LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juillet 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 762 F-D
Pourvoi n° A 20-12.247
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
M. [S] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-12.247 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail / maladies professionnelles (régimes spéciaux)), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle, dont le siège est [Adresse 2], intervenant pour le compte de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 9 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 28 novembre 2019), la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (la caisse) a rejeté la demande de révision pour aggravation du taux d'incapacité permanente partielle de M. [H] (la victime), atteint d'une silicose chronique prise en charge au titre de la législation professionnelle.
2. La victime a saisi d'un recours une juridiction du contentieux de l'incapacité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La victime fait grief à l'arrêt de dire qu'à la date de sa demande de révision pour aggravation, les séquelles consécutives à la silicose professionnelle dont elle a été reconnue atteinte justifient, au titre des articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 80 %, alors :
« 1°/ que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ; que lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci ; que les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente en matière de maladie professionnelle, visés en particulier par l'article L. 434-2 précité, figurent en annexe II du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi les insuffisances respiratoires chroniques moyennes sont indemnisées par un taux de 40 à 67 %, notamment lorsqu'est caractérisée une pression partielle de l'oxygène entre 60 et 70 mmHg, et les insuffisances respiratoires chroniques graves par un taux de 67 à 100 % lorsque cette pression est comprise entre 50 et 60 mmHg ; qu'ayant constaté que la PaO2 de la victime avait chuté de 64 mmHg lors sa précédente révision (20 mai 2008) à 53,3 mmHg au 27 février 2014, la cour en a immédiatement conclu que les séquelles consécutives à la silicose de la victime seraient « plus justement appréciées par un taux d'incapacité permanente partielle de 80 % » ; que dès lors que la cour entendait faire application du barème ci-dessus, pour fixer un taux compris entre les 67 % antérieurs, qui ne pouvaient plus être retenus au constat de l'aggravation de l'état de la victime, et les 100 % possibles, elle devait nécessairement tenir compte de l'ensemble des éléments qui étayaient la demande de ce dernier et qui étaient susceptibles d'influer sur la détermination de ce taux ; que la victime avait fait état, non seulement de la chute de sa PaO2, mais encore de deux circonstances aggravantes : des douleurs constantes dans la poitrine (depuis la fin 2013), avec un ressenti dans le dos, et la nécessité de recourir à une oxygénothérapie de longue durée depuis 2007 avec mise en oeuvre d'une ventilation sous oxygène à domicile qui est actuellement de 20 heures par jour à raison de trois litres par minute, depuis 2013, alors qu'elle n'était que de 2,5 litres auparavant ; qu'en jugeant dès lors que les séquelles consécutives à la silicose devaient donner lieu à un taux d'incapacité permanente partielle de seulement 80 %, sans avoir pris en ainsi invoquées, la Cour nationale a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 434-2, L. 443-1 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que tout jugement, à peine de censure, doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui ne répond aux conclusions qui lui sont soumises ; que la victime avait explicitement fondé sa demande de révision de son taux d'incapacité sur les dispositions du décret n° 99-490 du 10 juin 1999, en vertu desquelles « la constatation d'une hypoxémie de repos avec PaO2 inférieure à 60 mmHg (...) ou justifiant une oxygénothérapie de longue durée » -conditions qui étaient l'une et l'autre remplies dans son cas- établissait l'existence d'une insuffisance « sévère » et pas seulement « grave », justifiant un taux d'invalidité de 100 % ; qu'en ne répondant pas sur ce point aux conclusions la victime, alors que cette référence au décret du 10 juin 1999 et à ses critères constituait le fondement de sa demande, la Cour nationale a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que tandis que la victime demandait à bénéficier du barème du décret n° 99-490 du 10 juin 1999 pour la réévaluation du taux de son invalidité, compte tenu de l'aggravation des effets de la silicose qu'il avait contractée, la Cour nationale lui a appliqué celui de l'annexe II du code de la sécurité sociale ; que, cependant, au regard d'une maladie identique, et de mesures strictement identiques de l'oxygénation du sang (une PaO2 = 53,3 mmHg), le barème du décret du 10 juin 1999 qualifie l'insuffisance respiratoire de « sévère » et impose un taux d'invalidité de 100 %, tandis que le barème de l'annexe II du code de la sécurité sociale