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30/09/2021 | FRANCE | N°20-12530

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 30 septembre 2021, 20-12530


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 894 F-D

Pourvoi n° G 20-12.530

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021

Mme [C] [N], domiciliée [Adresse 4] (Nouvelle Calédonie),

a formé le pourvoi n° G 20-12.530 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 894 F-D

Pourvoi n° G 20-12.530

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021

Mme [C] [N], domiciliée [Adresse 4] (Nouvelle Calédonie), a formé le pourvoi n° G 20-12.530 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [N], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [N] [N], domicilié [Adresse 2],

3°/ à la société Mila, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], représentée par la société CBF associés, prise elle même en la personne de M. [Q] [M], administrateur judiciaire, et domiciliée [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme [N], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Mila, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 12 décembre 2019), la société CBF associés (la société CBF) a été désignée, par ordonnance du président du tribunal de première instance de Nouméa du 6 novembre 2017, en qualité d'administrateur provisoire de la société Mila, dont Mme [N] et MM. [E] et [N] sont les associés.

2. Par requête du 15 octobre 2018, la société CBF a demandé à être autorisée à surseoir à la convocation de l'assemblée générale de clôture des comptes de l'année 2017 de la société Mila et obtenir la prorogation de sa mission.

3. Par ordonnance du 16 octobre 2018, le président du tribunal de première instance de Nouméa a accueilli la requête.

4. Mme [N], qui a assigné MM. [E] et [N] ainsi que la société Mila devant le juge des référés, pour obtenir la rétractation de cette ordonnance, a interjeté appel de l'ordonnance ayant rejeté sa demande.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [N] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête n° 18/356 du 16 octobre 2018, alors « qu'il résulte des articles 16 et 493 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie qu'une mesure ne peut être ordonnée sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elle ne le soit pas contradictoirement ; que les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction doivent être caractérisées par la requête ou par l'ordonnance rendue sur celle-ci et qu'il appartient au juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, de vérifier, au besoin d'office, si cette exigence a été satisfaite à la date du dépôt de la requête ; qu'en retenant que « sur les circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire, l'appelante ayant saisi le juge aux fins de rétractation de l'ordonnance et ayant fait valoir, au contradictoire des intimés, l'ensemble des moyens justifiant la rétractation, le principe du contradictoire a été respecté », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (mémoire ampliatif d'appel de l'exposante, p. 3, § 6 à p. 4, § 4), quelles circonstances au jour du dépôt de la requête justifiaient qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 493 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie :

6. Aux termes de ce texte, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

7. Pour rejeter la requête en rétractation de Mme [N], l'arrêt retient que l'appelante ayant saisi le juge des référés aux fins de rétractation de l'ordonnance et ayant fait valoir, au contradictoire des intimés, l'ensemble des moyens justifiant la rétractation, le principe du contradictoire a été respecté.

8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à démontrer que la saisine du juge des requêtes était justifiée par la nécessité de déroger au principe de la contradiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;

Condamne M. [E] [N], M. [N] [N] et la société Mila représentée par la société CBF associés en qualité d'administrateur judiciaire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mila représentée par la société CBF associés et la condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [N]

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme [C] [N] de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête n° 18/356 en date du 16 octobre 2018 ;

Aux motifs propres que « par une requête en date du 15 octobre 2018, la société CBF a sollicité devant le tribunal de première instance de ce siège l'autorisation de surseoir à statuer sur la convocation d'une assemblée générale destinée à approuver les comptes clos au 31 décembre 2017 ainsi que sur la prolongation de sa mission ; que l'administrateur provisoire faisait valoir que Mme [C] [N] avait récemment engagé une action en nullité des assemblées générales des 11 avril et 13 septembre 2017 ; que par une ordonnance du 16 octobre 2018, le président du tribunal de première instance de ce siège faisait droit à la requête et ordonnait le sursis à statuer sur la convocation d'une assemblée générale destinée à approuver les comptes clos au 31 décembre 2017 et ordonnait la prolongation de la mission de la société CBF pour une durée de 6 mois à compter du 6 novembre 2018 ; que Mme [C] [N] a assigné M. [E] [N], M. [N] [Z] [N] et la société civile Mila devant le tribunal de première instance de ce siège, par actes du 19 et du 29 novembre 2018, aux fins de rétractation de ladite ordonnance » (arrêt attaqué, p. 2, avant-dernier § à p. 3, § 2) ; « que Mme [C] [N] fait valoir trois moyens à l'appui de son appel tenant au défaut de signification de l'ordonnance sur requête du 18 novembre 2018, à l'absence de motivation des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire et à l'absence de communication de la copie des pièces invoquées à l'appui de la requête présentée le 15 octobre 2018 ; que sur ce, selon les dispositions du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie : - Article 493 : "L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse", - Article 494 : "La requête est présentée en double exemplaire. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées et la copie de celles-ci. Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie. En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge", - Article 495 : "L'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée", - Article 496 : "S'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance" ; que sur le défaut de signification de l'ordonnance sur requête du 18 novembre 2018, la cour constate que dès lors que l'appelante a pu exercer un recours effectif en rétractation devant le juge des référés, en conséquence de la remise par l'administrateur provisoire de ladite ordonnance, avant la mise à exécution de celle-ci, ce moyen est inopérant ;
que sur les circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire, l'appelante ayant saisi le juge aux fins de rétractation de l'ordonnance et ayant fait valoir, au contradictoire des intimés, l'ensemble des moyens justifiant la rétractation, le principe du contradictoire a été respecté ; que ce moyen ne saurait par conséquent prospérer ; que sur l'absence de la copie des pièces invoquées à l'appui de la requête présentée le 15 octobre 2018, les dispositions de l'article 494 précitées qui prévoient que la requête doit comporter l'indication précise des pièces invoquées et la copie de celles-ci ne sont pas prescrites à peine de nullité et doivent être lues comme ayant pour objectif de permettre au juge d'apprécier la recevabilité de la requête ; qu'en l'espèce l'intérêt à agir de l'administrateur provisoire à raison de l'impossibilité de convoquer une assemblée générale pour l'approbation des comptes clos au 31 décembre 2017 est établi par l'allégation, non contestée par l'appelante devant le juge de la rétractation, de l'instance en annulation des assemblées générales du 11 et du 18 avril 2017, pendante devant le tribunal lors de la saisine du juge en rétractation ; que la cour observe au surplus que l'appelante n'a soulevé à aucun moment devant le juge de la rétractation ce moyen nouveau en cause d'appel dont le caractère dilatoire est manifeste au regard du fait que Mme [N] avait nécessairement connaissance de ces deux procès-verbaux d'assemblée générale, étant l'auteur de la convocation de l'assemblée générale du 18 avril 2017 et ayant saisi le juge du fond d'une contestation portant sur la régularité de la tenue de l'assemblée générale du 11 avril 2017 ; que l'appelante ne saurait donc prospérer en ce moyen ; qu'il convient par conséquent de débouter Mme [C] [N] de son appel, de confirmer l'ordonnance entreprise et de condamner Mme [C] [N] à régler à M. [N] [N] la somme de 200 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles » (p. 5, antépénultième § à p. 7, § 3) ;

