article 7-2) ; qu'en affirmant, pour en déduire que cet accord n'assurait pas la neutralité ni la valorisation de l'exercice des mandats électifs exercés par le visiteur médical et avait une incidence défavorable sur sa rémunération, que cet accord se contentait de prévoir une majoration de cinq points sans minorer le nombre de points exigibles pour obtenir le paiement des primes en tenant compte du temps consacré aux fonctions électives, ni davantage majorer les points obtenus au ratio du temps consacré aux fonctions électives, quand l'accord précité majore bien les points pour chaque journée de réunion sur convocation de l'employeur et donc au ratio du temps consacré aux fonctions électives, la cour d'appel a violé cet accord, ensemble l'article L. 1132-1 du code du travail ;

5. ALORS QUE lorsqu'un salarié alléguant une discrimination entend se prévaloir à ce titre d'une inégalité de traitement par rapport à d'autres salariés, il lui incombe de démontrer que ces derniers sont placés dans une situation identique à la sienne ; que ce n'est que si cette preuve est rapportée que l'employeur doit ensuite justifier la différence de traitement par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il appartenait donc à M. [S], relevant du groupe VI, niveau C et souhaitant comparer sa rémunération à des salariés relevant du groupe VII, d'établir qu'il se trouvait dans la même situation que ces derniers, soit qu'ils aient été classés dans ce groupe sans en remplir les conditions, soit qu'il ait rempli les conditions du classement dans ce groupe ; qu'en énonçant qu'il n'était pas établi par l'employeur que les visiteurs médicaux classés dans le groupe VII aient eux-mêmes rempli les conditions de la définition conventionnelle de la classification dans ce groupe, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L. 1132-1 du code du travail ;

6. ALORS QUE les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma soulignaient, preuve à l'appui, que le passage du groupe VI, niveau C au groupe VII, niveau A se faisait par application d'un système d'évolution automatique dit « règle des 110 », permettant à un visiteur médical de bénéficier d'une évolution de classification en fonction de la performance en termes de qualité visite (QV) générée sur son secteur, sous réserve de l'atteinte d'un certain nombre de points acquis (220 pour les visiteurs ayant plus de trois ans de présence dans l'entreprise et produisait une pièce décrivant les modalités d'application de cette règle (conclusions d'appel, p. 23 ; prod. 11) ; qu'en énonçant que l'employeur ne contestait pas sérieusement ni en tout cas utilement le défaut de critères objectifs pour opérer la classification au groupe VI ou au groupe VII des visiteurs médicaux au sein de l'entreprise, sans analyser la pièce produite ni expliquer en quoi la règle dite des 110 qu'elle détaillait ne reposait pas sur des critères objectifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

7. ALORS QUE les juges du fond doivent préciser l'origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision ; qu'en affirmant péremptoirement que la « règle des 110 » régissant le passage du groupe VI niveau C au groupe VII niveau A n'avait pas été respectée au sein de l'entreprise, sans préciser d'où elle tirait cette énonciation, contestée par les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma (conclusions d'appel, p. 23, § 6), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8. ALORS QUE le secteur confié à un salarié titulaire de mandats représentatifs doit être adapté en fonction des seules heures consacrées à l'exécution de ses obligations contractuelles ; qu'en l'espèce, les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma soulignaient que c'était pour ne pas pénaliser M. [S] dans son activité au regard du temps consacré à ses mandats que son secteur géographique avait été diminué, de même que la cible de médecins à visiter, afin qu'il puisse exercer la même pression moyenne de visites auprès des praticiens qu'un visiteur médical non titulaire de mandats et que M. [S] avait au demeurant manifesté sa satisfaction après ce redécoupage (conclusions d'appel, p. 28-29 et 34-35 ; prod. 12 à 14) ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que le secteur de M. [S] était sous-dimensionné par rapport à celui de ses collègues, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

9. ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel (p. 28, deux derniers §), les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma indiquaient expressément « contester les propos de M. [S] s'agissant du nombre de médecins qu'il devait visiter : ce dernier prétend qu'il n'avait que 70 médecins à visiter, alors même qu'il ressort des pièces versées par les Laboratoires que la cible de M. [S] tournait autour de 130 contacts. Pièces n° 45 et 75 » et ajoutaient que M. [S] disposait de toute latitude pour modifier lui-même sa cible et augmenter le nombre de médecins ciblé ; qu'en affirmant que M. [S] faisait valoir sans être contesté par l'employeur qu'il disposait d'une cible de 70 dermatologues lorsque celle de ses homologues représentait 150 à 200 professionnels, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposantes en violation du principe susvisé ;

