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22/09/2021 | FRANCE | N°19-12767

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2021, 19-12767


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1001 F-D

Pourvoi n° V 19-12.767

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

La société Mutualité

française Isère, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 19-12.767 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1001 F-D

Pourvoi n° V 19-12.767

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

La société Mutualité française Isère, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 19-12.767 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Mutualité française Isère, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [G], après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Duvallet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 décembre 2018), Mme [G] a conclu le 1er mars 2013 avec la société Mutuelle française Isère (la société) un contrat de travail à durée indéterminée. Le 1er juillet 2015, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave. Le 29 juillet 2015, alors qu'elle était en arrêt de travail pour rechute d'un accident de travail depuis le 5 juillet 2015, la salariée a été licenciée pour faute grave.

2. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement de la salariée était nul, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que la connaissance des faits s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'employeur justifiait n'avoir eu connaissance des agissements de Mme [G] que le 24 juin 2015, la cour d'appel a considéré que l'employeur avait agi dans le délai de prescription en ce qui concerne le grief du 28 avril 2015 mais que pour les autres faits, faute de précision sur leur date dans la lettre de licenciement, ceux-ci devaient être considérés comme prescrits ; qu'en jugeant ces faits prescrits après avoir relevé que l'employeur n'en avait eu connaissance que le 24 juin 2015 et avait engagé la procédure disciplinaire le 1er juillet 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que la connaissance des faits s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'employeur justifiait n'avoir eu connaissance des agissements de Mme [G] que le 24 juin 2015, la cour d'appel a considéré que l'employeur avait agi dans le délai de prescription en ce qui concerne le grief du 28 avril 2015 mais que pour les autres faits, faute de précision sur leur date dans la lettre de licenciement, ceux-ci doivent être considérés comme prescrits ; qu'en se déterminant ainsi alors que seule la date de connaissance exacte des faits par l'employeur fixe le point de départ de la prescription, peu important la date de commission des faits, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-4 du code du travail :

4. Le délai de deux mois prévu par ce texte ne court que lorsque l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

5. Pour juger le licenciement de la salariée nul, l'arrêt retient qu'à l'exception d'un grief spécifique daté du 28 avril 2015, aucun grief n'est daté. Il ajoute que l'employeur justifie n'avoir été informé du comportement de la salariée par une étudiante infirmière que le 24 juin 2015. Il en déduit qu'il a donc agi dans le délai de la prescription en ce qui concerne le grief du 28 avril 2015, mais qu'en revanche, les autres faits, faute de précision sur leur date dans la lettre de licenciement, de surcroît dans le courrier du seul témoin et de son attestation, sont prescrits.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur n'avait été informé du comportement de la salariée que le 24 juin 2015 et qu'il avait engagé la procédure de licenciement le 1er juillet 2015, ce dont il résultait que les faits n'étaient pas prescrits, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement de la salariée était nul et de le condamner à lui verser diverses indemnités liées à la rupture du contrat de travail et des dommages-intérêts, alors « que, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société à verser à Mme [G] les sommes de 1 545 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 3 432,70 euros au titre de l'indemnité de préavis, 343,27 euros de congés payés afférents et 10 298,10 à titre de dommages-intérêts ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

8. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de l'arrêt ayant condamné la société à verser à la salariée les sommes de 1 545 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 3 432,70 euros au titre de l'indemnité de préavis, 343,27 euros à titre de congés payés afférents et 10 298,10 euros à titre de dommages-intérêts , qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation à intervenir n'atteint pas les chefs du dispositif déboutant la salariée de ses demandes en paiement d'une indemnité pour procédure irrégulière, d'un rappel de prime fonctionnelle et d'un rappel d'indemnité différentielle.

