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08/07/2021 | FRANCE | N°19-19242

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 juillet 2021, 19-19242


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2021

Cassation partielle
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 719 F-D

Pourvoi n° G 19-19.242

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

L'Office national des anciens combatta

nts et victimes de guerre, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-19.242 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'app...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2021

Cassation partielle
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 719 F-D

Pourvoi n° G 19-19.242

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-19.242 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Colmar (5e chambre civile, chambre B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [F] [U], veuve [X], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de réprésentante légale de sa fille [D] [X],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Colmar, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme [U], veuve [X], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 mai 2019), le 26 avril 2017, le capitaine de police [W] [X] a été mortellement blessé, dans les locaux du commissariat où il était affecté, à la suite d'un tir accidentel par l'arme à feu d'un de ses collègues, qui a été mis en examen du chef d'homicide involontaire.

2. Par arrêté du 31 mai 2017, le préfet de région a reconnu son décès imputable au service.

3. Mme [U], sa veuve, a saisi un tribunal de grande instance d'une demande tendant à l'adoption par la Nation de leur fille [D] [X], née le [Date naissance 1] 2014 (l'enfant).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche,

Enoncé du moyen

4. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre fait grief à l'arrêt de dire que la Nation adopte l'enfant, née le [Date naissance 1] 2014 à [Localité 1], et que le dispositif de l'arrêt devenu définitif sera mentionné en marge de l'acte de naissance de l'intéressée, alors « que la qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants des fonctionnaires des services actifs de la police nationale tués ou décédés des suites d'une blessure ou d'une maladie contractée ou aggravée du fait d'un acte d'agression survenu, soit au cours de l'accomplissement d'une mission de sécurité publique, soit lors d'une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction ; que seule une atteinte à la personne commise avec violence, contrainte, menace ou surprise caractérise une agression ; qu'en énonçant, pour retenir que [W] [X] était décédé du fait d'un acte d'agression, que le seul fait d'être touché par le projectile d'une arme à feu et d'en être affecté au point d'en décéder constituait une agression, sans qu'il soit besoin de caractériser un élément intentionnel de nocivité de la part de l'auteur de l'acte, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 411-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 411-5, 1°, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre :

5. En vertu de ce texte, la qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants des fonctionnaires des services actifs de la police nationale tués ou décédés des suites d'une blessure ou d'une maladie contractée ou aggravée du fait d'un acte d'agression survenu soit au cours de l'accomplissement d'une mission de sécurité publique, soit lors d'une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction.

6. Pour dire que l'enfant remplit les conditions posées pour la reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation, l'arrêt, après avoir relevé que son père est décédé alors qu'il était fonctionnaire des services actifs de la police nationale, retient que la blessure par arme à feu à l'origine de ce décès a indéniablement constitué un acte d'agression.

7. En statuant ainsi, en qualifiant d'acte d'agression le tir accidentel de l'arme d'un collègue de la victime en dehors de toute intervention violente d'un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 7 que le décès du père de l'enfant n'a pas résulté d'un acte d'agression au sens de l'article L. 411-5, 1°, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

11. La demande tendant à l'adoption de cet enfant par la Nation ne peut, dès lors, qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel interjeté par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre du jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 28 septembre 2018 et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME le jugement du 28 septembre 2018 du tribunal de grande instance de Mulhouse ;

STATUANT à nouveau :

REJETTE les demandes de Mme [U] ;

Condamne Mme [U] aux dépens exposés tant devant la cour d'appel de Colmar que devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la Nation adoptait [D] [X] née le [Date naissance 1] 2014 à [Localité 1] (68) et d'avoir dit que le dispositif de l'arrêt devenu définitif serait mentionné, à la diligence de monsieur le procureur général ou de monsieur le procureur de la République, en marge de l'acte de naissance de [D] [X] née de [W] [X] et de [F] [U], dressé le 8 février 2014 sous le numéro 64 par l'officier d'état civil d'[Localité 1] ;

