La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2021 | FRANCE | N°20-11933

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 20-11933


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1151 F-D

Pourvoi n° J 20-11.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

M. [F] [O], domicilié [Adre

sse 2], a formé le pourvoi n° J 20-11.933 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 2), dan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1151 F-D

Pourvoi n° J 20-11.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

M. [F] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-11.933 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à la société Cadres blancs, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller doyen, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [O], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Cadres blancs, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, Mme Le Lay, M. Seguy, conseillers, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 28 novembre 2019), M. [O] a été engagé par la société A3B le 29 octobre 2012 en qualité de cadre commercial avec pour mission notamment de prendre en charge le développement et l'animation du réseau commercial des sociétés du groupe et la supervision de l'activité des commerciaux dans le cadre de la stratégie définie par la direction dans les régions de Bretagne, Pays-de-la-Loire, Centre, Haute-Normandie et Basse-Normandie. Aux termes d'un avenant du 1er mars 2015, son contrat de travail a été transféré à la société Cadres blancs, ses fonctions de directeur commercial étant étendues aux régions du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie.

2. Licencié pour faute grave, le 30 mai 2016 il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre et pour dépassement des durées maximales de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des garanties accordées au titre du droit au repos et dépassement des durées maximales de travail, alors « que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur et qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la seule répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié n'ont pas vocation à s'appliquer ; qu'en retenant qu'il ne fournissait pas d'éléments précis sur ses horaires de nature à étayer sa demande, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur justifiait avoir satisfait à ses obligations, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil et, par fausse application, l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil :

5. La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

6. Pour débouter le salarié de sa demande, l'arrêt énonce que s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la charge de la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

7. Il relève ensuite qu'au delà des deux exemples de planning de semaine fournis à titre d'illustration, le salarié ne se réfère à aucune pièce relative aux horaires réalisés et les quelques plannings apparaissant dans les mails échangés ne sont pas plus précis et en conclut que l'intéressé ne fournit pas d'éléments précis sur ses horaires de nature à étayer sa demande. Il ajoute enfin qu'il résulte des plannings qu'il bénéficiait de repos hebdomadaires puisqu'il ne travaillait pas les fins de semaine.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des garanties accordées au titre du droit au repos et dépassement des durées maximales de travail, l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Cadres blancs aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cadres blancs et la condamne payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [O].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des garanties accordées au titre du droit au repos et dépassement des durées maximales de travail ;

Aux motifs propres que sur le droit au repos et le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail : M. [O] affirme qu'il a régulièrement dépassé la durée de travail hebdomadaire et notamment les 10 heures de travail quotidien et/ou 48 heures de travail hebdomadaire, se référant à l'article 56 bis de la convention collective de la publicité ; il en déduit que son employeur a méconnu « son droit au repos » et « l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé au travail », ce qui lui a causé un préjudice évalué à 10 000 euros ; s'il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la charge de la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; dans ses écritures, M. [O] donne deux exemples de planning de semaine « à titre d'illustration » ; il ne précise toutefois pas à quelle(s) période(s) ces exemples correspondent, indiquant seulement « SEMAINE 1 », « SEMAINE 2 » et ajoutant que « régulièrement » son emploi du temps correspondait à ce type de planning ; au-delà de ces exemples non datés, M. [O] ne se réfère à aucune pièce relative aux horaires réalisés et les quelques plannings apparaissant dans les mails échangés ne sont pas plus précis ; il ne fournit donc pas d'éléments précis sur ses horaires de nature à étayer sa demande ; il résulte des plannings qu'il bénéficiait de repos hebdomadaires puisqu'il ne travaillait pas les fins de semaine ; en conséquence, il convient de confirmer le jugement ayant débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des garanties accordées au titre du droit au repos et dépassement des durées maximales de travail ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que M. [O] n'apporte aucun justificatif quant à l'amplitude de ses heures de travail ; il donne quelques exemples de journée de travail et non un relevé précis sur une durée suffisante ; il n'apporte aucun élément permettant de considérer que sa charge de travail était telle qu'elle entraînait une amplitude de travail importante ; qu'il sera donc débouté de sa demande ;