10. ALORS QUE si les objectifs d'un salarié exerçant des mandats représentatifs doivent être fixés à la mesure de son temps de production, cette condition est remplie lorsque les objectifs sont fixés par jour de présence sur le terrain ; qu'en l'espèce, les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma soutenaient, s'agissant de la diminution des objectifs en proportion du temps de présence, que les objectifs des visiteurs médicaux consistaient en un nombre de visites par jour d'activité sur le terrain et qu'ainsi cela permettait de ne pas pénaliser M. [S] pour ses jours d'absence (conclusions d'appel, p. 35 ; prod. 17 à 19) ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que les performances commerciales de M. [S] avaient nécessairement été affectées négativement par le temps consacré à ses fonctions électives et que M. [S] faisait valoir sans être contesté par l'employeur que ses fonctions électives n'avaient jamais été prises en considération pour déterminer les seuils à atteindre en termes d'objectifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les objectifs du visiteur médical n'étaient pas fixés par jour de présence sur le terrain, rendant inutile une adaptation de ceux-ci aux fonctions électives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma à payer à M. [S] une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente à la compensation et les intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, et d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et société Laboratoires dermatologiques A-Derma aux dépens et à payer à M. [S] une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure,

AUX MOTIFS QUE « Attendu que l'examen du dossier permet de constater que les premières écritures prises par l'employeur de M. [S] l'avaient été au nom de la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray ; que cependant, avant l'audience du bureau de jugement du 19 avril 2017 lors de laquelle l'affaire a été plaidée, des conclusions responsives avaient été déposées au nom des « Laboratoires Dermatologiques A-Derma, venant aux droits des Laboratoires Dermatologiques Ducray, société par actions simplifiée », dont le siège social était d'ailleurs fixé à une adresse strictement identique à celle de la société des laboratoires Ducray ; Attendu que, si les premiers juges ont omis de prendre en compte cette mention actant l'intervention dans la cause du nouvel employeur de M. [S], consécutivement au récent transfert du contrat de travail du salarié demandeur, étant observé que cette omission ne portait pas à conséquence dans la mesure où aucune condamnation n'a été prononcée par ce jugement de débouté, les sociétés intimées ne peuvent en tirer aucune conséquence sur la recevabilité des demandes présentées devant la cour par M. [Y] [S] à l'encontre des deux sociétés, l'appelant ayant explicitement visé les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail selon lesquelles :
- le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification,
- le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux ;
Attendu que les sociétés intimées n'ayant pas produit au débat la convention qui serait intervenue entre elles, la cour prononcera solidairement à l'encontre de l'ancien et du nouvel employeur les éventuelles condamnations au paiement des sommes réclamées par M. [S] Sur la discrimination alléguée : Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ; qu'un accord doit déterminer les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes ; que cet accord doit prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle ; Attendu que le chef d'entreprise ou ses représentants ne doivent employer aucun moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque ; que toute mesure prise par l'employeur, contrairement aux dispositions des alinéas précédents, est considérée comme abusive et donne lieu à