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22/09/2021 | FRANCE | N°20-13572

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2021, 20-13572


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1015 F-D

Pourvoi n° R 20-13.572

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [Z] [F], domicilié [Adresse 2], a form

é le pourvoi n° R 20-13.572 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1015 F-D

Pourvoi n° R 20-13.572

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [Z] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-13.572 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand-Est, Groupama Grand-Est, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand-Est, Groupama Grand-Est, après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme. Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 novembre 2019), M. [F] été engagé le 27 mai 1977 par la société d'assurance moderne des agriculteurs, en qualité de prospecteur puis, à compter du 1er juillet 1977, de contrôleur itinérant. Son contrat de travail a été transféré en 1985 à la société Groupama Alsace-Moselle, aux droits de laquelle vient la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (CRAMA) du Grand-Est Groupama Grand-Est, au sein de laquelle il a été affecté au siège, au poste de rédacteur-production-tarificateur. En 1995, il a été promu au poste de secrétaire commercial après l'obtention d'un diplôme interne et a ainsi été réintégré dans le réseau commercial. En 1998, cette fonction a été intitulée « conseiller commercial ». En 2004, le salarié a été affecté à l'agence de [Localité 2]-centre où il a exercé les mêmes fonctions. Il percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute fixe de 2 895,97 euros, outre une rémunération variable sous forme d'une avance de 20 % payée sur onze mois avec régularisation du solde en début d'année. La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des sociétés d'assurance. Le 26 octobre 2012, le salarié a été placé en arrêt maladie, qui a été prolongé de façon ininterrompue. Il a été soumis à une première visite de reprise le 2 janvier 2013, au terme de laquelle le médecin du travail l'a déclaré temporairement inapte à son poste de conseiller commercial, et à une deuxième visite de reprise le 18 janvier 2013, au terme de laquelle le médecin du travail l'a déclaré inapte définitif à son poste. Il a été licencié le 21 février 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

2. Le 4 juillet 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, contestant son licenciement au motif que l'inaptitude était imputable à l'employeur et que celui-ci avait manqué à son obligation de reclassement et sollicitant diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites ses demandes en paiement de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier du fait de la discrimination, de dommages-intérêts pour préjudice fiscal et de dommages-intérêts au titre du préjudice subi en termes de droits à la retraite, alors :

« 1°/ qu'en application des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que la révélation de la discrimination ne se résout pas dans la simple connaissance par le salarié d'éléments laissant présager l'existence d'une discrimination ; que la révélation d'une discrimination s'entend à la fois de la connaissance par le salarié d'une suspicion de discrimination et de la mise en possession du salarié d'éléments de comparaison nécessaires à l'établissement de la différence de traitement et à la mesure de l'étendue de ses droits ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite la demande du salarié au titre de la discrimination et de l'inégalité de traitement, la cour d'appel, interprétant un courriel du 3 décembre 2008, a considéré que le salarié relatait l'inégalité de traitement de manière dépourvue de toute ambiguïté et qu'il avait une parfaite connaissance des éléments dont il déduit l'inégalité dont il se plaint ; que pourtant, ainsi qu'il le faisait valoir dans ses écritures, ce n'est qu'en 2012, voire à l'occasion de son licenciement, que le salarié a pris pleine conscience de l'existence d'une discrimination au sens juridique du terme, le salarié s'étant en tout état de cause senti lésé tout au long de sa carrière ; qu'au surplus, le salarié n'a jamais bénéficié des éléments de comparaison nécessaires à l'établissement de ses allégations puisqu'il a formulé une demande de communication de pièces à l'occasion de la présente procédure, demande rejetée à la fois par l'employeur et par la cour d'appel ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une révélation au sens de l'article L. 1134-5 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-5 du code du travail dans sa version alors en vigueur ;

