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13/10/2021 | FRANCE | N°19-15983

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 octobre 2021, 19-15983


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 octobre 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 697 F-D

Pourvoi n° R 19-15.983

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société RAGT 2N, société par actions s

implifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 19-15.983 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2019 par la cour d'appel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 octobre 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 697 F-D

Pourvoi n° R 19-15.983

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société RAGT 2N, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 19-15.983 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques d'[Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société RAGT 2N, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'[Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2019), la société RAGT 2N, qui a pour activité, au sein du groupe RAGT, la recherche et le développement de nouvelles variétés de semences de grande culture et d'élevage, au bénéfice exclusif de la société RAGT semences et de ses filiales, chargées de leur commercialisation et de leur distribution, a, par un acte du 30 juin 2011, acquis auprès de la société Serasem la branche d'activité de recherche de son fonds de commerce comprenant, outre les éléments corporels, la clientèle et l'achalandage attachés à cette branche, les certificats d'obtention végétale, le bénéfice et la charge de ses contrats et, par un acte distinct du même jour, du matériel génétique dénommé « germplasm », ce terme désignant, notamment, les graines, plants, plantes, pollen, microspores, embryons, spécimens, cultures, cellules germinales. Le premier acte a été soumis aux droits applicables aux mutations de fonds de commerce, prévus à l'article 719 du code général des impôts, et le second à la taxe sur la valeur ajoutée.

2. Estimant que l'acte d'acquisition du « germplasm » devait également être soumis aux droits d'enregistrement de l'article 719 du code général des impôts, l'administration fiscale a notifié à la société RAGT 2N une proposition de rectification.

3. Après rejet de sa réclamation, la société RAGT 2N a assigné la direction générale des finances publiques en décharge des impositions supplémentaires réclamées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société RAGT 2N fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et de rejeter ses demandes, alors « qu'un actif sans clientèle propre ne constitue pas un fonds de commerce ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que le germplasm constituait le support de clientèle de l'activité de la société RAGT 2N, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'activité de la société RAGT 2N n'était pas exclusivement dédiée aux sociétés de son groupe, de sorte que celle-ci ne disposait d'aucune clientèle propre, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 719 du code général des impôts, pris ensemble l'article L. 142-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel n'avait pas à rechercher si la société RAGT 2N disposait d'une clientèle propre, dès lors qu'il n'était pas contesté que le « germplasm » était rattaché à la branche d'activité de recherche qui, lui ayant été cédée par la société Serasem par un acte soumis aux droits de mutation prévus à l'article 719 du code général des impôts, constituait un fonds de commerce doté d'une clientèle propre.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. La société RAGT 2N fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en se fondant exclusivement, pour retenir l'existence d'un manquement délibéré de la société RAGT 2N, sur le fait que celle-ci avait précédemment procédé à l'acquisition d'un fonds de commerce d'activité de recherche comprenant du germplasm comme élément incorporel du fonds et dont la valeur avait été prise en compte pour le calcul des droits d'enregistrement, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le caractère intentionnel du manquement ne peut être établi lorsque le contribuable est dépourvu de pouvoir de décision quant aux modalités d'assujettissement de l'opération économique réalisée ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le choix de soumettre la cession au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée ne résultait pas exclusivement d'une décision du cocontractant de la société RAGT 2N, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1729 du code général des impôts, ensemble l'article 1719 du même code ;

4°/ que le caractère délibéré du manquement n'est pas établi lorsque, du fait de difficultés d'interprétation juridique, l'erreur commise par le contribuable n'est pas intentionnelle ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'opération litigieuse ne résultait pas d'une divergence d'interprétation des dispositions législatives complexes relatives à la notion de fonds de commerce, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1729 du code général des impôts, pris ensemble l'article 1719 du même code. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que, pour appliquer les majorations pour manquement délibéré, l'administration s'est fondée sur le fait que la société RAGT 2N avait déjà, le 15 juin 2004, acquis un fonds de commerce d'activité de recherche auprès d'une autre société comprenant du « germplasm » parmi les éléments incorporels, dont la valeur avait été prise en compte pour le calcul des droits d'enregistrement, l'arrêt retient que cet élément illustre la volonté de la société RAGT 2N, qui ne justifie d'aucun élément qui aurait pu la conduire à soumettre l'acquisition du « germplasm » de la société Serasem à un régime fiscal différent, d'éluder le paiement des droits applicables à cette opération.

