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04/11/2021 | FRANCE | N°19-23370

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 novembre 2021, 19-23370


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 746 F-D

Pourvoi n° V 19-23.370

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021

M. [L]

[Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-23.370 contre l'arrêt n° RG 17/00048 rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Papeet...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 746 F-D

Pourvoi n° V 19-23.370

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021

M. [L] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-23.370 contre l'arrêt n° RG 17/00048 rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque de Polynésie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Banque de Polynésie, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 11 juillet 2019), M. [Y] a investi en 2002 auprès de la société International Marketing Corporation (la société IMC) des fonds transférés par deux virements effectués à partir de son compte ouvert dans les livres de la société Banque de Polynésie (la banque).

2. Faisant valoir qu'il avait été victime d'une escroquerie commise par la société IMC et qu'il n'avait pu obtenir la restitution de ses avoirs, M. [Y] a assigné la banque en indemnisation, lui reprochant d'avoir contribué à la réalisation de son dommage du fait de manquements à son obligation de vigilance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ que la banque est tenue à un devoir renforcé de surveillance et de vigilance dans le traitement des ordres de virement de son client et doit ainsi, en présence d'anomalies apparentes, prendre toute précaution utile et alerter son client afin de procéder à des vérifications auprès de lui ; qu'en l'espèce, pour écarter la responsabilité civile de la banque, la cour d'appel ne pouvait ni énoncer que les ordres de virement 10 mai et 31 octobre 2002 ne pouvaient être qualifiés d'irréguliers "quelque soient les "anomalies" relevées par l'appelant" car "ils reflètent la volonté de M. [Y]" ni se retrancher, comme elle a l'a fait à plusieurs reprises, derrière le seul constat que la signature de M. [Y], figurait sur lesdits ordres de virement, alors que le seul consentement du client - à supposer qu'il ait été libre et éclairé, ce dont la banque doit s'assurer - n'est en tout état de cause pas de nature à écarter le devoir de vigilance de la banque en présence d'anomalies apparentes, de sorte que la cour d'appel, qui était tenue d'examiner in concreto les anomalies que M. [Y] dénonçait, et de préciser si elles étaient réelles ou supposées et surtout si elles étaient apparentes, et dans le cas contraire, en quoi la banque n'avait pu les déceler, ne pouvait se soustraire à cet examen qui lui incombait sous couvert de l'autorisation du client ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil par refus d'application ;

2°/ que la banque est tenue à un devoir renforcé de surveillance et de vigilance dans le traitement des ordres de virement de son client et doit ainsi, en présence d'anomalies apparentes, prendre toute précaution utile et alerter son client afin de procéder à des vérifications auprès de lui, notamment sur la nature et l'objet de l'opération envisagée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se retrancher ni derrière le principe de non-ingérence de la banque ni derrière la signature par M. [Y] des ordres de virement litigieux au motif qu'aucun élément ne permettait de considérer que l'opération envisagée se présentait dans des conditions inhabituelles sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par M. [Y], si ces conditions inhabituelles ne résultaient pas de la destination des virements à l'international, des ordres de virements renseignés et déposés au guichet par un tiers ne justifiant d'aucun mandat, du montant important de ces virements et de la signature, inhabituelle, par M. [Y], de deux contrats de joint-venture, à la suite du démarchage de Mme [E] agissant pour le compte de la société Crystal Finance Polynésie qui était, de l'aveu même de la banque, un de ses partenaires commerciaux ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à une analyse in concreto de l'ensemble de ces éléments, dont elle devait faire état, et qui constituaient un faisceau d'indices établissant une anomalie apparente et le caractère suspect et inhabituel de l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil ;