2°/ qu'en application des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que la seule connaissance par le salarié d'éléments laissant présager l'existence d'une discrimination est insuffisante à caractériser le point de départ du délai de prescription prévu par l'article précité ; qu'en se fondant, pour établir le point de départ du délai de prescription prévu par l'article L. 1134-5 du code du travail, sur le jour de la connaissance par le salarié des éléments dont il déduisait une inégalité de traitement, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-5 du code du travail dans sa version alors en vigueur. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

5. D'abord, l'arrêt, qui relève que le salarié a été destinataire par erreur du bulletin de paie d'une collègue de travail portant le même patronyme que lui, le 3 décembre 2008, et a, à cette date, adressé à son employeur un courriel relatant l'inégalité de traitement invoquée de manière dépourvue de toute ambiguïté, a pu en déduire qu'il avait alors connaissance des éléments lui permettant d'exercer son action.

6. Ensuite, ayant constaté que le salarié n'avait saisi le conseil de prud'hommes que le 4 juillet 2014, soit après le délai imparti qui expirait le 3 décembre 2013, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action du salarié était prescrite.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de dommages- intérêts pour préjudice moral, fiscal et en termes de droit à la retraite fondées sur l'existence d'une discrimination, alors « que pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires fondées sur l'existence une discrimination fondée sur l'âge, la cour d'appel a considéré que « ces demandes sont également prescrites au vu de ce qui précède » ; que le premier moyen a permis de montrer que la cour d'appel avait manqué à son office en limitant son contrôle à la simple connaissance par le salarié d'une suspicion de discrimination, sans aucunement caractériser la date de révélation de la discrimination ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure des chefs de l'arrêt ayant refusé de faire droit aux demandes de réparation du préjudice moral, fiscal et en termes de droit à la retraite du salarié liées à l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge. »

Réponse de la Cour

9. Le rejet du premier moyen rend sans objet le deuxième qui tend à une cassation par voie de conséquence.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de le débouter de l'ensemble des demandes indemnitaires afférentes, alors :

« 1°/ sur la demande de production de pièces, qu'en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, dans leur rédaction alors en vigueur, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, le salarié demandait à la cour d'enjoindre à l'employeur de communiquer le montant des salaires perçus par quatre autres salariés, collègues de travail de l'exposant, au besoin par anonymisation des bulletins ; que cette demande de communication reposait sur un motif légitime constitué par l'impossibilité dans laquelle se trouvait le salarié de mesurer l'étendue de son préjudice et donc chiffrer ses demandes ; que pour rejeter la demande du salarié en communication des pièces, la cour d'appel a affirmé qu'elle n'avait pas à suppléer le salarié dans sa carence de la part qui lui revient dans la preuve d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'en statuant ainsi, sans examiner aucunement la légitimité du motif qui rendait nécessaire la demande de communication formulée par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

2°/ qu'en affirmant qu'elle n'avait pas à suppléer le salarié dans sa carence de la part qui lui revient dans la preuve d'une discrimination directe ou indirecte, la cour d'appel, qui a en réalité fait peser la charge de la preuve exclusivement sur le salarié, a violé l'article L. 1134-1 du code du travail ;

3°/ sur la cause de l'inaptitude, que l'employeur ne peut se prévaloir d'une inaptitude professionnelle ou non dès lors qu'il est lui-même responsable de la situation dans laquelle se trouve le salarié ; qu'en l'espèce, au soutien de la contestation de son licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à une inaptitude définitive à son emploi, le salarié faisait valoir que son inaptitude avait trouvé sa cause, non seulement dans la discrimination subie par lui, mais également dans la dégradation de ses conditions de travail ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement du salarié (était) fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que la preuve d'une discrimination directe ou indirecte à raison de l'âge ou de l'égalité de traitement n'était pas établie ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la cause de l'inaptitude du salarié n'avait pas résulté de la dégradation prolongée de ses conditions de travail, donc de la faute de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

