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25/08/2021 | FRANCE | N°21-84885

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 août 2021, 21-84885


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 21-84.885 F-D

N° 01110

GM
25 AOÛT 2021

REJET

M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller doyen faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 AOÛT 2021

M. [F] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du

29 juillet 2021, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires polonaises en exécution d'un mandat d'arrêt européen.

De...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 21-84.885 F-D

N° 01110

GM
25 AOÛT 2021

REJET

M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller doyen faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 AOÛT 2021

M. [F] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 29 juillet 2021, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires polonaises en exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Des mémoires, ampliatif et personnel, ont été produits.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [F] [M], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 août 2021 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. Bellenger, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [M] fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen émis le 23 juillet 2019 par le tribunal régional de Zielona Gora, (Pologne), aux fins d'exécution d'un reliquat de peine de cinq mois et cinq jours d'emprisonnement restant à effectuer sur la peine de dix-huit mois d'emprisonnement prononcée le 8 décembre 2005 par le tribunal du district de Zary pour des faits de violences aggravées, commises le premier mars 2003 à [Localité 1] (Allemagne), ainsi que d'une peine de dix- huit mois d'emprisonnement, prononcée le 6 novembre 2012 par ce même tribunal pour des faits de vols en réunion et avec effraction commis en Allemagne entre le mois d'octobre 2004 et le 28 janvier 2005.

3. M. [M] n'a pas consenti à sa remise et a demandé que soit transmise à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle sur l'indépendance de l'autorité judiciaire requérante.

Examen des moyens

Enoncé des moyens

4. Le mémoire personnel fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de question préjudicielle et ordonné sa remise aux autorités judiciaires polonaises, alors :

« 1°/ que le mandat d'arrêt européen du tribunal régional de Zielona Gora n'a pas été émis par une autorité judiciaire indépendante, en raison des atteintes portées à son indépendance par les réformes adoptées en Pologne, et ne garantit pas le droit du demandeur à une protection juridique effective, en violation de l'article 6 de la décision-cadre 2002/584/JAL du 13 juin 2002, de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 2 du traité sur l'Union européenne ;

2°/ que c'est à tort que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon a jugé que, les condamnations étant antérieures aux réformes constitutionnelles et législatives en Pologne, la question de l'indépendance de la justice ne posait pas, sans s'attacher à la légalité, au regard du droit de l'Union, du mandat d'arrêt européen du 17 mars 2017 lui-même ;

3°/ qu'il est sollicité que soit posée une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne. »

5. Le mémoire ampliatif propose un moyen unique de cassation.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la remise aux autorités polonaises de M. [M] en application d'un mandat d'arrêt européen du 23 juillet 2019 aux fins d'exécution d'une peine, alors :

« 1°/ qu' il résulte des dispositions combinées de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne et des articles 1 et 6 de la décision-cadre du 13 juin 2002 que l'autorité judiciaire de l'État membre d'exécution appelé à décider de la remise d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen émis aux fins d'exécution d'une peine dispose d'éléments, tels que ceux figurant dans une proposition motivée de la Commission européenne, adoptée en application de l'article 7, paragraphe 1, TUE, tendant à démontrer l'existence d'atteintes répétées et structurelles à l'indépendance de l'autorité judiciaire dans l'État d'émission, ladite autorité doit s'opposer à cette remise au motif qu'elle ne peut être regardée comme émanant d'une «autorité judiciaire» au sens de la décision-cadre ; qu'en ordonnant la remise de M. [M] aux autorités polonaises en application du mandat d'arrêt européen du 23 juillet 2019, alors que le requérant faisait valoir des éléments objectifs tendant à démontrer les atteintes à l'indépendance de l'autorité judiciaire en Pologne, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés;

