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04/11/2021 | FRANCE | N°19-25320

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 novembre 2021, 19-25320


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 750 F-D

Pourvoi n° Q 19-25.320

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021r>
La société Europhone, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Q 19-25.320 contre l'arrêt rend...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 750 F-D

Pourvoi n° Q 19-25.320

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021

La société Europhone, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Q 19-25.320 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société BNP-Paribas Antilles-Guyane, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Europhone, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société BNP-Paribas Antilles-Guyane, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 9 septembre 2019), la société Europhone, titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la société BNP Paribas Guadeloupe (la banque), estimant que des lettres de change- relevé (LCR) tirées sur elle avaient été payées par la banque sans son autorisation, a assigné cette dernière en remboursement.

Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

2. La société Europhone fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 135 898,30 euros en remboursement des lettres de change-relevé, alors « qu'une banque à qui sont présentés, en vue de leur paiement, des effets de commerce tirés sur son client ne peut se dessaisir des fonds dont elle est dépositaire que sur instruction de ce dernier ; qu'à défaut d'une telle instruction, elle lui doit restitution des sommes ainsi payées, sans qu'il y ait à s'interroger sur le préjudice subi à cette occasion par le client ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société BNP-Paribas Antilles-Guyane avait prélevé le montant des lettres de change-relevé tirées sur la société Europhone par ses fournisseurs sans acceptation des effets par cette dernière ; qu'en opposant néanmoins, pour écarter tout droit à restitution, que la société Europhone ne démontrait pas l'existence et l'étendue du préjudice résultant de la faute commise par la banque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1937 et 1993 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. La banque soutient que le moyen est nouveau, en ce qu'il se fonde sur l'obligation de restitution du banquier en sa qualité de dépositaire, cependant que la société Europhone invoquait, devant la cour d'appel, la réparation d'un préjudice.

4. Cependant, la société demandait devant la cour d'appel le remboursement des LCR payées sans son autorisation, peu important l'existence ou non d'un préjudice, de sorte que le moyen n'est pas nouveau.

5. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1937 et 1993 du code civil :

6. Il résulte de ces textes qu'une banque à qui sont présentés, en vue de leur paiement, des effets de commerce souscrits par son client ou tirés sur celui-ci ne peut, même s'il s'agit d'une lettre de change acceptée, se dessaisir des fonds dont elle est dépositaire pour le compte de ce client que sur instruction reçue de lui et, à défaut, lui en doit restitution.

7. Pour rejeter la demande en paiement de la société Europhone, l'arrêt, après avoir jugé que la banque avait commis une faute en payant les effets de commerce sans l'accord préalable du tiré, retient que la société Europhone ne démontrait pas l'existence et l'étendue de son préjudice.

8. En statuant ainsi, alors que la société Europhone prétendait au remboursement de l'ensemble des lettres de change payées sans son acceptation pour les années 2014 et 2015, sans être tenue d'établir un préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Europhone de ses demandes de condamnation de la banque à lui payer la somme de 135 898,30 euros en remboursement des lettres de change-relevé payées sans son accord et de dommages-intérêts et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort de France ;