9. La cassation à intervenir emporte en revanche cassation des chefs du dispositif relatifs à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement de Mme [G] nul et condamne la société Mutualité française Isère à payer à Mme [G] les sommes de 1 545 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, de 3 432,70 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 343,27 euros au titre des congés payés afférents et de 10 298,10 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en ce qu'il condamne la société Mutualité française Isère aux dépens, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambery ;

Condamne Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Mutualité française Isère

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit et jugé que le licenciement de Mme [Z] [G] était nul ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « - Sur le licenciement : La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave repose sur l'employeur. La lettre de licenciement fixe les limites du litige. En cas de faute grave, il est possible de licencier le salarié pendant la suspension de son contrat de travail. En l'espèce, dans la lettre de licenciement, il est reproché à la salariée une série de manquements professionnels. Il résulte de cette lettre que « d'après nos informations, ...vous ne tenez pas compte, lors des toilettes, de la température de l'eau et ne donnez aucune suite aux plaintes des patients. Par ailleurs, lors du soin de M. [L], vous l'avez coupé en le rasant car vous avez utilisé une lame émoussée et n'avez pas pris la peine de la remplacer. Le 28 avril 2015, vous vous êtes permis de cracher sur un suppositoire en prétextant à votre collègue qu'il fallait le lubrifier. Face à des personnes âgées, souvent en situation de dépendance, vous n'avez pas hésité à tenir des propos dévalorisants et humiliants. Nous avons été alertés, le 24 juin 2015, par une collègue de travail quant à ces agissements relevant de la maltraitance. Cette personne n'a pas hésité à retranscrire ces faits dans une attestation dédiée, conforme aux exigences légales. » A l'exception d'un grief spécifique daté du 28 avril 2015, aucun autre grief n'est daté. La lettre de convocation à entretien préalable est en date du 1er juillet 2015 et la lettre de licenciement est en date du 29 juillet 2015. L'employeur justifie n'avoir été informé du comportement de la salariée par Madame [J], étudiante infirmière, que le 24 juin 2015. Il a donc agi dans le délai de la prescription au moins en ce qui concerne le grief du 28 avril 2015. Par contre pour les autres faits, faute de précision sur leur date dans la lettre de licenciement, de surcroît dans le courrier de Madame [J] seul témoin, et de l'attestation de cette dernière, ils sont prescrits. Il demeure en conséquence le grief du suppositoire. Madame [J] témoigne avoir constaté le 28 avril 2015 que Madame [G] a craché sur un suppositoire pour le lubrifier tant dans son courrier du 24 juin 2015 que dans son attestation du 1er juillet 2015, sans plus de précision. Ce seul fait, sorti de son contexte, attesté par un seul témoin, est insuffisant à caractériser la faute grave, et ce, même si la salariée avait déjà été avertie le 2 mai 2013 pour des comportements inadéquats envers des résidents car elle avait contesté sans délai cet avertissement et l'employeur ne produit aucune pièce aux débats démontrant que cet avertissement était justifié. Par conséquent, la preuve de la faute grave n'est pas rapportée par l'employeur. Le licenciement ayant été prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail de la salariée, en rechute d'accident du travail depuis le 5 juillet 2015, il sera déclaré nul. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement nul mais infirmé en ce qu'il a également déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le premier juge a fait une exacte appréciation des indemnités revenant à la salariée ainsi que de son préjudice et sera donc confirmé ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Sur la cause de licenciement. Attendu que l'article L. 222-1 du Code du Travail dispose que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi » et que cette exécution de bonne foi s'impose à Tune et l'autre des deux parties au contrat de travail ; que l'article L. 1232-1 du Code du Travail dispose que « Tout licenciement pour motif personnel est justifié (...) par une cause réelle et sérieuse. » ; que l'article L. 232-6 du Code du Travail dispose que « Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. » ; Attendu qu'il est de jurisprudence constante que c'est cette lettre qui fixe les termes du litige prud'homal ; Attendu qu'en l'espèce, la lettre de licenciement datée du 29 juillet 2015 pointe 3 faits fautifs imputés à la salariée : « (.,.) vous ne tenez pas compte, lors des toilettes, de la température de l'eau et ne donnez aucune suite aux plaintes des résidents » « (...) lors dit soin de Mr [L], vous l'avez coupé en le rasant car vous avez utilisé une lame émoussée et n 'avez pas pris la peine de la remplacer » - « (...) le 28 avril 2015, vous vous êtes permis de cracher sur un suppositoire en prétextant à votre collègue qu 'il fallait le lubrifier » sans jamais apporter aucun élément probant permettant au juge d'apprécier la réalité des griefs invoqués (quelles toilettes, quels jours, sur quels résidents, quelles températures relevées ?) (quel jour, quels témoins ?). Attendu qu'aucune définition n'est donnée par la Loi à la faute grave ; Attendu cependant que la Cour de cassation a jugé que : « la faute grave est caractérisée par un comportement rendant impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise pendant la durée du préavis » (exemples : Cour de cassation 22 avril 1964 et 20 novembre 1991, N° 89-44605) ; qu'en 2007, la même faisait évoluer sa formulation et ajoutait : « la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise » (Cour de cassation, 27 septembre 2007, N° : 06-43867) ; Attendu que la Cour de cassation a, de plus, précisé que « La faute commise par le salarié ne peut être qualifiée de grave que si elle a eu une répercussion sur le fonctionnement normal de l'entreprise » (Cour de cassation, 9 janvier 2013, N° : 11-21069) ; Attendu en conséquence que la faute grave correspond à un fait, ou à un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations résultant de son emploi, dont l'importance est telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise dès la découverte de la faute ; Attendu qu'en ne la mettant pas à pied, qu'en lui adressant une lettre de convocation 6 jours ouvrables après avoir eu connaissance des faits (24 juin/1er juillet), qu'en la convoquant à un entretien qui devait se tenir 19 jours calendaires après l'envoi de la convocation (1er /20 juillet) et qu'enfin en lui notifiant son licenciement 8 jours ouvrables après l'entretien (20 juillet/29 juillet), et plus d'un mois après la connaissance des faits (24 juin/29 juillet), l'employeur a lui-même démontré que la salariée pouvait, après la faute (non étayée) commise, rester dans l'entreprise et y exécuter normalement ses missions ; Le Conseil en tirera les conséquences logiques de droit et dira que le licenciement de Madame [G] ne repose pas sur une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse ; Partant., il accordera à Madame [G] l'indemnité légale de licenciement (1 545,00 €), l'indemnité compensatrice de préavis (3 432,70 €) avec les congés payés afférents (343,27 €). Sur la nullité du licenciement. Attendu que l'article L. 1226-9 du Code du travail dispose que « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il Justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie » ; Attendu que l'article L. 1226-13 du même code précise que « Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle » ; Le Conseil en tirera les conséquences de droit et allouera à Mme [G], au regard de son ancienneté, une indemnité égale à 6 mois de salaires soit 10 298,10 € ».

