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20/10/2021 | FRANCE | N°20-13361

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 20-13361


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 1157 F

Pourvoi n° M 20-13.361

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

M. [Q] [L], domicilié [Adresse 2], a

formé le pourvoi n° M 20-13.361 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 1157 F

Pourvoi n° M 20-13.361

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

M. [Q] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-13.361 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Ambulances Garcia, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations écrites de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [L], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Ambulances Garcia, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 décembre 2019), M. [L] a été embauché le 6 avril 2010 en qualité d'ambulancier par la société Ambulances Garcia.

2. Licencié pour faute grave le 14 août 2014, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est justifié par une faute grave, et de rejeter ses demandes au titre de l'indemnisation de son préjudice en lien avec le licenciement et au titre des indemnités de rupture, alors :

« 1°/ que lorsqu'une attestation n'est pas établie conformément à l'article 202 du code de procédure civile, il appartient néanmoins aux juges du fond d'en apprécier la valeur probante et la portée ; que la cour d'appel relève que M. [L] verse aux débats les attestations de MM. [F] et [T] (lire : [H]) accompagnées de la copie de leur carte nationale d'identité, mais sans les mentions obligatoires du témoignage en justice ; qu'en refusant ainsi d'apprécier la valeur probante et la portée de ces attestations, au prétexte qu'elles n'étaient pas établies conformément à l'article 202 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte ;

2°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que, pour retenir la faute grave du salarié, la cour d'appel relève que sa réaction était d'autant plus grave que, dans le cadre de l'avertissement du 5 novembre 2013, il avait eu une attitude inadaptée envers la secrétaire chargée de lui confier une mission supplémentaire ; qu'en statuant ainsi, quand il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement se bornait à évoquer l'avertissement du 5 novembre 2013 en indiquant que l'employeur avait été ''contraint de (lui) notifier un avertissement pour avoir refusé d'effectuer le retour d'une patiente'' et qu'il lui avait alors été ''demandé de respecter les consignes précises qui (lui) étaient données et de faire le nécessaire pour un redressement rapide et durable de la situation'', de sorte qu'elle ne visait en aucun cas un comportement inadapté de M. [L] à l'égard de la secrétaire, la cour d'appel, qui a pris en considération un autre grief que celui invoqué dans la lettre, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que, pour retenir la faute grave du salarié, la cour d'appel relève que sa réaction était d'autant plus grave qu'il résulte d'attestations de MM. [D] et [N] que M. [L] aurait déjà proféré des menaces au sein de l'entreprise au cours de l'année 2014 ; qu'en statuant ainsi, quand il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement se bornait à reprocher à M. [L] son comportement prétendument agressif à l'égard de son supérieur le 30 juillet 2014, de sorte qu'elle ne faisait aucune référence à d'autres menaces qu'aurait prononcé M. [L] au cours de l'année 2014, la cour d'appel, qui a pris en considération un autre grief que celui invoqué dans la lettre, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a examiné le contenu des deux attestations produites par le salarié, sans les écarter, et a souverainement apprécié leur valeur et leur portée, en sorte que le moyen manque en fait.

5. Elle a ensuite apprécié l'ensemble des griefs énoncés par la lettre de licenciement, qui visait également la grave détérioration du comportement du salarié, et a pu décider, compte tenu de l'existence d'un avertissement antérieur, que son attitude déplacée, agressive et intimidante à l'égard de son supérieur hiérarchique rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [L]

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur [L] était justifié par une faute grave, et d'AVOIR rejeté les demandes de Monsieur [L] au titre de l'indemnisation de son préjudice en lien avec le licenciement et au titre des indemnités de rupture ;

