LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 septembre 2021
Cassation partielle
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 522 F-D
Pourvoi n° T 20-12.171
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
Mme [B] [Q], épouse [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-12.171 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Transactions 21, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme [Q], de la SCP Alain Bénabent , avocat de la société Transactions 21, et l'avis de Mme Maillet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 09 janvier 2020), le 12 décembre 2015, Mme [Q], épouse [F], a confié à la société Transactions 21, agent immobilier (l'agent immobilier), un mandat de vente de son appartement pour le prix de 86 500 euros, en ce inclus la rémunération de l'agent immobilier pour la somme de 6 500 euros. Le mandat était conclu pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction.
2. Le 27 avril 2016, un acquéreur a formé une proposition d'achat du bien au prix fixé dans le mandat incluant les honoraires de l'agent immobilier.
3. Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 avril 2016, Mme [Q] a résilié le mandat.
4. Lui reprochant d'avoir refusé de signer une promesse de vente avec l'acquéreur qu'il lui avait présenté et ayant fait une offre au prix du mandat, l'agent immobilier a assigné Mme [Q], le 3 janvier 2017, en paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice prévue au mandat, en réparation du préjudice subi.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [Q] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'agent immobilier la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'aucune somme d'argent n'est due, à quelque titre que ce soit, à l'agent immobilier avant que l'opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l'engagement des parties ; qu'un tel mandat ne permettant pas à l'intermédiaire qui l'a reçu d'engager le mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause ne l'y autorise expressément, le refus de ce dernier de réaliser une opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s'il est établi que le mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré « qu'en s'abstenant de dénoncer le mandat de vente alors qu'elle ne souhaitait plus vendre son bien, la mandante avait manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité contractuelle » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des motifs attaqués que la vente n'avait pas eu lieu, de sorte que Mme [Q] n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et qu'aucune somme ne pouvait être due à quelque titre que ce soit à l'agent immobilier, la cour d'appel a violé les articles 1er et 6, I de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, ensemble l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-702 du 19 juin 2015. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er et 6, I, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-702 du 19 juin 2015 :
6. Il résulte du rapprochement de ces textes qu'aucune somme d'argent n'est due, à quelque titre que ce soit, à l'agent immobilier avant que l'opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l'engagement des parties ; qu'un tel mandat ne permettant pas à l'intermédiaire qui l'a reçu d'engager le mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause ne l'y autorise expressément, le refus de ce dernier de réaliser cette opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s'il est établi que le mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.
7. Pour condamner Mme [Q] à payer une certaine somme à l'agent immobilier à titre de dommages-intérêts, après avoir énoncé que la clause pénale prévue au contrat n'était pas due en l'absence de réalisation de la vente, l'arrêt retient qu'en s'abstenant de dénoncer le mandat de vente alors qu'elle ne souhaitait plus vendre son bien, Mme [Q] a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat et a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle envers l'agent immobilier.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la vente n'avait pas eu lieu et que Mme [Q] avait résilié le mandat conformément aux dispositions de l'article 12 du mandat, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [Q], épouse [F], à payer à la société Transactions 21 la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, l'arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Transactions 21 aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Transactions 21 et la condamne à payer à Mme [Q] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme [Q]