3°/ que la banque est tenue à un devoir renforcé de surveillance et de vigilance dans le traitement des ordres de virement de son client et doit ainsi, en présence d'anomalies apparentes, prendre toute précaution utile et alerter son client afin de procéder à des vérifications auprès de lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait écarter la responsabilité de la banque en se retranchant derrière l'autorisation de M. [Y] aux virements litigieux aux motifs inopérants et erronés que "les virements y compris internationaux peuvent être réalisés par tout moyen électronique" et que "la circonstance selon laquelle Mme [E] n'avait pas reçu mandat de remettre les dits ordres à la banque est indifférente" quand il était constant, et constaté par la cour d'appel, d'une part, que les ordres de virements n'avaient pas été réalisés par voie électronique mais par le biais d'un formulaire déposé au guichet par Mme [E], et d'autre part, que Mme [E], qui avait elle-même rempli ces formulaires, et avait elle-même renseigné les montants, ainsi qu'en attestent la différence d'écriture entre la signature de M. [Y] et les mentions renseignées sur le formulaire, les ratures et modifications apparentes, n'avait reçu aucun mandat et n'avait jamais eu pouvoir sur le compte de M. [Y], de sorte, qu'en cet état, il lui incombait de rechercher si cette circonstance, ajoutée aux autres anomalies dénoncées par M. [Y], ne constituait pas une anomalie apparente en présence de laquelle la banque devait alerter son client profane, procéder à des vérifications auprès de lui et s'assurer qu'il avait consenti de manière libre et surtout éclairée à l'investissement qui lui était proposé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants et erronés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs : qu'en ne répondant pas aux moyens tirés, d'une part, de l'alerte donnée par la société Crystal Finance quant au caractère frauduleux des produits d'investissement IMC et, d'autre part, de la participation de la banque à l'exécution de pas moins de 175 opérations à destination du même bénéficiaire, la société IMC, circonstances qui caractérisaient encore le contexte inhabituel dans lequel les opérations de virement litigieux ont été effectuées, et qui imposaient à la banque de se montrer particulièrement vigilante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les virements litigieux étaient intervenus à destination d'un établissement bancaire et d'une ville non signalés comme suspects, dans le cadre d'un investissement classique sur un produit financier et qu'ils avaient été signés par M. [Y] et constituaient l'exacte expression de sa volonté, faisant ainsi ressortir l'absence d'anomalie apparente de ces opérations. En l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche que ses constatations rendaient inopérante, ni de répondre aux allégations invoquées par la quatrième branche rendue inopérante dès lors que les courriers produits par M. [Y] avait été rédigés quatre à six ans avant la passation des ordres, et que le courrier de la société Crystal Finance au parquet de Papeete ne concernait pas la banque, a pu en déduire l'absence de manquement de celle-ci à son obligation de vigilance dans la passation des ordres de virement.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y] et le condamne à payer à la société Banque de Polynésie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [Y].

