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20/10/2021 | FRANCE | N°19-19197

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 19-19197


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1166 F-D

Pourvoi n° J 19-19.197

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

M. [T] [D], domicilié [Adre

sse 2], a formé le pourvoi n° J 19-19.197 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1166 F-D

Pourvoi n° J 19-19.197

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

M. [T] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 19-19.197 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Grand M, anciennement dénommée M Finance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Grand M a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Grand M, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 05 juin 2019), M. [D], engagé à compter du 1er avril 2003 en qualité de directeur des programmes par la société Océanis développement appartenant au groupe M Finance, a fait l'objet d'un transfert de son contrat de travail à la maison-mère du groupe, la société M Finance, au sein de laquelle il a exercé, à compter du 1er juillet 2008, les fonctions de conseiller du président.

2. Par lettre du 23 juillet 2014, la société M Finance l'a convoqué à un entretien préalable, fixé au 1er août 2014, en vue d'une mesure de licenciement pour faute et, dans cette attente, lui a notifié une mise à pied conservatoire. Le 5 août 2014, M. [D] a été licencié pour faute grave par la société M Finance, désormais dénommée société Grand M.

3. Le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de sa demande tendant à la remise des documents de fin de contrat conformes, alors « qu'en retenant que les faits figurant dans le courrier de rupture constituaient une faute, cause réelle et sérieuse de licenciement, après avoir relevé que l'employeur n'en avait eu connaissance (le 28 juillet 2014) que postérieurement à l'engagement de la procédure disciplinaire, de sorte que les griefs énoncés par l'employeur n'avaient pu être à l'origine, ni justifier le licenciement, la cour d'appel n'en a pas tiré les conséquences légales et a, dès lors, violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail :

6. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que la production aux débats d'un article de presse du 28 juillet 2014 confirme que c'est au plus tôt à cette date que l'employeur avait eu connaissance des faits reprochés au salarié, de sorte que, la procédure de licenciement ayant été engagée dans le délai de deux mois, les faits ne sont pas prescrits.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait convoqué le salarié à un entretien préalable par lettre du 23 juillet 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. [D] fondé sur une faute grave et le déboute de toutes ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail, l'arrêt rendu le 5 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Grand M aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Grand M et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [D], demandeur au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement de Monsieur [D] fondé sur une faute grave et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'un rappel de salaire pour la période du 1er au 5 août 2014, d'une indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de sa demande tendant à la remise des documents de fin de contrat conformes ;

