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30/09/2021 | FRANCE | N°20-12940

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 septembre 2021, 20-12940


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2021

Rejet

M. MAUNAND, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 686 F-D

Pourvoi n° D 20-12.940

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 janvier 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

____________________

_____

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021

...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2021

Rejet

M. MAUNAND, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 686 F-D

Pourvoi n° D 20-12.940

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 janvier 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021

1°/ M. [Y] [P], domicilié [Adresse 2],

2°/ Mme [T] [P], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° D 20-12.940 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à la commune d'[Localité 2], représentée par son maire en exercice, domicilié [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. et Mme [P], après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Nivôse, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 2019), M. et Mme [P] sont propriétaires depuis le 16 septembre 1993 d'une parcelle cadastrée [Cadastre 1] située sur le territoire de la commune d'[Localité 2], en zone non constructible, sur laquelle ils ont édifié des constructions et procédé à divers aménagements.

2. Le 2 juin 2014, la commune d'[Localité 2] les a assignés en démolition et remise en état sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de les condamner, sous astreinte, à remettre en état naturel la parcelle, alors :

« 1°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure, qui dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que selon les circonstances une cabane peut constituer un domicile et un logement relevant du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'ingérence dans ce droit, même s'il poursuit un but légitime doit répondre à un besoin social impérieux et demeurer proportionné au but poursuivi ; que pour apprécier la proportionnalité de la perte d'un logement, il y a lieu de tenir compte de la disponibilité ou de l'absence de disponibilité d'un hébergement de substitution, et de la situation particulière des personnes concernées notamment s'il s'agit de personnes vulnérables ; qu'en affirmant, pour condamner les époux [P] à remettre en état naturel la parcelle [Cadastre 1] sous astreinte, que ces mesures étaient compatibles avec le droit au respect de leur vie privée et nullement disproportionnées au regard de l'illégalité des constructions litigieuses, sans rechercher si concrètement, la mesure de remise en état naturel de la parcelle litigieuse était proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des époux [P], compte tenu de leur situation de personnes vulnérables, puisqu'ils étaient très âgés et malades, et qu'ils hébergeaient un fils lourdement handicapé et qu'ils n'avaient pu obtenir aucun relogement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme ;

2°/ qu'en affirmant que M. et Mme [P] avaient présenté une attestation d'élection de domicile à [Localité 1] en date du 6 juin 2014, ce qui était incompatible avec l'existence d'un domicile stable sur la parcelle litigieuse, sans répondre aux conclusions des époux [P] qui soutenaient qu'ils avaient été contraints d'utiliser des domiciliations dans des associations ou sur des aires d'accueil pour sécuriser la réception de leur courrier, tout en fixant leur lieu de vie à un autre endroit, de sorte que l'adresse à [Localité 1] était celle de l'espace solidaire de la Croix Rouge et non celle de leur domicile, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la parcelle de M. et Mme [P] était située en zone non constructible du plan d'occupation des sols, qui interdisait toutes les constructions et les aménagements pour le camping ainsi que le stationnement de caravanes, les seules constructions autorisées étant celles directement liées à l'agriculture et à l'élevage, et que les clôtures et le terrassement d'une partie du terrain contrevenaient également aux dispositions du plan d'occupation des sols.

6. Elle a ajouté que ces installations illégales étaient postérieures à une précédente condamnation pénale prononcée à l'encontre de M. et Mme [P] pour une infraction aux mêmes dispositions d'urbanisme, connues de ceux-ci.

7. Enfin, par motifs propres et adoptés, elle a souverainement retenu, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que M. et Mme [P], qui avaient présenté une attestation d'élection de domicile à [Localité 1] du 6 juin 2014, incompatible avec l'existence d'un domicile stable sur la parcelle litigieuse, ne rapportaient pas la preuve qu'ils résidaient depuis 1993 sur la parcelle ni même d'une durée d'occupation effective des lieux.

8. La cour d'appel qui, dès lors qu'elle écartait l'existence de liens suffisants et continus de nature à établir que la parcelle litigieuse constituait le lieu d'habitation de M. et Mme [P], n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a pu déduire de ces constatations et énonciations que les mesures sollicitées par la commune d'[Localité 2] n'étaient pas disproportionnées et a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [P] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. et Mme [P] à remettre en état naturel la parcelle [Cadastre 1] sous astreinte à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la signification du jugement.