9. En cet état, la cour d'appel, qui a motivé sa décision et n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la troisième branche, tenant à l'auteur du choix de soumettre la cession litigieuse au paiement de la TVA plutôt qu'aux droits de mutation de fonds de commerce, inopérante dès lors que le paiement de ces droits incombe au cessionnaire et non au cédant, ni à celle, invoquée par la quatrième branche, tenant aux difficultés d'interprétation des textes applicables, que ses constatations rendaient également inopérante, a légalement justifié sa décision.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société RAGT 2N aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société RAGT 2N et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'[Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un, signé par Mme Mouillard, président, et par M. Guérin, conseiller doyen, qui en a délibéré, en remplacement de Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur empêché.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société RAGT 2N.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 2 novembre 2017 et, partant, d'avoir rejeté les demandes de la société RAGT 2N ;

Aux motifs propres que « la convention de germplasm du 30 juin 2011 précise qu'afin de disposer de l'ensemble des actifs corporels et incorporels nécessaires au déploiement de son activité de recherche la société RAGT 2N a souhaité également acquérir le germplasm de la société Serasem. Celui-ci est désigné comme étant un ensemble de graines, plant, parties de plants, plantes pollen, microspores, embryons, cultures ou autres, cellules germinales constituant un matériel génétique « contenant ou relatif à du matériel héréditaire ».

Le germaplasm est donc constitué par du matériel génétique végétal. Il est le support des travaux de recherche de la société Serasem lui permettant de développer de nouvelles semences en vue de l'obtention de nouveaux COV puis de leur commercialisation. Il est donc nécessaire, voire indispensable à l'exploitation de l'activité de recherche cédée par Serasem à RAGT 2N par acte de cession de branche de fonds de commerce du même jour conclu entre les mêmes parties.

Il constitue donc un élément incorporel indispensable et prépondérant du fonds de commerce d'activité de recherche sans lequel ce fonds n'a pas d'existence ; celui-ci ne pouvant se limiter aux certificats d'obtention végétal déjà obtenus ou en cours d'obtention de la société Serasem et au matériel de recherche alors même que la cession porte également sur la reprise de 66 contrats de travail de salariés de la société cédante et que c'est sur le matériel végétal que sont menées les recherches et que le germplasm peut être assimilée à un secret de fabrique ou un savoir-faire particulier, support de clientèle, même s'il existe toujours une incertitude inhérente à tous travaux de recherche.

Il est au surplus souligné que sa valorisation à plus de 17 000 000 euros excède largement celle des autres éléments du fonds de commerce à 5 000 000 euros. Il est un élément présentant un intérêt commercial en ce qu'il représente un intérêt commercial car il va permettre de créer et de développer de nouvelles semences susceptibles d'obtenir les futurs COV nécessaires à leur commercialisation, peu importe que cette commercialisation soit réalisée au sein du groupe RAGT par d'autres sociétés dès lors que c'est RAGT 2N qui confère les licences exclusives d'exploitation ; ce schéma relevant d'un choix de gestion interne du groupe.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, la doctrine invoquée par l'appelante est postérieure à la convention du 30 juin 2011 et ne fixe pas, en tout état de cause, de liste limitative des éléments incorporels composant un fonds de commerce dont notamment les procédés de fabrication, brevets d'invention, marques de fabriques, dessins, modèles.

Le germplasm peut être assimilé à un secret de fabrique ou un savoir-faire permettant d'obtenir de nouvelles variétés végétales susceptibles d'être commercialisées auquel est attachée la notion de clientèle et d'achalandage telle qu'interprétée par la doctrine fiscale.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en qu'il a considéré que le germplasm était un élément indissociable et prépondérant du fonds de commerce participant à son universalité.