des dommages et intérêts, ces dispositions étant d'ordre public ; Attendu qu'il résulte, par ailleurs, de l'article L. 1132-1 du code du travail, qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; Attendu que l'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; Attendu que les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération du fait de leur mandat, ni dès lors percevoir un salaire inférieur à celui qu'ils auraient gagné s'ils avaient effectivement travaillé pendant leurs heures de délégation, primes et accessoires de salaire inclus ; Attendu qu'en l'espèce, M. [S] fait valoir qu'au fil de l'exécution de ses mandats d'élu, il s'est rendu compte que le temps passé à ses fonctions portait préjudice à son activité professionnelle, entraînant une baisse de sa rémunération, dès lors que le temps passé à l'exercice de ses fonctions électives n'était ni pondéré, s'agissant de sa rémunération variable, ni compensé ; Attendu qu'à la faveur de la diffusion, courant 2016, par la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray, d'un document faisant apparaître, en partie 1.1 intitulée : « Mesures des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes », le montant de la rémunération moyenne mensuelle du visiteur médical masculin, soit : 4 488 euros, M. [S] a constaté un différentiel proche de 1 000 euros brut par mois, par rapport à la moyenne de la rémunération de trente visiteurs médicaux ayant une ancienneté moyenne de treize années, très nettement inférieure à la sienne de vingt-cinq ans ; que le revenu annuel brut de M. [S] en 2015 était de 45 690 euros, soit 3 807,50 euros par mois ; Attendu que c'est dans ces conditions que M. [S] a saisi la juridiction prud'homale, le 6 juillet 2016 ; que par ordonnance du 26 septembre 2016, le bureau de conciliation et d'orientation a fait droit à sa demande de communication de pièces et ordonné à la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray la production des fiches de paie des mois de décembre, depuis 2013, de tous ses homologues commerciaux ; que, selon communication du 5 octobre 2016, l'employeur a produit les bulletins de paie de vingt et un salariés pour les mois de décembre 2013, décembre 2014 et décembre 2015 ; Attendu que l'analyse de ces pièces et de celles communiquées ultérieurement par l'employeur aurait permis à M. [S] de constater :
- que la SAS Les Laboratoires Dermatologiques Ducray aurait classé ses visiteurs médicaux à des groupes et niveaux différents sans raisons objectives, lui-même stagnant au Groupe VI, niveau C2, depuis plusieurs années (2004),
- que des visiteurs médicaux ayant souvent une ancienneté bien inférieure à la sienne étaient classés au Groupe VII, niveau A, depuis plusieurs années ;
Attendu que les documents produits au débat établissent bien l'existence d'une différence de traitement au détriment de M. [S], en comparaison de celui réservé à ses collègues non protégés ; Attendu que M. [S] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre ; Attendu que l'employeur conteste toute discrimination, faisant valoir qu'il ne fait qu'appliquer l'accord d'entreprise en vigueur en versant une compensation forfaitaire pour le temps passé en réunion sur convocation de l'entreprise ou pour les heures de délégation ; que cette « compensation forfaitaire pour tout le temps passé en réunion sur convocation de l'entreprise et pour les heures de délégation est égale à la différence entre la prime de résultats corrigée (calculée en majorant le résultat réalisé du mois de 5 points forfaitaires par jour à compenser) et la prime de résultat brute, calculées sur les grilles de rémunération applicables et les résultats obtenus sur chaque mois » ; que l'employeur justifie qu'en guise de « compensation forfaitaire », M. [S] a ainsi perçu :
- 342,00 euros en novembre 2011,
- 268,00 euros en mars 2012,
- 296,00 euros en septembre 2013 ;