Aux motifs que : « La production aux débats d'un article de presse du 28 juillet 2014 confirme que c'est au plus tôt à cette date que l'employeur avait eu connaissance des faits reprochés à Monsieur [T] [D] ; que la procédure de licenciement ayant été engagée dans le délai de 2 mois, il s'ensuit que les faits ne sont pas prescrits ; que, si Monsieur [T] [D] reproche à la société M FINANCE de ne pas lui avoir communiqué la convention signée avec l'UMIH, il convient de constater que ce défaut de communication, outre qu'il est sans incidence sur la solution du litige, n'a pas été de nature à faire grief à l'intimé dans la mesure où celui-ci admet avoir eu connaissance de cette convention par un autre moyen et que, d'ailleurs, il la verse aux débats ; qu'ensuite, contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur [T] [D], les faits qui lui sont reprochés ne sont pas étrangers au contrat de travail qui le liait à la société M FINANCE ; qu'en effet, entre autres faits, il est reproché par la lettre de licenciement au salarié, qui était le conseiller du président de la société M FINANCE, de ne pas avoir informé ce dernier de ce que la société ALTERNITY avait été mise à l'écart du dossier d'investissement concernant un projet immobilier de la région Côte d'Azur suivi par la société ALTERNITY ; qu'ainsi, si les faits concernaient principalement la société ALTERNITY, le grief tiré de la non-information du président de la société M FINANCE était bien en rapport avec le contrat de travail liant Monsieur [T] [D] à la société M FINANCE ou, à tout le moins, se rattachait par un lien suffisant à ce contrat de travail ; qu'au soutien de ce grief, la société M FINANCE produit aux débats : - le témoignage de Monsieur [O] [S] qui rapporte avoir rencontré le 13 novembre 2014 les membres de la direction régionale Alpes Côte d'Azur de la Caisse des dépôts et consignations et qu'à la question posée par lui concernant le projet de la société ALTERNITY à [Localité 1] [Localité 2], son interlocutrice (Madame [U]) lui avait déclaré que « suite à l'abandon du projet par ALTERNITY, celui-ci avait été repris, avec l'aide de Monsieur [D], par RSF ([Adresse 3]) du groupe 3F » ; - l'e-mail du 15 septembre 2015 de Monsieur [O] [S] lequel indique : « je vous confirme que, lors de notre entretien, Madame [Z] [U] m'a bien dit que le projet était porté par R [D] pour le compte d'ALTERNITY. J'ai compris que, après son départ de la société, celui-ci avait continué à s'intéresser à cette affaire et qu'elle avait été reprise, à l'initiative de l'UMIH, par un autre groupe » ;- le témoignage de Madame [X] [I] qui rapporte qu'en sa qualité de co-directrice générale de la société ALTERNITY, elle s'était rapprochée en septembre 2014 de l'UMIH au niveau national afin de reprendre le contrôle des dossiers à la suite du départ de Monsieur [D], que plusieurs dossiers dont celui d'[Localité 1] [Localité 2] avaient été ouverts et gérés par la société ALTERNITY dans le cadre de la convention tripartite signée avec l'UMIH pour développer des résidences mixtes, que suite à un rendez-vous téléphonique avec l'UMIH en février 2015, elle avait eu confirmation de ce que Monsieur [D] avait écarté la société ALTERNITY de l'opération d'[Localité 1] [Localité 2] en déclarant que cette société se retirait du dossier, que selon le témoin, ce retrait avait été fait sans consultation préalable du président ni d'elle-même et que ce retrait était d'autant plus dommageable pour la société ALTERNITY qu'il était véritablement le seul en passe d'être confirmé et de couvrir les dépenses engagées jusque-là ; que Monsieur [T] [D] conteste ces témoignages et produit une lettre du 11 juin 2015 de l'UMIH selon laquelle, d'une part, la société ALTERNITY n'avait jamais été en charge du projet, ni un partenaire financier, mais seulement un partenaire de réflexion et, d'autre part, que Monsieur [T] [D] n'avait jamais présenté à l'UMIH un concurrent ; que, toutefois, indépendamment du niveau d'implication de la société ALTERNITY dans le projet d'[Localité 1] [Localité 2], force est de constater qu'il résulte des témoignages de Monsieur [S] et de Madame [I] ainsi que de la lettre de l'UMIH que ce dossier avait été bien été suivi pour le compte de la société ALTERNITY par Monsieur [T] [D] jusqu'à la fin du mois de janvier 2014, date à laquelle il avait démissionné ; que, par ailleurs, quelles que soient les causes exactes du retrait de la société ALTERNITY et de l'intervention d'une société concurrente, quand bien même ces causes seraient-elles extérieures à la personne de Monsieur [T] [D], il n'en demeure pas moins que les témoignages de Monsieur [S] et de Madame [I] sont suffisamment concordants entre eux pour démontrer que Monsieur [T] [D] était parfaitement informé du retrait de la société ALTERNITY du projet d'[Localité 1] [Localité 2] et qu'à aucun moment, il n'avait estimé opportun d'informer le président du groupe, qui était aussi son employeur, du retrait de l'une de ses filiales ; qu'alors que sa mission contractuelle était de conseiller le président, ce qui induisait pour lui l'obligation de l'informer de ce retrait, aucun élément ne vient expliquer une telle omission de la part de Monsieur [T] [D] ; que cette omission délibérément volontaire est particulièrement fautive en ce qu'indépendamment du préjudice financier subi ou non par la société M FINANCE, elle caractérise, comme énoncé par la lettre de licenciement, un manquement à l'obligation de loyauté ; que ce manquement, compte tenu du niveau de responsabilité et de rémunération de son auteur, présente un caractère de gravité d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ces constatations suffisent, à elles seules, à caractériser la faute grave commise par Monsieur [T] [D] sans qu'il ne soit besoin de répondre dans le détail au surplus de l'argumentation de ce dernier » ;