AUX MOTIFS QUE « la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré ; la lettre de licenciement fixe les limites du litige et c‘est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement ; en l'espèce, la lettre de licenciement du l4 août 20 l4 est rédigée comme suit : « OBJET : Lettre de licenciement pour faute grave (?) Monsieur, Par lettre remise en mains propres contre décharge le 1er août 2014, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'à votre licenciement, lequel s'est tenu le 11 août 2014 à 11 heures dans les locaux de l'entreprise à [Localité 1]. Vous avez été assisté lors de cet entretien par un Conseiller du salarié. Les explications recueillies au cours de celui-ci ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et nous sommes par la présente au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants : Lors de votre journée de travail du 30 juillet 2014, et alors qu'aucune intervention n'était prévue, il vous a été demandé de passer le balai clans le garage. Vous avez refusé de le faire et vous êtes devenu très agressif. Vous êtes alors venu dans mon bureau en me jetant des jetons de lavage métalliques au visage, en me menaçant (« je vais te boxer ») et en m'insultant ». Une telle attitude est inacceptable. Dans un premier temps, vous ne pouvez refuser d'effectuer des tâches sans vous placer en insubordination. Nous vous rappelons au surplus que passer le balai dans le garage où les ambulances sont stockées participe à l'entretien du matériel de travail qui incombe à chacun, sans que cela ne doive être expressément demandé, de manière naturelle, ce d'autant plus lorsque vous n'avez aucune intervention à venir. Dans un second temps, votre attitude violente et menaçante à l'encontre de votre employeur constitue une violation grave de vos obligations, quelques puissent être vos griefs à notre égard. Une telle attitude est d'autant moins tolérable que nous exerçons une profession de services auprès d'un public fragilisé, qui nécessite des qualités de sang-froid et de tempérance, ce qui nous interdit de prendre le risque que cela ne se reproduise. Les faits précités constituent indiscutablement un grave manquement à vos obligations contractuelles, incompatible avec la poursuite même temporaire de notre collaboration. Leur gravité est d'autant plus caractérisée que par lettre du 5 novembre 2013, nous avions été contraints de vous notifier un avertissement pour avoir refusé d'effectuer le retour d'une patiente. Nous vous avions alors demandé de respecter les consignes précises qui vous sont données et de faire le nécessaire pour un redressement rapide et durable de la situation. Or votre comportement s'est gravement détérioré puisque vous faites preuve d'une violence intolérable à l'encontre de votre employeur. L'ensemble de ces éléments nous contraignent à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave privative de préavis et d'une indemnité de licenciement. Cette mesure prendra effet au jour de la notification de la présente lettre, date à laquelle vous cesserez de faire partie des effectifs de notre entreprise. La mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 1er août 2014 ne vous sera pas payée (?) » ; la SARL AMBULANCES GARCIA reproche à M. [Q] [L] d'avoir le 30 juillet 2014, fait preuve d'insubordination en refusant de balayer le garage et d'avoir eu, en réaction à cette demande, une attitude violente et menaçante à l'encontre de sa direction ; pour établir les griefs à l'encontre du salarié, l'employeur verse aux débats les attestations régulières en la forme de M. [E] [C] et de Mme [I] [Y], lesquels précisent que M. [Q] [L] a refusé le 30 juillet 2014 de passer le balai dans le garage, ainsi que le lui avait demandé le gérant et que quelques instants plus tard, il est entré furieux dans le bureau de ce dernier, qu'il a jeté en direction de son visage des jetons de lavage tout en disant qu'il n'était pas femme de ménage, qu‘il n'avait qu'à le faire lui-même, tout en le menaçant d'en venir aux mains, lui disant « continue, je vais te boxer », puis qu'il n'était pas « sa pute » et qu'il ne nettoierait jamais le local ; par ailleurs, les deux salariés certifient qu'étaient présents à ce moment-là seulement le gérant, eux deux et M. [Q] [L], ajoutant que MM. [A] [F] et [M] [T] n'étaient pas venus au bureau ce jour-là ; l'employeur verse également des attestations régulières en la forme de salariés mentionnant tous qu'il était habituel au sein de l'entreprise de balayer à tour de rôle les locaux ; en réponse, l'intimé verse aux débats les écrits de MM. [F] et [T] [lire : [H]] - accompagnés de la copie de leur carte nationale d'identité mais sans les mentions obligatoires du témoignage en justice - dont il résulte qu'ils étaient présents au moment des faits pour faire modifier leur planning, qu'ils ont assisté à un échange virulent mais sans violence physique, le gérant menaçant M. [Q] [L] de le sanctionner s'il ne s'exécutait pas et leur collègue de travail répondant calmement qu‘il n'avait pas pour mission de balayer les locaux avant de quitter les lieux ; toutefois, l'employeur produit encore aux débats : - les plannings d'intervention du 30 juillet 2014 confirmant que MM. [F] et [T] [lire : [H]] n'étaient pas en position de travail ce jour-là, - une attestation (sans copie de la carte nationale d'identité) de M. [A] [F], lequel déclare annuler le témoignage qu'il a établi pour M. [Q] [L] ;
Il résulte des éléments produits au dossier que certes, aucune fiche de poste répertoriant le balayage des locaux au titre des tâches confiées au salarié n'est produite, et celui-ci était en droit de le faire remarquer à son supérieur hiérarchique, mais que la manière de faire savoir son désaccord était inadaptée, voire déplacée puisqu'il a employé des termes grossiers et menaçants et a adopté une attitude agressive et intimidante ; sa réaction a été disproportionnée par rapport aux circonstances et constitue une faute grave rendant impossible son maintien dans la société, d'autant que dans le cadre de l'avertissement examiné ci-dessus, il avait eu une attitude inadaptée envers la secrétaire chargée de lui confier une mission supplémentaire et qu'il résulte des attestations régulières en la forme de MM. [D] et [N] que l'intimé avait déjà proféré des menaces au sein de l'entreprise au cours de l'année 2014 ; le jugement sera réformé en ce qu'il a retenu une faute simple et octroyé des indemnités de rupture au salarié (indemnité pour cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés payés afférents) ainsi que le paiement d‘un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire » (arrêt pp. 9 à 12) ;

