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21/10/2021 | FRANCE | N°20-10600

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 octobre 2021, 20-10600


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2021

Cassation partielle
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 998 F-D

Pourvoi n° K 20-10.600

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2021

La société [1], dont le siège est

[Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-10.600 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2021

Cassation partielle
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 998 F-D

Pourvoi n° K 20-10.600

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2021

La société [1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-10.600 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT : section tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société [1], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, et après débats en l'audience publique du 15 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 7 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 mars 2017, pourvoi n° 16-14.554), la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de la Normandie (la caisse) ayant pris en compte, au titre de la période triennale de référence 2010-2012, pour la fixation de son taux brut individuel 2014, un accident mortel survenu le 9 octobre 2009 et pris en charge au titre de la législation professionnelle le 5 janvier 2010, la société [1] (l'employeur) a saisi d'un recours la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (la Cour nationale).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours, alors « que la valeur du risque pour le calcul du taux brut individuel des cotisations d'accidents du travail et de maladies professionnelles comprend, notamment, le produit du nombre total d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant, pendant la période triennale de référence, soit entraîné le décès de la victime, soit donné lieu à la notification d'un taux d'incapacité permanente, par le coût moyen de la catégorie dans laquelle est rattaché chaque accident ou chaque maladie ; qu'en considérant que l'accident mortel dont a été victime le salarié devait être pris en compte dans la valeur du risque servant de base au calcul du taux de cotisations de l'employeur pour l'exercice 2014, dans la mesure où son caractère professionnel avait été reconnu le 5 janvier 2010, soit pendant la période triennale de référence courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, quand ne sont pris en compte dans la détermination de la valeur du risque que les accidents du travail ou maladies professionnelles ayant entraîné le décès de la victime durant la période triennale de référence, ce dont il résultait que devait en être exclu l'accident mortel litigieux survenu le 9 octobre 2009, la Cour nationale a violé les articles D. 242-6-4, alinéa 2, et D. 242-6-6, alinéa 1, 2°, du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles D. 242-6-4 et D. 242-6-6, alinéa 1, 2°, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010, applicable au litige :

3. Selon le second de ces textes, la valeur du risque telle que mentionnée au premier pour le calcul du taux brut individuel des cotisations d'accidents du travail comprend, notamment, le produit du nombre total d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant, pendant la période triennale de référence, soit entraîné le décès de la victime, soit donné lieu à la notification d'un taux d'incapacité permanente, par le coût moyen de la catégorie dans laquelle est rattaché chaque accident ou maladie.

4. Pour débouter l'employeur de son recours, la Cour nationale retient essentiellement qu'une application littérale de l'article D. 242-6-6, 2°, qui aboutirait à prendre en compte les accidents du travail et maladies professionnelles mortels l'année de leur survenance pour la valeur du risque alors qu'ils sont classés dans l'une des catégories prévues l'année de la reconnaissance de leur caractère professionnel, serait source de complications pour les caisses, facteur d'insécurité pour les entreprises et générateur de contentieux.

5. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident du travail survenu le 5 octobre 2009 n'avait pas entraîné le décès de la victime pendant la période triennale de référence prise en compte pour le calcul du taux individuel de l'année 2014, la Cour nationale a violé par fausse interprétation les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

8. Il convient d'ordonner le retrait de l'accident mortel dont a été victime M. [C] de la période triennale 2010-2012, correspondant à la période de référence pour le calcul du taux de cotisations de l'année 2014, et de dire que la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de la Normandie devra procéder à la rectification du taux de cotisations de l'année 2014.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables la saisine après cassation et le recours formé par la société [1] contre la décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de la Normandie fixant son taux de cotisation pour l'exercice 2014 au titre de l'assurance des accidents du travail et maladies professionnelles, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE le retrait de l'accident mortel dont a été victime M. [C] de la période triennale 2010-2012, correspondant à la période de référence pour le calcul du taux de cotisations de l'année 2014 et dit que la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de la Normandie devra procéder à la rectification subséquente du taux de cotisations de l'année 2014 ;

Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de la Normandie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de la Normandie et la condamne à payer à la société [1] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société [1]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré mal fondé le recours formé par la société [1] contre la décision de la Carsat de Normandie, fixant son taux de cotisation pour l'exercice 2014, au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, et D'AVOIR dit n'y avoir lieu de retirer le coût moyen d'incapacité permanente correspondant à l'accident du travail mortel de M. [C], du compte employeur 2010 de la société [1] et de rectifier la valeur du risque de la période triennale de référence ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, le coeur du problème consiste à savoir si les accidents du travail mortels pris en compte pour déterminer la valeur du risque, dans le cadre des opérations de tarification, sont ceux qui ont entraîné le décès de la victime au cours de la période de référence ou bien ceux dont le caractère professionnel a été reconnu au cours de la période de référence ; qu'à cet égard, l'article D. 242-6-6, 2°, du code de la sécurité sociale énonce que « la valeur du risque (?) comprend (?) le produit du nombre total d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant, pendant la période triennale de référence, soit entraîné le décès de fa victime, soit donné lieu à la notification d'un taux d'incapacité permanente (?) » ; que cette formulation suggère qu'un accident du travail ayant entraîné le décès de la victime doit être pris en compte, pour déterminer la valeur du risque, l'année de sa survenance ; que, cependant, il s'avère que l'économie générale de la matière veut que les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail n'interviennent qu'après avoir reçu les informations des caisses primaires d'assurance maladie ; que c'est en ce sens que la pratique est fixée, même s'il est vrai que ce n'est pas le droit qui doit se soumettre à la pratique mais bel et bien la pratique qui doit respecter le droit ; que, de même, l'esprit général des articles D. 242-6 et suivants du code de la sécurité sociale, relatifs à l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, tendrait plutôt à considérer que le véritable événement déclencheur n'est pas l'accident ou la maladie ou le décès mais la reconnaissance de son caractère professionnel par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'ainsi, l'article D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale, certes non applicable à la présente espèce puisqu'il traite du taux brut collectif, prévoit que « seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents et aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu » ; que, de même, l'article D. 242-6-5, également non applicable à la présente espèce puisqu'il traite de la valeur du risque pour le calcul du taux brut collectif, prévoit que la valeur du risque comprend « les capitaux correspondant aux accidents et maladies mortelles dont le caractère professionnel a été reconnu au cours de la (...) période [triennale de référence] » ; qu'enfin, l'article D. 242-6-7, relatif au classement des accidents du travail et des maladies professionnelles dans l'une des catégories prévues à l'article D. 242-6-6, énonce expressément que « l'accident du travail ou la maladie professionnelle ayant donné lieu à une incapacité permanente est classé de manière définitive lors de la première notification du taux d'incapacité permanente ou, en cas de décès, lors de la reconnaissance de son caractère professionnel » ; qu'il n'est donc pas exclu qu'au-delà de sa forme littérale, l'article D. 242-6-6, 2°, du code de la sécurité sociale soit affecté d'une imperfection rédactionnelle et que ce soit par un raccourci de langage que ce texte évoque la période triennale de référence pendant laquelle est intervenu le décès de la victime et non pas la période triennale de référence pendant laquelle le caractère professionnel du décès a été reconnu ; qu'il est en effet symptomatique que le même article, dans la même phrase, énonce que les accidents du travail et les maladies professionnelles non mortels sont pris en compte dans la valeur du risque « lorsqu'ils ont donné lieu à la notification d'un taux d'incapacité permanente », ce qui suppose bien une décision préalable de la caisse ; qu'il convient encore d'observer qu'une application de l'article D. 242-6-6, 2°, du code de la sécurité sociale faisant prévaloir la lettre sur l'esprit, aboutirait à créer une dichotomie entre, d'une part, les accidents du travail et les maladies professionnelles non mortels, pour lesquels il faudrait se référer à la notification d'un taux d'incapacité permanente tant pour la prise en compte dans le cadre de la valeur du risque que pour le classement définitif dans l'une des catégories prévues, et d'autre part, les accidents du travail et maladies professionnelles mortels, qui seraient pris en compte l'année de leur survenance pour la valeur du risque mais classés dans l'une des catégories prévues l'année de la reconnaissance de leur caractère professionnel ; qu'il convient également de remarquer qu'une application littérale de l'article D. 242-6-6, 2°, du code de la sécurité sociale conduirait à faire prendre en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail les décès, avant même qu'ils soient reconnus comme étant d'origine professionnelle ; qu'or, une telle solution serait évidemment source de complications, puisque, d'une part, on voit mal comment elles en seraient averties et puisque, d'autre part, une éventuelle absence de reconnaissance de caractère professionnel les obligerait, au bout d'un certain temps, au demeurant fort variable, à faire machine arrière et à rectifier leurs calculs, ce qui serait à la fois facteur d'insécurité pour les entreprises et générateur de contentieux ; que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'un décès ne suffit pas, à lui seul, à faire prendre en compte un accident de travail ou une maladie professionnelle dans la valeur du risque et que c'est bien la décision de reconnaissance du caractère professionnel qui est décisive à ce titre ; qu'en l'espèce, la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident mortel de M. [C] a été notifiée par décision de la caisse primaire d'assurance maladie le 5 janvier 2010 ; qu'il s'ensuit que le coût moyen d'incapacité permanente correspondant doit être inscrit sur le compte employeur 2010 de la société et faire partie de la période triennale de référence au titre de l'année 2010 pour le calcul du taux de cotisation de l'exercice 2014, indépendamment de la date de la déclaration de l'accident du travail ; que, dès lors, c'est à bon droit que la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie a inscrit sur le compte employeur 2010 de la société [1] le coût moyen correspondant à la catégorie 4 d'incapacité permanente pour l'accident mortel de M. [C] du 9 octobre 2009 et pris en compte dans la période triennale de référence au titre de l'année 2010 pour le calcul du taux de cotisation de l'exercice 2014 ;