n'y voit qu'une insuffisance « grave » appelant un taux d'invalidité pouvant être fixé entre 67 et 100 % ; que, cependant, cette différence de qualification et de taux, pouvant excéder 30 %, ne trouve aucune justification objective, ni dans la nature de la maladie, ni dans l'évaluation scientifique constatée de ses effets sur l'oxygénation du sang ; qu'en fixant dès lors, au constat de l'aggravation des séquelles de la silicose de la victime, son taux d'incapacité permanente partielle à 80 % seulement, sans avoir justifié en rien l'adoption du barème de l'annexe II du code de la sécurité sociale et le rejet de celui du décret n° 99-490 du 10 juin 1999, plus favorable, invoqué par la victime, la Cour nationale a violé les articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, ensemble ledit décret et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt retient, pour fixer le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 80 %, qu'il ne peut être tenu compte d'aucun élément postérieur à la date de la demande de révision ; que le tableau récapitulatif des gaz du sang montre que la pression partielle de l'oxygène, qui était de 64 mmHg n'est plus que de 53,3 mmHg à la date de la demande ; que le barème visé à l'article R. 434-32 précité prévoit en son chapitre 6 concernant les affections respiratoires un paragraphe 6.9 relatif à la déficience fonctionnelle qui indemnise les insuffisances respiratoires chroniques moyennes par un taux de 40 à 67 % lorsqu'elles sont caractérisées par une pression partielle de l'oxygène entre 60 et 70 mmHg et les insuffisances respiratoires chroniques graves par un taux de 67 à 100 % lorsqu'elles sont caractérisées par une pression partielle de l'oxygène entre 50 et 60 mmHg ; qu'en application de ce barème, les séquelles consécutives à la silicose professionnelle de la victime sont plus justement appréciées par un taux d'incapacité permanente partielle de 80 % qui prend en compte la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que ses aptitudes et sa qualification professionnelle.
5. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la Cour nationale, qui a fait une juste application du barème visé à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, a pu déduire que l'aggravation des séquelles de la silicose professionnelle de la victime justifiait un taux d'incapacité permanente partielle de 80 %.
6. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. [H]
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'à la date du 27 février 2014 de la demande de révision pour aggravation, les séquelles consécutives à la silicose professionnelle dont M. [S] [H] a été reconnu atteint le 27 avril 2007 justifiaient, au titre des articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 80 %,
AUX MOTIFS QUE, au regard des articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale concernant les régimes spéciaux, ainsi que des articles L. 434-2, L. 443-1 et R. 434-32 du même code concernant la réparations des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le cadre des dispositions du régime général, il ne peut être tenu compte d'aucun élément postérieur au 27 février 2014, date impartie pour statuer ; que selon le rapport de consultation établi le 8 juillet 2019 par le docteur [V] [M], M. [H] présente un état antérieur qui associe une très probable tuberculose et un emphysème génétiquement contrôlé ; que, cependant, la « très probable » tuberculose n'est pas documentée et l'emphysème, qui est en relation « probable » avec le déficit en Alpha 1 antitrypsine, n'est pas davantage objectivé, de sorte que cet état antérieur, de nature purement hypothétique, ne saurait être pris en considération pour la détermination du taux d'incapacité permanente partielle ; que, par ailleurs, le tableau récapitulatif des gaz du sang montre que la pression partielle de l'oxygène, qui était de 64 mmHg lors de la précédente révision au 20 mai 2008, n'est plus que de 53,3 mmHg à la date du 27 février 2014 impartie pour statuer ; que le barème visé à l'article R. 434-32 précité prévoit en son chapitre 6 concernant les affections respiratoires un paragraphe 6.9 relatif à la déficience fonctionnelle qui indemnise 1° les insuffisances respiratoires chroniques moyennes par un taux de 40 à 67 % lorsqu'elles sont caractérisées par une pression partielle de l'oxygène entre 60 et 70 mmHg, 2° les insuffisances respiratoires chroniques graves par un taux de 67 à 100 % lorsqu'elles sont caractérisées par une pression partielle de l'oxygène entre 50 et 60 mmHg ; qu'en application de ce barème, les séquelles consécutives à la silicose professionnelle de M. [H] seront plus justement appréciées par un taux d'incapacité permanente partielle de 80 % ; que, dans ces conditions, la Cour constate, avec le médecin expert consultant dont elle adopte partiellement les conclusions, que le taux de 80 % prend mieux en compte la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que ses aptitudes et sa qualification professionnelle ; qu'en conséquence, au vu de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et contradictoirement débattus, la Cour, qui s'estime suffisamment informée pour ne pas recourir à une procédure d'examen médical complémentaire, considère qu'à la date du 27 février 2014 de demande de révision pour aggravation, les séquelles consécutives à la silicose professionnelle dont M. [H] a été reconnu atteint le 27 avril 2007 justifiaient, au titre des articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 80 % ;