4°/ sur le reclassement, que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que c'est à l'employeur qu'il appartient de démontrer qu'il a exécuté son obligation de reclassement de manière loyale et complète en proposant au salarié l'ensemble des postes disponibles au reclassement ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a affirmé que l'employeur avait sollicité les différentes sociétés du groupe auquel il appartenait et que les réponses étaient en « majorité » négative ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que l'employeur avait recherché toutes les solutions possibles pour reclasser le salarié et surtout, qu'il avait présenté au salarié l'ensemble des solutions possibles au reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

5°/ que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur avait rempli son obligation de reclassement, la cour d'appel a considéré que l'avis non équivoque du médecin du travail avait exclu toute possibilité le salarié dans une société du groupe ; qu'il ressortait pourtant des pièces produites par l'employeur que la médecine du travail avait constaté l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise, mais en rien au niveau des sociétés du groupe ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

6°/ que l'avis du médecin du travail qui constate l'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise ou des sociétés du groupe auxquels appartient l'entreprise ; qu'en considérant, pour dire que l'employeur avait rempli son obligation de reclassement, que l'avis non équivoque du médecin du travail avait exclu toute possibilité (d'intégrer) le salarié dans une société du groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour

11. D'abord, la cour d'appel, appréciant l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, après avoir souverainement estimé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la communication de pièces complémentaires, a déduit de ses énonciations et constatations que les éléments présentés par le salarié, qu'elle a examinés, faisaient présumer l'existence d'une discrimination et a estimé, après avoir constaté l'échec du salarié en 1998 au concours interne pour le poste d'adjoint au chef des ventes et le fait qu'en 2012 le salarié était parmi les cinq conseillers commerciaux sur 330 les mieux rémunérés, que l'employeur apportait la preuve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

12. Ensuite, ayant constaté les différentes actions mises en place par l'employeur en ce qui concerne la santé et la sécurité des salariés et le faible nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles, la cour d'appel a estimé que l'inaptitude du salarié n'avait pas son origine dans une dégradation des conditions de travail, justifiant ainsi légalement sa décision au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail.

13. Enfin, la cour d'appel a, sans dénaturation, fait ressortir l'impossibilité de reclasser le salarié au sein tant de l'entreprise que du groupe, y compris par la mise en oeuvre de mutations ou transformations de poste, au regard notamment des préconisations du médecin du travail.

14. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrites les demandes du salarié en paiement de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier du fait de la discrimination, de dommages-intérêts pour préjudice fiscal, et de dommages-intérêts au titre du préjudice subi en termes de droits à la retraite, et de l'AVOIR débouté de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur la demande de rappel de salaire au titre de la période du 1er janvier 1996 au 21 février 2013, pour discrimination liée à l'âge et au nom de l'égalité de traitement, et de rappel au titre des indemnités de rupture : Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail," aucune personne(...) ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de (...) rémunération,(...), classification, promotion professionnelle (...), en raison(...) de(...) ses activité s syndicales ou mutualistes ...". En l'espèce, M. [F] prétend avoir été victime d'une situation de discrimination et d'une rupture de l'égalité de traitement, au motif qu'il n'a bénéficié d'aucune évolution de carrière, et que sa rémunération a peu évolué. Il fait valoir en ce sens qu'il a demandé à cinq reprises en vain un changement de poste, soit en 1998 un poste d'adjoint au chef des ventes, en 2005 un poste de conseiller commercial à [Localité 1], en 2008 un poste d'animateur d'agence, en 2009 un poste d'inspecteur de règlement, et en 2011 un poste au sein de l'agence du siège de Groupama Grand Est. Il compare sa rémunération à celles de deux collègues de travail, Mme [Y] [R], entrée en fonction en 2000, et Mme [M] entrée en fonction en 1995, et en déduit qu'il n'y a pas beaucoup de différence, bien qu'il ait une ancienneté de plusieurs années de plus que celle-ci. Il réclame donc un rappel de salaire, qui résulterait de la discrimination invoquée, en mettant en compte une rémunération fixe mensuelle de 500 euros et une rémunération annuelle variable de 19.611,25 euros, et ce au titre de la période du 1er janvier 1996 au 21 février 2013 (17 ans et 54 jours). Il réclame également un rappel sur les indemnités de rupture qu'il estime devoir être recalculées sur la base de son salaire mensuel reconstitué. Il convient tout d'abord de statuer sur la fin de non-recevoir tiré e de la prescription soulevée par l'employeur. Aux termes de l'article L. 1134-5 du code du travail," l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée". L'organisme Groupama Grand Est considère que M. [F] situe le début des faits à 1995, qu'il évoque en 2005 un recrutement sur un poste qu'il briguait, et qu'en 2008 il a réceptionné par erreur le bulletin de paie d'une collègue ayant le même patronyme. L'employeur fait valoir que ces dates correspondent aux éléments dont l'appelant se prévaut, et que sa demande de rappel de salaire, liée à la discrimination, est donc prescrite. Au soutien de l'absence de prescription de sa demande, M. [F] fait valoir que ces dates ne correspondent pas à des révélations d'une situation de discrimination par des éléments objectifs et vérifiables. Toutefois, s'agissant de discrimination, le dé lai de 5 ans ayant commencé courir dès la connaissance par l'intéressé de l'inégalité dont il se plaint, soit au plus tard le 3 décembre 2008, comme relevé par l'employeur. En effet, M. [F] a été destinataire par erreur du bulletin de paie de sa collègue de travail, Mme [T] [F] qui porte le même patronyme que lui, et à cette date du 3 décembre 2008, il a adressé à son employeur un courriel rédigé dans les termes suivants, et relatant l'inégalité de traitement invoquée de manière dépourvue de toute ambiguïté : " J'ai bien reçu par erreur le bulletin de paie d'une collègue. Permettez-moi d'être étonné quant à la différence de traitement en ma défaveur entre mon salaire et celui de ma collègue soit 260 euros. Cette différence représente presque la moitié de mon objectif. Par rapport à ma collègue du service administratif je génère une plus-value importante et j'ai beaucoup plus d'ancienneté, de plus je suis médaillé en 2008. Après 30 ans de bons et loyaux services je constate chirurgicalement que je suis défavorisé et dévalorisé. J'ai obtenu il y a quelques années péniblement après une situation conflictuelle une augmentation de 4 %. J'ai revendiqué avec force une chose promise par la hiérarchie. J'ai obtenu de plus une augmentation suite à trois années d'atteinte d'objectif. J'ai obtenu une augmentation de 4 % suite à la grève. Malgré ces augmentations je me retrouve lésé, discrédité et me sent persécuté. J'ai par ailleurs postulé plusieurs fois à différents postes sans succès. Pour moi la dernière était dramatique puisque les conditions étaient faussées dès le départ ... Je sollicite donc un rendez-vous auprès de mon DRH, pour que ma situation soit reconsidérée favorablement". Or, force est de constater M. [F], qui avait ainsi une connaissance parfaite des éléments dont il déduit l'inégalité de traitement dont il se plaint, n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 4 juillet 2014, soit après de le délai imparti qui expirait le 3 décembre 2013, de sorte que la demande de ce chef est prescrite. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point » ;

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE, aux termes du jugement attaqué, « Monsieur [F] invoque la discrimination comme étant à l'origine de sa maladie et de son licenciement. Cette discrimination est évoquée formellement en 2005 et puis au 3 décembre 2008 par Monsieur [F]. Attendu que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 fixe le délai pour agir en justice à 5 ans à compter de la révélation de la discrimination. D'après cette loi, la saisine du Conseil de Prud'hommes aurait dû se faire au plus tard le 3 décembre 2013. Le Conseil juge qu'il n'y a pas lieu d'attribuer à la société GROUPAMA Grand Est le bénéfice de l'article 700 du CPC. ».