Ainsi que l'a considéré le tribunal, la société RAGT 2N a, le 15 juin 2004, procédé à l'acquisition d'un fonds de commerce d'activité de recherche auprès de la société Mosanto comprenant du gerplasm comme élément incorporel du fonds et dont la valeur a été prise en compte pour le calcul des droits d'enregistrement ce qui illustre le manquement délibéré de l'appelante, aucun élément ne permettant de justifier qu'elle ait pu la conduire à soumettre le germplasm acquis le 30 juin 20122 auprès de la société Seresem à un régime fiscal différent sauf sa volonté d'éluder le paiement des droits d'enregistrement importants en soumettant la cession de cet élément incorporel à la TVA.

La décision entreprise sera dès lors confirmée en ce qu'elle a débouté la société RAGT 2N de ses demandes ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile » ;

Aux motifs éventuellement adoptés que « en application de l'article 719 du code général des impôts les mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèles sont soumises à un droit d'enregistrement dont les taux sont fixés à un pourcentage allant de 0% à 2,60% applicable par fraction de valeur taxable. Le droit est perçu sur le prix de la vente de l'achalandage, de la cession du droit au bail et des objets mobiliers ou autres servant à l'exploitation du fonds.

L'article L. 142-2 alinéa 1 du code de commerce dispose que : "Sont seuls susceptibles d'être compris dans le nantissement soumis aux dispositions du présent chapitre comme faisant partie d'un fonds de commerce : l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés."

En l'espèce, la convention de cession du germplasm conclue entre la société RAGT 2N et la société SERASEM, le 30 juin 2011, désigne le germplasm comme un ensemble de graines, plants, parties de plants, plantes pollen, microspores, embryons, cultures ou autres, cellules germinales constituant un matériel génétique « contenant ou relatif à du matériel héréditaire ».

De même, la convention de cession expose en première page que la société RAGT 2N souhaite se porter acquéreur des actifs de recherche de la société SERASEM afin de regrouper et renforcer ses programmes de recherche pour les rendre plus efficaces et qu'il est ainsi cédé "ce jour par acte séparé la branche de fonds de commerce d'activité de recherche de la société SERASEM à la société RAGT 2N."

L'acte précise ensuite : "Par ailleurs, afin de disposer de l'ensemble des actifs corporels et incorporels nécessaire au déploiement de son activité de recherche, la société RAGT 2N souhaite également acquérir le germplasm de la société SERASEM."

Il ressort donc des termes mêmes de la convention du 30 juin 2011, sans que la société RAGT 2N ne soutienne réellement le contraire, que le germplasm appartenant à la société SERASEM est nécessaire voire indispensable à l'exploitation de l'activité de recherche cédée par celle-ci à la société RAGT 2N par acte de cession de branche de fonds de commerce du même jour conclu entre les mêmes parties.

Ainsi, il apparait que le germplasm constitué par du matériel génétique végétal constitue le support des travaux de recherche de la société SERASEM lui permettant de développer de nouvelles semences en vue de l'obtention de nouveaux COV puis de leur commercialisation.

A ce titre, l'administration fiscale soutient, sans être utilement contredite sur ce point, qu'en l'absence de germplasm le fonds de commerce d'activité de recherche vendu le même jour par la société SERASEM à la société RAGT 2N ne peut être exploité.

Dans ces conditions, la société RAGT 2N ne peut sérieusement maintenir que le germplasm consiste dans de simples travaux de recherche et de développement en cours de réalisation passibles de la TVA alors qu'il est un élément incorporel indispensable et prépondérant du fonds de commerce d'activité de recherche cédé par la SERASEM à la société RAGT 2N sans lequel ce fonds n'aurait pas d'existence.

En effet, le fonds de commerce d'activité de recherche acquis le même jour par la société RAGT 2N ne peut se limiter aux certificats d'obtention végétale déjà obtenus ou en cours d'obtention de la société SERASEM et au matériel de recherche décrit en annexe alors même que la cession porte également la reprise de 66 contrats de travail de salariés dépendant des quatre stations de recherche de la société cédante et qu'il est incontestable que le germplasm constitue le matériel végétal sur lequel lesdites recherches sont menées.