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « M. [Y] fait valoir que la banque a manqué, d'une part, à ses obligations relatives à la lutte contre le blanchiment et d'autre part, à son devoir d'information et de conseil. Il soutient qu'il existe bien un lien de causalité entre ces divers manquements et le préjudice qu'elle a subi. Or, il sera rappelé que M. [Y] n'a jamais contesté être le signataire des ordres de virement à l'origine des malversations dont il a été victime. Les virements y compris internationaux peuvent être réalisés par tout moyen électronique et dès lors, la circonstance selon laquelle Mme [E] n'avait pas reçu de mandat de remettre les dits ordre à la Banque de Polynésie est indifférente : une vérification d'identité du porteur de l'ordre n'aurait pu que conduire à confirmer que M. [Y] était bien le donneur d'ordres, étant ici précisé que les vérifications effectuées lorsque le porteur n'est pas le titulaire du compte concernent uniquement le cas du pouvoir donné à un tiers de faire fonctionner le compte. En l'espèce, Mme [E] n'a jamais eu pouvoir sur le compte de M. [Y]. Elle était seulement porteuse d'un ordre de virement signé du titulaire du compte. Contrairement à l'interprétation qu'en a fait M. [Y], le tribunal n'a jamais considéré que la victime de la roublardise de Mme [E] qui a su parvenir à ses fins en déployant force arguments séduisants était la banque mais bien M. [Y] à qui cette personne s'était présentée comme "accréditée" par la banque. Les liens entre Mme [E] et certains employés de la dite banque ne résultent là encore que des affirmations de M. [Y]. M. [Y] reproche encore à la banque d'avoir omis de s'intéresser à la nature et à la justification économique de l'opération "si elle se présente comme complexe ou inhabituelle". Or, aucun élément ne permet de qualifier cette opération de "complexe" ou "présentant des conditions inhabituelles de complexité" s'agissant d'un investissement classique sur un produit financier et aucune disposition légale n'autorise un banquier à demander des explications sur la nature ou la justification d'une opération de placement dès lors que celle-ci n'apparaît pas comme suspecte. Or, en l'espèce, les ordres de virement provenaient du compte de M. [Y], client non susceptible de se livrer à des opérations illégales, pour être transférés sur un compte à la Barclay's Bank de [Localité 5], établissement et ville non signalées comme suspectes. Il reste donc que M. [Y] peine à démontrer en quoi ces ordres de virement étaient irréguliers. L'exigence de cette preuve ne constitue pas un renversement de la charge de la preuve comme le soutient M. [Y] dès lors que la banque a établi, de son côté, qu'elle disposait bien de deux ordres de virement signés de son client et correspondaient très précisément à sa volonté au moment où ils ont été établis. Ces ordres de virement ne peuvent donc pas être qualifiés d'irréguliers, quelque soient les "anomalies" relevées par l'appelant : ils reflètent la volonté de M. [Y]. Par ailleurs, aucun lien entre la Banque de Polynésie et la SA International Marketing ou encore avec la société Crystal Finance n'a été démontré, de telles relations ne résultant manifestement que des déclarations de Mme [E]. M. [Y] soutient encore que la banque est tenue d'effectuer des déclarations de soupçons auprès de TRACFIN ou de s'associer à la lutte contre le blanchiment. Comme relevé par le tribunal, ces considérations sont sans lien avec la présente affaire s'agissant d'une escroquerie à l'encontre de particuliers qui avaient cru investir dans des placements financiers exceptionnellement rémunérateurs. L'origine des fonds ainsi investis n'a jamais été suspecte. Il en est de même pour les signalements relatifs aux transactions inhabituelles. Il reste donc que la banque n'a un devoir de conseil et d'information qu'à l'occasion d'opérations qu'elle propose elle-même à son client, comme la souscription d'emprunts immobiliers ou des placements sur des produits financiers ou d'épargne qu'elle distribue pour son propre compte ou pour le compte de sociétés qui lui sont rattachées. Qu'en l'espèce, les placements sont sans lien avec la Banque de Polynésie laquelle n'est intervenue que pour exécuter un ordre de virement donné par son client au profit de la Barclay's Bank à [Localité 5], ce qui n'avait rien de délictueux, de répréhensible ou hors norme ; La banque n'a pas à intervenir dans la gestion des avoirs de ses clients, n'ayant ni à les conseiller sur des opérations qui ne la concernent pas, ni à s'immiscer dans la manière de gérer leur patrimoine. Les textes du code monétaire et financier invoqués par M. [Y] sont, soit sans rapport avec le présent litige soit, inopérants, car ils concernent des obligations inapplicables au cas présent. Enfin, le grief relatif à l'absence de formation du personnel et à l'organisation de celui-ci est dépourvu de pertinence puisque d'une part, Mme [F] [E], qui est à l'origine de la décision prise par M. [Y] de confier ses économies à la SA International Marketing Corporation, n'était pas une employée de la banque et que rien ne permet de confirmer les allégations de M. [Y] selon lesquelles elle aurait eu "ses entrées" à la Banque de Polynésie. Les fautes et manquements articulés à l'encontre de la Banque de Polynésie n'étant pas démontrés, il convient de confirmer le jugement déféré. L'action dirigée par M. [Y] contre la Banque de Polynésie ne justifie pas qu'il soit alloué à la banque des dommages-intérêts pour procédure abusive et le jugement sera également confirmé sur ce point. M. [Y], qui succombe, doit supporter les dépens. Il convient de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 550.000 FCP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « attendu que M. [L] [Y], qui remet en cause la régularité formelle des deux virements des 10 mai et 31 octobre 2002, sans toutefois préciser en quoi ces ordres de virement seraient irréguliers, ne conteste toutefois pas sa signature sur chacun d'eux (qui apparait au demeurant conforme à celle figurant sur une ouverte de "convention MAEVA" qu'il ne conteste pas avoir signée le 14 février 2012) ; Que s'il mentionne l'intervention à l'intérieur même de la Banque de Polynésie de Mme [F] [E], agent ou représentant en Polynésie de la SA International Marketing Corporation mais aussi de la SA Crystal Finance, qui aurait en quelque sorte usé de son entregent auprès des employés de la banque pour le manipuler et intervenir en qualité de mandataire pour réaliser les virements litigieux, il convient de constater qu'il n'en rapporte pas la moindre démonstration, se bornant à des affirmations et à des pétitions de principe ; attendu qu'il n'est nullement démontré que Mme [F] [E] ait été présentée à M. [Y] par la Banque de Polynésie ou que cette banque ait en quoi que ce soit cautionné ou favorisé les agissements de Mme [F] [E] ; qu'il n'est pas non plus établi que la Banque de Polynésie ait représenté les produits financiers proposés par la SA International Marketing Corporation ou en ait suggéré l'acquisition à ses clients ; Attendu que la Banque de Polynésie reconnait un partenariat avec la société Crystal Finance ce n'est que dans le cadre de crédits immobiliers et non de placements de fonds à l'étranger, ce qu'elle a rappelé à M. [L] [Y], le 22 mai 2006, étant observé que ce dernier ne forme aucun reproche à l'encontre de la société Crystal Finance à l'égard de laquelle il n'a d'ailleurs pris aucun engagement mais à l'encontre de la SA International Marketing Corporation qui l'a manifestement escroqué ; attendu que si Mme [F] [E] s'est présentée à M. [Y] comme "accréditée" auprès de la Banque de Polynésie, pour ne pas employer le mot "d'employée" ou de "commissionnaire", la dite banque n'y est pour rien et ne peut que constater la roublardise de l'intéressée qui a su parvenir à ses fins en déployant force arguments séduisants ; Attendu, en résumé, que M. [Y] n'est pas fondée à contester la régularité formelle des virements 10 mai et 31 octobre 2002 ;
II- Attendu que tout l'argumentaire développé par M. [Y] relativement aux transferts de capitaux à l'étranger, à des déclarations de soupçons auprès de TRACFIN ou à la lutte contre le blanchiment, sans aucun rapport avec l'objet du présent litige car ce qui est en cause ce n'est pas la provenance douteuse des fonds investis par M. [Y] (ou bien alors il avoue lui-même que les fonds déposés sur son compte courant sont le fruit d'activités illicites?) puisque ces fonds apparaissent être des économies qu'il a réalisées lui-même à partir de ses revenus (a priori légaux?) mais le fait que le destinataire des fonds devant être placés sur des produits financiers particulièrement rémunérateurs, voire excessivement rémunérateurs par rapport aux taux des intérêts qui se pratiquaient habituellement à l'époque, ne leur a pas donné la destination qu'il avait indiquée à M. [Y], les ayant détournés à son profit dans le cadre d'une escroquerie internationale ; Attendu qu'il ne saurait être reproché à la banque un manquement à son obligation de dénoncer des transactions inhabituelles ou suspectes et de s'assurer de la traçabilité de l'opération, étant encore rappelé qu'il n'apparait pas que M. [Y] soit un délinquant international, un trafiquant de drogue ou d'êtres humains ou coupable de toute autre activité délictuelle, mais un épargnant, cliente ancien de la banque, désireux de faire fructifier ses économies qu'il avait préalablement déposées à la Banque de Polynésie ; attendu que ces manquements ne sont pas invoqués avec pertinence ; attendu que la cour de cassation a rappelé à d'innombrables reprises depuis des années que la banque n'a un devoir de conseil et d'information qu'à l'occasion d'opérations qu'elle propose elle-même à son client, comme la souscription d'emprunts immobiliers ou des placements sur des comptes produits financiers ou d'épargne qu'elle distribue pour son propre compte ou pour le compte de sociétés qui lui sont rattachées ; qu'en l'espèce, les placements étaient proposés par la SA International Marketing Corporation, qui n'a pas de lien avec la Banque de Polynésie, laquelle n'est intervenue que pour exécuter un ordre de virement donné par sa cliente au profit de la Barclays Bank à [Localité 5], ce qui n'avait rien de délictueux, de répréhensible ou de hors norme ; que la banque était tenue d'exécuter les ordres de virement de son client, étant observé que M. [Y], ne conteste pas que telle était bien alors l'expression de sa volonté, sa déconvenue procédant non pas du transfert de fonds lui-même mais du défaut de résultat de son opération financière en raison du détournement des fonds de leur destination convenue ; attendu que la cour de cassation rappelle sans cesse que la banque n'a pas à intervenir dans la gestion des avoirs de ses clients, n'ayant ni à les conseiller sur des opérations qui ne la concernent pas ni à s'immiscer dans la manière de gérer leur patrimoine [?] Attendu que les textes du code monétaire et financier invoqués par M. [Y] sont soit sans rapport avec le présent litige soit inopérants, car ils concernent des obligations inapplicables au cas présent, tels la déclaration de soupçons auprès du Parquet, le gel des avoirs, la lutte contre les loteries, jeux et paris prohibés etc?, sans parler d'articles du code monétaire et financier qui n'existent pas ; Attendu que le grief relatif à l'absence de formation du personnel et à l'organisation de celui-ci est dépourvu de pertinence puisque d'une part, Mme [F] [E], qui est à l'origine de la décision prise M. [Y] de confier ses économies à la SA International Marketing Coporation, n'était pas une employée de la banque et que rien ne permet de confirmer les allégations de M. [Y] selon lesquelles elle aurait eu "ses entrées" à la Banque de Polynésie et en aurait abusé pour l'escroquer, M. [Y] ne devant qu'à sa crédulité en des rendements mirobolants le fait d'avoir été l'une des nombreuses victimes d'une bande d'escrocs internationaux ; attendu, en résumé, que les fautes et manquements articulés à l'encontre de la Banque de Polynésie n'étant pas démontrés, il convient de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ».