Condamne la société BNP-Paribas Antilles-Guyane aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société BNP-Paribas Antilles-Guyane et la condamne à payer à la société Europhone la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Europhone.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté la société EUROPHONE de sa demande en paiement de la somme de 135.898,30 euros en remboursement des lettres de changes-relevé payées par la banque sans son accord préalable, ainsi que de sa demande de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU'« Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui, sans énoncer de nouveau moyen, demande que la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. La partie qui en revanche, conclut à l'infirmation de la décision, doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans faire référence à ses conclusions de première instance.
Pour condamner la société BNP Paribas Antilles-Guyane à rembourser à la société Europhone le montant des lettres de change relevé payées sans accord préalable au titre des années 2014 et 2015, le tribunal a retenu que la société Europhone n'avait pas souscrit de convention « paiement sauf désaccord » formalisé par un écrit signé.
La société BNP Paribas soutient l'existence de cette convention dont la preuve peut être rapportée par tout moyen comme en matière commerciale.
- Sur la contestation relative à l'existence d'une convention de paiement sauf désaccord exprimé par le tiré
Il résulte de l'article La 511-15 du code de commerce que la lettre de change peut être, jusqu'à l'échéance, présentée à l'acceptation du tiré, au lieu de son domicile, par le porteur ou même par un simple détenteur.
Dès lors qu'il résulte des dispositions légales de l'article L. 511-17 du code de commerce que l'acceptation du tiré doit être pure et simple, sauf à être considérée comme un refus d'acceptation, la société BNP Paribas AntillesGuyane ne peut prétendre rechercher dans des usages commerciaux qu'elle aurait instauré avec son client, la preuve de l'existence d'une convention de « paiement sauf désaccord » à laquelle la société Europhone aurait souscrit.
Il a été jugé que le banquier chez qui la lettre de change est domiciliée, devait avant de payer, s'entourer de garanties certaines et obtenir l'accord exprès du tiré.
En se référant à une pratique antérieure sur une période de deux années et en se fondant sur l'absence de réaction de la société Europhone, destinataire des relevés de compte sur lesquels apparaissaient les paiements effectués et leur nature, la société BNP Guadeloupe aux droits de laquelle intervient la société Paribas Antilles-Guyane, a commis une faute en prélevant le montant des effets de commerce litigieux sans l'acceptation du tiré.

- Sur les conséquences dommageables de la faute commise par la banque La SARL Europhone se borne à prétendre au remboursement de l'ensemble des lettres de change payées sans son acceptation, en s'abstenant de démontrer l'existence et l'étendue du préjudice résultant de la faute commise par la banque.
Dès lors que l'acceptation est facultative pour le tiré, qui n'est pas obligé de s'engager à payer la lettre de change à l'échéance, même si le tiré est débiteur du montant de l'effet de commerce, il incombe à la société Europhone pour justifier du bien-fondé de sa demande de remboursement, de désigner les effets de commerce dont elle n'aurait pas à l'échéance accepté le paiement et dont le montant a cependant été prélevé sur son compte du fait de la banque.
En l'absence d'une telle justification de l'étendue du préjudice allégué, la SARL Europhone dont les fournisseurs porteurs des effets de commerce ont été payés à l'échéance par la banque, sans que celle-ci n'élève une quelconque protestation au paiement, est déboutée de sa demande principale. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
- Sur les autres demandes
La SARL Europhone abandonne dans ses dernières conclusions les demandes relatives à la déchéance du droit aux intérêts concernant le protocole d'accord du 23 janvier 2015.
La société Europhone prétend obtenir l'allocation de 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du comportement de la banque qui bien que fautive, par son action en justice, a tenté de ruiner sa réputation.
La liberté d'accès au juge pour faire valoir ses droits en justice ne devient fautive que si l'exercice de cette liberté renvoie à une intention de nuire. La société Europhone ne démontre pas que le droit d'appel exercé par la société BNP Paribas Antilles-Guyane, se fonde sur une intention malveillante, dont le constat est cependant nécessaire pour ouvrir la voie à l'octroi de dommages-intérêts. Elle est déboutée de ce chef de demande. » ;

ALORS QU' une banque à qui sont présentés, en vue de leur paiement, des effets de commerce tirés sur son client ne peut se dessaisir des fonds dont elle est dépositaire que sur instruction de ce dernier ; qu'à défaut d'une telle instruction, elle lui doit restitution des sommes ainsi payées, sans qu'il y ait à s'interroger sur le préjudice subi à cette occasion par le client ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a ellemême constaté que la société BNP-Paribas Antilles-Guyane avait prélevé le montant des lettres de change-relevé tirées sur la société EUROPHONE par ses fournisseurs sans acceptation des effets par cette dernière ; qu'en opposant néanmoins, pour écarter tout droit à restitution, que la société EUROPHONE ne démontrait pas l'existence et l'étendue du préjudice résultant de la faute commise par la banque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1937 et 1993 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-25320
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 09 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 nov. 2021, pourvoi n°19-25320


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25320
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