LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 septembre 2021
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 912 F-D
Pourvoi n° Y 20-10.750
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 novembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
M. [I] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-10.750 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société FB Service, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [N], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société FB Service, après débats en l'audience publique du 1er juin 2021 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 septembre 2018), M. [N] a été mis à disposition de la société FB Service à compter du mois de juillet 2015 dans le cadre d'une mission de travail temporaire, puis a été engagé par cette société le 2 novembre 2015.
2. Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, relatives notamment au défaut par l'employeur de mise en oeuvre des mesures de prévention de l'exposition des salariés à l'amiante.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts en réparation de préjudices nés du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors « qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en décidant que le préjudice moral du salarié ne pouvait être réparé dès lors qu'il n'avait pas été employé sur un site référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :
4. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.
5. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, l'arrêt retient que le salarié ne précise pas la nature du préjudice qu'il subit, que dans la mesure où il n'allègue aucunement avoir développé une quelconque maladie professionnelle liée à l'amiante, ce préjudice est nécessairement de nature morale, que toutefois le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque, et que dans la mesure où en l'espèce, le site n'a pas été référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 le préjudice moral ne peut être réparé.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le moyen unique emporte la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt relatif à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de sa demande de dommages-intérêts en réparation de préjudices nés du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de sa demande au titre des frais irrépétibles, et en ce qu'il le condamne à payer à la société FB Service une somme de 1 000 euros à ce titre, l'arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société FB Service aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société FB Service à payer à la SCP Gadiou-Chevallier la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. [N]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [N] de ses demandes de dommages-intérêts en réparation de préjudices nés du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur, qui a la charge de la preuve, ne justifie pas avoir respecté son obligation de sécurité liée à l'amiante ; que néanmoins, pour être indemnisé, Monsieur [N] doit avoir subi un préjudice qu'il lui revient de prouver ; qu'il ne précise pas la nature du préjudice qu'il subit ; que dans la mesure où il n'allègue aucunement avoir développé une quelconque maladie professionnelle liée à l'amiante, ce préjudice est nécessairement de nature morale ; que toutefois, le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque ; que dans la mesure où le site n'a pas été référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 le préjudice moral ne peut être réparé ; que faute de justifier d'autres préjudices, la demande ne peut aboutir pour ce qui concerne l'amiante ;
ALORS QU'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en décidant que le préjudice moral du salarié ne pouvait être réparé dès lors qu'il n'avait pas été employé sur un site référencé parmi les établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la Cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige.