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23/09/2021 | FRANCE | N°20-10812

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 septembre 2021, 20-10812


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 648 F-D

Pourvoi n° R 20-10.812

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2021

La société Asian Villa, société à responsabilité li

mitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-10.812 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Colmar (1re c...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 648 F-D

Pourvoi n° R 20-10.812

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2021

La société Asian Villa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-10.812 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Grandes étapes françaises (GEF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Asian Villa, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Grandes étapes françaises, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 octobre 2019), le 18 septembre 2007, la société Grandes étapes françaises (GEF), exploitante de deux hôtels, a conclu un contrat de prestations de services avec la société Asian Villa, en mettant à sa disposition un local, ainsi que le linge nécessaire à une activité de soins du corps et du visage et en s'engageant à la rétrocession par l'hôtel du prix stipulé de la prestation, minoré d'une commission au titre de divers frais.

2. Ce contrat, conclu pour trois années, a été renouvelé en 2010, 2013 et 2016.

3. Le 9 janvier 2015, la société Asian Villa a demandé la requalification judiciaire du contrat de prestations de services en bail commercial.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Adsian Villa fait grief à l'arrêt de déclarer la demande de requalification du contrat en bail commercial prescrite, alors « que si le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande de requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, la fraude suspend le délai de la prescription pendant la durée du contrat ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si en refusant de conclure un contrat de bail commercial et en signant un contrat faussement intitulé "Contrat de prestations de services" quand la société Asian Villa disposait d'un véritable local stable, d'une clientèle personnelle et d'une autonomie de gestion, la société Grandes étapes françaises n'avait pas pour but exclusif de contourner le statut des baux commerciaux, de sorte que la fraude avait suspendu la prescription biennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-60 du code de commerce, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce et le principe selon lequel la fraude corrompt tout :

5. Il résulte de la combinaison de ce texte et de ce principe que la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d'un bail commercial.

6. Pour dire irrecevable l'action en requalification du contrat de prestations de services en contrat de bail commercial, l'arrêt retient que le contrat liant les parties a été conclu le 18 septembre 2007 et, que l'action engagée par assignation du 10 février 2017 se heurte à la prescription, le délai pour agir ayant expiré le 18 septembre 2009, soit dans les deux ans du contrat initial.

7. En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si une fraude, dont l'existence était invoquée, n'était pas de nature à suspendre la prescription biennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur les deuxième et troisième moyens

Enoncé des moyens

8. Par son deuxième moyen, la société Asian Villa fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages et intérêts alors « que la cassation à intervenir s'agissant de l'irrecevabilité de la demande de requalification du contrat en bail commercial ne pourra manquer d'entrainer par voie de conséquence, et en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation du chef ayant rejeté la demande de dommages et intérêts présentée. »

9. Par son troisième moyen, la société Asian Villa fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la résiliation du contrat de prestation de services notifiée par lettre du 26 décembre 2018, alors « que cassation à intervenir s'agissant de l'irrecevabilité de la demande de requalification du contrat en bail commercial ne pourra manquer d'entraîner par voie de conséquence la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt rejetant les demandes formées par la société Asian Villa en paiement de dommages et intérêts et en annulation de la résiliation du contrat liant les parties.
.
Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. Il résulte de ce texte que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. La cassation sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif de l'arrêt rejetant les demandes formées par la société Asian Villa en paiement de dommages et intérêts et en annulation de la résiliation du contrat liant les parties, lesquelles se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec la cassation prononcée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société GEF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GEF et la condamne à payer à la société Asian Villa la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Asian Villa

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré la demande de requalification du contrat en bail commercial prescrite ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « La demande d'ASIAN VILLA tendant à voir confirmer la qualification de bail commercial du contrat de prestation de service la liant aux GRANDES ETAPES FRANCAISES s'analyse comme une demande de requalification du contrat en bail commercial. Il est admis que l'action tendant à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale du statut des baux commerciaux de l'article L. 145-60 du code de commerce et que le délai de prescription court à compter de la date de la conclusion du contrat -nonobstant son renouvellement-, ce jour étant celui où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action, au sens de l'article 2224 du code civil. Le contrat liant les parties a été conclu le 18 septembre 2007, renouvelé le 1er août 2013, et l'action engagée par assignation du 10 février 2017 se heurte à la prescription, le délai pour agir ayant expiré le 18 septembre 2009, dans les deux ans du contrat initial. La cour, confirmant le jugement déféré, déclarera la demande irrecevable. » ;

ALORS QUE, si le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande de requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, la fraude suspend le délai de la prescription pendant la durée du contrat ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si en refusant de conclure un contrat de bail commercial et en signant un contrat faussement intitulé "Contrat de prestations de services" quand la société ASIAN VILLA disposait d'un véritable local stable, d'une clientèle personnelle et d'une autonomie de gestion, la société GRANDES ETAPES FRANCAISES n'avait pas pour but exclusif de contourner le statut des baux commerciaux, de sorte que la fraude avait suspendu la prescription biennale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-60 du code de commerce, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL ASIAN VILLA ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « ASIAN VILLA allègue des préjudices résultant pour son entreprise du refus de requalification du contrat de prestation de services du 18 septembre 2007 en bail commercial. Eu égard à l'irrecevabilité de la demande d'ASIAN VILLA tendant à la requalification du contrat de prestation de services en bail commercial, la cour rejettera la demande de dommages et intérêts fondée sur les préjudices résultant du refus de requalification par LES GRANDES ETAPES FRANCAISES, ajoutant de ce chef au jugement déféré » ;

ALORS QUE, la cassation à intervenir s'agissant de l'irrecevabilité de la demande de requalification du contrat en bail commercial ne pourra manquer d'entraîner par voie de conséquence, et en application de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation du chef ayant rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL ASIAN VILLA.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande d'annulation de la résiliation du contrat de prestation de service prononcée par LES GRANDES ETAPES FRANCAISES par lettre du 26 décembre 2018 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « ASIAN VILLA poursuit l'annulation de la résiliation du contrat de prestation de service prononcée par LES GRANDES ETAPES FRANCAISES par lettre du 26 décembre 2018 à effet au 31 juillet 2019, pour n'avoir pas respecté le formalisme de l'article L. 145-9 du code de commerce régissant le congé emportant cessation du bail commercial. Ainsi qu'il a été précédemment exposé, la demande de requalification du contrat de prestation de service en bail commercial est irrecevable. En conséquence, la résiliation n'est pas soumise au statut des baux commerciaux. Ajoutant au jugement déféré, la cour rejettera cette demande » ;

ALORS QUE, la cassation à intervenir s'agissant de l'irrecevabilité de la demande de requalification du contrat en bail commercial ne pourra manquer d'entraîner par voie de conséquence, et en application de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation du chef ayant rejeté la demande d'annulation de la résiliation du contrat de prestation de service.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-10812
Date de la décision : 23/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 23 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 sep. 2021, pourvoi n°20-10812


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10812
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