LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 19-87.642 F-D
N° 00994
CK
14 SEPTEMBRE 2021
CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 SEPTEMBRE 2021
Mme [D] [X], M. [Z] [X] et Mme [R] [N], épouse [X], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 12 juin 2019, qui a condamné, la première, pour infractions aux codes de l'urbanisme et de l'environnement, outrage et violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende, le deuxième, pour infractions aux codes de l'urbanisme et de l'environnement, à 2 500 d'amende, la troisième, pour violence sur personne dépositaire de l'autorité publique, à 500 euros d'amende, et a, notamment, ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Ingall-Montagnier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [D] [X], M. [Z] [X] et Mme [R] [X], les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la commune du Planay, partie civile, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [D] [X], qui a monté sur des parcelles lui appartenant dans le secteur de La Novaz à Le-Planay une exploitation de chiens de traîneaux et exploite l'entreprise Nordic Aventures, son fils, M. [Z] [X], président de l'association installée sur le site et l'épouse de ce dernier, Mme [R] [X], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, des chefs, notamment, pour les deux premiers d'infractions aux codes de l'urbanisme et de l'environnement, pour la première d'outrage et violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, et pour la troisième de violences sur personne dépositaire de l'autorité publique.
3. Les juges du premier degré ont relaxé Mme [D] [X] et M. [Z] [X] de certaines des infractions poursuivies et les ont déclarés coupables, notamment, d'exécutions irrégulières de travaux soumis à déclaration préalable, d'infractions aux dispositions du plan local d'urbanisme (PLU), de construction ou d'aménagement de terrain non conforme au plan de prévention des risques naturels (PPRN). Ils ont aussi déclarés Mmes [D] et [R] [X] coupables de violences sans incapacité sur personne dépositaire de l'autorité publique et Mme [D] [X] coupable d'outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique. Ils ont condamné Mme [D] [X] à 5 000 euros d'amende avec sursis à hauteur de 3 000 euros, M. [Z] [X] à 2 500 euros d'amende, Mme [R] [X] à 500 euros d'amende avec sursis. Ils ont ordonné la démolition du chalet, l'enlèvement du tipi et de la caravane sous astreinte. Ils ont reçu la constitution de partie civile de la commune du Planay et celle de l'association Les amis de Novaz, ont octroyé 1 000 euros de dommages et intérêts à la commune mais ont rejeté la demande de dommages et intérêts de l'association.
4. Le ministère public, les consorts [X] et la commune du Planay ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et sixième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les troisième et quatrième moyens
Enoncé des moyens
6. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] [X] à une peine d'amende de 2 500 euros, alors « qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en prononçant à l'encontre de M. [Z] [X] une peine d'amende de 2 500 euros aux motifs que « les revenus déclarés du couple font effectivement apparaître un revenu non commercial de 11 805 euros en 2016, de 26 109 euros en 2017 et un bénéfice commercial de 2 820 euros en 2018 », que « (l')organisme (Nordic Aventures) propose des prestations tarifées à une clientèle pour des sommes allant de 15 à 450 euros (et) qu'aucun document n'a été produit sur l'état des finances et des budgets de ces activités, bien que les aménagements (litigieux) laissent présumer l'existence d'une exploitation commerciale et lucrative du site », sans plus s'expliquer sur le montant de ses charges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132-20 et 132-1 du code pénal, ensemble les articles 485 et 593 du code de procédure pénale. »
7. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [R] [X] à une peine d'amende de 500 euros, alors « qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en prononçant à l'encontre de Mme [N] (Mme [R] [X]) une peine d'amende de 500 euros en se référant aux seuls « revenus du couple », sans plus s'expliquer sur le montant de ses charges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132-20 et 132-1 du code pénal, ensemble les articles 485 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour condamner M. [Z] [X] et Mme [R] [X] à des peines d'amende respectivement de 2 500 euros et de 500 euros, l'arrêt énonce que M. [Z] [X] déclare ne percevoir aucun revenu, exerçant une activité bénévole et vivant uniquement des revenus de son épouse, vétérinaire, que les revenus déclarés du couple font effectivement apparaître un revenu non commercial de 11 805 euros en 2016, de 26 109 euros en 2017 et un bénéfice commercial de 2 820 euros en 2018, sans que cette chute brutale sur la dernière année soit expliquée, que toutefois, il résulte des copies d'écran des pages du site internet de « Nordic Aventures », dont M. [Z] [X] est le président et l'animateur, que cet organisme propose des prestations tarifées à une clientèle pour des sommes allant de 15 à 450 euros ; qu'aucun document n'a été produit sur l'état des finances et des budgets de ces activités, bien que les aménagements susvisés d'une roulotte, d'un tipi et d'un chalet à enseigne « souvenirs » laissent présumer l'existence d'une exploitation commerciale et lucrative du site.
10. Les juges ajoutent qu'en raison de l'ensemble de ces éléments, tenant à la fois de la gravité de l'infraction, de la personnalité de M. [Z] [X], de l'évaluation de ses ressources et de ses charges et des éléments connus de sa situation personnelle, une peine d'amende de 2 500 euros constitue une peine appropriée et proportionnée aux objectifs assignés à la sanction pénale.
11. Les juges ajoutent encore, concernant Mme [R] [X], son épouse, que s'agissant de ses ressources et charges, il convient de se référer aux revenus du couple et qu'en raison de l'ensemble de ces éléments, tenant à la fois de la gravité de l'infraction, de la personnalité de la prévenue, de l'évaluation de ses ressources et de ses charges et des éléments connus de sa situation personnelle, une peine d'amende de 500 euros constitue une peine appropriée et proportionnée aux objectifs assignés à la sanction pénale.
12. En l'état de ces énonciations et dès lors que les prévenus, condamnés à des amendes d'un même montant en première instance, n'ont pas fait valoir devant elle d'éléments sur leurs charges, la cour d'appel a justifié sa décision.
Mais sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
13. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a reçu la constitution de partie civile de l'association Les amis de la Novaz, déclaré Mme [D] [X] et M. [Z] [X] entièrement responsables du préjudice subi par l'association Les amis de la Novaz, et condamné solidairement Mme [D] [X] et M. [Z] [X] à payer à l'association Les amis de la Novaz » la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, alors :
« 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; en infirmant le jugement qui avait écarté les demandes de l'association « Les amis de la Novaz » et en condamnant solidairement Mme [D] [X] et M. [Z] [X] à payer à cette association la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, cependant que cette partie civile n'avait pas formé appel, la cour d'appel a violé les articles 509 et 515 du code de procédure pénale ;
2°/ que l'appel d'une partie civile ne saurait profiter à une autre partie civile non appelante ; qu'en infirmant le jugement qui avait écarté les demandes de l'association « Les amis de la Novaz » et en condamnant solidairement Mme [D] [X] et M. [Z] [X] à payer à cette association la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, cependant que l'association, non-appelante, ne pouvait bénéficier de l'appel formé par la commune du Planay, partie civile appelante, la cour d'appel a violé les articles 509 et 515 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 509 et 515 du code de procédure pénale :
14. Il résulte de ces textes que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; que l'appel d'une partie civile ne saurait profiter à une autre partie civile ou intervenante, non appelante.
15. Il ressort de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il annule et des pièces de procédure que les premiers juges ont déclaré recevables en leur constitution de partie civile la commune du Planay et l'association Les amis de la Novaz, qu'ils ont octroyé des dommages et intérêts à la commune et ont rejeté la demande de dommages et intérêts de l'association.
16. Seuls les prévenus, le ministère public et la commune ont relevé appel de cette décision.
17. La cour d'appel a reçu l'association Les amis de la Novaz en sa constitution de partie civile, a déclaré Mme [D] [X] et M. [Z] [X] entièrement responsables de son préjudice et les a condamnés solidairement à lui payer la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts.
18. En statuant ainsi, alors que l'association Les amis de la Novaz n'était pas appelante du jugement, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
20. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
21. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de Mme [D] [X] et de M. [Z] [X] étant devenue définitive par suite de la non admission des premier, deuxième et sixième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de la commune du Planay.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry en date du 12 juin 2019, en ses seules dispositions ayant octroyé la somme de 800 euros à l'association Les amis de la Novaz, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à dommages et intérêts à l'association Les amis de la Novaz ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que Mme [D] [X], M. [Z] [X] et Mme [R] [X], devront payer à la commune du Planay en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze septembre deux mille vingt et un.