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04/11/2021 | FRANCE | N°19-21281

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 novembre 2021, 19-21281


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle sans renvoi

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1211 F-D

Pourvoi n° Z 19-21.281

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021

La société La Poste,

société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 19-21.281 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2019 par la cour d'appel de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle sans renvoi

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1211 F-D

Pourvoi n° Z 19-21.281

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021

La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 19-21.281 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre Section 1, chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 7],

2°/ au Pôle emploi, Agence Foix, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 15 septembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société La Poste du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi, agence de [Localité 5].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 21 juin 2019) Mme [J] a été engagée par la société La Poste à compter du 22 juin 1984 sous contrat à durée indéterminée à temps partiel de droit public. Après avoir opté pour un statut de droit privé le 15 septembre 1992, la salariée, par avenant du 23 octobre 2002, a conclu un contrat à durée indéterminée à temps complet. Depuis février 2010, elle travaille à temps partiel.

3. Le 29 avril 2013, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevables et non prescrites les demandes de la salariée, de requalifier la relation de travail en contrat à temps complet à compter du 15 septembre 1992, de le condamner à payer certaines sommes au titre des dommages-intérêts « en réparation du préjudice subi résultant de la situation de précarité imposée à la salariée », de la réparation du « préjudice retraite », à titre de rappel de salaires et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire soumise, avant l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 au délai de prescription de cinq ans prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail ; que l'intervention de la loi nouvelle n'a pas réduit ce délai d'action ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'action intentée par Mme [J] était une action en requalification d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet ; qu'en énonçant, pour déclarer cette action recevable, "qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, l'action indemnitaire exercée sur le fondement de l'ancien article L. 122-3-13 du code du travail relatif à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, devenu l'article L. 1245-2, ou à temps plein, était soumise à la prescription trentenaire, dont le point de départ était fixé au terme du dernier contrat", de sorte qu'il y avait lieu d'appliquer les dispositions de l'article 2222 du code civil selon lesquelles la prescription abrégée court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par loi antérieure, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L. 3245-1 du code civil. »

5. Par son deuxième moyen, pris en sa seconde branche, l'employeur grief à l'arrêt de le condamner à payer certaines sommes au titre des dommages-intérêts « en réparation du préjudice subi résultant de la situation de précarité imposée à la salariée », de la réparation du « préjudice de retraite », à titre de rappel de salaire et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'aux termes des articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, les actions en paiement de salaires se prescrivent par cinq ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a accueilli la demande de Mme [J] en paiement de dommages et intérêts au motif que la succession d'avenants à temps partiel aux horaires de travail variables l'ayant mise dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler "justifie l'allocation de dommages et intérêts à raison de la précarité dans laquelle elle a été contrainte de vivre pendant toute cette période" ; qu'en statuant ainsi, alors que sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts pour précarité, la salariée demandait le paiement d'une créance de rappel de salaire qui était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 143-14, devenu L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 :

6. Selon ces textes, l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans.

7. Pour déclarer recevables toutes les demandes de la salariée, et faire droit à sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et lui allouer des sommes en conséquence pour un préjudice de précarité et un préjudice de retraite l'arrêt retient que l'action indemnitaire exercée sur le fondement de l'ancien article L. 122-3-13 du code du travail relatif à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, devenu l'article L. 1245-2, ou à temps plein, était soumise à la prescription trentenaire, dont le point de départ était fixé au terme du dernier contrat, qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions applicables à compter du jour de l'entrée en vigueur de ladite loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, que par conséquent, lorsque la salariée a intenté son action devant le conseil de prud'hommes par acte du 29 avril 2013, la prescription n'était pas acquise.

8. En statuant ainsi, alors que sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts pour absence de répartition des horaires de travail sur les contrats de travail, la salariée demandait le paiement d'une créance de rappel de salaire pour la période de janvier 1991 à novembre 2002, soumise à la prescription quinquennale, acquise à la date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, fait droit à cette demande et condamne la société La Poste à payer à Mme [J] une somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la situation de précarité et une somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de retraite, l'arrêt rendu le 21 juin 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare prescrites les demandes en paiement afférentes à la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;

Condamne la société La Poste aux dépens, exposés devant les juridictions du fond ;

Condamne Mme [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour La Poste.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevables et non prescrites les demandes de Mme [J], requalifié la relation de travail en contrat à temps complet à compter du 15 septembre 1992, condamné La Poste à payer à Mme [J] la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts "en réparation du préjudice subi résultant de la situation de précarité imposée à la salariée", et celle de 12 000 € en réparation du "préjudice retraite", celle de 929,33 € à titre de rappel de salaires, ainsi qu'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS sur la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à temps complet entre janvier 1991 et novembre 2002 QU'aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 18 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, l'action indemnitaire exercée sur le fondement de l'ancien article L.122-3-13 du code du travail relatif à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, devenu l'article L.1245-2, ou à temps plein, était soumise à la prescription trentenaire, dont le point de départ était fixé au terme du dernier contrat.
Or, aux termes de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions applicables à compter du jour de l'entrée en vigueur de ladite loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Il en résulte en l'espèce que la prescription de l'action en requalification à temps plein, intentée par Mme [J] a commencé à courir le 23 octobre 2002, date de la signature d'un contrat à durée indéterminée à temps plein, pour une durée de trente ans et que le nouveau délai de cinq ans institué à l'article 2224 du code civil a commencé à courir à compter du 18 juin 2008.
La prescription ne pouvait donc être acquise que le 19 juin 2013.