Alors que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur et qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la seule répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié n'ont pas vocation à s'appliquer ; qu'en retenant que M. [O] ne fournissait pas d'éléments précis sur ses horaires de nature à étayer sa demande, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur justifiait avoir satisfait à ses obligations, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil et, par fausse application, l'article L. 3171-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. [O] reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande en paiement de la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs propres que l'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre et justifié par une cause réelle et sérieuse ; conformément à l'article L 1234-1, le salarié a droit à un préavis calculé en fonction de son ancienneté dans l'entreprise sauf si le licenciement est motivé par une faute grave ; la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; par ailleurs, l'article L 1232-6 précise que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ; cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement ; en l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 30 mai 2016, la société Cadres blancs invoque sept griefs qui démontreraient « une insubordination caractérisée » aux directives et « l'absence d'implication » de la part de M. [O] dans ses fonctions de management entraînant un résultat financier à nouveau négatif au terme du 1er semestre 2016 ; il est en effet reproché à M. [O] dans la lettre de licenciement : 1 - de ne pas avoir proposé « un plan d'action aux fins d'améliorer la politique commerciale pour atteindre les objectifs fixés ainsi que la politique de management visant à favoriser le dialogue social avec les différentes équipes commerciales », malgré une demande en ce sens « en date 21 mars 2016 » 2 - de ne pas s'être rendu « a minima deux jours par semaine, soit les lundi et mardi, sur le site de Cadres Blancs à [Localité 2] dans le Pas-de-Calais « malgré plusieurs demandes en ce sens dont la dernière le 21 mai 2016 » 3 - d'avoir pris « des décisions sur des enjeux majeurs pour la politique commerciale de la société sans concertation aucune, ni la moindre information de la Direction » précisément en ce qui concerne « la répartition de l'objectif du premier semestre 2016 entre les commerciaux de la société » 4 - de ne pas avoir respecté et mis en oeuvre les décisions prises par la direction concernant « l'augmentation des rémunérations des commerciaux », visant précisément la rémunération de M. [B] qui n'a pas bénéficié de l'augmentation prévue alors que cette augmentation avait été actée par la direction 5 - d'avoir mis en place sans concertation aucune, ni information de la direction, « une campagne de recouvrement pour les faces invendues », entraînant « un surcoût financier important pour la société » 6 – « une absence totale de management des équipes de commerciaux » et notamment « l'absence totale de management dans la gestion des problèmes rencontrés » avec M. [H] 7 - d'avoir « engendré une insuffisance de résultat constatée à la fin du 1er semestre 2016 » par ses « comportements qui relèvent d'insubordination », par son « absence de management efficace des équipes de commerciaux » et de son « conflit personnel » avec M. [H] ; Sur le premier grief : la société Cadres blancs reproche à M. [O] de ne pas avoir déféré à sa demande de proposition de plan d'action ; selon courrier du 21 mars 2016, la société Cadres blancs a en effet adressé à M. [O] un avertissement motivé par une baisse du chiffre d'affaires sur l'exercice 2015 par rapport à l'objectif, ainsi que par un « litige contentieux relationnel » avec M. [H], lui demandant de proposer sous huitaine un plan d'action « en termes d'amélioration de la politique commerciale visant à atteindre les objectifs fixés » et « de la politique de management visant à favoriser le dialogue social avec les différentes équipes commerciales » ; la société Cadres blancs conclut ce courrier en précisant qu'il compte sur « la réactivité » de M. [O] afin de rétablir la situation et de permettre la poursuite de leurs relations, précisant qu'elle serait réexaminée sous deux mois afin de prendre une décision sur les objectifs fixés ; il résulte de ce courrier d'avertissement que la société Cadres blancs a enjoint à M. [O] de proposer sous huit jours un plan d'action portant sur les points précités, soulignant l'importance de ce plan au regard de la situation et de l'avenir de leurs relations professionnelles ; il s'agissait donc d'une demande précise, circonstanciée, urgente dont l'importance était soulignée par l'employeur ; en réponse aux arguments de la société Cadres blancs, M. [O] rétorque que : - la baisse de chiffre d'affaires serait la conséquence de la loi Grenelle - le reproche lié à cette baisse de résultats était prescrit au moment du licenciement - différents plans d'actions avaient été mis en oeuvre précédemment - la société Cadres blancs ne lui a pas donné la possibilité de revoir la situation comme prévue avant fin mai puisqu'il a été licencié le 13 mai 2016 - il a proposé une ventilation des objectifs, par produit, par agence, par commercial et par mois le 29 mars 2016 ; toutefois, les contestations sur les causes de la baisse du chiffre d'affaires, l'existence de précédentes propositions de plan ou d'actions en particulier courant 2015, l'absence de possibilité de revoir sa situation fin mai et la prescription alléguée, sont indifférentes dans la mesure où le reproche fait à M. [O] consiste uniquement à ne pas avoir déféré à une directive de son employeur d'établir une proposition de plan d'action portant sur les thèmes susvisés à bref délai ; or, la proposition de ventilation des objectifs transmise le 6 avril 2016, ne correspond pas à la