ALORS QUE la banque est tenue à un devoir renforcé de surveillance et de vigilance dans le traitement des ordres de virement de son client et doit ainsi, en présence d'anomalies apparentes, prendre toute précaution utile et alerter son client afin de procéder à des vérifications auprès de lui ; qu'en l'espèce, pour écarter la responsabilité civile de la Banque de Polynésie, la cour d'appel ne pouvait ni énoncer que les ordres de virement 10 mai et 31 octobre 2002 ne pouvaient être qualifiés d'irréguliers « quelque soient les "anomalies" relevées par l'appelant » car « ils reflètent la volonté de M. [Y] » ni se retrancher, comme elle a l'a fait à plusieurs reprises, derrière le seul constat que la signature de M. [Y], figurait sur lesdits ordres de virement, alors que le seul consentement du client - à supposer qu'il ait été libre et éclairé, ce dont la banque doit s'assurer - n'est en tout état de cause pas de nature à écarter le devoir de vigilance de la banque en présence d'anomalies apparentes, de sorte que la cour d'appel, qui était tenue d'examiner in concreto les anomalies que M. [Y] dénonçait, et de préciser si elles étaient réelles ou supposées et surtout si elles étaient apparentes, et dans le cas contraire, en quoi la banque n'avait pu les déceler, ne pouvait se soustraire à cet examen qui lui incombait sous couvert de l'autorisation du client ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil par refus d'application ;

