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07/07/2021 | FRANCE | N°19-21765

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 juillet 2021, 19-21765


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 894 F-D

Pourvoi n° A 19-21.765

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

La société Trad tests et radiatio

ns, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 19-21.765 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2019 pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 894 F-D

Pourvoi n° A 19-21.765

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

La société Trad tests et radiations, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 19-21.765 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [O] [E], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi de Balma, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Mme [E] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et la demanderesse au pourvoi incident invoquent, chacune, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Trad tests et radiations, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 27 mai 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Trad tests et radiations du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 janvier 2019), Mme [E] a été engagée par la société Trad tests et radiations (la société) le 1er octobre 2004 selon contrat d'apprentissage, puis selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'ingénieur. Après une première grossesse en 2012, elle a informé son employeur en février 2014 de sa deuxième grossesse et a été placée en arrêt maladie à compter du 23 juin 2014, renouvelé jusqu'au début du congé maternité le 9 septembre 2014.

3. Lors d'un entretien de préparation à la reprise du travail du 12 décembre 2014, l'employeur lui a annoncé son affectation au service Test.

4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 13 mai 2015 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour discrimination, harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de dire que ses décisions étaient constitutives d'actes de harcèlement moral et par conséquent de la condamner à verser à la salariée des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « que, en prétendant que la société n'avait jamais contesté dans ses écritures la licéité du constat d'huissier retranscrivant la conversation téléphonique, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

7. Pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel retient que la salariée produit un enregistrement vocal d'un échange téléphonique qu'elle a eu le 2 mars 2015 avec un "homme" qu'elle désigne comme son supérieur hiérarchique et que cet enregistrement a été constaté et retranscrit par un huissier de justice, dans des conditions de forme et de régularité qui n'ont pas été discutées par l'employeur.

8. En statuant ainsi, alors que l'employeur soutenait que l'enregistrement clandestin, dont il contestait le contenu, constituait une preuve illicite, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de l'employeur, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen du pourvoi incident de la salariée

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur uniquement au paiement des sommes de 3 896 euros au titre du solde d'indemnité de licenciement et 42 000 euros à titre de dommages-intérêts liés à la rupture et de la débouter de sa demande au titre du préjudice financier distinct résultant de la perte de salaire des mois de janvier 2018 à avril 2018, alors « que la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date ; que si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque le salarié est resté au service de son employeur postérieurement au jugement prononçant la résiliation du contrat de travail ; qu'en jugeant la résiliation effective à la date de saisine de la juridiction prud'homale le 13 mai 2015 et en fixant en conséquence les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail sur la base d'une ancienneté de 12 ans et 4 mois, cependant que la résiliation judiciaire du contrat de travail avait été prononcée le 19 janvier 2017 et que la salariée avait été licenciée le 12 avril 2018, la cour d'appel a violé l'article 1184 alors en vigueur du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1184, devenu 1227, du code civil :

10. Il résulte de ce texte que la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date. Si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie après cette décision.

