La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2021 | FRANCE | N°19-84838

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 octobre 2021, 19-84838


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 19-84.838 F-D

N° 01194

SM12
12 OCTOBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 OCTOBRE 2021

Mmes [O] [M] veuve [U], [H] [U], [S] [M] épouse [C], [A] [Z] [M], [F] [Q] épouse [U], [B] [U] épouse [Y], MM. [J] [U], [G] [M], [K] [M], [D] [M], parties civiles,

ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 juin 2019, qui...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 19-84.838 F-D

N° 01194

SM12
12 OCTOBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 OCTOBRE 2021

Mmes [O] [M] veuve [U], [H] [U], [S] [M] épouse [C], [A] [Z] [M], [F] [Q] épouse [U], [B] [U] épouse [Y], MM. [J] [U], [G] [M], [K] [M], [D] [M], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 juin 2019, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'homicide involontaire et de blessures involontaires, a confirmé l'ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc Thaler et Pinatel, avocat de Mmes [O] [M] veuve [U], [H] [U], [S] [M] épouse [C], [A] [Z] [M], [F] [Q] épouse [U], [B] [U] épouse [Y], MM. [J] [U], [G] [M], [K] [M], [D] [M], parties civiles, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschottes-Desbois et Sebach, avocat de M. [I] [X] et les observations de la SCP Spinosi, avocat de la SNCF mobilités et la SNCF réseau, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le dimanche 4 décembre 2011, à 17h18, au lieu-dit [Adresse 1] à [Localité 1], le train TER assurant la ligne [Localité 3]-[Localité 4] a, en dépit de l'enclenchement par le conducteur du train de la procédure de freinage d'urgence, percuté un véhicule automobile qui se trouvait entièrement engagé sur le passage à niveau n° 65.

3. A l'intérieur de ce véhicule se trouvaient cinq membres d'une même famille domiciliée à [Localité 2], les deux parents, [L] [U], son épouse [O] [M] épouse [U], ainsi que leurs trois enfants. [L] [U] et ses trois enfants ont trouvé la mort dans l'accident et Mme [U] a été très grièvement blessée.

4. Le 12 décembre 2011, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d'homicides et de blessures involontaires.

5. L'expert qui est intervenu dès l'enquête de flagrance, puis sur commission rogatoire du magistrat instructeur, n'a pu définir les conditions exactes dans lesquelles le véhicule s'était engagé sur le passage à niveau ni établir si le véhicule avait effectivement marqué l'arrêt devant le panneau « STOP » implanté à son abord avant de s'engager. Il a néanmoins noté qu'au panneau en question, la visibilité pour un automobiliste était de 235 mètres et que la configuration des lieux permettait mal à un automobiliste, avant d'arriver sur le passage à niveau, d'apprécier correctement l'approche d'un train comme elle interdisait à un conducteur de train de voir un véhicule sur la route et d'anticiper un franchissement du passage à niveau, a fortiori lorsque l'automobiliste n'a pas marqué le « STOP ».

6. L'expert a relevé que le conducteur du train n'avait pas actionné son avertisseur sonore avant d'aborder le passage à niveau en dépit de l'obligation qui lui était faite par le panneau « S » implanté à 320 mètres en amont, cette action n'ayant pas été enregistrée dans la cassette d'enregistrement des actions de conduite ATESS (Acquisition et traitement des événements de sécurité en statique) dont le fonctionnement avait été contrôlé.

7. Le conducteur du train a actionné le bouton d'urgence à 65 mètres du point de collision, la distance de visibilité réelle mesurée de jour étant de 280 mètres. Le train a commencé à freiner à 40 mètres du point d'impact et a percuté le véhicule des victimes au niveau de l'aile arrière gauche à la vitesse de 100 km/h, le véhicule automobile ayant été projeté à plus de 33 mètres, le train s'arrêtant 320 mètres après le point d'impact.

8. Un complément d'expertise a conclu d'une part au fait qu'après le franchissement du passage à niveau, une manoeuvre pour rebrousser chemin de nuit était difficile et qu'une marche arrière était alors plus aisée et d'autre part que le signal sonore réglementaire du train au moment de son passage au panneau « S » en amont du passage à niveau n'est de toute façon pas audible vitres fermées depuis un véhicule se trouvant sur le passage à niveau, et très peu audible vitres ouvertes.

9. Un diagnostic de sécurité qui a été effectué sur le site le 5 mai 2010 par la direction départementale des territoires (DDT) du Rhône, dans le cadre de la campagne nationale organisée en ce domaine par le ministre chargé des transports, a noté que l'ensemble de la signalisation annonçant le passage à niveau était à revoir.