ALORS, 1°), QUE la valeur du risque pour le calcul du taux brut individuel des cotisations d'accidents du travail et de maladies professionnelles comprend, notamment, le produit du nombre total d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant, pendant la période triennale de référence, soit entraîné le décès de la victime, soit donné lieu à la notification d'un taux d'incapacité permanente, par le coût moyen de la catégorie dans laquelle est rattaché chaque accident ou chaque maladie ; qu'en considérant que l'accident mortel dont a été victime M. [C] devait être pris en compte dans la valeur du risque servant de base au calcul du taux de cotisations de l'employeur pour l'exercice 2014, dans la mesure où son caractère professionnel avait été reconnu le 5 janvier 2010, soit pendant la période triennale de référence courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, quand ne sont pris en compte dans la détermination de la valeur du risque que les accidents du travail ou maladies professionnelles ayant entraîné le décès de la victime durant la période triennale de référence, ce dont il résultait que devait en être exclu l'accident mortel litigieux survenu le 9 octobre 2009, la Cour nationale a violé les articles D. 242-6-4, alinéa 2, et D. 242-6-6, alinéa 1er, 2°, du code de la sécurité sociale ;

ALORS, 2°) et subsidiairement, QUE, lors de l'audience des débats, la société [1] avait fait valoir que la notification de prise en charge la plus ancienne de l'accident mortel du travail dont a été victime M. [C] était en date du 28 décembre 2009, de sorte qu'en tout état de cause, la reconnaissance du caractère professionnel dudit accident n'était pas intervenue pendant la période triennale de référence courant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 et servant de base au calcul du taux de cotisations de l'employeur pour l'exercice 2014 ; qu'en affirmant, pour refuser de retirer de la valeur du risque l'accident mortel litigieux, que la reconnaissance de son caractère professionnel avait été notifiée par décision de la caisse primaire d'assurance maladie le 5 janvier 2010, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-10600
Date de la décision : 21/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT), 07 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 oct. 2021, pourvoi n°20-10600


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10600
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