11. Après avoir relevé que la salariée avait été licenciée le 12 avril 2018, la cour d'appel confirme le jugement prononçant la résiliation, ayant fixé la date de la rupture au jour de son prononcé soit le 19 janvier 2017.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la salariée fondant sa demande de rappels de congés payés sur le harcèlement moral, la cassation du chef de dispositif visé par le premier moyen du pourvoi principal emporte cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif déboutant la salariée de sa demande de rappels de congés payés, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la résiliation du contrat de travail et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Trad tests et radiations à payer à Mme [E] la somme de 10 437,35 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 18 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Trad tests et radiations, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les décisions de la société Trad tests et radiations étaient constitutives d'actes de harcèlement moral et par conséquent d'AVOIR condamné la société à verser à Madame [E] des dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE aux termes des dispositions de l'article L. 1152?2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En cas de litige, l'article L. 1154 du même code précise qu'il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement. Madame [E] présente une série de faits qui pour elle sont constitutifs de harcèlement et sont à l'origine de la dégradation de son état de santé ainsi qu'il ressort des documents médicaux :- l'employeur a exigé qu'elle travaille pendant son premier congé maternité - réception d'une mise en demeure malgré la transmission des arrêts maladie - travaille à distance pendant les arrêts maladie - blocage de sa boite mail professionnel - contrôles patronales et suspension du complément de salaire à compter du 19 mars 2015 - accusations de vol du PC rester dans l'entreprise - entretien du 3 mars enregistré et retranscrit par voie de huissier - paiement des salaires tardifs et partiels. La société prétend que les courriels échangés avec la salariée établissent que les arrêts de travail justifiés par les grossesses de madame [E] n'ont jamais été la source de conflit. Si la salariée a ponctuellement aidé à traiter certains problèmes de sa compétence exclusive pendant ces arrêts de travail c'était à son initiative et pour rendre service à l'entreprise. Par ailleurs, elle indique qu'il était dans son rôle lorsqu'il demandait à la salariée de lui adresser ses prolongations d'arrêt de travail lorsque celle-ci oubliait de les transmettre. L'employeur produit des courriels que lui a adressé Madame [E] lors de ses congés maternité qui attestent qu'elles étaient disposées à aider l'entreprise à traiter certains problèmes relevant de sa compétence exclusive du fait qu'elle était la seule à connaître certains dossiers qu'elle avait personnellement instruits depuis leur origine. C'est ainsi que le 14 novembre 2012, pendant son premier congé maternité elle écrivait à son supérieur hiérarchique : « je suis navré de ne pas t'avoir répondu plutôt je suis en train de regarder les mails de ce mois-ci je peux t'aider me rendre utile à distance n'hésite pas. Pour la venue d'ISS je viendrai sans problème quand il le faudra, dis-moi quand ». Quelques jours plus tard, toujours en congé maternité elle se proposera de passer au siège de la société pour « discuter boulot » avec un collègue et traiter d'un projet sur lequel elle travaillait depuis plusieurs années. Le ton général de ces échanges de courriel est affable, courtois et respectueux de part et d'autre. Il en est de même lors de la seconde grossesse au cours de laquelle à la fin de chaque message de supérieur hiérarchique de Madame [E] ne manque pas de lui dire : « Repose toi ou fais attention à toi » au surplus, dans ses conclusions Madame [E] reconnaît que durant l'année 2013 la relation se poursuivait normalement. Il résulte des pièces du dossier que la relation salariale s'est dégradée à la fin de l'année 2014, à l'issue du second congé maternité et à la suite de la décision prise par l'employeur de changer le poste de travail de la salariée. S'il est vrai que la société, le 4 septembre 2014, a mis Madame [E] en demeure de lui adresser la prolongation de son arrêt de travail, cette demande était justifiée par l'omission de la salariée qui l'a adressée dès le lendemain à son employeur. Par ailleurs un employeur exerce son pouvoir de direction lorsqu'il sollicite de la CPAM un contrôle par le médecin-conseil des arrêts de travail d'un salarié. Ce contrôle pour autant qu'il soit désagréable pour l'intéressé ne peut être considéré comme un élément caractérisant un harcèlement moral. Cependant, il résulte de la transcription de l'échange téléphonique effectué par huissier de justice que l'employeur a suspecté des arrêts de travail complaisamment accordés à Madame [E] à la suite de sa décision du changement d'affectation de celle-ci. Lors de l'échange téléphonique retranscrit, l'homme, identifié comme étant monsieur [G] lui enjoint: « tu vas retourner au test si ça te plaît pas tu peux démissionner, Partir, faire ce que tu veux » ; en fin d'entretien Monsieur [G] dira à Madame [E]: « Je vais te faire démissionner pour faute grave hein ! » avant de se reprendre et dire « je ne sais pas comment on appelle ça, mais ? je vais faire une rupture de contrat de travail, on va casser ton contrat puisque tu refuses ce poste ? que je te propose ». Les intentions de ce supérieur hiérarchique est partant de la direction sont clairs soit Madame [E] accepte son changement de poste soit on trouve un biais juridique pour l'exclure de la société. Le reproche fait à la salariée de ne pas avoir restitué son ordinateur portable semble très discutable voir dénué de fondement puisque cet ordinateur présent le 23 mars 2014, lors de la reprise de fonction de la salariée aurait mystérieusement disparu le lendemain à son arrivée sur les lieux de travail. Lors de l'entretien téléphonique retranscrit Madame [E] remarque que ce matin (3 mars) son portable n'est plus à sa place. Monsieur [F] répond : « oui oui non c'est pas le problème ». Puis devant l'insistance de la salariée il lui lance : « on s'en fout du PC ». La salariée reprend à deux reprises sa question et lui demande : « Pourquoi tu l'as pris ? » Elle obtient pour toute réponse : «peu importe, enfin je ne sais pas, c'est pas ça le problème, l'intérêt, l'important c'est que tu refuses d'aller dans l'équipe test ». En dépit de ce quasi aveux, l'employeur maintiendra dans ces dernières écritures que l'ordinateur portable de madame [E] a disparu et que ce fait état le régime de problème « gravissimes » pour l'entreprise, dont il ne précise pas la nature. L'employeur n'a pas déposé plainte pour le vol de cet ordinateur. Il apparaît donc que cette insinuation de vol a été un moyen de pression exercé sur la salariée pour lui faire accepter un changement de poste au même titre que la menace de licenciement pour faute grave ou l'injonction de démissionner. Soumise à une telle pression devant l'arrêt de travail pour maternité ainsi que les arrêts subséquents, Madame [E] a souffert d'un syndrome dépressif réactionnel. Dans un certificat médical du 31 mai 2016, Le docteur [A] a écrit : « Madame [E] souffre actuellement d'un syndrome dépressif réactionnel à un stress traumatique vécu lors de sa fin de congé maternité en décembre 2014. Elle souffre depuis d'un syndrome anxieux constant avec auto-dépréciation et sentiment de culpabilité, de cauchemars est insomnies, l'humeur est toujours très triste. Suivant actuelle un traitement antidépresseur, une psychothérapie, son état de santé n'est pas consolidé loin s'en faut, la thymie est très dépressive et l'anxiété généralisée. Toute reprise d'une quelconque activité salariée serait actuellement dangereuse pour la santé psychique de cette patiente encore très fragile. ». Ce constat médical effectué un an après la demande de résiliation du contrat de travail atteste l'origine et la gravité de l'état psychique de Madame [E] laquelle le 12 avril 2018, sera déclaré inapte à occuper son emploi. Le médecin du travail ajoutant : « tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Dès lors, il convient de considérer que les actes successifs de l'employeur, qui à compter de la seconde grossesse de madame [E], a tenté de modifier son contrat de travail puis devant son refus a exercé des pressions afin de l'évincer de la société, caractérise des agissements de harcèlement moral qui ont eu pour effet de porter atteinte à ses droits et d'altérer sa santé mentale.