AUX MOTIFS QUE Sur la prescription : l'article L480-14 du code de l'urbanisme dispose « La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux » ; qu'il résulte du constat dressé le 2 juillet 2013 que le terrain est clôturé en façade sur rue par un portail métallique à deux vantaux, qu'un poteau électrique et des cuves alimentent le terrain en électricité et en eau, que le sol a été rendu carrossable par des gravillons sur sous-couche stabilisée, qu'un chalet en bois de grande dimension et un plus petit se trouvent sur le terrain et que six caravanes et foreuse à puits y sont stationnées ; que M. [P] a écrit, le 4 janvier 2005, à la commune que seul avait été édifié sur le terrain nu un « abri de jardin dans lequel nous n'avons jamais habité étant donné sa superficie ? et l'absence de tout équipement ménager » ; que, dans son arrêt du 9 mars 2005, la cour d'appel a ordonné la démolition d'une cabane qui ne constituait pas « un lieu de résidence mais un simple lieu de rangement d'outillage de jardin » ; que M. [P] a écrit, courant juin 2005, qu'il avait démoli « la cabane » ; qu'il ressort de ces constats et courriers que les biens litigieux n'existaient pas dix ans avant la délivrance, le 2 juin 2014, par la commune de l'assignation ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'attestation de Mme [Q] que les appelants résidaient dans les lieux avant le 2 juin 2004 ; que M. et Mme [P] qui doivent en rapporter la preuve ne justifient donc pas que les constructions et aménagements litigieux sont antérieurs au 2 juin 2004 ; que la demande n'est pas prescrite (arrêt, p.6);

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE selon l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L.421-8 ; que cette disposition de procédure qui prévoit la compétence du tribunal de grande instance en la matière concerne l'ensemble des constructions édifiées en violation de la réglementation relative aux autorisations d'urbanisme et non au seul article L.441-1 du code de l'urbanisme qui concernent l'aménagement des terrains pour l'installation de caravanes destinées à l'habitat permanent ; que la date d'entrée en vigueur de ces dispositions est par conséquent inopérante ; que l'article L.490-14 prévoit que l'action civile visant à la destruction ou à la mise en conformité se prescrit par 10 ans à compter de l'achèvement des travaux ; que M. et Mme [P] soutiennent que les aménagements dont il est demandé l'enlèvement et la destruction datent de l'année 1993 et que la prescription est ainsi acquise en leur faveur ; que pour établir l'ancienneté de leur occupation, M. et Mme [P], qui ne communiquent aucun document, se fondent sur le seul acte d'acquisition de la parcelle en date du 16 septembre 1993 ; qu'ils expliquent l'absence de tout document écrit de nature à attester leur présence constante sur ce terrain depuis cette date par leur analphabétisme et leur domiciliation administrative dans une association sociale ; que cet argument ne résiste pas à l'examen des pièces produites par la commune d'[Localité 2] et notamment par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 mars 2005 aux termes duquel « il est établi que M. [P] a construit une cabane en bois (?) qu'il a été convoqué par voie postale à sa commune de résidence (?) avait prétendu résider à [Localité 3] puis à [Localité 1] (?) et que la cabane en bois n'est même pas un lieu de résidence mais un simple lieu de rangement d'outillage de jardin » ; que les constats repris dans cette décision sont confirmés par le courrier réceptionné le 11 juin 2005 par la mairie dans lequel M. [P] indique avoir « démoli la cabane» ; que le tribunal constate que la preuve d'une occupation effective antérieure à la décision de la cour d'appel n'est pas rapportée et qu'ainsi l'action de la commune d'[Localité 2] n'est pas prescrite (jugement, p. 3 et 4) ;