Aux motifs propres que « la cour relève en premier lieu que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre ne précise pas le fondement juridique sur lequel il critique la régularité du jugement entrepris et, en tout état de cause, n'en tire aucune conséquence juridique ; que l'article L. 411-5 du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre applicable à l'espèce, dispose que : "La qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants 1°... des fonctionnaires des services actifs de la police nationale... tués ou décédés des suites d'une blessure ou d'une maladie contractée ou aggravée du fait d'un acte d'agression survenu : a) soit au cours de l'accomplissement d'une mission de sécurité publique ; b) soit lors d'une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction..." ; qu'en l'espèce, il est constant que Monsieur [W] [X] est décédé alors qu'il était fonctionnaire des services actifs de la police nationale ; que le décès est survenu du fait d'une blessure par arme à feu qui constitue indéniablement un acte d'agression ; qu'en effet, si le mot agression a, selon le dictionnaire de l'Académie française, été, au XVe siècle, emprunté du bas latin agressio traduit par "attaque", d'où un sens premier d'attaque violente, soudaine et non provoquée, ce même dictionnaire en donne également, par analogie, la définition d'"atteinte à l'intégrité physique d'un organisme" ce que constitue indéniablement le fait d'être touché par le projectile d'une arme à feu et d'en être affecté au point d'en décéder ; que la cour relève que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre ne précise en rien ce qui lui permet d'affirmer que le terme "agression" signifie invasion, envahissement, ce qui caractériserait ainsi, selon lui, l'intention de son auteur, sa volonté de nuire à autrui, alors qu'aucun élément intentionnel de nocivité à autrui n'est visé dans la définition retenue par l'Académie française, pas davantage au demeurant que dans le Larousse ou le Littré lequel rajoute, à ce terme, la considération morale de permettre de déterminer qui est, cas échéant, le premier en tort ; qu'il suit de là que Monsieur [W] [X] est bien décédé du fait d'un acte d'agression ; que par ailleurs, l'arrêté pris le 31 mai 2017 par le Préfet de région Grand Est, Préfet de la zone de défense et de sécurité Est, Préfet du Bas-Rhin, réceptionné par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre le 4 août 2017 ainsi qu'il ressort du tampon d'entrée, produit en première instance et sur lequel les parties ont été invitées à s'expliquer par la cour à l'audience, a, en son article 1 "reconnu imputable au service le décès de Monsieur [W] [X], matricule 0146796, capitaine de police, en fonction à la CSP Mulhouse, survenu le 26/04/2017..." ; qu'en conséquence et alors qu'il est constant que M. G 19-19.242 [X] a été touché alors qu'il se trouvait sur son lieu et dans son temps de travail de policier, l'affirmation de l'Office appelant qui, se rapportant à un simple article paru dans la presse locale dans les jours qui ont suivi les faits alors au surplus que l'enquête ne faisait que commencer, indique qu'au moment du décès, M. [X] arrivait au niveau de la porte d'entrée d'un bureau du commissariat de [Localité 2] et qui se borne à en tirer la conclusion, aucunement étayée, que cela "écarte les conditions fonctionnelles prévues par le code à savoir, la mission de sécurité publique et la constatation, la répression la poursuite d'une infraction" est inefficace à contredire le fait que la victime, dont il n'est pas contestable qu'elle se trouvait en service, accomplissait une mission de sécurité publique ou bien constatait, réprimait ou poursuivait une infraction au moment du drame ; qu'il résulte de ces développements que les conditions posées par les dispositions de l'article L. 411-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre sont remplies en l'espèce de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la Nation adopte [D] [X] née le [Date naissance 1] 2014 à [Localité 1] (68) » (arrêt, pp. 4 et 5) ;

Et aux motifs adoptés que « la requête est régulière, que la situation satisfait aux conditions de fond visées par les textes susvisés dès lors que le père de l'enfant, M. [W] [X], fonctionnaire de police, est décédé le 26 avril 2017 dans le cadre de son service suite à un tir accidentel ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande » (jugement, p. 2) ;

1°) Alors que la qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants des fonctionnaires des services actifs de la police nationale tués ou décédés des suites d'une blessure ou d'une maladie contractée ou aggravée du fait d'un acte d'agression survenu, soit au cours de l'accomplissement d'une mission de sécurité publique, soit lors d'une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction ; que seule une atteinte à la personne commise avec violence, contrainte, menace ou surprise caractérise une agression ; qu'en énonçant, pour retenir que [W] [X] était décédé du fait d'un acte d'agression, que le seul fait d'être touché par le projectile d'une arme à feu et d'en être affecté au point d'en décéder constituait une agression, sans qu'il soit besoin de caractériser un élément intentionnel de nocivité de la part de l'auteur de l'acte, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 411-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

2°) Alors que la qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants des fonctionnaires des services actifs de la police nationale tués ou décédés des suites d'une blessure ou d'une maladie contractée ou aggravée du fait d'un acte d'agression survenu soit au cours de l'accomplissement d'une mission de sécurité publique, soit lors d'une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la Nation adoptait [D] [X], que [W] [X] accomplissait une mission de sécurité publique ou bien constatait, réprimait ou poursuivait une infraction au moment du drame, sans préciser d'une quelconque manière les circonstances exactes du décès ni donc constater quelle mission de sécurité publique ou quelle action, tendant à constater, réprimer ou poursuivre une infraction, le fonctionnaire était en train d'accomplir au moment du tir ayant entraîné son décès, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

3°) Alors que la qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants des fonctionnaires des services actifs de la police nationale tués ou décédés des suites d'une blessure ou d'une maladie contractée ou aggravée du fait d'un acte d'agression survenu, soit au cours de l'accomplissement d'une mission de sécurité publique, soit lors d'une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction ; que le fait d'être en service n'implique pas nécessairement que le fonctionnaire accomplisse une mission de sécurité publique ou une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction ; qu'en se fondant, pour dire que la Nation adoptait [D] [X], sur la circonstance que [W] [X] était en service au moment du tir et que son décès avait été déclaré imputable au service, pour en déduire qu'il accomplissait une mission de sécurité publique ou bien constatait, réprimait ou poursuivait une infraction, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à caractériser l'accomplissement par le fonctionnaire d'une mission de sécurité publique ou d'une action tendant à constater, réprimer ou poursuivre une infraction, a violé l'article L. 411-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-19242
Date de la décision : 08/07/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 14 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 jui. 2021, pourvoi n°19-19242


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19242
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