AUX MOTIFS adoptés QUE Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, Que Madame [O] [E] explique que son employeur a très mal accepté ses différentes maternités difficiles et les contraintes y afférentes en terme d'arrêts de travail ; Qu'il l'a harcelée en l'accusant du vol d'un PC, d'avoir soi-disant demandé une rupture conventionnelle, qu'il a déclenché un conflit médical patronal et des contrôles de la CPAM, lui reprochant de ne pas avoir envoyé à temps ses relevés d'indemnités journalières de Sécurité Sociale, et bloquant sa boîte mail ; Qu'elle fait valoir que son changement de poste soudain contribue à ce harcèlement ; Qu'à l'inverse, l'employeur rétorque qu'il a constaté que chaque fois que Madame [O] [E] était contrariée dans ses demandes, elle se mettait systématiquement en arrêt maladie, lesquels désorganisaient l'activité de la R et D ; Qu'il explique que, dès lors, il était normal de faire vérifier la réalité de la maladie de Madame [O] [E] grâce à des procédures parfaitement légales qu'on ne saurait qualifier de harcelantes, Qu'il expose que Madame [O] [E] emportait régulièrement son PC chez elle et que le jour où il a disparu, elle l'aurait laissé comme par hasard au bureau ; Qu'il en conclut que cela n'est pas crédible ; Qu'il explique que Madame [O] [E] fournissait ses relevés d'indemnités journalières de Sécurité Sociale avec beaucoup de retard ; qu'en effet, que les documents fournis par l'employeur montrent que Madame [O] [E] était très irrégulière dans la fourniture des relevés d'indemnités journalières de la Sécurité Sociale et parfois ne répondait pas aux demandes de renseignements de la mutuelle ; Qu'une attestation montre que Madame [O] [E] est bien venue se renseigner sur les conditions d'une rupture conventionnelle ; Que trois attestations affirment que jamais Madame [O] [E] ne s'est plainte du harcèlement ; que cependant, sur l'affaire contentieux du PC que par un courriel du 20 juillet, Monsieur [G] demande à Madame [O] [E] de restituer l'ordinateur « s'il » est en sa possession ; que dès lors, qu'il n'est pas sûr que Madame [O] [E] en soit la détentrice et qu'il n'a produit aucune preuve à l'appui de ses affirmations de soustraction ; que Madame [O] [E] a dû écrire le 6 mars 2015 à Monsieur [G] pour protester contre ses écrits l'accusant de faire signer des arrêts de complaisance par son médecin ; Que l'employeur est resté taisant sur le blocage de la boîte mails ; que par courriel du 15 décembre 2014, Madame [O] [E] a demandé à avoir le programme de ses déplacements futurs afin d'organiser la garde de ses deux enfants dont un bébé ; que Monsieur [G] lui a fait une courte réponse que le Conseil a jugé dilatoire ; la mutation subite de poste au retour d'un congé maternité a quelque peu interloqué le Conseil ; qu'en conséquence il y a lieu de dire et juger qu'un sérieux début de harcèlement moral est constitué.

