La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2021 | FRANCE | N°20-15610

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 septembre 2021, 20-15610


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 septembre 2021

Irrecevabilité partielle et cassation sans renvoi

Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 537 F-B

Pourvoi n° F 20-15.610

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [D].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 6 juillet 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ã

‡ A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 septembre 2021

Irrecevabilité partielle et cassation sans renvoi

Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 537 F-B

Pourvoi n° F 20-15.610

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [D].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 6 juillet 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

Le préfet de [Localité 2], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-15.610 contre l'ordonnance rendue le 11 février 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [D], domicilié [Adresse 2],

2°/ au directeur du centre hospitalier de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 3], représenté par le [Établissement 1],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du préfet de [Localité 2], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 11 février 2020) et les pièces de la procédure, M. [D] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 17 juin 2019, sur décision du représentant de l'Etat, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

2. Le 20 novembre 2019, M. [D] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la mesure.

Recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur du centre hospitalier de [Localité 1], examinée d'office

Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique :

3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de
procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

4. Le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le directeur du centre hospitalier de [Localité 1], qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le préfet de [Localité 2] fait grief à l'ordonnance de décider la mainlevée des soins sans consentement à l'égard de M. [D], alors « que, par application de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative d'hospitalisation sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte concrète aux droits de la personne qu'il appartient en conséquence au juge de caractériser ; qu'en jugeant que le non-respect de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, qui prescrit la réalisation d'un examen médical mensuel, « porte irrémédiablement atteinte aux droits de la personne et doit entraîner la mainlevée de la mesure » et qu'il est « indifférent qu'aucun grief ne soit développé par l'appel », la cour d'appel, qui a postulé in abstracto l'existence d'une atteinte aux droits de la personne sans caractériser celle-ci, a violé, par fausse application, l'article L. 3216-1 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3213-3 et L. 3216-1 du code de la santé publique :

6. Selon le premier de ces textes, dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat et ensuite tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition.

7. Selon le second, l'irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet.

8. Pour prononcer la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement dont fait l'objet M. [F] [D], après avoir énoncé que le non-respect de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique porte irrémédiablement atteinte aux droits de la personne et doit entraîner la mainlevée de la mesure, l'ordonnance constate que le certificat médical du 13 janvier 2020, réalisé plus d'un mois après le précédent, daté du 11 décembre 2019, est tardif et retient qu'il est indifférent qu'aucun grief ne soit développé, dès lors que la contrainte des soins a nécessairement pour contrepartie la réalisation d'au moins un examen médical dans le délai d'un mois. Elle ajoute que toute autre solution aurait pour conséquence de permettre de maintenir une personne sous la contrainte des soins ordonnés par le représentant de l'Etat sans examen pendant une période pouvant jusqu'à soixante jours, sans que sa situation de la mette en mesure d'articuler des griefs, de sorte que la capacité de contester la décision deviendrait purement théorique.

9. En statuant ainsi, alors que la mainlevée de la mesure ne pouvait être ordonnée sans que soit caractérisée une atteinte concrète aux droits de M. [D], le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur du centre hospitalier de [Localité 1] ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 11 février 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour le préfet de [Localité 2]

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR ordonne la mainleve e des soins sans consentement a l'e gard de M. [D] ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur la tardiveté du certificat de situation du 13 janvier 2020 : L'article L. 3213-3 du code de la santé publique a pour objet de prévenue qu'une personne reste plus d'un mois soumis à des soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat sans qu'un psychiatre se prononce sur l'évolution de son état et en tire les conséquences sur sa prise en charge. Il s'agit d'un texte protégeant les libertés individuelles et en particulier la liberté d'aller et venir dont le non-respect porte irrémédiablement atteinte aux droits de la personne et doit entraîner la mainlevée de la mesure ; que ces dispositions s'appliquent aux décision d'admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat quelle qu'en soit la forme ; qu'en l'espèce, il résulte de la procédure que Monsieur [F] [D] a été admis en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat le 17 juin 2019, qu'il a été transféré le 1er juillet 2019 et que le 6 août 2019, le représentant de l'Etat a pris un arrêt décidant que la prise en charge de Monsieur [F] [D] se poursuivrait sous une autre forme que l'hospitalisation complète à la suite de quoi, il a été pris en charge en ambulatoire selon les modalités définies par un certificat du 5 août 2019 ; que par la suite, des certificats médicaux ont été établis ; que toutefois, il est constant que Monsieur [F] [D] a fait l'objet d'un examen daté du 11 Décembre 2019. L'examen suivant a été réalisé le 13 janvier 2020. Il n'est pas sérieusement contestable que ce second examen est intervenu plus d'un mois après le précédent ; que la computation des délais par le représentant de l'Etat démontre bien qu'il s'est écoulé plus de 33 jours entre deux certificats ; qu'il est indifférent qu'aucun grief ne soit développé par l'appel, dès lors qu'il résulte des dispositions précitées que la contrainte des soins a nécessairement pour contrepartie la réalisation d'au moins un examen médical dans le délai d'un mois, se comptant en quantième. Toute autre solution aurait pour conséquence de permettre à une personne d'être maintenue sous la contrainte des soins ordonnés par le représentant de l'Etat sans examen pendant une période pouvant aller jusqu'à 60 jours, s'agissant de personne qui par leur situation ne serait pas en mesure d'articuler des griefs de sorte que la capacité de contester la décision deviendrait purement théorique » ;

1°) ALORS QUE par application de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative d'hospitalisation sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est resulté une atteinte concrète aux droits de la personne qu'il appartient en conséquence au juge de caractériser ; qu'en jugeant que le non-respect de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, qui prescrit la réalisation d'un examen médical mensuel, « porte irrémédiablement atteinte aux droits de la personne et doit entraîner la mainlevée de la mesure » et qu'il est « indifférent qu'aucun grief ne soit développé par l'appel », la cour d'appel, qui a postulé in abstracto l'existence d'une atteinte aux droits de la personne sans caractériser celle-ci, a violé, par fausse application, l'article L. 3216-1 du code de la santé publique.

2°) ALORS QU'en ne recherchant pas si, au cas d'espèce, le retard d'un jour pris pour l'établissement du certificat médical de janvier 2020, avait concrètement porté atteinte aux droits de M. [D], quand celui-ci avait néanmoins été reçu en consultation une fois par mois et qu'étant pris en charge en ambulatoire depuis le 7 août 2019, il résidait à son domicile, ce dont il ne résultait aucune atteinte à ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-15610
Date de la décision : 15/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Mainlevée d'une mesure de soins sans consentement - Conditions - Atteinte aux droits du patient

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Procédure - Appel - Contrôle de la régularité d'une décision administrative d'admission en soins sans consentement - Office du juge judiciaire - Mainlevée d'une mesure de soins sans consentement - Conditions - Atteinte aux droits de la personne faisant l'objet d'une mesure de soins sans consentement

Viole les articles L. 3213-3 et L. 3216-1 du code de la santé publique le premier président d'une cour d'appel qui ordonne la mainlevée d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement au vu du caractère tardif d'un certificat médical mensuel, sans que soit caractérisée une atteinte concrète aux droits du patient


Références :

Articles L. 3213-3 et L. 3216-1 du code de la santé publique.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 sep. 2021, pourvoi n°20-15610, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Auroy (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15610
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award