1) ALORS QUE, en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que la connaissance des faits s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'employeur justifiait n'avoir eu connaissance des agissements de Mme [G] que le 24 juin 2015, la cour d'appel a considéré que l'employeur avait agi dans le délai de prescription en ce qui concerne le grief du 28 avril 2015 mais que pour les autres faits, faute de précision sur leur date dans la lettre de licenciement, ceux-ci devaient être considérés comme prescrits ; qu'en jugeant ces faits prescrits après avoir relevé que l'employeur n'en avait eu connaissance que le 24 juin 2015 et avait engagé la procédure disciplinaire le 1er juillet 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

2) ALORS AU SURPLUS QUE en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que la connaissance des faits s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'employeur justifiait n'avoir eu connaissance des agissements de Mme [G] que le 24 juin 2015, la cour d'appel a considéré que l'employeur avait agi dans le délai de prescription en ce qui concerne le grief du 28 avril 2015 mais que pour les autres faits, faute de précision sur leur date dans la lettre de licenciement, ceux-ci doivent être considérés comme prescrits ; qu'en se déterminant ainsi alors que seule la date de connaissance exacte des faits par l'employeur fixe le point de départ de la prescription, peu important la date de commission des faits, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé ;

3) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en application de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne doit subir de traitement inhumain ou dégradant ; que suivant l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles, toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux a droit au respect de sa dignité ; qu'en affirmant que le fait, pour Mme [G], auxiliaire de vie dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) accueillant des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou démences apparentées, d'avoir craché sur un suppositoire destiné à un patient en prétextant qu'il fallait le lubrifier, ne caractérisait pas une méconnaissance de ses obligations et en particulier une violation grave du droit du patient au respect de sa dignité, d'une importance telle qu'elle empêchait la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, les textes susvisés, ensemble l'article L. 1331-1 du code du travail;

4) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en s'abstenant de rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si le fait, pour une auxiliaire de vie exerçant dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes accueillant des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou démences apparentées, d'avoir craché sur un suppositoire destiné à un patient en prétextant qu'il fallait le lubrifier, n'était pas de nature, à lui seul, à caractériser un agissement dégradant et attentatoire à la dignité du patient caractérisant une faute empêchant la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 311-3 du code de l'action sociale des familles, ensemble l'article L. 1331-1 du code du travail;

5) ALORS EN OUTRE QUE, en se bornant à affirmer de manière péremptoire que le seul grief du 28 avril 2015, sorti de son contexte et attesté par un seul témoin est insuffisant à caractériser une faute grave, sans s'expliquer sur ce point et sans préciser en quoi, il n'était pas de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS AU SURPLUS QUE en affirmant que si la salariée avait déjà été avertie le 2 mai 2013 pour des comportements inadéquats envers des résidents, elle avait contesté sans délai cet avertissement, cependant qu'était en cause une mise à pied disciplinaire de trois jours et que dans ses écritures, Mme [G] soutenait qu'elle n'avait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire et ne contestait aucunement la mise à pied disciplinaire du 2 mai 2013 dont elle a passé l'existence sous silence, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

7) ALORS QUE, en affirmant que l'employeur ne produisait aucune pièce démontrant que « l'avertissement » du 2 mai 2013, qui constituait en réalité une mise à pied, était justifié, cependant que Mme [G] ne sollicitait aucunement l'annulation de ladite mise à pied, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

8) ALORS PAR AILLEURS, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, QUE, en retenant, pour dire que le licenciement de Mme [G] ne reposait pas sur une faute grave, que l'employeur ne l'avait pas mise à pied, ne lui avait adressé une lettre de convocation que 6 jours ouvrables après avoir eu connaissance des faits, l'avait convoquée à un entretien qui devait se tenir 19 jours calendaires après l'envoi de la convocation et que le licenciement n'avait été notifié que 8 jours ouvrables après l'entretien et plus d'un mois après la convocation, cependant que dans ses écritures, Mme [G] n'a jamais, à aucun moment, soutenu que la faute grave n'était pas caractérisée dès lors que son employeur ne l'avait pas mise à pied et n'avait pas agi dans un délai restreint, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

9) ALORS A TOUT LE MOINS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, et sans provoquer préalablement les observations des parties à cet égard, que l'employeur ne l'avait pas mise à pied, ne lui avait adressé une lettre de convocation que 6 jours ouvrables après avoir eu connaissance des faits, l'avait convoquée à un entretien qui devait se tenir 19 jours calendaires après l'envoi de la convocation et que le licenciement n'avait été notifié que 8 jours ouvrables après l'entretien et plus d'un mois après la convocation, après avoir rappelé qu'à l'audience, le Conseil se référait aux conclusions déposées et développées à l'audience et qu'il ne résultait aucunement des écritures de Mme [G] que son licenciement ne reposait pas sur une faute grave, faute pour l'employeur de l'avoir mise à pied ou de ne pas avoir agi dans un délai restreint, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile.

10) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en retenant, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave que l'employeur n'aurait pas agi dans un délai restreint et ne lui avait adressé une lettre de convocation que 6 jours ouvrables après avoir eu connaissance des faits, l'avait convoquée à un entretien qui devait se tenir 19 jours calendaires après l'envoi de la convocation et que le licenciement n'avait été notifié que 8 jours ouvrables après l'entretien et plus d'un mois après la convocation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la Société MFISSAM avait agi dans un délai restreint, a derechef violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

