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08/09/2021 | FRANCE | N°18-23857

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 septembre 2021, 18-23857


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

NSOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 septembre 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 951 F-D

Pourvoi n° D 18-23.857

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 mars 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

__________________

_______

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

La Socié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

NSOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 septembre 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 951 F-D

Pourvoi n° D 18-23.857

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 mars 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

La Société industrielle des Mascareignes de l'Océan indien, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 18-23.857 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [J] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de Me Carbonnier, avocat de la ociété industrielle des Mascareignes de l'Océan indien, de Me Haas, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 15 mai 2018), M. [N], engagé le 6 mars 2006, par la Société industrielle des Mascareignes de l'Océan indien (la société SIM OI) en qualité de responsable d'exploitation, a été promu le 1er juin 2008 responsable activité.

2. Le 27 mars 2014, l'employeur lui a notifié une mise à pied de trois jours.

3.Le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle le 16 juillet 2014.

4. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses indemnités.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage payées au salarié à la suite de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 1°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement reprochait à M. [N] une insuffisance professionnelle résultant de carences dans l'exercice de ses fonctions ; que son licenciement était ainsi notifié « pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle » ; que la cour d'appel a cependant estimé que « l'employeur, en indiquant avoir convoqué M. [N] à un entretien préalable à une sanction [?] s'est placé sur le terrain disciplinaire » ; qu'en fixant ainsi les limites du litige au regard des termes de la lettre de convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ensemble l'article L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement reprochait à M. [N] une insuffisance professionnelle résultant de carences dans l'exercice de ses fonctions ; que son licenciement était ainsi notifié "pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle" ; que la cour d'appel a cependant estimé que "l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif, contrairement à l'appréciation de l'employeur qui a sanctionné l'insuffisance professionnelle par une mise à pied" ; qu'en statuant de la sorte lorsque la cour d'appel n'était pas saisie d'une contestation de la mise à pied disciplinaire d'avril 2014 mais d'une contestation du licenciement notifié par lettre du 16 juillet 2014, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-1 de ce code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

6. Il résulte de ce texte que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

7. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le licenciement a été précédé d'une mise à pied qualifiée de disciplinaire par l'employeur, motivée par une insuffisance professionnelle alors que celle-ci ne présente pas un caractère fautif. Il ajoute qu'il ressort des termes de la lettre de licenciement que le licenciement a un caractère disciplinaire dès lors que l'employeur, en indiquant avoir convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction et en lui reprochant des griefs, s'était placé sur le terrain disciplinaire.

8. En statuant ainsi, en se fondant sur une précédente sanction de mise à pied et sur le contenu de la lettre de convocation à l'entretien préalable, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait au salarié des faits d'insuffisance professionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation à intervenir entraîne par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif ordonnant d'office le remboursement par la société SIM OI à Pôle emploi des indemnités de chômage payées au salarié à la suite de la rupture de son contrat de travail dans la limite de six mois d'indemnités, ainsi que de ceux relatifs aux dépens et aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [N] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour préjudice distinct, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la Société industrielle des Mascareignes de l'Océan indien

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [J] [N] est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société SIM-OI à payer à M. [J] [N] la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, et d'AVOIR ordonné d'office le remboursement par la société SIM-OI à Pôle emploi des indemnités chômage payées à M. [N] à la suite de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités,

AUX MOTIFS QUE « Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. La lettre de licenciement, qui aux termes de l'article L 1232-6 du code du travail énonce le ou les motifs invoqués par l'employeur, fixe les limites du litige, aussi bien en ce qui concerne les griefs énoncés qu'en ce qui concerne les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de la rupture. M. [N] fait justement valoir que l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif. Il soutient, que l'employeur a clairement décidé que les faits d'insuffisance professionnelle constituaient une faute en les sanctionnant par une mise à pied ; puis en s'appuyant sur cette première sanction dans la lettre de licenciement, et en mentionnant que le salarié a été convoqué à un entretien préalable à sanction. En l'espèce, il est avéré que le licenciement a été précédé d'une mise à pied qualifiée de disciplinaire par l'employeur, motivée par des faits d'insuffisance professionnelle. Ainsi que le fait valoir M. [N], l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif, contrairement à l'appréciation de l'employeur qui a sanctionné l'insuffisance professionnelle par une mise à pied. M [N] est fondé à soutenir qu'il ressort des termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, que le licenciement a un caractère disciplinaire, l'employeur en indiquant avoir convoqué M. [N] à un entretien préalable à une sanction, en lui reprochant des griefs, s'est placé sur le terrain disciplinaire. L'insuffisance professionnelle, ne présentant aucun caractère fautif, en l'absence de mauvaise volonté délibérée du salarié, qui n'est pas alléguée ni établie en l'espèce, il s'ensuit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'employeur s'étant placé sur le terrain disciplinaire. Le jugement sera réformé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. M. [N] a été abusivement licencié d'une entreprise employant plus de onze salariés à l'issue de 8 ans d'ancienneté à l'âge de 46 ans. Il a droit en application de l'article L 1235-3 du code du travail à des dommages-intérêts qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois, qu'en considération d'un salaire moyen de 2 688 euros, la cour fixe à la somme de 24 000 euros. [?] Eu égard aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société SIM-OI à Pôle emploi des indemnités chômage payées à Monsieur [N] suite à la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités » (arrêt, p. 7 et 8),

