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08/09/2021 | FRANCE | N°19-22251

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 septembre 2021, 19-22251


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 septembre 2021

Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 959 FS-B

Pourvoi n° D 19-22.251

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

Mme [O] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 19-22.251 contre

l'arrêt rendu le 20 mai 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société UEM, société ano...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 septembre 2021

Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 959 FS-B

Pourvoi n° D 19-22.251

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

Mme [O] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 19-22.251 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société UEM, société anonyme d'économie mixte locale, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Z], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société UEM, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, Mmes Le Lay, Mariette, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 20 mai 2019) et les productions, Mme [Z] a été engagée le 3 mai 1982 par la société UEM en qualité de réceptionniste. Elle a été nommée le 1er janvier 2008 chef de division, bénéficiant du statut de cadre. Les relations entre les parties étaient soumises au statut national du personnel des industries électriques et gazières.

2. Le 7 mars 2013, la salariée a été licenciée pour faute grave, mesure consistant statutairement en une mesure de mise à la retraite d'office. Elle a formé le 30 mars 2013 un recours gracieux auprès du directeur général de la société. Après examen du recours, celui-ci lui a notifié le 23 décembre 2014 le maintien de la sanction initiale.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 10 juillet 2015 de diverses demandes en paiement au titre de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite et, en conséquence, de la débouter de l'intégralité de ses demandes tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que, pour les salariés relevant du statut du personnel des industries électriques et gazières (IEG), le délai de prescription de l'action en contestation d'un licenciement pour faute grave court à compter de l'issue du recours gracieux engagé devant la commission supérieure nationale du personnel par le salarié en vertu de la circulaire PERS 846 ; qu'en disant néanmoins prescrite l'action de la salariée pour la raison que le délai court à compter de la notification du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause et 3 de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et les paragraphes 25, 3 et 32 de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985 prise en application du statut national du personnel des industries électriques et gazières :

5. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

6. Il résulte du second que l'employeur qui, après avoir prononcé une sanction à l'issue de la procédure disciplinaire, statue de nouveau après recours gracieux exercé par le salarié, prend une nouvelle décision.

7. Pour juger l'action de la salariée prescrite, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription est la date de rupture du contrat de travail, soit le 9 mars 2013, date de notification de la lettre de licenciement et que l'introduction d'un recours gracieux devant le directeur général de la société n'étant pas une demande en justice, elle ne saurait avoir ni effet interruptif, ni suspensif sur le cours de la prescription. Il ajoute que la loi du 14 juin 2013, promulguée le 17 juin 2013, ayant réduit le délai de prescription à deux ans, ce nouveau délai commençait à courir le 17 juin 2013, alors que l'action a été engagée le 10 juillet 2015.

8. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription de l'action en contestation du licenciement courrait à compter de la notification de la décision du directeur général statuant sur recours gracieux, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la société UEM aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société UEM et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [Z]

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit l'action de la salariée prescrite et de l'AVOIR en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS propres QUE le point de départ de la prescription est la date de la rupture du contrat de travail de Mme [O] [Z] qui se situe le 9 mars 2013, date de la notification de la lettre de licenciement ; A cette date, Mme [O] [Z], titulaire de l'action en contestation de son licenciement connaissait les faits permettant d'exercer son action devant le conseil de prud'hommes ; Par ailleurs l'introduction d'un recours gracieux devant le directeur général de la société UEM, n'étant pas une demande en justice, ne saurait avoir aucun effet, ni interruptif, ni suspensif sur le cours de la prescription dont il s'agit ; Ainsi, Mme [O] [Z] devait introduire son action en contestation de son licenciement à compter de la rupture de son contrat de travail, soit à compter du 9 mars 2013, et dans un délai de 5 ans ; La loi du 14 juin 2013 promulguée le 17 juin 2013, ayant réduit le délai à 2 ans, ce nouveau délai commençait à courir à compter du 17 juin 2013, soit jusqu'au 17 juin 2015 ; L'action n'ayant été engagée par Mme [O] [Z] que le 10 juillet 2015, elle sera déclarée prescrite (arrêt attaqué p. 4).

