LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 20-87.151 F-D
N° 00992
SM12
14 SEPTEMBRE 2021
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 SEPTEMBRE 2021
La société Laboratoires de biologie réunis a formé deux pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 27 novembre 2020 :
- le premier, arrêt n° 1549, qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de non-lieu partiel du juge d'instruction la renvoyant devant le tribunal correctionnel sous la prévention de fourniture d'avantages à un membre d'une profession médicale par une entreprise dont les services ou produits sont pris en charge par la sécurité sociale,
- le second, arrêt n° 1550, qui, dans la même procédure, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant sans objet sa contestation de recevabilité de partie civile.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Bellenger, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Laboratoires de biologie réunis, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [K] [L], partie civile, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [K] [L] a porté plainte et s'est constitué partie civile contre M. [R] [Y] et la société Laboratoires de biologie réunis (LBR).
3. Une information a été ouverte et la société LBR a été mise en examen du chef sus-mentionné.
4. Par ordonnance du 14 février 2020, le juge d'instruction a déclaré sans objet la demande de la société LBR visant à déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. [L].
5. Le même jour, il a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel.
6. La société LBR a relevé appel de ces ordonnances.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt n° 1549 de la chambre de l'instruction du 27 novembre 2020
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel formé par la société LBR à l'encontre de l'ordonnance du juge d'instruction la renvoyant devant le tribunal correctionnel du chef d'offre par une entreprise assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les organismes obligatoires de sécurité sociale d'avantages en nature ou en espèces à des auxiliaires médicaux et, au moins implicitement, déclaré recevable la constitution de partie civile de M. [L], alors :
« 1°/ qu'il résulte des articles 87 et 186 du code de procédure pénale qu'est recevable l'appel par la personne mise en examen d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel qui présente le caractère d'une décision complexe en ce qu'elle a admis implicitement une partie civile dont la recevabilité était explicitement contestée ; qu'en l'espèce, la personne mise en examen a contesté à plusieurs reprises la recevabilité de constitution de partie civile de M. [L] devant le magistrat instructeur lequel n'a jamais répondu à cette contestation ; que si la chambre de l'instruction avait cru devoir examiner cette demande et déclarer recevable cette constitution de partie civile, la chambre criminelle a jugé dans son arrêt du 25 octobre 2016 (Crim., 25 octobre 2016, pourvoi n° 16-80.366, Bull. crim. 2016, n° 275) que la chambre de l'instruction n'aurait pas dû se prononcer sur la recevabilité de la constitution de partie civile et aurait dû déclarer la demande de la personne mise en examen irrecevable ; qu'il en résulte que sur ce point, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt attaqué, l'arrêt de la chambre de l'instruction et de la cour d'appel de Rennes du 18 décembre 2015 n'a pas acquis force de chose jugée et que la société LBR était bien recevable à contester la recevabilité de la constitution de partie civile de M. [L] ;
2°/ qu'en tout état de cause, qu'en refusant de se prononcer sur la contestation de la constitution de partie civile tout en ordonnant le renvoi devant la juridiction correctionnelle de la personne mise en examen au vu des observations de la partie civile, le juge d'instruction a rendu une décision complexe dont l'exposant était recevable à relever appel ;
3°/ qu'en outre, qu'est complexe et entachée d'excès de pouvoir l'ordonnance de renvoi qui se prononce sur la prescription de l'action publique et déclare que les faits reprochés à la société LBR sont prescrits pour la période du 1er juin 2007 au 4 mai 2010 quand il avait été définitivement jugé, sur le fondement de l'article 121-1 du code pénal, par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen sur renvoi de cassation le 4 juillet 2017, qu'il n'y avait pas lieu de suivre contre la société LBR sur les faits commis antérieurement au 5 mai 2010. »
Réponse de la cour
8. Pour déclarer irrecevable l'appel de la société LBR, l'arrêt attaqué du 27 novembre 2020 énonce que l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel n'a rejeté, même de manière implicite, aucune demande relative à la recevabilité de la constitution de partie civile à laquelle il avait déjà été répondu par le chef de dispositif de l'arrêt n° 856 du 18 décembre 2015 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes ayant acquis force de chose jugée et étant devenu irrévocable.
9. En statuant ainsi, et dès lors que l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel ne présentait pas de caractère complexe, la recevabilité de la constitution de partie civile de M. [L] ayant déjà été constatée par une décision devenue définitive, la requête en interprétation de l'arrêt de cassation du 25 octobre 2016 ayant été rejetée par arrêt distinct de ce jour, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
10. D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche dès lors que le non-lieu à suivre pour les faits antérieurs au 5 mai 2010 est la conséquence de la fusion-absorption intervenue et non de la prescription, n'est pas fondé.
Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt n° 1550 de la chambre de l'instruction du 27 novembre 2020
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue le 14 février 2020 par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Rennes déclarant sans objet la demande de la société LBR tendant à voir déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. [L], alors « qu'il résulte de l'article 87 du code de procédure pénale que la constitution de partie civile peut être contestée par une partie au cours de l'instruction ; qu'en l'espèce, la personne mise en examen a contesté à plusieurs reprises la recevabilité des constitutions de partie civile de M. [L] devant le magistrat instructeur, lequel n'a jamais répondu à cette contestation ; que si la chambre de l'instruction avait cru devoir examiner cette demande et déclarer recevable cette constitution de partie civile, la chambre criminelle a jugé dans son arrêt du 25 octobre 2016 que la chambre de l'instruction n'aurait pas dû se prononcer sur la recevabilité de constitution de partie civile, et aurait dû déclarer la demande de la personne mise en examen irrecevable ; qu'il en résulte que sur ce point, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt attaqué, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes du 18 décembre 2015 n'a pas acquis force de chose jugée et que c'est à tort que le juge d'instruction a déclaré sans objet la contestation de la recevabilité de la partie civile. »
Réponse de la Cour
12. Pour confirmer, l'ordonnance du juge d'instruction déclarant sans objet la demande de la société LBR tendant à voir déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. [L], l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction a, par son arrêt n° 856 du 18 décembre 2015, dit la constitution de partie civile de M. [L] recevable.
13. Les juges ajoutent que, suite au pourvoi formé par la société LBR contre cette décision, la chambre criminelle, dans l'arrêt du 25 octobre 2016, a répondu « que la demande tendant à voir déclarer une constitution de partie civile irrecevable étant étrangère à l'objet de la saisine de la chambre de l'instruction, effectuée sur le fondement de l'article 175-1 du code de procédure pénale, la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que ladite chambre ait rejeté une telle demande, dès lors qu'elle aurait dû la déclarer irrecevable ; d'où il suit que le moyen est lui-même irrecevable. »
14. Les juges retiennent que le dispositif de cet arrêt annule partiellement cette décision en ses seules dispositions ayant dit n'y avoir lieu à clôture de l'information pour la période antérieure au 5 mai 2010, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.
15. Ils en concluent que le chef de dispositif de l'arrêt de la chambre de l'instruction ayant déclaré recevable la constitution de partie civile a acquis force de chose jugée et est devenu irrévocable.
16. En statuant ainsi, et dès lors que, par suite de l'arrêt de cassation du 25 octobre 2016, la décision de la chambre de l'instruction déclarant la constitution de partie civile de M. [L] recevable était devenue définitive, la requête en interprétation de l'arrêt de cassation du 25 octobre 2016 ayant été rejetée par arrêt distinct de ce jour, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
17. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.
18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société Laboratoires de biologie réunis devra payer à M. [K] [L] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze septembre deux mille vingt et un.