ALORS en premier lieu QUE constitue un mode de preuve illicite rendant irrecevable la preuve qu'il établit la reconstitution d'une conversation enregistrée lorsque l'enregistrement est effectué à l'insu de son auteur ; que, dès lors, en se fondant sur la conversation téléphonique retranscrite par huissier de justice et enregistrée à l'insu de Monsieur [G] pour établir à la fois la suspicion de l'employeur que les arrêts de travail étaient de complaisance, la volonté de faire pression sur la salariée pour qu'elle accepte un changement des conditions de travail, sa volonté de trouver un biais pour l'exclure de la société en cas de refus, la suspicion de vol de son ordinateur, la cour d'appel a violé les articles 9 du nouveau code de procédure civile et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

ALORS en deuxième lieu QUE, en prétendant que la société Trad tests et radiations n'avait jamais contesté dans ses écritures la licéité du constat d'huissier retranscrivant la conversation téléphonique, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

ALORS en troisième lieu QUE pour dire le harcèlement moral caractérisé, la cour d'appel a considéré qu'étaient établis divers faits au regard de la transcription de la conversation téléphonique enregistrée à l'insu de l'employeur ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit licite l'enregistrement de la conversation téléphonique entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt ayant dit le harcèlement moral caractérisé.

ALORS en quatrième lieu QUE le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés de l'employeur qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Qu'un certificat médical attestant la souffrance du salarié ne caractérise pas à lui seul un harcèlement moral, dès lors qu'aucun agissement de l'employeur ne peut être considéré comme établi ; qu'en considérant que Madame [E] avait été victime de harcèlement moral cependant que l'ensemble des agissements de l'employeur avait été considéré comme établi sur le fondement de l'enregistrement illicite d'une conversation, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