ALORS, en premier lieu, QU'en application des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que la révélation de la discrimination ne se résout pas dans la simple connaissance par le salarié d'éléments laissant présager l'existence d'une discrimination ; que la révélation d'une discrimination s'entend à la fois de la connaissance par le salarié d'une suspicion de discrimination et de la mise en possession du salarié d'éléments de comparaison nécessaires à l'établissement de la différence de traitement et à la mesure de l'étendue de ses droits ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite la demande du salarié au titre de la discrimination et de l'inégalité de traitement, la cour d'appel, interprétant un courriel du 3 décembre 2008, a considéré que le salarié relatait l'inégalité de traitement de manière dépourvue de toute ambiguïté et qu'il avait une parfaite connaissance des éléments dont il déduit l'inégalité dont il se plaint ; que pourtant, ainsi qu'il le faisait valoir dans ses écritures (p. 6 et s.), ce n'est qu'en 2012, voire à l'occasion de son licenciement, que le salarié a pris pleine conscience de l'existence d'une discrimination au sens juridique du terme, le salarié s'étant en tout état de cause senti lésé tout au long de sa carrière (Production 5 – courrier du 20 avril 2005 ; Production 6 – courriel du 3 décembre 2008 ; Production 7 – courrier du 12 octobre 2012) ; qu'au surplus, le salarié n'a jamais bénéficié des éléments de comparaison nécessaires à l'établissement de ses allégations puisqu'il a formulé une demande de communication de pièces à l'occasion de la présente procédure, demande rejetée à la fois par l'employeur et par la cour d'appel (arrêt p. 8 § 1) ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une révélation au sens de l'article L. 1134-5 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-5 du code du travail dans sa version alors en vigueur ;

ALORS, en second lieu, QU'en application des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que la seule connaissance par le salarié d'éléments laissant présager l'existence d'une discrimination est insuffisante à caractériser le point de départ du délai de prescription prévu par l'article précité ; qu'en se fondant, pour établir le point de départ du délai de prescription prévu par l'article L. 1134-5 du code du travail, sur le jour de la connaissance par le salarié des éléments dont il déduisait une inégalité de traitement, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-5 du code du travail dans sa version alors en vigueur.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral, fiscal et en termes de droit à la retraite fondés sur l'existence d'une discrimination ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « M. [F] sollicite une somme de de 50.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral et financier du fait de la discrimination, une somme de 145.307 euros à titre de dommages-intérêts en cas d'allocation des salaires avec effet rétroactif au 1er janvier 1996 pour le préjudice fiscal, en cas d'allocation d'un rappel de salaires au titre de la perte subie, ainsi qu'une somme de 88.803,90 euros au titre du préjudice subi en termes de droits à la retraite, en cas d'allocation de dommages-intérêts pour la perte de rémunération. Toutefois, ces demandes sont également prescrites au vu de ce qui précède » ;

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE, aux termes du jugement attaqué, précités au premier moyen.