1°) ALORS QUE le juge ne saurait, sous couvert d'interprétation, conférer à un écrit clair et précis, un sens et une portée qu'il n'a manifestement pas ;

Qu'à compter de l'année 2013, la société SIM-OI a dû faire face aux carences de Monsieur [J] [N] dans l'exercice de ses fonctions de responsable d'activité ; que par correspondance du 16 juillet 2014, la société SIM-OI a notifié à Monsieur [N] son licenciement « pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle » (lettre de licenciement, p. 5) ;

Qu'en décidant cependant que Monsieur [J] [N] aurait été licencié pour motif disciplinaire et non pour insuffisance professionnelle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement, et a violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS QUE le juge ne saurait, sous couvert d'interprétation, conférer à un écrit clair et précis, un sens et une portée qu'il n'a manifestement pas ;

Que par correspondance du 16 juillet 2014, la société SIM-OI a notifié à Monsieur [N] son licenciement « pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle » (lettre de licenciement, p. 5) ; que les « griefs » exposés lors de l'entretien préalable et rappelés dans la lettre de licenciement tenaient à l'insuffisance professionnelle du salarié (tarification aléatoire voire inexistante, dossiers incomplets, absence de suivi du parc location longue durée de la société DMP, manque de méthode de travail au niveau de la gestion de l'activité ; cf. lettre de licenciement, p. 4) ; qu'il était ainsi reproché en synthèse au salarié « votre manque de méthode de travail et les difficultés rencontrées par votre direction et vos collaborateurs dans la gestion ainsi que le suivi commercial de vos dossiers, compte tenu du manque de planification et de visibilité sur votre activité, démontrent votre insuffisance professionnelle qui nuit à la bonne marche de la société » (lettre de licenciement, p. 4) ;

Qu'en décidant cependant que Monsieur [J] [N] aurait été licencié pour motif disciplinaire et non pour insuffisance professionnelle, la cour d'appel a derechef dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement, et a violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Que la lettre de licenciement reprochait à Monsieur [J] [N] une insuffisance professionnelle résultant de carences dans l'exercice de ses fonctions ; que son licenciement était ainsi notifié « pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle » (lettre de licenciement, p. 5) ; que la cour d'appel a cependant estimé que « l'employeur, en indiquant avoir convoqué M. [N] à un entretien préalable à une sanction [?] s'est placé sur le terrain disciplinaire » (arrêt, p. 7) ;

Qu'en fixant ainsi les limites du litige au regard des termes de la lettre de convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ensemble l'article L. 1235-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Que la lettre de licenciement reprochait à Monsieur [J] [N] une insuffisance professionnelle résultant de carences dans l'exercice de ses fonctions ; que son licenciement était ainsi notifié « pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle » (lettre de licenciement, p. 5) ; que la cour d'appel a cependant estimé que « l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif, contrairement à l'appréciation de l'employeur qui a sanctionné l'insuffisance professionnelle par une mise à pied » (arrêt, p. 7) ;

Qu'en statuant de la sorte lorsque la cour d'appel n'était pas saisie d'une contestation de la mise à pied disciplinaire d'avril 2014 mais d'une contestation du licenciement notifié par lettre du 16 juillet 2014, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-1 de ce code ;

5°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Que la lettre de licenciement reprochait à Monsieur [J] [N] une insuffisance professionnelle résultant de carences dans l'exercice de ses fonctions malgré les mesures d'accompagnement mises en place par l'employeur ; que la cour d'appel avait elle-même relevé que l'insuffisance professionnelle n'avait aucun caractère fautif « en l'absence de mauvaise volonté délibérée du salarié, qui n'était ni alléguée, ni établie en l'espèce » (arrêt, p. 7) ; que le licenciement de Monsieur [N] avait donc été notifié « pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle » (lettre de licenciement, p. 5) ;

Qu'en décidant cependant que le licenciement de Monsieur [N] aurait un caractère disciplinaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-23857
Date de la décision : 08/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 15 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 sep. 2021, pourvoi n°18-23857


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, Me Haas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.23857
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