ALORS en cinquième lieu QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral, il appartient alors au juge de rechercher si l'employeur rapporte la preuve que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à cette qualification ; que pour dire le harcèlement moral caractérisé, la cour d'appel a retenu que Madame [E] établissait, l'existence d'une suspicion de l'employeur à l'encontre de ses arrêts de travail, d'une volonté de lui imposer un changement portant une atteinte à sa vie personnelle, d'une volonté de la contraindre à démissionner si elle refusait, et d'une souffrance psychologique ; qu'en statuant ainsi, sans examiner, comme cela lui était demandé, les éléments apportés par l'employeur pour justifier par des éléments objectifs les agissements qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et par conséquent d'avoir condamné la société Trad tests et radiations à verser à Madame [E] diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis, congés payés y afférents, indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS QUE Sur la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ; Sur le changement de poste discriminatoire au retour du 2ème congé maternité ; La résiliation judiciaire du contrat de travail est un mode particulier de rupture du contrat qui découle du droit civil et son ancien article 1184 applicable au litige aux termes duquel la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement nouvellement codifié sous les articles 1224 et 1227 en vertu desquels la résiliation d'un contrat résulte d'une inexécution suffisamment grave et qu'elle peut être demandée en justice. Le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur exige, d'une part, l'établissement de la réalité des griefs invoqués à l'appui de la demande, et d'autre part la caractérisation d'une gravité suffisante empêchant la poursuite de la relation salariale. La charge de la preuve incombe aux salarié demandeur au prononcé de la résiliation judiciaire. Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le juge prononce sans la résiliation judiciaire du contrat n'a pas à statuer sur le licenciement notifié postérieurement à cette demande, même si l'employeur avait manifesté son intention d'engager la procédure de licenciement avant l'introduction de la demande. La demande en résiliation présentée par Madame [E] est fondée principalement sur le changement d'affectation voulu par l'employeur lors de la reprise de son poste à l'issue de son congé maternité. Le pouvoir de direction reconnue à l'employeur ne l'autorise pas à modifier unilatéralement le contrat qui l'a conclu avec le salarié. Si une modification s'avère nécessaire, elle ne peut être imposée, l'accord du salarié est nécessaire et la modification est caractérisée lorsqu'elle porte sur un élément essentiel du contrat, le lien de subordination juridique, les fonctions, la rémunération. L'article 4 du contrat de travail conclu entre les parties énumère les missions et attributions de Madame [E] parmi lesquelles ne figure pas une activité au sein du service test. Toutefois, le contrat stipule que la liste des missions n'étant pas limitative, la salariée « pourra être amenée à exercer toute activité qui serait justifiée par les besoins de la société Trad ». Cette obligation contractuelle autorisant un changement de l'affectation de la salariée trouve une limite si ce changement affecte de manière excessive la vie personnelle du salarié. Outre le fait, que Madame [E] a travaillé pendant dix ans au sein du service recherche et développement et qu'il n'est pas établi que son changement d'affectation corresponde à l'évolution normale et naturelle de sa carrière il convient d'examiner l'impact que ce changement aura sur sa vie personnelle et familiale. Le 6 octobre 2014, elle a donné naissance à son second enfant. Lors d'un entretien avec l'employeur, dont l'objet était, notamment, les conditions de la reprise de son travail, elle apprenait qu'elle ne reprendrait plus son poste au service recherche et développement mais qu'elle travaillerait au sens du service presse. Inquiète sur les conséquences concrètes ce changement de poste, Madame [E], sachant que son planning de travail aller changer, adressait le 15 décembre 2014 un courriel à son employeur pour connaître le programme des déplacements des ingénieurs test les trois prochains mois afin de prévoir l'organisation avec la nourrice de la garde de ses deux enfants en bas âge. Face à ses interrogations légitimes sur les conditions de son nouveau travail, l'employeur lui a répondu, le 5 janvier 2015 : « ton changement de poste sera effectif à ton retour 5 janvier, le programme des déplacements n'est pas encore établi et en général n'est pas connu plus de deux semaines en avance et susceptible d'évoluer très vite, nous sommes malheureusement soumis à la