Alors, en premier lieu, que le délai de deux mois prévu à l'article L. 1332-4 du code du travail court à compter de la connaissance par l'employeur des faits fautifs reprochés au salarié ; que, pour écarter la prescription, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la connaissance par l'employeur des faits fautifs aurait eu lieu « au plus tôt » à la date de l'article de presse du 28 juillet 2014 ; qu'en s'en tenant à un tel motif, quand il lui appartenait de rechercher la date exacte à laquelle l'employeur avait eu personnellement connaissance de la perte, par la société ALTERNITY, du dossier d'investissement relatif au projet immobilier de la région Côte d'Azur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Alors, en deuxième lieu et en tout état de cause, qu'en retenant que les faits figurant dans le courrier de rupture constituaient une faute, cause réelle et sérieuse de licenciement, après avoir relevé que l'employeur n'en avait eu connaissance (le 28 juillet 2014) que postérieurement à l'engagement de la procédure disciplinaire, de sorte que les griefs énoncés par l'employeur n'avaient pu être à l'origine, ni justifier le licenciement, la cour d'appel n'en a pas tiré les conséquences légales et a, dès lors, violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Alors, en troisième lieu, que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans à aucun moment analyser, même sommairement, l'attestation de Madame [U] que le salarié versait aux débats et qui contredisait directement les déclarations de Monsieur [S], en contestant les propos que celui-ci lui prêtait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, en quatrième lieu et en tout état de cause, qu'en se bornant à affirmer que le défaut d'information imputable au salarié caractérisait « un manquement à l'obligation de loyauté » et était « délibérément volontaire », sans expliciter les raisons pour lesquelles elle statuait ainsi, bien qu'il ait été, par ailleurs, constant qu'il n'avait joué aucun rôle dans la perte, par la société ALTERNITY, du dossier relatif à la région Côte d'Azur, qu'ayant démissionné de son mandat au sein de la société ALTERNITY en janvier 2014, Monsieur [D] avait légitimement estimé qu'il n'avait plus à se préoccuper d'un sujet qui ne le concernait plus et qu'enfin, jamais son employeur ne l'avait alerté, par une mise en garde ou autre, sur la nécessité de le tenir informé à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Alors, enfin et en tout état de cause, qu'en jugeant que le licenciement reposait sur une faute grave, quand n'était établi à l'encontre du salarié qu'un seul défaut d'information lequel n'avait, de surcroît, concerné qu'un unique dossier et alors qu'un tel manquement ne s'était jamais reproduit et que le comportement de l'intéressé, présent dans l'entreprise depuis plus de onze ans, avait toujours été exemplaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Grand M., anciennement dénommée M. finances, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société M Finance à payer à M. [D] la somme de 40972,20 € au titre du rappel de salaire pour le 13e mois pour la période de septembre 2009 au jour de la rupture du contrat de travail, de l'AVOIR déboutée de sa demande de remboursement d'un trop perçu au titre du 13ème mois et de l'AVOIR condamnée au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel de salaire Monsieur [T] [D] fait valoir qu'en sa qualité de conseiller du président, il devait percevoir un salaire brut mensuel de 8333,33 € en brut auquel devaient s'ajouter, en application de la convention collective, une prime d'ancienneté et une gratification de 13è mois, que si la prime d'ancienneté lui avait été effectivement payée, en revanche la gratification de 13e mois ne l'avait pas été, que s'il avait perçu cette gratification à compter de septembre 2013, en revanche ce paiement avait été proratisé mensuellement au lieu d'un paiement unique en décembre et avait eu lieu sous la forme d'une amputation équivalente de son salaire de base mensuel, que le point de départ de la prescription était la date d'exigibilité du salaire soit chaque fin de mois, qu'en retenant la prescription quinquennale, ses demandes de salaires n'étaient pas prescrites, qu'en revanche, la demande reconventionnelle de remboursement de trop perçu présentée pour la première fois en cause d'appel par la société M Finance était prescrite Pour s'opposer aux demandes de condamnation de ce chef et obtenir la réformation du jugement, la société M Finance réplique que Monsieur [T] [D] avait toujours perçu le 13è mois prévu par la convention collective de l'immobilier, qu'à compter de 2008 et en contrepartie de son poste de conseiller du président son salaire brut de base mensuel avait été de 8333,33 €, que cette somme se décomposait comme suit : 7692,33 € (salaire brut de base mensuel) + 641 € (13è mois mensualisé, 7692,33 €/12), que ce 13è mois avait donc toujours été versé au salarié soit de manière apparente sur une ligne distincte de son bulletin de salaire soit par intégration directe dans son salaire de base, qu'en outre, il aurait dû percevoir un 13è mois calculé au prorata temporis de sa présence dans l'entreprise sur l'année 2014 et non pas, comme versée par erreur par l'employeur, pour une année entière, que l'appelante sollicitait donc de la cour le remboursement de cette somme, que cette demande n'était aucunement prescrite au regard de l'effet interruptif découlant de la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié, qu'à l'inverse, la demande de rappel de salaire était prescrite pour la période antérieure au 19 septembre 2011.