ALORS QUE la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité, en violation de l'article L.421-8 du code de l'urbanisme ; que l'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux ; qu'en condamnant M. et Mme [P] à remettre en état naturel la parcelle [Cadastre 1] sous astreinte, en relevant qu'il résultait du constat d'huissier dressé le 2 juillet 2013 qu'un chalet en bois de grande dimension et un plus petit se trouvaient sur le terrain, que le 4 janvier 2005 M. [P] avait écrit à la commune que seul avait été édifié sur le terrain un « abri de jardin dans lequel nous n'avons jamais habité étant donné sa superficie et l'absence de tout équipement ménager », que par arrêt du 9 mars 2005, la cour d'appel avait ordonné la démolition d'une cabane qui ne constituait pas « un lieu de résidence mais un simple lieu de rangement d'outillage de jardin », et en ajoutant que M. [P] avait écrit courant juin 2005 qu'il avait démoli la cabane, pour en déduire que les biens litigieux n'existaient pas dix ans avant la délivrance, le 2 juin 2014, par la commune d'[Localité 2] de l'assignation, sans constater que le chalet en bois de grande dimension, mentionné dans le constat d'huissier de 2013, n'existait pas dix ans avant la délivrance de l'assignation du 2 juin 2014, de sorte qu'il n'avait pu servir d'habitation à M. et Mme [P] à partir de 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.480-14 du code de l'urbanisme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. et Mme [P] à remettre en état naturel la parcelle [Cadastre 1] sous astreinte à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la signification du jugement ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond : s'agissant d'une zone non constructible, le plan d'occupation des sols interdit toute construction et aménagement pour le camping ou le stationnement de caravanes ; qu'il est sans incidence sur l'existence de ces constructions que la mairie ait, lors de l'achat par les époux du bien, indiqué que celui-ci n'était pas frappé d'une « interdiction d'habiter » ; que comme l'a jugé le tribunal, les chalets et caravanes dont la présence a été constatée par l'huissier ne sont donc pas autorisés ; qu'il en est de même des clôtures autour de ces constructions non autorisées et du terrassement d'une partie du terrain, « qui vise à son utilisation continue et pérenne aux fins de stockage ou parking » ; que M. et Mme [P] ont présenté une attestation d'élection de domicile à [Localité 1] en date du 6 juin 2014 incompatible avec l'existence d'un domicile stable sur la parcelle litigieuse ; que d'une part, l'état de nécessité ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une demande d'une commune tendant à mettre fin à l'occupation irrégulière d'un terrain par des caravanes ou des constructions ; que d'autre part, les difficultés de logement ou les problèmes de santé des appelants ne caractérisent pas un tel état de nécessité ; que le tribunal a, par motifs adoptés, constaté exactement que les mesures demandées et justifiées étaient incompatibles avec le droit au respect de la vie privée des époux et nullement disproportionnées au regard de l'illégalité de ces constructions, édifiées au surplus après une condamnation pénale prononcée pour l'installation d'un cabanon contraire aux mêmes dispositions du code de l'urbanisme (arrêt, p.7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la commune fait valoir à juste titre que les constructions et aménagements étaient soumis soit à un permis de construire soit à une déclaration préalable selon leur nature avant la promulgation de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative au permis d'aménager et que les dispositions de l'article L. 444-1 du code de l'urbanisme relative à l'aménagement des terrains pour l'installation des caravanes destinées à l'habitat permanent ne sont en tout état de cause applicables qu'aux parcelles constructibles et sont ainsi inopérantes dans le présent litige ; qu'il n'est en effet pas contesté que la parcelle de M. et Mme [P] est située en zone non constructible sur laquelle le plan d'occupation des sols adopté le 17 juin 1994 interdit toutes les constructions et aménagements pour le camping ou le stationnement de caravanes à l'exception des constructions directement liées à l'agriculture et à l'élevage ; que le constat d'huissier dressé le 2 juillet 2013 relève notamment les éléments suivants, non discutés par les défendeurs : -le terrain est clôturé en façade sur rue par un portail métallique à deux ventaux, - -un poteau électrique et des cuves alimentent le terrain en électricité et en eau, -la parcelle est entourée d'une haie de thuyas, -le sol a été rendu carrossable par des gravillons sur sous couche stabilisée, -un chalet en bois de grande dimension et un plus petit se trouvent sur le terrain , -six caravanes et une foreuse à puits y sont stationnées ; que la commune d'[Localité 2] ne rapporte pas la preuve que la boîte aux lettres, les plantations de thuyas, les aménagements nécessaires à l'alimentation de la parcelle en électricité et en eau ainsi que la foreuse de puits, compatibles avec une utilisation agricole, sont prohibés par le plan d'occupation des sols (POS) ou qu'ils relèvent du régime de l'autorisation ou de la déclaration préalable ; que la dépose, l'arrachage et la destruction de ces éléments ne pourra ainsi être ordonnée sur le fondement de l'article L480-14 du code de l'urbanisme ; qu'il n'est pas contestable en revanche que certains de ces équipements et installations contreviennent aux dispositions du POS, y compris les clôtures et le portail, seules étant autorisées les « clôtures autour des constructions ou installations autorisées » et que sont exclus de ces équipements éventuellement autorisés « les abris de jardin et autres locaux pouvant constituer un abri, les constructions provisoires et les caravanes' ; que le terrassement d'une partie du terrain, qui vise à son utilisation continue et pérenne aux fins de stockage du parking, sinon d'habitation, doit être considéré comme faisant partie des aménagements et constructions prohibés par le POS, peu important que le terme « terrassement » ne soit pas cité par ce document dans la mesure où les exemples prévus par ce dernier n'ont pas le caractère exhaustif ; que s'agissant de l'ensemble de ces équipements et installations, soit la clôture, la zone stabilisée et gravillonnée, les chalets et les caravanes, il convient comme l'indiquent M. et Mme [P], d'examiner la demande de la commune d'[Localité 2] au regard de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'homme et de la proportionnalité, de la nécessité et de la légitimité des dispositions du POS qu'elle invoque par rapport à leur droit au respect de leur vie privée notamment de leur domicile ; que le tribunal a retenu plus haut que les défendeurs n'établissaient pas qu'ils résidaient depuis 1993 sur la parcelle, le titre de propriété ne valant pas preuve d'une occupation effective et à titre de domicile du terrain ; qu'il ressort en outre des éléments précédemment exposés que l'installation des caravanes et des chalets est postérieure à l'arrêt rendu par la chambre des appels correctionnels de Versailles qui a condamné M. [Y] [P] à une amende et a ordonné la démolition de la cabane construite en infraction au plan d'occupation des sols en vigueur à cette époque et notamment aux dispositions relatives au classement de la parcelle des consorts [P] en zone non constructible, demeurées inchangées au fil des modifications du règlement d'urbanisme ; que comme l'indiquent les défendeurs, la proportionnalité des mesures sollicitées par la commune d'[Localité 2] doit être appréciée au regard notamment de la légalité des installations concernées, lesquelles sont en l'espèce non seulement illégales mais sont en outre ainsi qu'il vient d'être rappelé, postérieures à une condamnation pénale rendue pour une infraction similaire aux mêmes dispositions du règlement d'urbanisme ; que le tribunal rappelle enfin qu'il ne lui appartient pas de porter une appréciation sur le bien-fondé ou l'intérêt du classement de la zone où se situe la parcelle [Cadastre 1] en zone non constructible ni d'anticiper les évolutions éventuelles du POS, ces considérations n'étant pas au surplus pertinentes en l'espèce, les demandes de la commune visant à faire respecter des dispositions qui étaient en vigueur, non contestées, et connues des intéressés lorsqu'ils ont fait installer les équipements litigieux (jugement, pp. 4 et 5) ;