disponibilité des accélérateurs. Les tests demandent une grande disponibilité je te conseil donc de t'organiser afin de prévoir des déplacements fréquents ». Il résulte de cette réponse évasive et de ce fait inquiétant pour la salariée, d'une part que les déplacements de Madame [E] seront fréquents et d'autre part, quel en sera informer que tardivement et que dès lors elle devra faire preuve d'une grande disponibilité. De telles contraintes marque une rupture dans les conditions de travail de Madame [E] qui, dans ses précédentes fonctions, et alors qu'elle était maire d'un seul enfant, se déplacer peu et n'étaient pas soumises à une disponibilité importante. En effet, l'employeur fait état de trois courts déplacements en 2013 est en 2014. Or Madame [J], assistante administrative, chargée d'organiser et de réserver les déplacements au sein de l'entreprise, notamment les déplacements liés à l'activité test sur des sites extérieurs a délivré une attestation par laquelle elle relate que les déplacements représentaient pour un collaborateur une à deux missions de deux jours par mois. Ce chiffre, en rapport avec les trois déplacements par an effectués antérieurement par Madame [E] dans ses précédentes fonctions est révélateur de l'importance de la modification apportée au contrat de travail de celle-ci. Madame [E] produit un enregistrement vocal d'un échange téléphonique qu'elle a eu le 2 mars 2015, avec un « homme » qu'elle désigne comme son supérieur hiérarchique monsieur [G]. C'est enregistrement a été constaté et retranscrit par un huissier de justice, dans des conditions de forme et de régularité qui n'ont pas été discutées par l'employeur. Lors de cette conversation son interlocuteur l'informe ainsi : « prépare toi à faire des déplacements un peu à droite et à gauche ». Ce changement de fonction caractérisait donc une atteinte excessive à la vie personnelle d'une salariée qui n'était pas compatible avec ses obligations familiales liées à la garde de deux enfants en bas âge, notamment du fait qu'elle ne pouvait pas prévoir suffisamment à l'avance la fréquence et la durée de ses déplacements. Dès lors, il convient de dire que le changement de poste voulue par l'employeur caractérisait une modification du contrat de travail qui ne pouvait intervenir sans le consentement de la salariée et était discriminatoire puisque motivé par ses arrêts maladie consécutifs et ça seconde grossesse, car en outre, il n'est pas répondu à l'argument selon lequel le poste recherche développement qu'elle occupait a été supprimé. Harcèlement moral aux termes des dispositions de l'article L. 1152?2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En cas de litige, l'article L. 1154 du même code précise qu'il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement. Madame [E] présente une série de faits qui pour elle sont constitutifs de harcèlement et sont à l'origine de la dégradation de son état de santé ainsi qu'il ressort des documents médicaux : - l'employeur a exigé qu'elle travaille pendant son premier congé maternité - réception d'une mise en demeure malgré la transmission des arrêts maladie - travaille à distance pendant les arrêts maladie ?blocage de sa boite mail professionnel - contrôle patronales et suspension du complément de salaire à compter du 19 mars 2015 - accusations de vol du PC rester dans l'entreprise - entretien du 3 mars enregistrée et retranscrite par voie de huissier - paiement des salaires tardifs et partiels. La société prétend que les courriels échangés avec la salariée établissant que les arrêts de travail justifiés par les grossesses de madame [E] n'ont jamais été la source de conflit. Si la salariée a ponctuellement aidé à traiter certains problèmes de sa compétence exclusive pendant ces arrêts de travail c'était à son initiative et pour rendre service à l'entreprise. Par ailleurs, elle indique qu'il était dans son rôle lorsqu'il demandait à la salariée de lui adresser ses prolongations d'arrêt de travail lorsque celle-ci oubliait de les transmettre. L'employeur produit des courriels que lui a adressé Madame [E] lors de ses congés maternité qui attestent qu'elles étaient disposées à aider l'entreprise à traiter certains problèmes relevant de sa compétence exclusive du fait qu'elle était la seule à connaître certains dossiers qu'elle avait personnellement instruits depuis leur origine. C'est ainsi que le 14 novembre 2012, pendant son premier congé maternité elle écrivait à son supérieur hiérarchique : « je suis navré de ne pas t'avoir répondu plutôt je suis en train de regarder les mails de ce mois-ci je peux t'aider me rendre utile à distance n'hésite pas. Pour la venue d'ISS je viendrai sans problème quand il le faudra, dis-moi quand ». Quelques jours plus tard, toujours en congé maternité elle se proposera de passer au siège de la société pour « discuter