LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 septembre 2021
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1037 F-B
Pourvois n°
19-23.390
et 19-23.398
à 19-23.400 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021
1°/ M. [E] [H], domicilié [Adresse 3],
2°/ Mme [S] [Z] [X], veuve [P], domiciliée [Adresse 6], venant aux droits de [K] [P], décédé,
3°/ M. [W] [Q], domicilié [Adresse 4],
4°/ M. [R] [D], domicilié [Adresse 5],
ont formé respectivement les pourvois n° 19-23.390, 19-23.398, 19-23.399 et 19-23.400 contre quatre arrêts rendus le 8 août 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre sociale), dans les litiges les opposant :
1°/ à la commune de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 1] (uniquement pourvoi n° 19-23.399),
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [H], [D], [Q] et Mme [X], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la commune de [Localité 1], après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-23.390, 19-23.398, 19-23.399 et 19-23.400 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à M. [Q] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.
Faits et procédure
3. Selon les arrêts attaqués (Papeete, 8 août 2019), M. [H], agent de police municipale, Mme [X] veuve [P], en qualité d'ayant droit de [K] [P], ancien agent de police municipale, M. [Q], agent de police municipale, et M. [D], agent de sécurité, ont été engagés par la commune de [Localité 1], respectivement le 24 décembre 2001, le 1er avril 1979, le 4 mai 1986 et le 1er février 2004.
4. Le 5 février 2018, ils ont saisi le tribunal du travail de Papeete de demandes de reclassement en application de la convention collective des agents non fonctionnaires de l'administration et de condamnation de la commune de [Localité 1] au paiement de rappels de salaires pour respectivement des périodes de janvier 2013 au 31 décembre 2017, de janvier 2012 au 31 mars 2014, de janvier 2013 au 31 décembre 2017 et de janvier 2013 au 31 décembre 2017.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [H], Mme [X], agissant en qualité d'ayant droit de [K] [P], MM. [Q] et [D] font grief aux arrêts de déclarer le tribunal du travail incompétent pour connaître de la requête en reclassement et en paiement consécutif de rappel de salaires des quatre agents demandeurs, alors « que selon les articles Lp 1411-1 et Lp 1411-3 du code du travail de Polynésie française, les différents individuels du travail entre salariés et employeurs sont soumis au tribunal du travail ; qu'aux termes de l'article Lp 1111-2 du même code : "Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci ne s'applique pas aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant d'un statut de droit public (...)" ; qu'il en résulte que les dispositions du code du travail local sont applicables à tous les agents non fonctionnaires des collectivités publiques, qu'ils soient employés dans les conditions du droit privé ou soumis à un régime de droit public, à la seule exception des agents "relevant d'un statut de droit public" ; que l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratif, en son article 73, répute titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public les agents occupant un emploi permanent à la date de son entrée en vigueur remplissant les conditions d'activité et d'ancienneté dans l'emploi, précise en son article 74 leur "vocation à être intégrés sur leur demande, dans les cadres d'emplois de fonctionnaires régis par le présent statut général" s'ils remplissent, en outre, les conditions de l'article 4 et, en son article 75, prévoit pour chaque agent une faculté d'option en vue de son intégration dans le cadre d'emploi correspondant à ses compétences, et qu' "à l'expiration du délai d'option, les agents qui n'ont pas été intégrés continuent à être employés dans les conditions prévues par le contrat de droit public dont ils bénéficient" ; qu'il résulte de ces dispositions que les agents non titulaires n'ayant pas intégré les cadres d'emploi de fonctionnaires, s'ils sont des agents de droit public, ne relèvent pas d'un statut de droit public au sens de l'article Lp 1111-2 du code du travail local, de sorte que ce code leur est applicable et que les litiges les opposant à leur employeur relèvent de la compétence du tribunal du travail ; que tel était le cas des demandeurs ; qu'en déclarant cependant le tribunal du travail incompétent pour connaître d'un litige portant sur une période pendant laquelle le requérant bénéficie d'un contrat de droit public", la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, ratifiée par l'article 20 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007, la présente ordonnance s'applique aux personnes qui ont été nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative des communes, des groupements de communes et des établissements publics à caractère administratif relevant des communes de la Polynésie française.