* * *
Jusqu'à la loi du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013, les demandes en paiement de salaires se prescrivaient par 5 ans. La loi du 14 juin 2013 a ramené la durée de la prescription à 3 ans. Ce nouveau délai s'applique aux prescriptions qui étaient en cours au 17 juin 2013 sans que la totalité de la durée de prescription ne puisse excéder l'ancien délai de 5 ans. Monsieur [T] [D] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 septembre 2014, ses demandes de salaires ne sont prescrites que pour la période antérieure au mois de septembre 2009. Ainsi, ses demandes portant sur les mois de septembre 2009 (exigible en fin de mois) à juillet 2014 sont recevables.
En l'état des pièces versées aux débats, il apparaît que la rémunération brute de base de Monsieur [T] [D] a été fixée par l'avenant du 27 février 2007 lequel n'a été ni modifié ni annulé après le 1er juillet 2008. C'est d'ailleurs à cet avenant que la société M Finance se réfère implicitement.
Cet avenant stipule : « la rémunération fixe de Monsieur [D] [T] à compter du 1er mars 2007 est de 100 000 euros (cent mille euros) brut annuel ».
L'article 38 de la convention collective de l'immobilier du 9 septembre 1988 étendue par arrêté du 24 février 1989 est ainsi rédigée: « les salariés à temps complet ou partiel reçoivent en fin d'année un supplément de salaire, dit 13e mois, égal à 1 mois de salaire global brut mensuel contractuel tel que défini à l'article 37.3.1. Il est acquis au prorata du temps de présence dans l'année et réglé sur la base du salaire de décembre (...) Les salariés quittant l'entreprise en cours d'année reçoivent cette gratification décomptée prorata temporis sur la base de leur dernier salaire global brut mensuel contractuel ».
Il suit de la combinaison des dispositions contractuelles et conventionnelles susvisées que Monsieur [T] [D] était en droit de prétendre à un salaire brut mensuel de 8333,33 € ( soit 100000 € /12 mois) outre la somme de 8333,33 € au titre du 13e mois.
Or, les bulletins de salaire produits aux débats démontrent que si jusqu'au mois d'août 2013, l'employeur avait versé un salaire brut de base mensuel de 8333,33 €, il n'avait pas pour autant versé de sommes au titre du 13e mois et que si, à compter de septembre 2013, il avait bien versé chaque mois une somme de 641,03 € intitulée « prorata 13ème mois », il avait cependant déduit cette somme du salaire de base en ramenant celui-ci à un montant de 7692,30 € (8333,33 € - 641,03 €).
À défaut de stipulations prévoyant que le salaire brut annuel intégrait la prime de 13e mois, les modalités de paiement adoptées par l'employeur ont eu pour effet de priver le salarié de son 13e mois. En conséquence, le salarié est fondé à obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer à ce titre les sommes suivantes:
- septembre 2009 à décembre 2009: 8333,33 € x 4/12 = 2777,77 €
- années 2010 à 2013 : 8333,33 € x 4 ans = 33333,32 €
- année 2014 : 8333,33 € x 7/12 = 4861,11 €
soit un total de 2777,77 € + 33333,32 € + 4861,11 € = 40972,20 €
Contrairement à ce qu'elle soutient, la société M Finance n'a versé pour 2014 aucune somme au titre du 13e mois puisqu'il vient d'être dit que les sommes prétendument payées à ce titre avaient été à tort déduites du salaire brut de base.
La somme de 40972,20 € remplit Monsieur [T] [D] de tous ses droits en matière de salaires puisque le rappel de salaire qu'il réclame par ailleurs au titre de l'erreur commise par l'employeur a été intégrée dans le calcul ci-dessus ».

1/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que M. [D] sollicitait un rappel de 13ème mois pour la période courant de 2008 à août 2013 (conclusions d'appel de M. [D] p 13, p 16) ; qu'en lui accordant un rappel de prime de 13ème mois sur la période courant de septembre 2009 jusqu'à la rupture de son contrat de travail le 5 août 2014, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'à compter de septembre 2013, il avait bien été versé chaque mois une somme de 641,03 € intitulée « prorata 13ème mois », à M. [D], ce dont il résultait que le salarié avait bien perçu une prime de 13ème mois à compter de cette date et ce, jusqu'à la rupture de son contrat de travail le 5 août 2014 ; que dès lors en retenant que les modalités de paiement adoptées par l'employeur avaient eu pour effet de priver le salarié de son 13ème mois, pour lui accorder un rappel de prime de 13ème mois y compris sur la période allant de septembre 2013 jusqu'à la rupture de son contrat de travail le 5 août 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 38 de la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-19197
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2021, pourvoi n°19-19197


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19197
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