1°/ ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure, qui dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que selon les circonstances une cabane peut constituer un domicile et un logement relevant du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'ingérence dans ce droit, même s'il poursuit un but légitime doit répondre à un besoin social impérieux et demeurer proportionné au but poursuivi ; que pour apprécier la proportionnalité de la perte d'un logement, il y a lieu de tenir compte de la disponibilité ou de l'absence de disponibilité d'un hébergement de substitution, et de la situation particulière des personnes concernées notamment s'il s'agit de personnes vulnérables ; qu'en affirmant, pour condamner les époux [P] à remettre en état naturel la parcelle [Cadastre 1] sous astreinte, que ces mesures étaient compatibles avec le droit au respect de leur vie privée et nullement disproportionnées au regard de l'illégalité des constructions litigieuses, sans rechercher si concrètement, la mesure de remise en état naturel de la parcelle litigieuse était proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des époux [P], compte tenu de leur situation de personnes vulnérables, puisqu'ils étaient très âgés et malades, et qu'ils hébergeaient un fils lourdement handicapé et qu'ils n'avaient pu obtenir aucun relogement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble l'article L.480-4 du code de l'urbanisme ;

2°/ ALORS QU'en affirmant que M. et Mme [P] avaient présenté une attestation d'élection de domicile à [Localité 1] en date du 6 juin 2014, ce qui était incompatible avec l'existence d'un domicile stable sur la parcelle litigieuse, sans répondre aux conclusions des époux [P] qui soutenaient qu'ils avaient été contraints d'utiliser des domiciliations dans des associations ou sur des aires d'accueil pour sécuriser la réception de leur courrier, tout en fixant leur lieu de vie à un autre endroit, de sorte que l'adresse à [Localité 1] était celle de l'espace solidaire de la Croix Rouge et non celle de leur domicile, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-12940
Date de la décision : 30/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 sep. 2021, pourvoi n°20-12940


Composition du Tribunal
Président : M. Maunand (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12940
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