AUX MOTIFS adoptés QU'il n'est pas contesté par les parties que le contrat de travail de Mme [O] [Z] en date du 3 mai 1983 a été rompu par son employeur le 9 mars 2013, date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception au motif de la sanction de mise à la retraite d'office prévue à la Convention collective des industries électriques et gazières et à la circulaire PERS 846 qui régissent ledit contrat de travail et auxquelles les parties se réfèrent ; En conséquence, le conseil de céans se prononcera au regard de la combinaison des articles promulgués par la loi du 14 juin 2013, de la Convention collective nationale des industries électriques et gazières et de la circulaire PERS 846 afin de déterminer la validité de la prescription de la saisine du conseil de prud'hommes de Metz par Mme [O] [Z] afin de contester le licenciement sanction par mise à la retraite d'office que lui a notifié son employeur le 9 mars 2013 ; Sur le point de départ de la prescription : que Mme [O] [Z] entend faire valoir que le recours gracieux introduit par elle le 30 mars 2013 interrompt le délai de prescription de 2 ans promulgué par la loi du 14 juin 2013 ; Que pour faire prospérer sa demande, elle invoque une analogie avec le droit administratif qui, pour un acte administratif, autorise qu'il puisse faire l'objet d'un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux ; Que dans le cas d'un recours gracieux, celui-ci suspend le délai de recours contentieux jusqu'à la décision de l'autorité administrative : que force est de constater qu'il est de jurisprudence constante que les personnels relevant des industries électriques et gazières sont titulaires d'un contrat de travail de droit privé dont le contentieux est la compétence des conseils de prud'hommes ; qu'aux termes de l'article 2241 du code civil qui dispose que seule une demande en justice est interruptive de prescription ; que le recours gracieux adressé par Mme [O] [Z] au Directeur générale de l'UEM qui a décidé de la sanction à son encontre devait être soumis pour avis consultatif à une Commission de discipline conformément aux descriptions de l'article 3 de la circulaire PERS 846 ; qu'en aucun cas le recours gracieux ou la saisine de la Commission de discipline ne peuvent être assimilée à une demande en justice et que de plus, cette commission ne rend qu'un avis consultatif et n'a pas pour mission de trancher le litige opposant Mme [O] [Z] à son employeur et de ce fait, ne peut être assimilée à une instance arbitrale en capacité de délivrer une sentence produisant les mêmes effets qu'un jugement ; que la Commission de discipline n'a pas une mission de conciliation et que le recours gracieux prévu à la PERS 846 n'est pas un préalable obligatoire, il ressort que le préambule du chapitre 3 voies de recours internes de la circulaire PERS 846 qui dispose : « Le statut national prévoit des voies de recours mais leur exercice ne suspend pas l'exécution de la sanction dont les effets restent maintenus aussi longtemps qu'ils ne sont pas modifiés par une nouvelle décision » ; Que le conseil de céans dit qu'il sera fait application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 promulguée le 17 juin 2013 en matière de prescription telle qu'elle l'a introduit dans l'article L. 1471-1 du code du travail ; Que selon ses dispositions appliquées à la lettre de licenciement de Mme [O] [Z] en date du 7 mars 2013, réceptionnée le 9 mars 2013 et de la date d'entrée en vigueur de la loi, le délai de prescription de 2 ans commence à courir à compter du 17 juin 2013, date de la promulgation de la loi ; Que Mme [O] [Z] ne pouvait saisir la juridiction de céans que jusqu'au 17 juin 2015 ; Qu'elle a introduit sa demande devant le conseil de prud'hommes de Metz le 10 juillet 2015 de sorte que l'ensemble de ses demandes sont prescrites ; Qu'elle sera déboutée de l'ensemble de ses demandes en relation avec la sanction disciplinaire dont elle a fait l'objet (jugement de première instance, pp. 6-7).

1° ALORS QUE toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que, pour les salariés relevant du statut du personnel des industries électriques et gazières (IEG), le délai de prescription de l'action en contestation d'un licenciement pour faute grave court à compter de l'issue du recours gracieux engagé devant la commission supérieure nationale du personnel par le salarié en vertu de la circulaire PERS 486 ; qu'en disant néanmoins prescrite l'action de la salariée pour la raison que le délai court à compter de la notification du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause et 3 de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985.

2° ALORS subsidiairement QUE la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance du litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ; qu'en l'espèce, en disant prescrite l'action en contestation du licenciement de la salariée quand le délai de prescription de cette action était suspendu par l'effet de la procédure gracieuse engagée par la salariée devant la commission supérieure nationale du personnel en vertu de la circulaire PERS 486, la cour d'appel a violé les articles 2238 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et 3 de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-22251
Date de la décision : 08/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Action en contestation - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Applications diverses - Licenciement d'un cadre relevant du statut national du personnel des industries électriques et gazières - Recours gracieux formé par le salarié - Portée

ENERGIE - Industries électriques et gazières - Personnel - Statut - Procédure disciplinaire - Voies de recours internes pour les cadres - Recours gracieux - Décision du directeur général - Effets - Action en contestation du licenciement - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Portée

Le délai de prescription, prévu à l'article L. 1471-1 du code du travail, de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail, engagée par un cadre, relevant du statut national du personnel des industries électriques et gazières, contre la décision de sanction prise par l'autorité compétente, court à compter de la notification de la nouvelle décision prise par le directeur général statuant sur le recours gracieux formé par ce salarié


Références :

Article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013

circulaire PERS 846, §§ 3, 25 et 32, du 16 juillet 1985 prise en application du statut national du personnel des industries électriques et gazières.

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 20 mai 2019

Sur la décision prise par le directeur général statuant sur le recours gracieux formé par un cadre, relevant du statut national du personnel des industries électriques et gazières, à rapprocher : Soc., 7 novembre 2007, pourvoi n° 06-42988, Bull. 2007, V, n° 184 (cassation partiellement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 sep. 2021, pourvoi n°19-22251, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22251
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