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné Mme [F] à payer à la société à responsabilité limitée Transactions 21 la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du tribunal d'instance de Mâcon du 17 novembre 2017 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'au soutien de son appel, Mme [F] reproche au tribunal de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts en l'absence de faute imputable au mandant et en l'absence de préjudice subi par l'agent immobilier ; qu'elle considère qu'aucun manquement ne peut lui être reproché dans l'exécution du mandat de vente en faisant valoir que le fait qu'elle n'ait pas résilié le mandat de manière non équivoque, c'est-à-dire par lettre recommandée avec accusé de réception, alors qu'elle n'avait plus le projet de vendre, n'est pas suffisant pour caractériser un manque de loyauté de sa part, alors qu'il n'est pas contesté qu'elle avait envisagé de modifier l'objet du mandat et qu'elle pouvait légitimement penser que le strict formalisme de la résiliation prévu au mandat de vente n'avait pas vocation à s'appliquer pour cette simple modification ; qu'elle souligne que les indications de visite qu'elle a reçues par mail ne précisaient pas si les visites avaient pour objet la vente ou la location de son appartement ; qu'elle estime ainsi n'avoir commis qu'une maladresse de profane en accordant sa confiance à son mandataire et en ne respectant pas scrupuleusement le formalisme de résiliation prévu au mandat, laquelle maladresse ne peut être assimilée à un manque de loyauté engageant sa responsabilité ; qu'elle reproche à l'agence immobilière, tenue d'une obligation d'information et de conseil et d'un devoir de loyauté, d'avoir manqué à ces obligations en s'abstenant de clarifier l'objet du mandat, alors qu'elle était parfaitement consciente de l'évolution des intentions de sa mandante, et de lui indiquer qu'elle devait résilier le mandat par lettre recommandée avec accusé de réception pour conclure un nouveau mandat ; qu'elle considère que la mandataire l'a délibérément induite en erreur en lui faisant croire qu'une simple confirmation téléphonique ou par mail était suffisante pour mettre fin au mandat de vente ; que la société Transactions 21 prétend que l'appelante a exécuté le mandat de mauvaise foi en lui reprochant d'avoir eu un comportement déloyal en ne dénonçant pas le mandat de vente, en la laissant accomplir sa mission et en résiliant le mandat après présentation d'un acquéreur aux charges et conditions du mandat ; qu'elle précise que Mme [F] ne l'a pas informée de sa volonté de mettre fin au mandat de vente et relève qu'elle n'en rapporte d'ailleurs pas la preuve, et ce alors qu'elle a continué à recevoir des informations sur les visites pour la vente, et que ce n'est que lorsqu'elle lui a donné connaissance de l'offre d'achat au prix du mandat qu'elle avait reçue qu'elle lui a fait savoir qu'elle ne voulait plus vendre ; qu'elle estime que la mandante n'a pu se méprendre sur la nécessité de résilier le mandat de vente au regard du libellé de la clause du contrat relative aux modalités de dénonciation, figurant en caractères très apparents ; que l'article 12 du mandat litigieux stipulait, en caractères gras et majuscules très apparents, que, passé un délai de trois mois à compter de sa signature, le mandat pouvait être dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin, d'en aviser l'autre partie quinze jours au moins à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que s'il résulte des pièces du dossier que Mme [F] a sollicité de l'agence immobilière La Forêt des informations pour la mise en location de son appartement, que l'intimée lui a communiquées par mail du 18 février 2016, aucun élément ne vient corroborer l'affirmation de l'appelante selon laquelle cette dernière aurait informé sa mandataire de sa décision de modifier l'objet du mandat pour le transformer en mandat de location, modification qui impliquait nécessairement une dénonciation du mandat de vente ; que Mme [F] ne rapporte pas davantage la preuve que l'agence l'aurait dispensée du respect du formalisme prévu par l'article 12 du mandat pour y mettre fin ; que le mandat de location qu'elle invoque nécessitait la conclusion d'un acte écrit précisant les obligations respectives des parties, lequel n'a jamais été formalisé ; que Mme [F] n'apportant pas la preuve de la connaissance par l'agence immobilière de sa décision définitive de modifier le mandat de vente en mandat de location, il ne peut pas lui être fait grief d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu qu'en s'abstenant de dénoncer le mandat de vente alors qu'elle ne souhaitait plus vendre son bien, la mandante avait manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité contractuelle envers la société Transactions 21 ; que Mme [F] considère que l'intimée ne rapporte pas la preuve du préjudice dont elle réclame réparation ; qu'ainsi qu'en justifie