ALORS QUE pour débouter la salariée de ses demandes indemnitaires fondées sur l'existence une discrimination fondée sur l'âge, la cour d'appel a considéré que « ces demandes sont également prescrites au vu de ce qui précède » ; que le premier moyen a permis de montrer que la cour d'appel avait manqué à son office en limitant son contrôle à la simple connaissance par le salarié d'une suspicion de discrimination, sans aucunement caractériser la date de révélation de la discrimination ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entrainera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure des chefs de l'arrêt ayant refusé de faire droit aux demandes de réparation du préjudice moral, fiscal et en termes de droit à la retraite du salarié liées à l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [F] reposait sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, débouté le salarié de l'ensemble des demandes indemnitaires afférentes ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur le licenciement. 2. Sur la discrimination : Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail,"aucune personne (...) ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de (...) rémunération (...), classification, promotion professionnelle (...), en raison (...) de son âge ...". L'article L. 1134-1 dispose qu'en cas de survenance d'un litige au sujet d'une discrimination invoquée par un salarié, celui-ci doit seulement présenter "des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte...", l'employeur devant, au vu de ces éléments, "prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination...". En l'espèce, et d'une part, M. [F] demande à la cour d'enjoindre à l'employeur de communiquer le montant des salaires perçus par quatre de ses collègues de travail, et de manière générale de tous les conseillers travaillant à l'agence du siège de [Localité 2]. Cependant, la cour n'a pas à suppléer à sa carence dans la part qui lui revient dans la preuve d'une discrimination directe ou indirecte en ordonnant à l'employeur de produire des pièces de salariés, dont il ne justifie même pas qu'ils occupaient les mêmes fonctions, et dans les mêms conditions, que lui. Il y a donc lieu de rejeter la demande de M. [F] en communication de pièces d'autre part, à 1'appui de sa demande, M. [F] fait valoir : - qu'il a été victime en termes d'évolution de carrière, en précisant qu'il a postulé en 1998 au poste d'adjoint au chef des ventes, et a été évincé sur la base d'un entretien oral, qu'il a postulé en 2005 à l'ouverture de l'agence de [Localité 1] comme conseiller commercial, et rien ne justifie que ce poste ne lui ait pas été attribué, qu'il a postulé en 2008 au poste d'animateur d'agence région nord, et les éléments avancés par l'employeur pour justifier le rejet de sa candidature ne sont pas pertinents, qu'il a postulé en 2009 au poste d'inspecteur règlement, et qu'il a postulé en 2011 à un poste de conseiller commercial au siège Groupama Grand Est, et rien ne justifie la non attribution de ce poste ; - qu'il a é té victime quant au montant de sa rémunération fixe, en précisant que toutes ses augmentations présentent un caractère obligatoire, qu'il n'a bénéficié d'une augmentation promotionnelle qu'en 2006, et qu'il n'a pas eu d'entretien individuel de 2008 à 2013 ; - que sa collègue, Mme [Y] [R], entrée en fonction en 2000, percevait en 2011 un salaire de 2.196,21 euros outre une prime d'expérience de 167,68 euros, contre un salaire pour lui de 2.863,43 euros dont à retirer le montant de la prime variable soit un salaire de 2.674 euros, d'où un écart de seulement 300 euros, alors qu'il a une ancienneté de 23 ans de plus qu'elle ; - que sa collègue, Mme [M], entrée en fonction en 1995, percevait en 2013 un salaire de 2.505,88 euros outre une prime d'expérience de 200 euros brut, contre 2.895,74 euros pour lui dont à retirer le montant de la prime variable soit un salaire de 2.706 euros, d'où le constat de rémunérations identiques, bien qu'il ait 18 ans d'ancienneté de plus qu'elle ; - que tous les commerciaux ont les mêmes objectifs quelle que soit l'agence, sans prise en compte du potentiel géographique, alors qu'il a perçu en 2011 une rémunération variable trois fois moins élevé e que Mme [Y] (6,897 euros contre 17.784 euros) ; - que ses conditions de travail sont à l'origine de son inaptitude avec des coups de fil incessants réceptionnés par son agence et destinés en fait au siège, des conditions de travail difficiles au regard de ce que l'agence est située dans un quartier sensible, et des menaces subies de la part de clients de ce quartier ; - qu'il a adressé des courriers adressé s à partir de septembre 2011 à l'inspection du travail pour dénoncer ses conditions de travail ; - que le point de non-retour est un courrier remis en main propre le 12 octobre 2012 suite à un entretien le 5 octobre 2012 avec son supérieur hiérarchique, M. [B], et avec la directrice des ressources humaines, Mme [N], sur sa rémunération, au terme duquel il lui a été indiqué qu'il est l'un des mieux payés, ce courrier ayant entraîné un choc émotionnel ; - qu'il existe une problématique générale de souffrance au travail, caractérisée par la situation d'un collègue de travail, M. [C], dont le malaise intervenu à son domicile a été reconnu comme accident du travail, par les procès-verbaux de réunion de CHSCT, par le suicide de Mme [G], directrice des ressources humaines, ainsi que par la désinvolture avec laquelle l'employeur gère les problématiques de souffrance au travail. Ces éléments font présumer l'existence d'une discrimination à raison de l'égalité de traitement. Cependant, l'employeur renverse cette présomption en retraçant le parcours professionnel de M. [F] et en apportant la preuve que l'absence d'évolution de carrière souhaitée du salarié est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, à savoir son échec en 1998 au concours interne ouvert pour pourvoir le poste d'adjoint au chef des ventes. L'organisme Groupama Grand Est reprend chacune des candidatures posées par le salarié et dresse un tableau détaillé pour expliquer que ses refus étaient légitimes dans la mesure où ils étaient liés notamment aux insuffisances des qualités managériales de M. [F], même si ses qualités indéniables de commercial lui étaient reconnues. Par rapport à la remise le 12 octobre 2012 d'un courrier relatif au niveau de rémunération, et qui aurait constitué un "point de non retour" selon M. [F], l'employeur justifie de ce que ce dernier a établi une déclaration d'accident du travail en février 2014 qui a été rejetée par la caisse primaire d'assurance maladie, puis par la jurdiction de sécurité sociale. L'organisme Groupama Grand Est justifie de ce que le salaire de M. [F] a toujours été supérieur au minimum conventionnel, que celui-ci a pu bénéficier en 2012 de l'une des cinq rémunérations les plus élevées de l'ensemble des 330 conseillers commerciaux, et qu'en 2008 et 2009, il était dans le trio de tête des commerciaux ayant reçu les parts variables les plus importantes du groupe d'agences. De plus, l'employeur recense les différents modes d'action mis en place dans le cadre d'une politique santé et sécurité, et évoque le faible chiffre d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Par rapport au salarié M. [C], dont M. [F] produit les conclusions dé posé es le 4 septembre 2015 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'organisme Groupama Grand Est justifie de ce que la demande de celui-ci en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur a été rejetée. L'employeur justifie également de ce qu'à la suite de l'enquête diligentée par le CHSCT et par l'inspecteur du travail, aucun lien n'a été établi entre les conditions de travail et le suicide de Mme [G], lequel s'est produit â l'extérieur de l'entreprise et en dehors des horaires de travail de celle-ci. Au vu de ce qui précède, la preuve d'une discrimination directe ou indirecte à raison de l'âge ou de l'égalité de traitement n'est pas apportée. 3. Sur l'obligation de reclassement : En cas d'inaptitude non consécutive à une maladie ou un accident non professionnel comme c'est le cas en l'espèce, l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose que l'employeur est tenu de lui proposer" un autre emploi approprié à ses capacités". Les alinéas 2 et 3 de cet article précisent : "Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail". L'employeur doit rechercher le reclassement du salarié non seulement dans l'entreprise elle-même mais également, le cas échéant, dans le groupe auquel elle appartient dans les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation autorisent la permutation de tout ou partie du personnel. En l'espèce, l'organisme Groupama Grand Est justifie des différents courriels adressés aux différentes sociétés du groupe auquel il appartient pour rechercher une solution de reclassement de M. [F], ainsi que les réponses, en majorité négatives, de celles-ci. Il justifie également de ce qu'il a sollicité l'avis du médecin concernant une proposition de reclassement à des postes de conseiller développement au sein de l'organisme Amaline Assurances, ainsi que de la réponse de celui-ci, rédigée dans les termes suivants : "M. [F] a été admis en inaptitude définitive à son poste et à tout poste dans l'entreprise le 18 janvier 2013 en raison de son état de santé. Par conséquent, le poste que vous proposez ne peut lui convenir". Ainsi, il résulte de l'ensemble des recherché effectué es que l'organisme Groupama Grand Est a satifait à son obligation de reclassement, rendu impossible au sein des sociétés du groupe au regard de l'état de santé de M. [F] et surtout de l'avis non équivoque du médecin du travail qui exclut toute possibilité d'intégrer une société du groupe. En conséquence, le licenciement de M. [F] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, et il y a lieu de rejeter la demande de M. [F] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif » ;