Et aux motifs adoptés qu' « aux termes de l'article 495 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, l'ordonnance sur requête est motivée, elle est exécutoire au seul vu de la minute, qu'enfin copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; qu'ainsi qu'elle l'indique dans ses écritures, Mme [C] [N] a reçu copie de l'ordonnance sur requête du mandataire judiciaire, que par ailleurs elle produit aux débats la requête du mandataire judiciaire (la SCP CBF, prise en la personne de Me [M]) du 15 octobre 2018 et la copie de l'ordonnance sur requête n° 18/356 du 16 octobre 2018, de telle sorte que sa requête en rétractation fondée sur l'absence de notification ou de signification de la décision sera rejetée ; qu'au moment où l'ordonnance sur requête n° 18/356 du 16 octobre 2018 a été rendue, une instance aux fins d'annulation de l'assemblée générale du 11 avril 2017 était pendante devant le tribunal de première instance à l'initiative de Mme [C] [N] ; qu'à titre reconventionnel M. [N] [V] [N] a sollicité l'annulation de l'assemblée générale du 18 avril 2017 ; que dans l'attente de la décision du juge du fond, il y a lieu de maintenir les effets de l'ordonnance sur requête du 16 octobre 2018 en ce qu'elle ordonne le sursis à statuer sur la convocation d'une assemblée générale pour l'approbation des comptes clos au 31 décembre 2017 de la SCI Mila et la prolongation de la mission de la Scp CBF pour une durée de six mois à compter du 6 novembre 2018 » ;

Alors 1°) qu'il résulte des articles 16 et 495 alinéa 3 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie qu'une copie de la requête comportant l'indication précise des pièces invoquées et de l'ordonnance sur requête est laissée à la personne à laquelle elle est opposée préalablement à l'exécution de la mesure ordonnée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ordonnance dont la rétractation était demandée avait ordonné la prorogation des pouvoirs de l'administrateur provisoire à compter du 6 novembre 2018 ainsi que le sursis à statuer sur la convocation d'une assemblée générale destinée à approuver les comptes clos au 31 décembre 2017, et que ce n'est que par actes des 19 et 29 novembre 2018, soit après la prorogation des pouvoirs de l'administrateur judiciaire intervenue le 6 novembre 2018, que l'exposante avait saisi le juge des référés aux fins de rétractation ; qu'en retenant néanmoins que « l'appelante a pu exercer un recours effectif en rétractation devant le juge des référés, en conséquence de la remise par l'administrateur provisoire de ladite ordonnance, avant la mise à exécution de celleci », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Alors 2°) qu'il résulte des articles 16 et 493 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie qu'une mesure ne peut être ordonnée sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elle ne le soit pas contradictoirement ; que les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction doivent être caractérisées par la requête ou par l'ordonnance rendue sur celle-ci et qu'il appartient au juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, de vérifier, au besoin d'office, si cette exigence a été satisfaite à la date du dépôt de la requête ; qu'en retenant que « sur les circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire, l'appelante ayant saisi le juge aux fins de rétractation de l'ordonnance et ayant fait valoir, au contradictoire des intimés, l'ensemble des moyens justifiant la rétractation, le principe du contradictoire a été respecté », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (mémoire ampliatif d'appel de l'exposante, p. 3, § 6 à p. 4, § 4), quelles circonstances au jour du dépôt de la requête justifiaient qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Alors 3°) qu'il résulte des articles 16, 494 et 495 alinéa 3 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie que l'indication précise des pièces invoquées à l'appui d'une requête ainsi que la copie de celles-ci, destinée à assurer le respect du principe de la contradiction, constituent une condition de la recevabilité de la requête ; qu'en retenant que l'intérêt à agir du requérant résultait de l'allégation non contestée de l'existence d'une instance en annulation des assemblées générales des 11 et 18 avril 2017 dont Mme [N] avait nécessairement eu connaissance, la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard de pièces dont l'exposante aurait eu connaissance par ailleurs, quand il résultait de la requête que celle-ci ne visait précisément aucune pièce, la cour d'appel a méconnu les article 494 alinéa 1er et 495 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, ensemble l'article 16 dudit code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-12530
Date de la décision : 30/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 12 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 30 sep. 2021, pourvoi n°20-12530


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12530
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