En outre, il est de principe qu'aucun texte ne définissant la composition d'un fonds de commerce qui est considéré comme une universalité juridique distincte des éléments qui la compose.

Ainsi, les articles L. 141-5 et suivant du code de commerce, dont l'article L. 142-2 invoqué par la société RAGT 2N énumèrent seulement les divers éléments qui peuvent servir à le constituer et il appartient au juge du fond d'apprécier, d'après les éléments désignés par la convention, si ce que les parties ont entendu comprendre pour leurs opérations représente ou non des éléments essentiels sans lequel un fonds de commerce ne saurait exister.

Or, au vu des deux conventions conclues le 30 juin 2011 entre la société RAGT 2N et la société SERASEM, l'administration fiscale rapporte bien la preuve que le germplasm consiste en du matériel génétique végétal en cours de développement qui est l'objet même de l'activité de recherche menée par la société SERASEM au sein du fonds de commerce cédé à la société RAGT 2N et qu'il est donc un élément indissociable et prépondérant de cette branche du fonds de commerce participant à son universalité et sans lequel il n'existerait pas.

A ce titre, sa valorisation à plus de 17 millions d'euros démontre qu'il est l'élément d'actif essentiel d'un tel fonds de commerce dont les autres éléments représentent seulement 5,5 millions d'euros.

De même, s'il n'est pas protégé juridiquement au même titre que les COV, il n'en reste pas moins un élément incorporel transmissible par contrat et présentant un intérêt commercial en ce qu'il préfigure la création et le développement de nouvelles semences susceptibles de permettre à la société RAGT 2N d'obtenir les futurs COV nécessaires à leur commercialisation.

Dans ces conditions, le fait que cette commercialisation soit réalisée, au sein du groupe RAGT 2N par d'autres sociétés, la société RAGT SEMENCES et ses filiales, auxquelles des licences exclusives d'exploitation sont concédées ne saurait conduire à considérer qu'aucune clientèle ou achalandage n'est attachée directement ou indirectement au germplasm.

En effet, une telle organisation relève d'un choix interne du groupe RAGT et ne remet pas en cause le fait que le germplasm est le préalable nécessaire à de nouveaux COV et partant, à la distribution par le groupe dont dépend la société RAGT 2N de nouvelles semences susceptibles de générer des profits.

Sa nature de travaux de recherches permet donc de l'assimiler à un secret de fabrique ou un savoir-faire spécifique au secteur d'activité des semenciers constituant un élément incorporel du fonds de commerce de recherche sur le développement et l'amélioration des variétés de semences et servant de support de clientèle, même si une incertitude, inhérente à tous travaux de recherche, existe sur les résultats qui seront obtenu à partir du germplasm cédé par la société SERASEM. Enfin, son caractère périssable et amortissable n'est pas remis en cause par l'administration fiscale, les parties s'accordant à considérer qu'un cycle de recherches sur le germplasm est de l'ordre de sept ans, mais ne fait pas obstacle à ce qu'il soit qualité d'élément du fonds de commerce, de même que son éventuelle dépréciation, au même titre que d'autres éléments du fonds.

Par ailleurs, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales prévoit que : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.

Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales."

En l'espèce, la société RAGT 2N se prévaut d'une doctrine fiscale de 2012, soit postérieure à la convention de cession du germplasm intervenue le 30 juin 2011.

En outre, cette doctrine ne fixe nullement une liste limitative des éléments incorporels composant un fonds de commerce alors qu'elle mentionne :

"10. Parmi les éléments incorporels, l'élément essentiel, sans lequel le fonds ne saurait exister, est la clientèle ou achalandage. La clientèle est la valeur que représentent les rapports probables ou possibles avec les personnes qui demanderont des biens ou des services à l'exploitant du fonds. Clientèle et achalandage sont synonymes.

Sans clientèle, il n'existe plus, à proprement parler, de fonds de commerce, mais seulement des marchandises, des droits ou objets mobiliers ne constituant plus une entité juridique distincte, et sans rapport de destination les uns avec les autres. Pour qu'il y ait cession de fonds de commerce, il est nécessaire que la clientèle du cédant soit transmise, sous une forme ou sous une autre, à l'acquéreur.

