LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 20-80.507 F-D
N° 01020
CK
15 SEPTEMBRE 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 SEPTEMBRE 2021
M. [U] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de faux, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [U] [S], les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [R] [G], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [R] [G] a confié à M. [U] [S] la maîtrise d'oeuvre de travaux qu'il comptait effectuer dans sa maison. Ce dernier devait notamment déposer à la mairie de [Localité 1] une demande de permis de construire.
3. M. [G] a déposé plainte le 30 juin 2015 contre M. [S], après avoir appris que celui-ci n'avait jamais déposé de demande de permis de construire, alors que, pour lui prouver qu'il avait déposé cette demande à la mairie de [Localité 1], il lui avait remis un récépissé de dépôt sous la référence PC033O63 Z093, revêtu du tampon de la ville de [Localité 1], daté du 22 juin 2015.
4. Le procureur de la République a poursuivi M. [S] devant le tribunal correctionnel, notamment pour avoir altéré frauduleusement la vérité dans un écrit ayant pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en fournissant un faux récépissé de dépôt d'une demande de permis de construire, au préjudice de M. [G].
5. Par jugement du 16 décembre 2017 le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré M. [S] coupable de ce délit.
6. Sur son appel et sur celui du ministère public, la cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 11 septembre 2018, a relaxé M. [S], et a débouté M. [G] de ses demandes présentées en qualité de partie civile.
7. M. [G] a fait opposition à cet arrêt, et l'affaire est revenue devant la cour d'appel sur l'action civile.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 16 octobre 2017, alors :
« 1°/ que si l'opposition formée par la partie civile contre un arrêt ayant statué sur les intérêts civils après relaxe du prévenu a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l'action en réparation du dommage pouvant résulter de la faute civile commise par la personne relaxée, encore faut-il que cette faute soit démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; que le faux et l'usage de faux sont deux infractions distinctes ; que M. [S] n'a été pénalement poursuivi que pour des faits de faux commis au préjudice de M. [G], faits dont il a été définitivement relaxé ; qu'en décidant, en statuant sur l'opposition formée par la partie civile, que M. [S] aurait « fait sciemment usage du faux récépissé de dépôt en l'adressant à M. [G] » pour décider qu'il aurait ainsi commis une faute civile au préjudice de ce dernier, la cour d'appel a statué sur des faits d'usage de faux qui n'avaient pas fait l'objet de la poursuite pénale pour faux, en violation des articles 2 et 497 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
10. Pour dire que M. [S] a commis une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, et le condamner à payer des dommages-intérêts à M. [G], l'arrêt attaqué énonce, notamment, que M. [G] a produit un « récépissé de dépôt d'une demande de permis de construire ou de permis d'aménager » à en-tête du « ministère chargé de l'urbanisme », indiquant comme date de dépôt de la demande le 29 mai 2015 et un numéro PC 033063 Z0493, et portant la mention « Ville de [Localité 1] 22 juin 2015 » apposée par un tampon encreur, ainsi qu'une signature illisible, et que ce document est de toute évidence un faux, dès lors qu'à la date du 22 juin 2015, il n'y avait pas de « ministère chargé de l'urbanisme », et qu'en 2015 les permis de construire n'étaient plus instruits et délivrés par les administrations de l'Etat, la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 ayant donné compétence au maire pour délivrer les permis de construire.
11. Les juges ajoutent qu'ainsi, il y a tout lieu de penser que le document adressé à M. [G] n'est qu'un montage élaboré à partir d'anciens formulaires, et que, de plus, les documents établis par la ville de [Localité 1] et relatifs aux permis de construire portent le logo de celle-ci, c'est à dire trois croissants entrelacés, lequel ne figure pas sur le récépissé litigieux.
12. La cour d'appel conclut que, s'il n'est pas avéré que M. [S] est l'auteur du faux, il est en revanche établi qu'il a fait sciemment usage du faux récépissé de dépôt en l'adressant à M. [G], commettant ainsi une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.
13. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés au moyen.
14. En effet, elle a retenu à l'encontre de M. [S] une faute civile caractérisée à partir et dans la limite des faits tels qu'énoncés dans la prévention, laquelle lui reprochait d'avoir fourni au préjudice de M. [G] un faux récépissé de dépôt d'une demande de permis de construire, les faits ainsi visés permettant de retenir le fondement critiqué.
15. Dès lors, le moyen, qui ne soutient pas que la requalification ainsi retenue n'était pas dans le débat, doit être écarté.
16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [U] [S] devra payer à M. [R] [G] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze septembre deux mille vingt et un.