proposition de plan d'action demandée ; en effet, il s'agit de tableaux ventilant par secteur géographique les objectifs et ce document ne comprend aucune proposition relative à la politique de management visant à favoriser le dialogue social avec les équipes commerciales, ni aucune mesure offensive pour améliorer la politique commerciale face aux difficultés rencontrées ; M. [O] indique d'ailleurs dans ses écritures que « l'absence de proposition de plan d'action et la baisse du chiffre d'affaire » ne peuvent lui être imputés ; en conclusion, il est établi que M. [F] [O] s'est volontairement abstenu de fournir la proposition de plan d'action sollicitée, et ce, malgré la demande claire, précise et circonstanciée de son employeur qui en soulignait l'importance ; Sur le deuxième grief, la société Cadres blancs reproche à M. [O] de ne pas avoir déféré à ses demandes de présence sur le site de [Localité 2] les deux premiers jours de chaque semaine ; le contrat de travail stipule que M. [O] « s'engage expressément à effectuer tous les déplacements nécessaires à l'exercice de ses fonctions sur le territoire français et à l'étranger selon une fréquence et une durée qui lui seront précisées au fur et à mesure des besoins par la direction » ; aux termes d'un mail du 23 mars 2016, il a été demandé à M. [O] de se rendre deux jours par semaine à [Localité 2] : « Monsieur [E] me demande de te rappeler, ta présence impérative les lundi et mardi de chaque semaine sur [Localité 2] » ; Or, il résulte des plannings transmis par mail que M. [O] ne s'est pas rendu à [Localité 2] les mardi 5 avril 2016 (étant à [Localité 3]) et 10 mai 2016 (étant à [Localité 1]) ; toutefois, s'agissant du 10 mai, il s'est rendu sur place les 11 et 12 mai suivants ; la demande de se rendre trois jours par semaine à [Localité 2] mentionnée dans le courrier du 18 avril 2016 n'est pas invoquée dans la lettre de licenciement et ne sera donc pas examinée ; enfin, il ne résulte d'aucun des mails échangés que cette présence ait été contestée par M. [O] qui soutient pourtant désormais qu'il s'agissait d'une mesure destinée à lui nuire ; en conclusion, M. [O] n'a pas respecté à deux reprises les demandes de la direction concernant sa présence à [Localité 2] les lundi et mardi de chaque semaine sur la période du 23 mars au 13 mai 2016 ; le troisième grief, qui reproche à M. [O] d'avoir pris « des décisions sur des enjeux majeurs pour la politique commerciale de la société sans concertation aucune, ni la moindre information de la Direction » précisément en ce qui concerne « la répartition de l'objectif du premier semestre 2016 entre les commerciaux de la société pour laquelle il a été constatée à la clôture des chiffres du 1er semestre 2016 qu'elle n'était aucunement acceptable » n'est pas établi ; le quatrième grief reproche à M. [O] de ne pas avoir respecté et mis en oeuvre les décisions prises par la direction concernant « l'augmentation des rémunérations des commerciaux » et en particulier celle de M. [B] qui aurait été pourtant actée par la direction ; il est constant que le 25 février 2016, le président et la directrice des ressources humaines ont décidé de revaloriser la prime annuelle de cinq commerciaux dont M. [B] à hauteur de 50 euros brut par mois ; M. [O] affirme qu'il n'a pas mis en oeuvre cette mesure immédiatement afin d'utiliser la perspective d'une augmentation comme « levier de motivation en cours d'année » ; ce grief est donc établi ; le cinquième grief, qui reproche à M. [O] d'avoir mis en place une campagne de recouvrement des « faces invendues » « sans concertation » à la fin 2015, n'est pas établi ; le sixième grief, qui reproche à M. [O] un manque de management des équipes de commerciaux et dans la gestion des problèmes rencontrés avec M. [H] directeur commercial, n'est pas avéré ; le septième grief qui reproche à M. [O] une « insuffisance de résultat constatée à la fin du 1 semestre 2016 » liée à ses comportements d'insubordination, de manque de management et au conflit avec M. [H], n'est pas établi ; compte tenu de ces observations, la preuve d'une faute grave n'est pas rapportée ; en revanche, les trois griefs retenus et pour l'essentiel le premier grief afférent à l'absence de proposition de plan, constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement eu égard à la position hiérarchique du salarié dans l'entreprise et aux circonstances dans lesquelles la proposition de plan lui a été demandée ; (?) il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts de 90 000 euros, dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que la société Cadres Blancs verse aux débats plusieurs documents qui établissent une baisse de chiffre d'affaires en 2015 et début 2016 ; il était donc tout à fait légitime de demander à son directeur commercial de produire un plan d'action chiffré, précis et daté ; il est logique qu'elle s'étonne et réprouve la décision de M. [O] de fixer, en réponse à la baisse de chiffre d'affaires, des objectifs commerciaux à la baisse de ses équipes, alors que l'employeur attendait un plan offensif de reconquête des marchés ; les réponses de M. [O] ne sont pas à hauteur des attentes de son employeur (?) : M. [O] ne verse aux débats aucun rapport chiffré d'analyse de la situation et des perspectives pour l'avenir avec les points sur lesquels il peut s'appuyer et les freins rencontrés ; la société lui reproche d'avoir mis en place un projet « auto promo » sans concertation avec la direction ; son poste important corroboré par le niveau de sa rémunération rend incompréhensible la faiblesse des actions et propositions qu'il a présenté à son employeur alors même qu'il lui demandait instamment de le faire ; (?) compte tenu de sa position hiérarchique, du niveau de sa rémunération, de sa nécessaire réactivité pour la réalisation du chiffre d'affaires de l'entreprise, son licenciement sera reconnu comme reposant sur une cause réelle et sérieuse ;