ALORS QUE la banque est tenue à un devoir renforcé de surveillance et de vigilance dans le traitement des ordres de virement de son client et doit ainsi, en présence d'anomalies apparentes, prendre toute précaution utile et alerter son client afin de procéder à des vérifications auprès de lui, notamment sur la nature et l'objet de l'opération envisagée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se retrancher ni derrière le principe de non-ingérence de la banque ni derrière la signature par M. [Y] des ordres de virement litigieux au motif qu'aucun élément ne permettait de considérer que l'opération envisagée se présentait dans des conditions inhabituelles sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par M. [Y], si ces conditions inhabituelles ne résultaient pas de la destination des virements à l'international, des ordres de virements renseignés et déposés au guichet par un tiers ne justifiant d'aucun mandat, du montant important de ces virements et de la signature, inhabituelle, par M. [Y], de deux contrats de joint-venture, à la suite du démarchage de Mme [E] agissant pour le compte de la société Crystal Finance Polynésie qui était, de l'aveu même de la Banque de Polynésie, un de ses partenaires commerciaux (conclusions d'appel pp. 12, 13, 19, 23) ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à une analyse in concreto de l'ensemble de ces éléments, dont elle devait faire état, et qui constituaient un faisceau d'indices établissant une anomalie apparente et le caractère suspect et inhabituel de l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil ;

