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07/07/2021 | FRANCE | N°19-23776

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 juillet 2021, 19-23776


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 875 F-D

Pourvoi n° M 19-23.776

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

La société XPO Supply Chain Care France, soc

iété à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 19-23.776 contre l'arrêt rendu le 25 octobre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 875 F-D

Pourvoi n° M 19-23.776

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

La société XPO Supply Chain Care France, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 19-23.776 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [E] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société XPO Supply Chain Care France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 octobre 2019), rendu en référé, M. [Y] a été engagé par la société Satem en qualité de cariste le 22 juin 1987. Après plusieurs transferts de son contrat de travail, il a été engagé à compter du 1er janvier 2014 en qualité de directeur de site avec reprise de son ancienneté au 22 juin 1987 par la société DHL Services Logistiques, qui assurait alors les prestations logistiques du groupe Ontex. A compter du 1er janvier 2015, ces prestations, effectuées sur le site de [Localité 1], ont été reprises par la société Norbert Dentressangle, qui a repris, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, les contrats de travail de 41 salariés du site de [Localité 1], dont celui de M. [Y]. A compter du mois de mai 2015, la société XPO Supply Chain Care France a repris le contrat de travail de M. [Y].

2. Le 1er janvier 2019, l'activité Ontex exploitée par la société XPO Supply Chain Care France a été reprise par la société 2 XL. La société XPO Supply Chain Care France, soutenant que le contrat de travail de M. [Y] avait été transféré de plein droit à la société 2 XL en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, a donné pour instructions à celui-ci de se présenter le 2 janvier 2019 au sein de cette dernière société pour y prendre ses fonctions. Cette dernière a refusé, au motif que le salarié ne faisait pas partie des effectifs du site de [Localité 1], n'exerçant pas sur ce dernier site.

3. Le 25 février 2019, M. [Y] a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale, demandant à titre principal d'enjoindre à la société XPO Supply Chain Care France de poursuivre son contrat de travail, de lui verser une provision pour rappel de salaire depuis le 1er janvier 2019 et, à titre subsidiaire, de constater un trouble manifestement illicite résultant de l'absence de perception de salaire alors que son contrat de travail n'était pas rompu.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société XPO Supply Chain Care France fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite et de la condamner à payer à M. [Y] une provision sur rappel de salaire d'un montant de 25 000 euros, alors « que si le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, il reste tenu, pour prononcer une telle mesure, de trancher le différend au regard des règles de droit applicables ; que lorsqu'à la suite d'un transfert d'activité entre deux entreprises, une contestation s'élève quant à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail et ainsi à la détermination de l'employeur, le juge des référés doit préalablement rechercher et déterminer qui de la société cédante ou de la société cessionnaire est l'employeur débiteur de ces obligations ; qu'au cas présent, la société XPO Supply Chain Care France soutenait qu'à l'issue de la perte d'exploitation du site de [Localité 1] et en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de M. [Y] avait été transféré de plein droit à la société 2XL le 1er janvier 2019, de sorte qu'elle n'était plus son employeur et ne pouvait pas être tenue de lui verser des salaires à compter de cette date ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'une contestation sérieuse tenant à l'identité de l'employeur de M. [Y] à compter du 1er janvier 2019 ; qu'en condamnant la société XPO Supply Chain Care France à verser à M. [Y] une provision de rappel de salaires de 25 000 euros au seul motif qu'elle aurait été "le dernier employeur" connu, sans rechercher qui était l'employeur du salarié sur la période considérée et sans avoir déterminé qui était le débiteur de l'obligation de fournir du travail et de verser une rémunération, dont la violation caractérisait selon elle un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1455-6 et L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a d'abord retenu que les éléments de fait qui lui étaient soumis ne permettaient pas de conférer un caractère d'évidence au transfert du contrat de travail du salarié à la société 2XL et donc à la qualité de nouvel employeur de cette dernière société.

6. Ayant ensuite constaté que le salarié n'avait perçu aucun salaire entre le 1er janvier 2019 et le 10 août 2019, date à laquelle il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société qu'il estimait être son employeur, et que la qualité d'employeur était déniée tant par cette société que par la société entrante, la cour d'appel a pu décider que le non-paiement des salaires de l'intéressé caractérisait l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société XPO Supply Chain Care France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société XPO Supply Chain Care France et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société XPO Supply Chain Care France