10. S'agissant des causes de l'accident, le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEATT) a conclu que la cause directe et immédiate de cet accident est l'engagement de l'automobile sur le passage à niveau très peu de temps avant l'arrivée du train et que les raisons pour lesquelles cette voiture a quitté l'itinéraire qu'elle suivait n'ont pu être déterminées, de même que le déroulement précis de la collision.

11. Le BEATT a retenu deux facteurs ayant pu contribuer à cette situation, à savoir l'absence de signalisation routière informant les usagers s'engageant sur l'ancienne route départementale, puis sur le chemin communal franchissant le passage à niveau de leur caractère sans issue, et l'ouverture à la circulation publique d'un passage à niveau sans barrières à croix de Saint-André qui n 'est fréquenté que par quelques riverains et est situé sur un chemin de terre et en impasse où tout demi-tour est malaisé.

12. Le conducteur du train, M. [V], et le maire du [Localité 1], M. [I] [X], ont été placés sous le statut de témoin assisté.

13. Au terme de l'information judiciaire, le juge d'instruction a, sur des réquisitions de non lieu, rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs d'homicide involontaire et de blessures involontaires.

14. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

15. Ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs d'homicides involontaires et blessures involontaires visés au réquisitoire introductif du 12 décembre 2011, alors :

« 2°/ qu'en se bornant à énoncer que l'absence de signalisation routière avancée destinée à annoncer aux usagers de la route la présence d'un passage à niveau ne peut être en relation de causalité directe avec l'accident, pour en déduire qu'il n'y a pas lieu de suivre contre quiconque des chefs d'homicides involontaires, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par une simple affirmation, a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en énonçant que le fait, pour le maire du [Localité 1] de n'avoir entrepris ni travaux ni réflexion destinés à améliorer la signalisation avancée " des lieux ne peut constituer une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, dès lors que le passage à niveau lui-même était correctement signalé, tout en relevant d'une part que l'insuffisance ou l'absence de cette signalisation avait été constatée dès le 5 mai 2010 à l'occasion du diagnostic de sécurité effectué par la direction des territoires du Rhône, d'autre part que plusieurs courriers avaient été adressés par la SNCF au maire du [Localité 1] avant la survenance de l'accident afin d'attirer son attention sur l'insuffisance de la signalisation en amont et en aval du passage à niveau en question, ce dont il résulte qu'avant la survenance de l'accident litigieux, le maire du [Localité 1] avait nécessairement connaissance des risques liés à l'insuffisance de la signalisation, la chambre de l'instruction qui s'est déterminée par des motifs contradictoires, a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur la recevabilité du moyen contestée en défense

17. Les deux branches du moyen, en ce qu'elles viennent contester la suffisance et la cohérence des motifs de l'arrêt attaqué, éléments qui n'ont pu être révélés que par le rendu de cette décision, sont recevables à hauteur de cassation.

Sur le fond

18. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, la chambre de l'instruction retient, par motifs propres et adoptés, que si le droit de placer en vue du public, par tous moyens appropriés, des indications ou signaux concernant, à un titre quelconque, la circulation, n'appartient qu'aux autorités chargées des services de la voirie selon l'article L. 411-6 du code de la route, et si un diagnostic de sécurité, effectué le 5 mai 2010 par la direction des territoires du Rhône, avait, s'agissant de la visibilité de la signalisation avancée annonçant le passage à niveau n° 65, indiqué que le dispositif était à revoir, rien n'enjoignait au maire d'ajouter un panneau « voie sans issue » à la signalisation déjà existante, ce point n'étant pas évoqué dans les courriers adressés par SNCF Réseau au maire du [Localité 1].

19. La chambre de l'instruction relève que le passage à niveau était correctement signalé, reprenant que le panneau « STOP » et la croix de Saint-André étaient bien présents, ce qui permettait aux conducteurs d'être avisés de son existence et que cette signalisation était régulière en l'état de la réglementation.

20. Elle en déduit que le fait pour le maire du [Localité 1], personne physique, qui n'a pas causé directement le dommage, de n'avoir entrepris ni travaux ni réflexion destinés à améliorer la signalisation « avancée » des lieux ne peut constituer, ni un manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ni une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer.

21. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a analysé l'ensemble des faits et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a justifié sa décision.

22. En effet, elle a apprécié de manière souveraine qu'aucun lien de causalité direct ne pouvait être établi entre la signalisation « avancée » et le dommage résultant de l'accident survenu le 4 décembre 2011.

23. Par ailleurs, elle a relevé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'aucune faute ne pouvait être retenue s'agissant de la signalisation du passage à niveau n° 65 à l'encontre des deux EPIC SNCF.

24. Dès lors, le moyen doit être écarté.

25. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-84838
Date de la décision : 12/10/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 14 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 oct. 2021, pourvoi n°19-84838


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.84838
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award