ALORS, AUSSI, QUE la banque est tenue à un devoir renforcé de surveillance et de vigilance dans le traitement des ordres de virement de son client et doit ainsi, en présence d'anomalies apparentes, prendre toute précaution utile et alerter son client afin de procéder à des vérifications auprès de lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait écarter la responsabilité de la banque en se retranchant derrière l'autorisation de M. [Y] aux virements litigieux aux motifs inopérants et erronés que « les virements y compris internationaux peuvent être réalisés par tout moyen électronique » et que « la circonstance selon laquelle Mme [E] n'avait pas reçu mandat de remettre les dits ordres à la Banque de Polynésie est indifférente » quand il était constant, et constaté par la cour d'appel, d'une part, que les ordres de virements n'avaient pas été réalisés par voie électronique mais par le biais d'un formulaire déposé au guichet par Mme [E], et d'autre part, que Mme [E], qui avait elle-même rempli ces formulaires, et avait elle-même renseigné les montants, ainsi qu'en attestent la différence d'écriture entre la signature de M. [Y] et les mentions renseignées sur le formulaire, les ratures et modifications apparentes, n'avait reçu aucun mandat et n'avait jamais eu pouvoir sur le compte de M. [Y], de sorte, qu'en cet état, il lui incombait de rechercher si cette circonstance, ajoutée aux autres anomalies dénoncées par M. [Y], ne constituait pas une anomalie apparente en présence de laquelle la banque devait alerter son client profane, procéder à des vérifications auprès de lui et s'assurer qu'il avait consenti de manière libre et surtout éclairée à l'investissement qui lui était proposé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants et erronés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs : qu'en ne répondant pas aux moyens tirés, d'une part, de l'alerte donnée par la société Crystal Finance quant au caractère frauduleux des produits d'investissement IMC et, d'autre part, de la participation de la Banque de Polynésie à l'exécution de pas moins de 175 opérations à destination du même bénéficiaire, la SA IMC, circonstances qui caractérisaient encore le contexte inhabituel dans lequel les opérations de virement litigieux ont été effectuées, et qui imposaient à la banque de se montrer particulièrement vigilante (conclusions p. 4, pp. 8 et 9, p. 13 et p. 15), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ALORS, ENFIN, QUE la banque qui manque à son devoir de vigilance et de surveillance doit réparer le dommage causé à son client de ce fait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que les arguments articulés contre la banque sont sans lien avec le préjudice subi, qui résulterait uniquement de l'escroquerie commise par Mme [E] et son employeur, quand une vigilance et une surveillance attentive de la banque dans le traitement des ordres de virement des 10 mai et 31 octobre 2002, auraient permis d'alerter M. [Y] sur le danger lié aux investissements qu'il envisageait de faire, et d'éviter que les virements soient exécutés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1231-4 (ancien article 1151) du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-23370
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 11 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 nov. 2021, pourvoi n°19-23370


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23370
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