11) ALORS AU SURPLUS QUE dans ses écritures, l'employeur avait démontré que les faits avaient été dénoncés le 24 juin 2015 par Mme [J], que le 29 juin 2015, la lettre de Mme [J] avait été réceptionnée par l'employeur, que le 1er juillet 2015, Mme [J] avait remis son attestation confirmant les faits commis par Mme [G] et que dès cette date, la lettre de convocation à l'entretien préalable avait été adressée à Mme [G], soit moins de sept jours après la dénonciation des faits et au regard de la nécessité de pouvoir vérifier la véracité des faits reprochés ; qu'en se bornant à viser les dates de convocation, d'entretien et de notification du licenciement, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si le temps déjà restreint entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire n'était pas justifié par la nécessité pour l'employeur de vérifier la réalité des griefs reprochés à Mme [G] dont la connaissance n'avait été certaine qu'à compter du 1er juillet 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail ;

12) ALORS ENFIN QUE, en affirmant que les faits reprochés par l'employeur n'étaient pas étayés et que l'employeur ne rapportait pas d'éléments probants, cependant qu'à l'appui de ses écritures, l'employeur avait produit le courrier de Mme [J] laquelle avait précisément fait état des faits reprochés à Mme [G] dans la lettre de licenciement et avait réitéré ses dires dans une attestation conforme aux exigences légales, la cour d'appel qui a dénaturé les écritures et le bordereau de pièces de la Société MFISSAM, a violé le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit, ensemble l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit et jugé que le licenciement de Mme [Z] [G] était nul, en conséquence, d'AVOIR condamné la Société MFISSAM à lui verser les sommes de 1 545 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 3 432,70 euros au titre de l'indemnité de préavis, 343,27 euros de congés payés afférents et 10 298,10 à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Le premier juge a fait une exacte appréciation des indemnités relevant à la salariée ainsi que de son préjudice et sera donc confirmé ».

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur la cause du licenciement. (?.) le Conseil en tirera les conséquences logiques de droit et dira que le licenciement de Madame [G] ne repose pas une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse. Partant, il accordera à Mme [G] l'indemnité légale de licenciement (1545,00 €), l'indemnité compensatrice de préavis (3432,70 €) avec les congés payés afférents (343,27 €). Sur la nullité du licenciement. (?). Le Conseil en tirera toutes les conséquences de droit et allouera à Mme [G], au regard de son ancienneté une indemnité égale à 6 mois de salaire soit 10 298,10 € ».

1) ALORS QUE, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la Société MFISSAM à verser à Mme [G] les sommes de 1 545 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 3 432,70 euros au titre de l'indemnité de préavis, 343,27 euros de congés payés afférents et 10 298,10 à titre de dommages et intérêts ;

2) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, dans ses écritures, la Société MFISSAM avait démontré, pièce à l'appui, que Mme [G] n'était pas fondée en sa demande relative à l'indemnité de licenciement dès lors qu'elle ne bénéficiait en aucun cas d'une ancienneté de 4 ans et 6 mois dès lors que ce n'est qu'à compter du 27 août 2012 qu'elle avait été recrutée sans interruption de sorte que les contrats à durée déterminée antérieurs n'avaient pas à être pris en considération dans la mesure où il y avait eu des périodes d'interruption ; qu'en se bornant à faire droit à l'intégralité de la demande de Mme [G] au titre de l'indemnité de licenciement, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si les contrats à durée déterminée antérieurs au 27 août 2012 devaient effectivement être pris en compte pour le calcul de l'ancienneté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1243-11 du code du travail;

3) ALORS A TOUT LE MOINS QUE dans ses écritures, la Société MFISSAM avait démontré, pièce à l'appui, que Mme [G] n'était pas fondé en sa demande relative à l'indemnité de licenciement dès lors qu'elle ne bénéficiait en aucun cas d'une ancienneté de 4 ans et 6 mois dès lors que ce n'est qu'à compter du 27 août 2012 qu'elle avait recrutée sans interruption de sorte que les contrats à durée déterminée antérieurs n'avaient pas à être pris en considération dans la mesure où il y avait eu des périodes d'interruption ; qu'en se bornant à faire droit à l'intégralité de la demande de Mme [G] au titre de l'indemnité de licenciement, sans répondre aux écritures précises et circonstanciées de l'exposante sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-12767
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 20 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2021, pourvoi n°19-12767


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.12767
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