Alors 1°) que le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire et que le juge ne peut le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse sans caractériser une faute à la charge du salarié ; qu'en l'espèce, pour juger fondé le premier grief qui reprochait au salarié de ne pas avoir proposé « un plan d'action aux fins d'améliorer la politique commerciale pour atteindre les objectifs fixés ainsi que la politique de management visant à favoriser le dialogue social avec les différentes équipes commerciales », malgré une demande en ce sens le 21 mars 2016, la cour d'appel a constaté que la « proposition de ventilation des objectifs transmise le 6 avril 2016 ne correspond pas à la proposition de plan d'action demandée ; en effet, il s'agit de tableaux ventilant par secteur géographique les objectifs et ce document ne comprend aucune proposition relative à la politique de management visant à favoriser le dialogue social avec les équipes commerciales, ni aucune mesure offensive pour améliorer la politique commerciale face aux difficultés rencontrées » ; que les trois griefs retenus « et pour l'essentiel le premier grief afférent à l'absence de proposition de plan », constituaient une cause réelle et sérieuse eu égard à la position hiérarchique du salarié et aux circonstances dans lesquelles la proposition de plan lui avait été demandée ; qu'en se déterminant sans avoir expliqué en quoi la transmission, le 6 avril 2016, d'une proposition de ventilation des objectifs qui « ne correspond pas à la proposition de plan d'action demandée » constituait une faute ni en quoi M. [O] s'était « volontairement abstenu » de fournir la proposition de plan d'action sollicitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Alors 2°) que le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire et que le juge ne peut le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse sans caractériser une faute à la charge du salarié ; qu'en l'espèce, sur le deuxième grief qui reprochait à M. [O] de ne pas avoir déféré à ses demandes de présence sur le site de [Localité 2] les deux premiers jours de chaque semaine, la cour d'appel a constaté qu'un courriel du 23 mars 2016 avait demandé à M. [O] de se rendre deux jours par semaine à [Localité 2] : « Monsieur [E] me demande de te rappeler ta présence impérative les lundi et mardi de chaque semaine sur [Localité 2] », qu'il résulte des plannings transmis par courriel que M. [O] ne s'est pas rendu à [Localité 2] les mardi 5 avril 2016 (étant à [Localité 3]) et 10 mai 2016 (étant à [Localité 1]) ; que toutefois, s'agissant du 10 mai, il s'est rendu sur place les 11 et 12 mai suivants ; qu'en retenant que « M. [O] n'a pas respecté à deux reprises les demandes de la direction concernant sa présence à [Localité 2] les lundi et mardi de chaque semaine sur la période du 23 mars au 13 mai 2016 » sans avoir expliqué en quoi cette situation caractérisait un comportement fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Alors 3°) que le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire et que le juge ne peut le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse sans caractériser une faute à la charge du salarié ; qu'en l'espèce, sur le quatrième grief qui reprochait à M. [O] de ne pas avoir respecté et mis en oeuvre les décisions prises par la direction concernant « l'augmentation des rémunérations des commerciaux » et en particulier celle de M. [B] pourtant actée par la direction, la cour d'appel a retenu que le 25 février 2016, le président et la directrice des ressources humaines ont décidé de revaloriser la prime annuelle de cinq commerciaux dont M. [B] à hauteur de 50 euros brut par mois, que M. [O] affirme qu'il n'a pas mis en oeuvre cette mesure immédiatement afin d'utiliser la perspective d'une augmentation comme « levier de motivation en cours d'année » et que ce grief est donc établi ; qu'en statuant sans avoir expliqué en quoi cette situation caractérisait un comportement fautif de M. [O], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [O] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