Par conséquent, lorsque Mme [J] a intenté son action devant le conseil de prud'hommes par acte du 29 avril 2013, la prescription n'était pas acquise (?)" ;

QU'un salarié peut prétendre à la requalification à temps complet de sa relation de travail lorsqu'il démontre avoir été dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il était contraint de se tenir constamment à la disposition de son employeur durant toute la période d'emploi, qu'il ait été employé en contrat à durée déterminée ou en contrat à durée indéterminée ;
QUE Mme [J] a signé entre le 2 janvier 1991 et le 26 décembre 1991 vingt-six contrats à durée déterminée de droit privé, les uns à temps complet, les autres à temps partiel ;
Que le contrat de travail à durée indéterminée signé le 15 septembre 1992 prévoit un temps de travail de trois heures par semaine réparties à hauteur de 30 minutes par jour, du lundi au samedi, sans indication sur les horaires de travail ;
Qu'entre 1993 et 1995, Mme [J] a cumulé avec son contrat à durée indéterminée à temps partiel dix-huit contrats à durée déterminée modifiant sa durée du travail dans des proportions très variables, allant de 1 h 30 à 39 heures hebdomadaires ;
Qu'entre 1993 et 1995, Mme [J] a cumulé avec son contrat à durée indéterminée à temps partiel dix-huit contrats à durée déterminée modifiant sa durée du travail dans des proportions très variables, allant de 1 h 30 à 39 heures hebdomadaires, sans aucune récurrence ;
Qu'entre 1996 et 2000, La Poste lui a soumis six avenants portant temporairement sa durée du travail soit à 39 heures hebdomadaires, soit sur une base temps partiel majorée ;
Qu'à compter de l'année 2000, la relation contractuelle a été régie par un contrat de travail intermittent à durée indéterminée, pour exercer des activités dans les bureaux de poste de [Localité 6], [Localité 13], [Localité 8], [Localité 10], [Localité 12] ainsi que dans trois autres lieux accessoires, [Localité 14], [Localité 9] et [Localité 11], ce sur une base annuelle de 1200 heures pouvant être augmentée dans la limite d'un quart, Que suivant avenant du 23 octobre 2002, Mme [J] a obtenu la régularisation d'un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 4 novembre 2002 ;

QU‘il n'est pas établi que Mme [J] souhaitait travailler à temps partiel avant janvier 2010 et qu'elle se satisfaisait de la situation. Elle produit au contraire plusieurs courriers démontrant qu'elle souhaitait la régularisation de sa situation. Ainsi, le directeur des ressources humaines de La Poste lui a écrit le 28 janvier 1999 : « j'accuse réception de votre courrier me proposant la régularisation des avenants C.D.I que vous signez lors des remplacements que vous effectuez au bureau de [Localité 6]. Je ne peux donner une suite favorable actuellement à votre proposition (?). Je m'étonne dans tous les cas que votre chef d'établissement vous propose de signer autant d'avenants. Cette situation ne peut plus perdurer au regard de la législation sur le droit du travail en vigueur. Je veillerai en 1999 à ce que celui-ci respecte scrupuleusement le plafond d'avenants qu'il lui est possible de vous proposer, cela évitera que vous soyez confrontée à l'ambiguïté de la situation 1998 » ;

QUE par ailleurs les contrats de travail intermittent à durée indéterminée tels que celui proposé à Mme [J] ont été jugés irréguliers dès lors que La Poste n'a jamais pris la précaution d'identifier en son sein les emplois permanents pouvant être pourvus par la conclusion de tels contrats.
En définitive, Mme [J] établit par la production de tous les contrats le caractère variable de la durée des avenants, des horaires de travail, des salaires versés, qui justifie la demande de requalification à plein temps du contrat de travail à compter du 15 septembre 1992, date d'effet du contrat à durée indéterminée de droit privé, jusqu'au 4 novembre 2002. En effet, l'ampleur du nombre de modifications intervenues démontre que Mme [J] ne pouvait prévoir sur une durée raisonnable à quel rythme elle devait travailler jusqu'à ce que sa situation soit régularisée à temps complet à compter du 4 novembre 2002 » ;