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'avoir condamné la société XPO Supply Chain Care à payer à M. [E] [Y] une provision sur rappel de salaire d'un montant de 25.000 ? ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'existence d'une contestation sérieuse : Il est établi qu'à compter du 1er janvier 2015, la société DHL Services Logistiques a perdu la prestation logistique réalisée au profit du client Ontex lequel l'a confiée à la Société Norbert Dentressangle qui a repris en application des dispositions de l'article 1224-1 du code du travail les contrats des 41 salariés du site de DHL SL dont celui de Monsieur [E] [Y] (pièce n° 15 de l'employeur). Selon l'appelant, qui n'est pas contredit sur ce point par l'intimée, au mois de mai 2015, la société XPO SUPPLY CHAIN CARE France a repris le contrat de travail de Monsieur [E] [Y] lorsque la prestation au profit du client Ontex situé sur le site de [Localité 1] lui a été confiée. Cependant, il est également constant que depuis le 1er janvier 2015 (pièce n°4 de l'intimée) Monsieur [E] [Y] a été détaché de manière permanente sur d'autres sites sans rapport avec le client Ontex, ceux de [Localité 2] et de [Localité 3] exploités par la société XPO SUPPLY CHAIN NORD et n'exécutait donc pas son contrat dans l'entité ONTEX transférée à la société 2XP ce qui a amené cette dernière à considérer que le contrat de travail de ce salarié, à la différence de ceux des autres salariés exerçant sur le site de [Localité 1], ne lui avait pas été transféré automatiquement en application de l'article 1224-1 du code du travail. De surcroît, il est exact que le nom de celui-ci ne figurait pas sur l'annexe 3 relatif au volet social de la reprise d'activité listant les salariés concernés (pièce n°2 du salarié) et le transfert de plein droit ou non du contrat de travail de M. [Y] entre les deux sociétés a fait l'objet de très nombreux échanges de courriels entre les deux sociétés courant novembre et décembre 2018 (pièce n°13 du salarié) s'achevant sur le constat par la société SARL XPO SUPPLY CHAIN CARE adressées à celui-ci d'avoir à se présenter le 2 janvier 2019 auprès de son nouvel employeur lequel lui a purement et simplement interdit l'accès au site ainsi que cela résulte du constat d'huissier dressé à la demande du salarié le 2 janvier 2019 à 10 heures (pièce n°3/2 du salarié). Les éléments de fait soumis à la formation de référé ne permettant pas de conférer un caractère d'évidence au transfert du contrat de travail de M. [Y] à la société 2XP et donc à la qualité de nouvel employeur de cette dernière société la question litigieuse du transfert ou non du contrat de travail de Monsieur [Y] entre les deux sociétés est, ainsi que l'ajustement constaté la juridiction prud'homale, une contestation sérieuse dont est désormais saisi le juge du fond en sorte qu'il convient de confirmer les dispositions de l'ordonnance entreprise ayant relevé l'existence de celle-ci et invité le salarié à mieux se pourvoir. Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite : Il n'est nullement contesté qu'entre le 1er janvier 2019 et le 10 août 2019, date à laquelle Monsieur [E] [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société qu'il estimait être son employeur ; la société SARL XPO SUPPLY CHAIN CARE (pièce n° 18 de l'intimée), celui-ci n'a perçu aucun salaire cette dernière considérant que la relation de travail avait pris fin le 31 décembre 2018 en raison du transfert automatique du contrat de travail de son salarié à la société 2XL laquelle ne lui ayant pas davantage fourni de travail ni de salaire s'étant opposée à son intégration en lui refusant l'accès au site. (Pièce n°13-13 du salarié). Le fait d'être privé de son salaire alors que le contrat de travail n'est pas rompu constitue un trouble manifestement illicite dont la juridiction prud'homale a constaté l'existence tout en s'estimant incompétente pour y mettre fin en l'absence de mise en cause de la société 2XL et en raison de l'existence d'une interrogation fondamentale sur l'employeur légitime de Monsieur [Y]. Or, il résulte des pièces produites que Monsieur [Y] s'est trouvé dans une situation caractérisant l'existence d'un trouble manifestement illicite puisque alors que son contrat n'était pas rompu avec la société en cause, celle-ci ne reconnaissait plus sa qualité d'employeur pour lui fournir du travail et lui verser un salaire et que cette même qualité d'employeur était également déniée par la société 2XL en sorte que, nonobstant l'absence de mise en cause de la société 2XL devant elle, la formation des référés avait parfaitement le pouvoir de faire cesser ce trouble manifestement illicite en ordonnant à titre conservatoire, le paiement par le dernier employeur, à savoir SARL XPO SUPPLY CHAIN CARE, d'une provision sur rappel de salaire s'élevant à la somme de 25.000 euros, l'ordonnance entreprise étant ainsi infirmée sur ce point. La rupture de la relation de travail ne permet évidemment pas d'enjoindre à l'intimée de reprendre le versement des salaires courants, demande dont le salarié a été débouté à juste titre » ;

ALORS QUE, si le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, il reste tenu, pour prononcer une telle mesure, de trancher le différend au regard des règles de droit applicables ; que lorsqu'à la suite d'un transfert d'activité entre deux entreprises, une contestation s'élève quant à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail et ainsi à la détermination de l'employeur, le juge des référé doit préalablement rechercher et déterminer qui de la société cédante ou de la société cessionnaire est l'employeur débiteur de ces obligations ; qu'au cas présent, la société XPO Supply Chain Care France soutenait qu'à l'issue de la perte d'exploitation du site de [Localité 1] et en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de M. [Y] avait été transféré de plein droit à la société 2XL le 1er janvier 2019, de sorte qu'elle n'était plus son employeur et ne pouvait pas être tenue de lui verser des salaires à compter de cette date ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'une contestation sérieuse tenant à l'identité de l'employeur de M. [Y] à compter du 1er janvier 2019 ; qu'en condamnant la société XPO Supply Chain Care France à verser à M. [Y] une provision de rappel de salaires de 25.000 ? au seul motif qu'elle aurait été « le dernier employeur » connu, sans rechercher qui était l'employeur du salarié sur la période considérée et sans avoir déterminé qui était le débiteur de l'obligation de fournir du travail et de verser une rémunération, dont la violation caractérisait selon elle un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1455-6 et L. 1224-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23776
Date de la décision : 07/07/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 jui. 2021, pourvoi n°19-23776


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23776
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