ALORS, en premier lieu sur la demande de production de pièces, QU'en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, dans leur rédaction alors en vigueur, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, le salarié demandait à la cour d'enjoindre à l'employeur de communiquer le montant des salaires perçus par quatre autres salariés, collègues de travail de l'exposant, au besoin par anonymisation des bulletins ; que cette demande de communication reposait sur un motif légitime constitué par l'impossibilité dans laquelle se trouvait le salarié de mesurer l'étendue de son préjudice et donc chiffrer ses demandes (écritures du salarié, p. 12) ; que pour rejeter la demande du salarié en communication des pièces, la cour d'appel a affirmé qu'elle n'avait pas à suppléer le salarié dans sa carence de la part qui lui revient dans la preuve d'une discrimination directe ou indirecte (arrêt p. 8 § 1) ; qu'en statuant ainsi, sans examiner aucunement la légitimité du motif qui rendait nécessaire la demande de communication formulée par le salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

ALORS en deuxième lieu QU'en affirmant qu'elle n'avait pas à suppléer le salarié dans sa carence de la part qui lui revient dans la preuve d'une discrimination directe ou indirecte, la cour d'appel, qui a en réalité fait peser la charge de la preuve exclusivement sur le salarié, a violé l'article L. 1134-1 du code du travail ;

ALORS en troisième lieu, sur la cause de l'inaptitude, QUE l'employeur ne peut se prévaloir d'une inaptitude professionnelle ou non dès lors qu'il est lui-même responsable de la situation dans laquelle se trouve le salarié ; qu'en l'espèce, au soutien de la contestation de son licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à une inaptitude définitive à son emploi, le salarié faisait valoir que son inaptitude avait trouvé sa cause, non seulement dans la discrimination subie par lui, mais également dans la dégradation de ses conditions de travail (écritures d'appel p. 39 et s.) ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que la preuve d'une discrimination directe ou indirecte à raison de l'âge ou de l'égalité de traitement n'était pas établie ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la cause de l'inaptitude du salarié n'avait pas résulté de la dégradation prolongée de ses conditions de travail, donc de la faute de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

ALORS en quatrième lieu, sur le reclassement, QUE lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que c'est à l'employeur qu'il appartient de démontrer qu'il a exécuté son obligation de reclassement de manière loyale et complète en proposant au salarié l'ensemble des postes disponibles au reclassement ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a affirmé que l'employeur avait sollicité les différentes sociétés du groupe auquel il appartenait et que les réponses étaient en « majorité » négatives ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que l'employeur avait recherché toutes les solutions possibles pour reclasser le salarié et surtout, qu'il avait présenté au salarié l'ensemble des solutions possibles au reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

ALORS, en cinquième lieu, QUE, les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur avait rempli son obligation de reclassement, la cour d'appel a considéré que l'avis non équivoque du médecin du travail avait exclu toute possibilité le salarié dans une société du groupe (arrêt p. 10 § 8) ; qu'il ressortait pourtant des pièces produites par l'employeur (Production n°8 – courriel du 24 janvier 2013) que la médecine du travail avait constaté l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise, mais en rien au niveau des sociétés du groupe ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS en sixième lieu QUE l'avis du médecin du travail qui constate l'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise ou des sociétés du groupe auxquels appartient l'entreprise ; qu'en considérant, pour dire que l'employeur avait rempli son obligation de reclassement, que l'avis non équivoque du médecin du travail avait exclu toute possibilité le salarié dans une société du groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-13572
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 28 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2021, pourvoi n°20-13572


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.13572
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