la société Transactions 21, des visites régulières de l'appartement ont été organisées par l'agence jusqu'au 20 avril 2016, soit une dizaine de visites entre le mois de janvier et le mois d'avril 2016, dont 4 visites en avril 2016, qui ont généré des charges à l'agence immobilière ; que l'intimée justifie ainsi d'un préjudice résultant de la violation de ses obligations contractuelles par la mandante, que le tribunal d'instance de Mâcon a justement évalué à la somme de 2 500 euros et le jugement du 17 novembre 2017 sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTÉS, QUE l'article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que cette disposition est d'ordre public ; que l'article 1353 du code civil prévoit quant à lui que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que Mme [F] a conclu un mandat exclusif de vente avec la société Transactions 21 le 12 décembre 2015 ; que, signé par les deux parties, le contrat prévoit, en son article 12 et en caractère apparent, que passé un délai de trois mois à compter de sa signature, les parties peuvent, à tout moment, dénoncer le mandat à charge pour celle qui entend y mettre fin d'en aviser l'autre partie quinze jours au moins à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception ; que Mme [F] soutient avoir fait part à l'agence immobilière de son souhait de mettre son bien immobilier en location et non plus en vente au début de l'année 2016 ; que la société Transactions 21 lui a ainsi transmis par courriel du 18 février 2016 une grille tarifaire des honoraires de gestion en location et un rendez-vous a été convenu le 31 mars 2016 avec la conseillère gestion afin de visiter le bien ; que toutefois, si Mme [F] a pu demander des renseignements pour mettre en location son appartement, cette dernière ne rapporte pas la preuve qu'elle a informé la société Transactions 21, dans les formes légalement et contractuellement prévues, de sa décision définitive de ne plus vendre le bien avant sa lettre recommandée du 29 avril 2016 et de le mettre en location en signant un mandat en ce sens ; que Mme [F] ne démontre pas à cet égard que la société Transactions 21 lui aurait dit qu'aucune formalité particulière n'était nécessaire pour passer d'un mandat de vente à un mandat de location ; que la société Transactions 21 justifie de son côté avoir continué à organiser des visites de l'appartement de Mme [F] jusqu'au 20 avril 2016, tout en informant cette dernière des dites visites par courriel ; qu'il sera noté que les indications de visite adressées par mail à la défenderesse, dont une copie est pour partie versée aux débats par la requérante, portent la mention « comme convenu au mandat » ; que seul un mandat exclusif de vente a cependant été conclu entre les parties ; qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que Mme [F] a fait preuve d'un manque de loyauté dans l'exécution du contrat en ne mettant pas fin, de manière non équivoque, au mandat de vente et en laissant la société Transactions 21 continuer à faire des visites de son bien immobilier pour trouver un acquéreur au prix convenu, ce qu'elle est parvenue à faire avant la lettre recommandée portant résiliation de Mme [F] en date du 29 avril 2016, et ce alors que cette dernière reconnaît qu'elle n'avait plus le projet de vendre son appartement ; que Mme [F] sera, en conséquence, condamnée à verser à la société Transactions 21 la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts au vu des diligences effectuées, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du tribunal d'instance de Mâcon du 17 novembre 2017 ;
ALORS QU'aucune somme d'argent n'est due, à quelque titre que ce soit, à l'agent immobilier avant que l'opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l'engagement des parties ; qu'un tel mandat ne permettant pas à l'intermédiaire qui l'a reçu d'engager le mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause ne l'y autorise expressément, le refus de ce dernier de réaliser une opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s'il est établi que le mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré « qu'en s'abstenant de dénoncer le mandat de vente alors qu'elle ne souhaitait plus vendre son bien, la mandante avait manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité contractuelle » (arrêt, p. 5) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des motifs attaqués que la vente n'avait pas eu lieu, de sorte que Mme [F] n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et qu'aucune somme ne pouvait être due à quelque titre que ce soit à l'agent immobilier, la cour d'appel a violé les articles 1er et 6, I de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, ensemble l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-702 du 19 juin 2015 ;