ALORS QUE 1°), lorsqu'une attestation n'est pas établie conformément à l'article 202 du code de procédure civile, il appartient néanmoins aux juges du fond d'en apprécier la valeur probante et la portée ; que la cour d'appel relève que Monsieur [L] verse aux débats les attestations de Messieurs [F] et [T] [lire : [H]] - accompagnées de la copie de leur carte nationale d'identité, mais sans les mentions obligatoires du témoignage en justice ; qu'en refusant ainsi d'apprécier la valeur probante et la portée de ces attestations, au prétexte qu'elles n'étaient pas établies conformément à l'article 202 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte ;

ALORS QUE 2°), la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que, pour retenir la faute grave du salarié, la cour d'appel relève que sa réaction était d'autant plus grave que, dans le cadre de l'avertissement du 5 novembre 2013, il avait eu une attitude inadaptée envers la secrétaire chargée de lui confier une mission supplémentaire (arrêt p. 11) ; qu'en statuant ainsi, quand il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué (p. 10) que la lettre de licenciement se bornait à évoquer l'avertissement du 5 novembre 2013 en indiquant que l'employeur avait été « contraint de [lui] notifier un avertissement pour avoir refusé d'effectuer le retour d'une patiente » et qu'il lui avait alors été « demandé de respecter les consignes précises qui [lui] étaient données et de faire le nécessaire pour un redressement rapide et durable de la situation », de sorte qu'elle ne visait en aucun cas un comportement inadapté de Monsieur [L] à l'égard de la secrétaire, la cour d'appel, qui a pris en considération un autre grief que celui invoqué dans la lettre, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

ALORS QUE 3°), la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que, pour retenir la faute grave du salarié, la cour d'appel relève que sa réaction était d'autant plus grave qu'il résulte d'attestations de Messieurs [D] et [N] que Monsieur [L] aurait déjà proféré des menaces au sein de l'entreprise au cours de l'année 2014 (arrêt p. 11) ; qu'en statuant ainsi, quand il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué (p. 10) que la lettre de licenciement se bornait à reprocher à Monsieur [L] son comportement prétendument agressif à l'égard de son supérieur le 30 juillet 2014, de sorte qu'elle ne faisait aucune référence à d'autres menaces qu'auraient prononcées Monsieur [L] au cours de l'année 2014, la cour d'appel, qui a pris en considération un autre grief que celui invoqué dans la lettre, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-13361
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 18 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2021, pourvoi n°20-13361


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.13361
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