que M. [S] regrette, de son côté, que, pour les rares compensations réglées, l'employeur ait identifié sa fonction d'élu en mentionnant sur les bulletins de paie concernés : « compensation forfaitaire », stigmatisant ainsi l'exercice d'un mandat par le visiteur médical ; Attendu que M. [S] a versé au débat l'avenant à l'accord d'entreprise du 29 juin 2005 relatif au « personnel des réseaux titulaire d'un mandat » ; qu'il souligne que ledit accord a été « invalidé » par la chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt prononcé le 27 février 2013 [pourvoi n° 11-26.412], la cour régulatrice ayant rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Versailles, dès lors que ladite cour avait notamment « souverainement constaté que les variables retenues par l'employeur pour déterminer la rémunération sur objectifs de la salariée lui étaient défavorables », lesdites variables étant celles fixées par l'accord d'entreprise susvisé ; Attendu qu'en l'espèce, les premiers juges se sont contentés d'indiquer qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir appliqué l'accord d'entreprise de compensation sur la base de l'activité réellement déclarée par le salarié lui-même, étant observé que M. [S] aurait omis de transmettre régulièrement ses déclarations d'activité ; Attendu que M. [S] s'était légitimement étonné auprès de l'employeur de ce que lui soient réclamées, au demeurant en 2013, des fiches de délégation de 2010, et ce d'autant qu'il avait été intégralement remboursé de ses frais, un tel paiement n'ayant pu intervenir qu'après communication desdites fiches au service compétent de l'entreprise ; Attendu qu'il y a lieu de retenir que l'accord litigieux prévoyait, en ce qui concerne les visiteurs médicaux : « prime de résultats : pour un jour de réunion sur convocation de l'entreprise, compensation forfaitaire équivalente à la différence entre la prime de résultats corrigée (calculée en majorant le réalisé du mois de 5 points) et la prime de résultats brute » ; que les modalités convenues devaient permettre pour les visiteurs médicaux une indemnisation forfaitaire « de l'ensemble des éléments de la rémunération globale, de l'ensemble des absences au titre de l'exercice du mandat » ; qu'une disposition spécifique existait par ailleurs concernant les visiteurs médicaux ayant un mandat de secrétaire de comité d'entreprise ; qu'il était prévu, s'agissant de la prime de résultats : « quel que soit le temps passé en heures de délégation dans le mois, compensation forfaitaire équivalente à la différence entre la prime de résultats corrigée (calculée en majorant le réalisé du mois de 5 points forfaitaires) et la prime de résultats brute » ; Attendu que M. [S], qui se trouvait être le seul visiteur médical élu du personnel, avait attiré à de nombreuses reprises l'attention de son employeur sur le fait qu'il ne pouvait être attendu de lui qu'il réalisât les mêmes performances qu'un visiteur médical sans mandat(s) et donc présent sur le terrain, contrairement à lui, 100 % de son temps de travail ; Attendu que, selon l'article 2 de son contrat de travail et l'avenant n° 2 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, applicable à l'entreprise, le visiteur médical rencontre les membres du corps médical, principalement les médecins, et en l'espèce les dermatologues, pour présenter et exposer les propriétés thérapeutiques des produits de la société ; que M. [S] souligne avec pertinence qu'à la différence du VRP ou de l'attaché commercial, il ne génère pas de chiffre d'affaires direct ; qu'en raison de l'exercice de son mandat de représentant du personnel, son temps de présence sur le terrain est amputé de 30 % au moins de son temps de travail ; Attendu que M. [S] dénonce essentiellement le fait que l'unique majoration de cinq points prévue par l'accord d'entreprise pour tenir compte de l'exercice de fonctions représentatives du personnel est insuffisante, et de surcroît sans effet lorsque le visiteur médical n'atteint pas les 85 points nécessaires pour obtenir le déclenchement de la prime qualité visite (PQV) ; qu'or, à raison du temps passé pour exercer les fonctions électives ou syndicales, la présence ' plus rare ' du visiteur médical sur le terrain ne lui permet pas d'effectuer un nombre de visites suffisant pour atteindre les 85 points ; qu'il résulte en effet des grilles et pièces communiquées que lorsque le visiteur médical n'atteint pas 80 points, la majoration de cinq points se trouve privée d'effet ; qu'en se contentant de prévoir une majoration de cinq points, sans minorer le nombre de points exigibles pour obtenir le paiement des primes en tenant compte du temps consacré aux fonctions électives, ni davantage majorer les points obtenus au ratio du temps consacré aux fonctions électives, l'accord d'entreprise du 29 juin 2005 n'assure pas la neutralité ni la valorisation de l'exercice des mandats électifs exercés par le visiteur médical et qu'elle a une incidence défavorable sur sa rémunération ; Attendu qu'à cet égard, c'est vainement que l'employeur conteste l'utilisation faite par M. [S] du tableau relatif aux rémunérations moyennes des hommes et des femmes au sein du groupe [F] dont il est lui-même l'auteur ; que l'appelant ne saurait, aux yeux de l'employeur, comparer sa rémunération au revenu moyen de 110 visiteurs médicaux des différentes entités de l'unité économique et sociale [E] [F], comprenant plusieurs entités juridiques de la branche dermo-cosmétique, alors qu'il ne fait partie que du réseau Ducray composé de 25 visiteurs médicaux ; qu'en effet, il n'est pas contesté que l'ensemble des visiteurs médicaux des différents réseaux de l'unité économique et sociale bénéficient du même système