ALORS QUE l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire soumise, avant l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 au délai de prescription de cinq ans prévu par l'article L.3245-1 du code du travail ; que l'intervention de la loi nouvelle n'a pas réduit ce délai d'action ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'action intentée par Mme [J] était une action en requalification d'un contrat à à temps partiel en contrat à temps complet ; qu'en énonçant, pour déclarer cette action recevable, "qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, l'action indemnitaire exercée sur le fondement de l'ancien article L 122-3-13 du code du travail relatif à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, devenu l'article L. 1245-2, ou à temps plein, était soumise à la prescription trentenaire, dont le point de départ était fixé au terme du dernier contrat", de sorte qu'il y avait lieu d'appliquer les dispositions de l'article 2222 du code civil selon lesquelles la prescription abrégée court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par loi antérieure, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L.3245-1 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné La Poste à payer à Mme [J] la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts "en réparation du préjudice subi résultant de la situation de précarité imposée à la salariée", ainsi qu'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Mme [J] établit par la production de tous les contrats le caractère variable de la durée des avenants, des horaires de travail, des salaires versés, qui justifie la demande de requalification à plein temps du contrat de travail à compter du 15 septembre 1992, date d'effet du contrat à durée indéterminée de droit privé, jusqu'au 4 novembre 2002. En effet, l'ampleur du nombre de modifications intervenues démontre que Mme [J] ne pouvait prévoir sur une durée raisonnable à quel rythme elle devait travailler jusqu'à ce que sa situation soit régularisée à temps complet à compter du 4 novembre 2002 ;
Cette situation justifie l'allocation de dommages et intérêts à raison de la précarité dans laquelle elle a été contrainte de vivre pendant toute cette période de dix ans et qui seront arrêtés au montant de 12 000 euros, conformément à sa demande » ;

1°) ALORS QU'aux termes des articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, les actions en paiement de salaires ou de créances de nature salariale se prescrivent par cinq ans ; que l'action en requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est une action de nature salariale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a accueilli la demande de Mme [J] en paiement de dommages et intérêts au motif que la succession d'avenants à temps partiel aux horaires de travail variables l'ayant mise dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler "justifie l'allocation de dommages et intérêts à raison de la précarité dans laquelle elle a été contrainte de vivre pendant toute cette période" ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel, qui a indemnisé les conséquences d'une action en requalification prescrite, a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS QU'aux termes des articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, les actions en paiement de salaires se prescrivent par cinq ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a accueilli la demande de Mme [J] en paiement de dommages et intérêts au motif que la succession d'avenants à temps partiel aux horaires de travail variables l'ayant mise dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler "justifie l'allocation de dommages et intérêts à raison de la précarité dans laquelle elle a été contrainte de vivre pendant toute cette période" ; qu'en statuant ainsi, alors que sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts pour précarité, la salariée demandait le paiement d'une créance de rappel de salaire qui était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°) ALORS subsidiairement QU'en statuant de la sorte sans établir l'existence d'un préjudice distinct de la privation de rémunération résultant, pour la salariée, de son emploi à temps partiel, c'est à dire de la privation de salaires dont l'action en paiement était prescrite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 et 1231-2 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné La Poste à payer à Mme [J] la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son « préjudice retraite », ainsi qu'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la base du même raisonnement que celui qui vient d'être suivi pour la requalification du contrat, la demande relative au préjudice distinct né de la perte des droits à la retraite n'est pas prescrite.
Le défaut de paiement des cotisations par La Poste sur la base d'un contrat à temps complet a fait perdre à Mme [J] la chance de percevoir une retraite améliorée de telle sorte que cette perte de chance doit être indemnisée par l'octroi d'une somme de 12 000 euros à titre de dommages intérêts » (arrêt p.9 dernier alinéa, p.10 alinéa 1er) ;

1°) ALORS QUE l'action en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire soumise au délai de prescription prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail ; qu'en condamnant La Poste à indemniser Mme [J] au titre d'un "préjudice retraite" au motif que "le défaut de paiement des cotisations par La Poste sur la base d'un emploi à temps complet a fait perdre à Mme [J] la chance de percevoir une retraite améliorée" quand, sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts pour cette perte de chance, la salariée demandait le paiement d'une créance de rappel de cotisations consécutive à une action en requalification prescrite en application de l'article 2277 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°) ET ALORS QU'en toute hypothèse, lorsque le droit d'un salarié au paiement des salaires est éteint du fait de la prescription, son action en paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires est nécessairement prescrite pour la même période ; qu'en condamnant La Poste à indemniser Mme [J] au titre d'un "préjudice retraite" au motif que "le défaut de paiement des cotisations par La Poste sur la base d'un emploi à temps complet a fait perdre à Mme [J] la chance de percevoir une retraite améliorée" la cour d'appel qui, sous le couvert d'indemniser cette perte d'une chance, a compensé le défaut de paiement de cotisations prescrites, a violé derechef les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-21281
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 21 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 nov. 2021, pourvoi n°19-21281


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.21281
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