2°/ que conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, si la Chambre criminelle considère qu'il existe un doute raisonnable sur l'interprétation à donner aux dispositions combinées de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne et de la décision-cadre du 13 juin 2002, elle saisira la CJUE de la question préjudicielle suivante : « Les dispositions combinées de la décision-cadre n°2002/584/JAI du 13 juin 2002 et de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne doivent-elles être interprétées en ce sens que lorsque l'autorité judiciaire d'exécution appelée à décider de la remise d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen émis aux fins de l'exécution d'une peine dispose d'éléments, tels que ceux figurant dans une proposition motivée de la Commission européenne, adoptée en application de l'article 7, paragraphe 1, TUE, tendant à démontrer l'existence d'atteintes répétées et structurelles à l'indépendance de l'autorité judiciaire dans l'État d'émission, ladite autorité peut s'opposer à cette remise au motif qu'elle ne peut être regardée comme émanant d'une «autorité judiciaire» au sens de la décision-cadre ? »

Réponse de la Cour

7. Pour rejeter la demande de question préjudicielle et ordonner la remise de M. [M] aux autorités judiciaires polonaises, l'arrêt attaqué énonce que le mandat d'arrêt européen a pour objet l'exécution de deux peines prononcées antérieurement aux réformes du système judiciaire polonais intervenues entre 2017 et 2019, tout comme la décision de révocation de libération conditionnelle prononcée en 2014, et qui sanctionnent des faits de délinquance de droit commun dépourvus de toute dimension idéologique, politique ou discriminatoire.

8. Les juges en concluent qu'il n'est pas démontré par le requérant qu'il n'a pas eu, en l'espèce, tant lors de son jugement que lors de son passage devant la juridiction d'application des peines, accès à une juridiction indépendante et impartiale.

9. En l'état de ces énonciations, le moyen ne peut être accueilli, dès lors qu'il se borne à alléguer, par un motif d'ordre général, l'absence prétendue d'indépendance de la juridiction de l'Etat requérant, sans préciser en quoi la situation serait de nature à affecter tant son pouvoir de décision d'émettre le mandat d'arrêt européen relatif à M. [M], que l'issue de la procédure de mise à exécution des condamnations pour des faits de droit commun dont ce dernier a fait l'objet.

Sur la demande de question préjudicielle

10. M. [M] sollicite que soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne, une question préjudicielle relative à l'interprétation des dispositions combinées de la décision-cadre n°2002/584/JAI du 13 juin 2002 et de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne, en ce qu'elles permettraient à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution de refuser la remise de la personne objet du mandat d'arrêt européen, au motif que l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission ne peut être regardée comme émanant d'une «autorité judiciaire» au sens de la décision-cadre, du fait d'atteintes répétées et structurelles à son indépendance.

11. Si, selon le droit de l'Union, une juridiction nationale a l'obligation de poser une question préjudicielle lorsqu'elle statue en dernier ressort, elle en est toutefois dispensée dès lors que la question concerne une disposition du droit de l' Union qui a d'ores et déjà été interprétée par la Cour.

12. Dans sa décision C-354/20 PPU et C-412/20 PPU du 17 décembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne, saisie de la question préjudicielle transmise le 31 juillet 2020 par une juridiction hollandaise, sur le point de savoir si lorsque l'autorité judiciaire d'exécution appelée à décider de la remise d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen dispose d'éléments témoignant de défaillances systémiques ou généralisées concernant l'indépendance du pouvoir judiciaire dans l'État membre d'émission de ce mandat d'arrêt qui existaient au moment de l'émission de celui-ci ou qui sont survenues postérieurement à cette émission, cette autorité peut dénier la qualité d'«autorité judiciaire d'émission» à la juridiction qui a émis ledit mandat d'arrêt, a répondu que des atteintes systémiques ou généralisées, en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire de l'Etat membre d'émission, aussi graves soient elles, ne peuvent suffire à elles seules, pour permettre à une autorité judiciaire d'exécution de considérer que l'ensemble des juridictions de cet État membre ne relèvent pas de la notion d'«autorité judiciaire d'émission», au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.

13. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à transmission de la question préjudicielle sollicitée, les dispositions qu'elle interroge ayant ainsi déjà été interprétées par la Cour.

14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq août deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-84885
Date de la décision : 25/08/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 29 juillet 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 aoû. 2021, pourvoi n°21-84885


Composition du Tribunal
Président : M. de Larosière de Champfeu (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:21.84885
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