7. Aux termes de l'article 73 de la même ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011, les agents qui occupent un emploi permanent des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 1er sont réputés titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public s'ils remplissent les conditions énoncées ci-après à la date de promulgation de la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011 actualisant l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs : a) Etre en fonction ou bénéficier d'un congé ; b) Avoir accompli des services continus d'une durée minimale d'un an dans un emploi permanent des collectivités ou des établissements mentionnés à l'article 1er au cours des trois années civiles précédentes ou être bénéficiaire d'un contrat d'une durée de plus de douze mois ou renouvelé par tacite reconduction pendant une durée totale supérieure à douze mois.
8. Selon l'article Lp 1111-2 du code du travail applicable en Polynésie Française, sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci ne s'applique pas aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant d'un statut de droit public.
9. Il en résulte que sous réserve qu'ils remplissent les conditions fixées par l'article 73 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, les agents recrutés par contrat par les communes de Polynésie française et qui étaient encore en fonction le 7 janvier 2005 sont réputés titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public et qu'ils doivent dès lors être regardés comme relevant, à compter de cette date, d'un statut de droit public. Par suite, ils n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du code du travail applicable en Polynésie française.
10. La cour d'appel, qui a retenu que les dispositions des articles 1er et 73 de l'ordonnance précitée du 4 janvier 2005 étaient applicables aux situations de MM. [H], [Q] et [D] et de [K] [P], en a exactement déduit que leur situation était exclusive de l'application du code du travail et relevait de la compétence du juge administratif.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. [H], Mme [X] venant aux droits de [K] [P], MM. [Q] et [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Pécaut-Rivolier, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [H], Mme [X] venant aux droits de [K] [P], MM. [Q] et [D], demandeurs aux pourvois n° 19-23.390, 19-23.398, 19-23.399 et 19-23.400
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR déclaré le tribunal du travail incompétent au profit du tribunal administratif de la Polynésie française pour connaître de la requête en reclassement et en paiement consécutif de rappel de salaires des quatre agents demandeurs ;
AUX MOTIFS QU'"initialement la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'Outre-mer, prévoyait dans son article 1er que "... Est considérée comme travailleur au sens de la présente loi, quels que soient son sexe et sa nationalité, toute personne qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l'autorité d'une autre personne, physique ou morale, publique ou privée. ... Les personnes nommées dans un emploi permanent d'un cadre d'une administration publique ne sont pas soumises aux dispositions de la présente loi.... " ;
Que l'article 1er de la loi 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail dispose que : "sauf dispositions contraires de la présente loi, elle ne s'applique pas aux personnes relevant d'un statut de droit public, y compris les fonctionnaires et les agents non titulaires relevant du statut de droit public adopté par délibération de l'assemblée de la Polynésie française" ;
Que ces dispositions ont été reprises dans le code du travail local en son article Lp. 1111-2, lors de la codification de la réglementation du travail en Polynésie française : "Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci ne s'applique pas aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant d'un statut de droit public, aux collaborateurs exerçant au sein des cabinets du Président de la Polynésie française, des membres du gouvernement de la Polynésie française et du président de l'assemblée de la Polynésie française et aux agents recrutés pour occuper un emploi fonctionnel. Il ne s'applique pas non plus aux collaborateurs des représentants à l'assemblée de la Polynésie française" ;
Que par la suite l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française, ainsi que de leurs établissements publics administratifs a créé une fonction publique communale en Polynésie française ;
Que l'article 73 de cette ordonnance dispose que : "les agents qui occupent un emploi permanent des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 1er sont réputés titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public s'ils remplissent les conditions énoncées ci-après à la date de promulgation de la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011, actualisant l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française, ainsi que de leurs établissements publics administratifs :
a) Être en fonction ou bénéficier d'un congé ;
b) Avoir accompli des services continus d'une durée minimale d'un an dans un emploi permanent des collectivités ou des établissements mentionnés à l'article 1er au cours des trois années civiles précédentes ou être bénéficiaire d'un contrat d'une durée de plus de douze mois ou renouvelé par tacite reconduction pendant une durée totale supérieure à douze mois" ;
Que l'article 75 de la même ordonnance précise que "dans un délai de six ans au plus à compter de la publication de chaque statut particulier, les organes délibérants des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 1er ouvrent, par délibération, les emplois correspondants.
