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20/10/2021 | FRANCE | N°20-13661

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 octobre 2021, 20-13661


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 643 F-B

Pourvoi n° N 20-13.661

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021

La caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, do

nt le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-13.661 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 643 F-B

Pourvoi n° N 20-13.661

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021

La caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-13.661 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [M] [Z],

2°/ à Mme [E] [Z],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [Z], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 30 septembre 2019), suivant acte authentique du 31 octobre 2006, la Caisse régionale de crédit agricole des Savoie (la banque) a consenti à [Q] [Z] (l'emprunteur) deux prêts immobiliers en devises. A la suite du décès de l'emprunteur survenu le 7 mai 2015, son assureur a pris en charge une partie du solde des prêts.

2. Après avoir mis en demeure M. et Mme [Z], héritiers de leur fils, de régler des sommes restant dues, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts le 5 décembre 2017 et fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 19 janvier 2018. M. et Mme [Z] ont assigné la banque devant le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la mesure de saisie et voir juger prescrite l'action de la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 29 juin 2018 et de la condamner à payer à M. et Mme [Z] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ; que l'action en paiement du capital d'un contrat de prêt restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, sauf impossibilité d'agir du prêteur ; qu'en l'espèce, suivant courriers recommandés du 5 décembre 2017, le prêteur a prononcé la déchéance du terme des deux prêts conclus avec l'emprunteur décédé le 7 mai 2015 et mis en demeure ses héritiers de régler la somme de 67 546,62 euros avant de leur faire délivrer, par acte du 19 janvier 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de cette somme, que le décès de l'emprunteur avait rendu la créance exigible et que le délai de prescription avait couru à compter du 2 décembre 2015, date de connaissance par le créancier de l'identité des héritiers d'[Q] [Z], quand seule la déchéance du terme avait rendu la créance exigible et permis au prêteur d'agir, la cour d'appel a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation et les articles 2224 et 2234 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Les consorts [Z] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que celui-ci est nouveau.

5. Cependant, la banque a soutenu que le point de départ du délai de prescription se situait au prononcé de la déchéance du terme pour le capital restant dû.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 218-2 du code de la consommation, 2224 et 2233 du code civil :

7. Il résulte de ces textes qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l'emprunteur.

8. Pour déclarer prescrite l'action de la banque, l'arrêt retient que le décès de l'emprunteur constitue l'événement qui a rendu la créance exigible, que le point de départ du délai de prescription est fixé à la date à laquelle le prêteur a connaissance de l'identité des héritiers de l'emprunteur et qu'il résulte de la lettre du 2 décembre 2015 qu'à cette date, l'identité et l'adresse des héritiers étaient connues de la banque, de sorte que, le 19 janvier 2018, date du commandement, la créance était prescrite.

9. En statuant ainsi, alors que seule la déchéance du terme avait rendu exigible la créance au titre du capital restant dû, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie

LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR dit prescrite l'action en recouvrement engagée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie, en conséquence, D'AVOIR ordonné la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 29 juin 2018 et condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie à payer à M. et Mme [Z], la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE l'action en recouvrement du crédit agricole est fondée sur le solde dû au titre du contrat de prêt et non sur les stipulations contractuelles nées du contrat d'assurance, par suite l'action de la banque est soumise au délai de prescription stipulé par l'article L 218-2 du code de la consommation lequel dispose que "l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans" ; Si le décès constituait l'événement qui rend la créance exigible pour autant il ne peut servir de point de départ de la prescription, tant que le créancier n'avait pas connaissance de la survenance du décès ou / et de l'identité des héritiers débiteurs de l'obligation de remboursement ; Aussi, il est désormais acquis que le point de départ de la prescription est fixé "à la date à laquelle le prêteur a connaissance de l'identité des héritiers de l'emprunteur" (Cass 1ère 15 mars 2017 n° 15-27.574) ; Dans le cas de l'espèce, M. [V] [Z] est décédé le 7 mai 2015 à Saint André de Roquelongue (Aude), laissant à sa survivance ses parents ; Il résulte du courrier du 2 décembre 2015 (pièce n° 7) adressé par le Crédit agricole aux époux [Z], qu'à cette date l'identité et l'adresse des héritiers étaient connues de la banque, de sorte qu'à la date du commandement aux fins de saisie vente en date du 19 janvier 2018, la créance était prescrite ; En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré ; Par suite, les actes subséquents sont nuls et de nuls effets, de sorte qu'il convient de donner mainlevée de la saisie attribution délivrée le 29 juin 2018;

ALORS D'UNE PART QUE l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ; que l'action en paiement du capital d'un contrat de prêt restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, sauf impossibilité d'agir du prêteur ; qu'en l'espèce, suivant courriers recommandés du 5 décembre 2017, le prêteur a prononcé la déchéance du terme des deux prêts conclus avec l'emprunteur décédé le 7 mai 2015 et mis en demeure ses héritiers de régler la somme de 67 546,62 € avant de leur faire délivrer, par acte du 19 janvier 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de cette somme, que le décès de l'emprunteur avait rendu la créance exigible et que le délai de prescription avait couru à compter du 2 décembre 2015, date de connaissance par le créancier de l'identité des héritiers d'[Q] [Z], quand seule la déchéance du terme avait rendu la créance exigible et permis au prêteur d'agir, la cour d'appel a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation et les articles 2224 et 2234 du code civil.

ALORS D'AUTRE PART QU' au titre de la « Déchéance du terme » le contrat de prêt stipulait que « Exigibilité du présent crédit. Le prêt deviendra de plein droit immédiatement exigible si bon semble au Prêteur, en capital, intérêts et accessoires par la seule survenance de l'un quelconque des évènements ci-après et sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire ;?En cas de décès de l'une des personnes désignées sous le terme « l'Emprunteur », à moins que son conjoint ou ses héritiers directs ou l'un ou plusieurs d'entre eux ne consentent avec l'accord du Prêteur à continuer le présent crédit dans les mêmes conditions, sauf l'effet éventuel de l'assurance -décès ci-avant visée?.En cas de survenance de l'un des cas de déchéance du terme ci-dessus visés, le Prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'emprunteur » ; qu'en l'espèce, suivant courriers recommandés du 5 décembre 2017, le prêteur a prononcé la déchéance du terme des deux prêts conclus avec l'emprunteur décédé le 7 mai 2015 et mis en demeure ses héritiers de régler la somme de 67 546,62 € avant de leur faire délivrer, par acte du 19 janvier 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de cette somme, que le décès de l'emprunteur avait rendu la créance exigible et que le délai de prescription avait couru à compter du 2 décembre 2015, date de connaissance par le créancier de l'identité des héritiers d'[Q] [Z], la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil devenu l'article 1103 dudit code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-13661
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Domaine d'application - Crédit immobilier consenti par un organisme de crédit au consommateur - Défaillance de l'emprunteur - Action des professionnels - Délai - Point de départ - Détermination PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Cas - Dette payable par termes successifs - Action en paiement des mensualités impayées - Dates d'échéance successives PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Cas - Dette payable par termes successifs - Action en paiement du capital restant dû - Date de la déchéance du terme - Cas - Décès de l'emprunteur

Il résulte des articles L. 218-2 du code de la consommation, 2224 et 2233 du code civil qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l'emprunteur


Références :

Article L. 218-2 du code de la consommation

articles 2224 et 2233 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 30 septembre 2019

A rapprocher : 1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-29539, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation) ;

1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-22938, Bull. 2016, I, n° 33 (rejet) ;

1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-28383, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation) ;

1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-27143, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation partielle) ;

1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-29539, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 oct. 2021, pourvoi n°20-13661, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.13661
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