de calcul de prime, qui relève de la même convention collective et qu'une même grille de classification leur est appliquée ; Attendu que M. [S] justifie également la dégradation de son classement dont il soutient qu'il correspond très exactement au début de l'exercice de ses mandats, en 2009 ; Attendu que, si les bulletins de paie transmis par l'employeur, en exécution d'une décision du bureau de conciliation et d'orientation, ont été légitimement anonymisés, de manière à ne pas permettre l'identification de manière individuelle des salariés concernés et de respecter leur vie privée, il n'en demeure pas moins que l'employeur n'a pas établi, d'une autre manière, un tableau comparatif des salaires fixes et des classifications des salariés en fonction de leur ancienneté ; Attendu que les premiers juges ont considéré que M. [S] ne démontrait pas une inégalité de traitement due à ses fonctions d'élu, dès lors qu'il n'établissait pas que ses performances commerciales, avant d'être élu, lui permettait d'atteindre la classification au groupe VII ; qu'il n'est cependant pas davantage établi par l'employeur que les visiteurs médicaux classés dans ce groupe aient eux-mêmes rempli les conditions de la définition conventionnelle de la classification dans ce groupe ; que l'employeur ne conteste pas sérieusement, ni en tout cas utilement, le défaut de critères objectifs pour opérer la classification - au groupe VI ou au groupe VII - des visiteurs médicaux au sein de l'entreprise ; que M. [S] dénonce encore le fait que le passage du groupe VI niveau C au groupe VII niveau A soit automatique par « la règle des 110 », ladite règle n'ayant d'ailleurs pas été respectée au sein de l'entreprise ; que les performances commerciales de M. [S] ont nécessairement été affectées négativement par le temps consacré à ses fonctions électives, cette réalité n'étant pas prise en considération dans l'application de la « règle des 110 » ; Attendu qu'il résulte des pièces produites et des débats que, si les jours de contact de professionnels « perdus » par M. [S], évalués à 55 par an, avaient été proratisés, ces résultats auraient été plus proches de ceux de ses collègues visiteurs médicaux non protégés ; que l'appelant admet une diminution de son temps de mandat depuis novembre 2016 ; qu'il fait cependant valoir avec pertinence qu'il ne pouvait, en quelques mois, redresser un secteur qu'il avait dû partiellement délaisser pendant plusieurs années du fait de ses mandats ; qu'au surplus, M. [S] fait valoir, sans être contesté par l'employeur :
- que son secteur est sous dimensionné par rapport à celui de ses collègues, puisqu'il ne comporte que 60 dermatologues, l'employeur n'ayant pas augmenté son secteur pour tenir compte de la réduction de son mandat,
- qu'il dispose d'une « cible » de 70 dermatologues, lorsque celle de ses homologues représente 150 à 200 professionnels,
- que ses fonctions électives n'ont jamais été prises en considération par l'employeur pour déterminer les seuils à atteindre en termes d'objectifs ;
Attendu que la SAS Les Laboratoires Dermatologiques A-Derma ne rapporte pas la preuve de ce que l'écart important entre la rémunération de M. [S] et celle de ses collègues non protégés serait justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié fondé sur une inégalité de traitement et une discrimination syndicale ; Attendu qu'il est constant que le salaire moyen mensuel perçu par l'appelant en 2015 est inférieur de 680 euros à la moyenne du salaire calculé par l'employeur dans son rapport de situation soumis au comité central d'entreprise de la branche dermo-cosmétique lors d'une réunion du 19 janvier 2016 ; que cette différence de rémunération n'est pas justifiée par des éléments objectifs, l'employeur n'ayant jamais pondéré les objectifs de M. [S] pour tenir compte du temps consacré à l'exercice de ses mandats ; Attendu qu'il y a lieu de retenir le montant de 680 euros pour déterminer la compensation mensuelle due à M. [S] à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel ; que s'agissant d'un rappel de salaire, conformément à la demande explicitement formulée par M. [S], l'employeur devra également régler le montant des congés payés afférents ; que la base retenue pour le calcul du rappel de salaire dû s'analyse en une somme brute avant précompte des cotisations de sécurité sociale » ;

ALORS QU'en cas de transfert du contrat de travail intervenu en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'ancien employeur ne peut être condamné au paiement d'un rappel de salaire pour la période postérieure au transfert ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le contrat de travail de M. [S] a été transféré de la société Laboratoires dermatologiques Ducray à la société Laboratoires dermatologiques A-Derma le 9 février 2017 ; qu'en condamnant cependant in solidum les sociétés Laboratoires dermatologiques Ducray et Laboratoires dermatologiques A-Derma à payer à M. [S] une compensation mensuelle brute de 680 euros à compter de janvier 2013 et jusqu'à l'expiration de ses mandats de représentant du personnel, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente à la compensation, la cour d'appel a condamné la société Laboratoires dermatologiques Ducray au paiement d'un rappel de salaire pour une période postérieure au 9 février 2017 où elle n'était plus l'employeur et a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-24375
Date de la décision : 10/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 12 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 nov. 2021, pourvoi n°19-24375


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24375
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award