Aux motifs que pour justifier du bien-fondé de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, M. [O] évoque la volonté de son employeur de le « mettre dehors » et le fait qu'il avait informé par mail les salariés qu'une « procédure » était envisagée à son encontre avant son licenciement ; en outre, il prétend qu'il a été séquestré dans le bureau de la directrice des ressources humaines afin de lui faire signer sa mise à pied et lui faire remettre son ordinateur sur le champ ; toutefois, il n'est pas démontré qu'il aurait été séquestré comme il l'affirme, ni même qu'il aurait été soumis à une quelconque pression pour restituer son ordinateur ou signer sa mise à pied ; les autres éléments avancés par M. [O] ne sauraient constituer la preuve que le licenciement est intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires ; la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire est donc mal fondé et il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] [O] de cette demande ;

Alors 1°) que caractérisent des circonstances vexatoires engendrant pour le salarié un préjudice distinct de la perte de son emploi, la publicité donnée à la procédure de licenciement dès la mise à pied conservatoire et avant même la tenue de l'entretien préalable au licenciement ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que le salarié aurait été séquestré ni soumis à une pression pour restituer son ordinateur ou signer sa mise à pied et que « les autres éléments avancés par M. [O] ne sauraient constituer la preuve que le licenciement est intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires », cependant que M. [O] rappelait que l'employeur lui avait notifié verbalement une mise à pied conservatoire à 12h le 13 mai 2016 avec coupure immédiate de son accès à sa messagerie et lui avait indiqué que la décision de le licencier était prise, avait envoyé un courriel à l'ensemble des collaborateurs de la société à 13h indiquant « qu'après mûre réflexion, j'ai pris la décision d'envisager une procédure avec [F] [O] qui sera absent les deux semaines à venir », de sorte que le jour même de sa mise à pied, tout le personnel était informé de la procédure envisagée à son encontre et que la publicité donnée à la procédure de licenciement caractérisait des circonstances vexatoires ayant engendré pour le salarié un préjudice distinct, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

Alors 2°) et en tout état de cause, qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas commis une faute ayant engendré pour le salarié un préjudice distinct de la perte de son emploi, en lui notifiant verbalement une mise à pied à titre conservatoire à 12h le 13 mai 2016 avec coupure immédiate de son accès à sa messagerie, en lui indiquant que la décision de le licencier était prise, et en envoyant un courriel à l'ensemble des collaborateurs de la société le 13 mai 2016 à 13 heures indiquant « qu'après mûre réflexion, j'ai pris la décision d'envisager une procédure avec [F] [O] qui sera absent les deux semaines à venir », de sorte que le jour de sa mise à pied, tout le personnel était informé qu'une procédure de licenciement était envisagée à son encontre alors que l'entretien n'avait pas encore eu lieu, circonstances qui avaient eu un fort impact sur la santé psychologique de M. [O], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-11933
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 28 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2021, pourvoi n°20-11933


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11933
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award