20. Se rattachent à la clientèle :

- le nom commercial : appellation sous laquelle l'exploitant du fonds fait le commerce ;

- l'enseigne : nom, dénomination de fantaisie, emblème qui individualise le fonds et sert comme le nom commercial à attirer et retenir le client ;

- les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique : procédés de fabrication, marques de fabrique, brevets d'invention, dessins et modèles, etc. ;

- les autorisations administratives ou licences donnant le droit d'exploiter le fonds ;

- les marchés en cours."

Ainsi, les exemples donnés faisant état des procédés de fabrication, brevets d'invention, marques de fabriques, dessins, modèles ne sont pas limitatifs, l'administration fiscale terminant expressément cet énoncé par "etc." et cette liste ne saurait être lue comme ne pouvant inclure le germplasm.

Au contraire, le germplasm pouvant être assimilé à un secret de fabrique ou un savoir-faire permettant d'obtenir de nouvelles variétés végétales susceptibles d'être commercialisées, il est bien attaché à la notion de clientèle et d'achalandage telle qu'interprêtée par la doctrine fiscale.

Enfin, en relevant que la société RAGT 2N avait, le 15 juin 2004, procédé à l'acquisition d'un fonds de commerce d'activité de recherche auprès de la société MONSANTO comprenant du germplasm comme élément incorporel dudit fonds et dont la valeur avait été prise en compte pour le calcul des droits d'enregistrement, l'administration fiscale a suffisamment démontré le manquement délibéré de la société RAGT 2N, celle-ci ne justifiant d'aucun élément ayant pu la conduire à soumettre le germplasm acquis le 30 juin 2011 auprès de la société SERASEM à un régime fiscal différent sauf sa volonté d'éluder le paiement de droits d'enregistrement importants en soumettant la cession de cet élément d'actif du fonds de commerce au régime de taxe sur la valeur ajoutée dont il ne relevait pas et de bénéficier d'une exonération.

Par conséquent, la société RAGT 2N est déboutée de l'ensemble de ses demandes » ;

1°) Alors que, d'une part, un actif sans clientèle propre ne constitue pas un fonds de commerce ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que le germaplasm constituait le support de clientèle de l'activité de la société RAGT 2N, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 20 et s.), si l'activité de la société RAGT 2N n'était pas exclusivement dédiée aux sociétés de son groupe, de sorte que celle-ci ne disposait d'aucune clientèle propre, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 719 du code général des impôts, pris ensemble l'article L. 142-2 du code de commerce ;

2°) Alors que, d'autre part, à titre subsidiaire, en se fondant exclusivement, pour retenir l'existence d'un manquement délibéré de la société RAGT 2N, sur le fait que celle-ci avait précédemment procédé à l'acquisition d'un fonds de commerce d'activité de recherche comprenant du germplasm comme élément incorporel du fonds et dont la valeur avait été prise en compte pour le calcul des droits d'enregistrement, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) Alors que, de troisième part, en tout état de cause, le caractère intentionnel du manquement ne peut être établi lorsque le contribuable est dépourvu de pouvoir de décision quant aux modalités d'assujettissement de l'opération économique réalisée ;

qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 24), si le choix de soumettre la cession au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée ne résultait pas exclusivement d'une décision du cocontractant de la société RAGT 2N, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1729 du code général des impôts, ensemble l'article 1719 du même code ;

4°) Alors que, enfin, en tout état de cause, le caractère délibéré du manquement n'est pas établi lorsque, du fait de difficultés d'interprétation juridique, l'erreur commise par le contribuable n'est pas intentionnelle ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 23 et s.), si l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'opération litigieuse ne résultait pas d'une divergence d'interprétation des dispositions législatives complexes relatives à la notion de fonds de commerce, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1729 du code général des impôts, pris ensemble l'article 1719 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-15983
Date de la décision : 13/10/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 oct. 2021, pourvoi n°19-15983


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.15983
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