Chaque agent dispose d'un droit d'option qu'il exerce dans un délai d'un an à compter de la réception de la proposition de classement qui lui est adressée par l'autorité de nomination. Cette proposition est transmise à l'agent dans le délai de trois mois à compter de l'ouverture par la collectivité ou l'établissement employeur de l'emploi ou des emplois correspondant au cadre d'emplois dans lequel l'agent a vocation à être intégré.
Jusqu'à l'expiration du délai d'option, les agents ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire.
A l'expiration du délai d'option, les agents qui n'ont pas été intégrés continuent à être employés dans les conditions prévues par le contrat de droit public dont ils bénéficient.
Leurs rémunérations font l'objet d'un réexamen périodique suivant des modalités définies par décret en Conseil d'Etat" ;
Qu'il résulte de ce texte que dès son entrée en vigueur, et y compris pendant la période ouverte à l'option d'intégration, les agents bénéficient d'un contrat de droit public ;
Que c'est donc par des motifs pertinents que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour connaître d'un litige portant sur une période pendant laquelle le requérant bénéficie d'un contrat de droit public ;
Que la circonstance que par décision du 12 mai 2015 le tribunal administratif s'est dit incompétent pour apprécier la légalité de la délibération du conseil municipal de la commune du 8 janvier 1986, qui a décidé de soumettre son personnel non fonctionnaire aux dispositions de la convention collective des ANFA concernant les congés et l'ancienneté et aux barèmes publiés par le service des finances et de la comptabilité est sans emport, celle-ci étant intervenue à une période où le personnel communal était soumis au droit du travail de sorte que la compétence pour apprécier la légalité de la délibération municipale en ce qu'elle ne comportait aucun élément de puissance publique ne relevait pas de la juridiction administrative ;
Que c'est vainement que l'appelant évoque différentes décisions ayant statué dans des contentieux concernant des agents de l'État, des agents de la Polynésie, des agents de l'assemblée de la Polynésie française ;
Que chacun de ces agents est soumis à un statut qui lui est propre, dont aucun ne s'applique aux agents des communes de Polynésie française ;
Que pour ceux-ci, les dispositions de l'ordonnance précitée du 4 janvier 2005 sont applicables ;
Que ce statut de droit public est dès lors exclusif de l'application du code du travail et de la compétence du juge judiciaire ;
Que l'ordonnance sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions (...)" ;
ALORS QUE selon les articles Lp 1411-1 et Lp 1411-3 du code du travail de Polynésie française, les différents individuels du travail entre salariés et employeurs sont soumis au tribunal du travail ; qu'aux termes de l'article Lp 1111-2 du même code : " Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci ne s'applique pas aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant d'un statut de droit public (...) " ; qu'il en résulte que les dispositions du code du travail local sont applicables à tous les agents non fonctionnaires des collectivités publiques, qu'ils soient employés dans les conditions du droit privé ou soumis à un régime de droit public, à la seule exception des agents "relevant d'un statut de droit public" ; que l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratif, en son article 73, répute titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public les agents occupant un emploi permanent à la date de son entrée en vigueur remplissant les conditions d'activité et d'ancienneté dans l'emploi, précise en son article 74 leur "vocation à être intégrés sur leur demande, dans les cadres d'emplois de fonctionnaires régis par le présent statut général" s'ils remplissent, en outre, les conditions de l'article 4 et, en son article 75, prévoit pour chaque agent une faculté d'option en vue de son intégration dans le cadre d'emploi correspondant à ses compétences, et qu' "à l'expiration du délai d'option, les agents qui n'ont pas été intégrés continuent à être employés dans les conditions prévues par le contrat de droit public dont ils bénéficient" ; qu'il résulte de ces dispositions que les agents non titulaires n'ayant pas intégré les cadres d'emploi de fonctionnaires, s'ils sont des agents de droit public, ne relèvent pas d'un statut de droit public au sens de l'article Lp 1111-2 du code du travail local, de sorte que ce code leur est applicable et que les litiges les opposant à leur employeur relèvent de la compétence du tribunal du travail ; que tel était le cas des demandeurs ; qu'en déclarant cependant le tribunal du travail incompétent "pour connaître d'un litige portant sur une période pendant laquelle le requérant bénéficie d'un contrat de droit public", la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790.