1° ALORS QUE le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ; que lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci ; que les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente en matière de maladie professionnelle, visés en particulier par l'article L. 434-2 précité, figurent en Annexe II du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi les insuffisances respiratoires chroniques moyennes sont indemnisées par un taux de 40 à 67 %, notamment lorsqu'est caractérisée une pression partielle de l'oxygène entre 60 et 70 mmHg, et les insuffisances respiratoires chroniques graves par un taux de 67 à 100 % lorsque cette pression est comprise entre 50 et 60 mmHg ; qu'ayant constaté que la PaO2 de M. [H] avait chuté de 64 mmHg lors sa précédente révision (20 mai 2008) à 53,3 mmHg au 27 février 2014, la cour en a immédiatement conclu que les séquelles consécutives à la silicose de M. [H] seraient « plus justement appréciées par un taux d'incapacité permanente partielle de 80 % » ; que dès lors que la cour entendait faire application du barème ci-dessus, pour fixer un taux compris entre les 67 % antérieurs, qui ne pouvaient plus être retenus au constat de l'aggravation de l'état de M. [H], et les 100 % possibles, elle devait nécessairement tenir compte de l'ensemble des éléments qui étayaient la demande de ce dernier et qui étaient susceptibles d'influer sur la détermination de ce taux ; que M. [H] avait fait état, non seulement de la chute de sa PaO2, mais encore de deux circonstances aggravantes : des douleurs constantes dans la poitrine (depuis la fin 2013), avec un ressenti dans le dos, et la nécessité de recourir à une oxygénothérapie de longue durée depuis 2007 avec mise en oeuvre d'une ventilation sous oxygène à domicile qui est actuellement de 20 heures par jour à raison de trois litres par minute (concl. p. 12, § 8), depuis 2013, alors qu'elle n'était que de 2,5 litres auparavant (concl. pp. 6-7 ; p. 7, § 4) ; qu'en jugeant dès lors que les séquelles consécutives à la silicose devaient donner lieu à un taux d'incapacité permanente partielle de seulement 80 %, sans avoir pris en compte les deux circonstances aggravantes ainsi invoquées, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 434-2, L. 443-1, et R. 434-32 du code de la sécurité sociale ;
2° ALORS QUE tout jugement, à peine de censure, doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui ne répond aux conclusions qui lui sont soumises ; que M. [H] avait explicitement fondé sa demande de révision de son taux d'incapacité sur les dispositions du décret n° 99-490 du 10 juin 1999, en vertu desquelles « la constatation d'une hypoxémie de repos avec PaO2 inférieure à 60 mmHg (...) ou justifiant une oxygénothérapie de longue durée » -conditions qui étaient l'une et l'autre remplies dans son cas- établissait l'existence d'une insuffisance « sévère » et pas seulement « grave », justifiant un taux d'invalidité de 100 % ; qu'en ne répondant pas sur ce point aux conclusions de M. [H], alors que cette référence au décret du 10 juin 199 et à ses critères constituait le fondement de sa demande, la Cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE tandis que M. [H] demandait à bénéficier du barème du décret n° 99-490 du 10 juin 1999 pour la réévaluation du taux de son invalidité, compte tenu de l'aggravation des effets de la silicose qu'il avait contractée, la Cour lui a appliqué celui de l'Annexe II du code de la sécurité sociale ; que, cependant, au regard d'une maladie identique, et de mesures strictement identiques de l'oxygénation du sang (une PaO2 = 53,3 mmHg), le barème du décret du 10 juin 1999 qualifie l'insuffisance respiratoire de « sévère » et impose un taux d'invalidité de 100 %, tandis que le barème de l'Annexe II du code de la sécurité sociale n'y voit qu'une insuffisance « grave » appelant un taux d'invalidité pouvant être fixé entre 67 et 100 % ; que, cependant, cette différence de qualification et de taux, pouvant excéder 30 %, ne trouve aucune justification objective, ni dans la nature de la maladie, ni dans l'évaluation scientifique constatée de ses effets sur l'oxygénation du sang ; qu'en fixant dès lors, au constat de l'aggravation des séquelles de la silicose de M. [H], son taux d'incapacité permanente partielle à 80 % seulement, sans avoir justifié en rien l'adoption du barème de l'Annexe II du code de la sécurité sociale et le rejet de celui du décret n° 99-490 du 10 juin 1999, plus favorable, invoqué par M. [H], la Cour a violé les articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, ensemble ledit décret et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.