boulot » avec un collègue et traiter d'un projet sur lequel elle travaillait depuis plusieurs années. Le ton général de ces échanges de courriel est affable, courtois et respectueux de part et d'autre. Il en est de même lors de la seconde grossesse au cours de laquelle à la fin de chaque message de supérieur hiérarchique de Madame [E] ne manque pas de lui dire : « Repose toi ou fais attention à toi» au surplus, dans ses conclusions Madame [E] reconnaît que durant l'année 2013 la relation se poursuivait normalement. Il résulte des pièces du dossier que la relation salariale s'est dégradée à la fin de l'année 2014, à l'issue du second congé maternité et à la suite de la décision prise par l'employeur de changer le poste de travail de la salariée. S'il est vrai que la société, le 4 septembre 2014, a mis Madame [E] en demeure de lui adresser la prolongation de son arrêt de travail, cette demande était justifiée par l'omission de la salariée qui l'a adressée dès le lendemain à son employeur. Par ailleurs un employeur exerce son pouvoir de direction lorsqu'il sollicite de la CPAM un contrôle par le médecin-conseil des arrêts de travail d'un salarié. Ce contrôle pour autant qu'il soit désagréable pour l'intéressé ne peut être considéré comme un élément caractérisant un harcèlement moral. Cependant, il résulte de la transcription de l'échange téléphonique effectué par huissier de justice que l'employeur a suspecté des arrêts de travail complaisamment accordés à Madame [E] à la suite de sa décision du changement d'affectation de celle-ci. Lors de l'échange téléphonique retranscrit, l'homme, identifié comme étant monsieur [G] lui enjoint: « tu vas retourner au test si ça te plaît pas tu peux démissionner, Partir, faire ce que tu veux » ; en fin d'entretien Monsieur [G] dira à Madame [E]: « Je vais te faire démissionner pour faute grave hein ! » avant de se reprendre et dire « je ne sais pas comment on appelle ça, mais ? je vais faire une rupture de contrat de travail, on va casser ton contrat puisque tu refuses ce poste ? que je te propose ». Les intentions de ce supérieur hiérarchique est partant de la direction sont clairs sur Madame [E] accepte son changement de poste soit on trouve un biais juridique pour l'exclure de la société. Le reproche fait à la salariée de ne pas avoir restitué son ordinateur portable semble très discutables voir dénués de fondement puisque c'est ordinateur présent le 23 mars 2014, lors de la reprise de fonction de la salariée aurait mystérieusement disparu le lendemain à son arrivée sur les lieux de travail. Lors de l'entretien téléphonique retranscrit Madame [E] remarque que ce matin (3 mars) son portable n'est plus à sa place. Monsieur [F] réponds : « oui oui non c'est pas le problème ». Puis devant l'insistance de la salariée ils lui lance : « on s'en fout du PC ». La salariée reprend à deux reprises sa question et lui demande : « Pourquoi tu l'as pris ? » Elle obtient pour toute réponse : «peu importe, enfin je ne sais pas, c'est pas ça le problème, l'intérêt, l'important c'est que tu refuses d'aller dans l'équipe test ». En dépit de ce quasi aveux, l'employeur maintiendra dans ces dernières écritures que l'ordinateur portable de madame [E] a disparu et que ce fait état le régime de problème « gravissimes » pour l'entreprise, dont il ne précise pas la nature. L'employeur n'a pas déposé plainte pour le vol de cet ordinateur. Il apparaît donc que cette insinuation de vol a été un moyen de pression exercé sur la salariée pour lui faire accepter un changement de poste au même titre que la menace de licenciement pour faute grave ou l'injonction de démissionner. Soumise à une telle pression devant l'arrêt de travail pour maternité ainsi que les arrêts subséquents, Madame [E] a souffert d'un syndrome dépressif réactionnel. Dans un certificat médical du 31 mai 2016, Le docteur [A] a écrit : « Madame [E] souffre actuellement d'un syndrome dépressif réactionnel à un stress traumatique vécu lors de sa fin de congé maternité en décembre 2014. Elle souffre depuis d'un syndrome anxieux constant avec auto-dépréciation et sentiment de culpabilité, de cauchemars est insomnies, l'humeur est toujours très triste. Suivant actuelle un traitement antidépresseur, une psychothérapie, son état de santé n'est pas consolidé loin s'en faut, la thymie est très dépressive et l'anxiété généralisée. Toute reprise d'une quelconque activité salariée serait actuellement dangereuse pour la santé psychique de cette patiente encore très fragile. ». Ce constat médical effectué un an après la demande de résiliation du contrat de travail atteste l'origine et la gravité de l'état psychique de Madame [E] laquelle a le 12 avril 2018, sera déclaré inapte à occuper son emploi. Le médecin du travail ajoutant : « tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Dès lors, il convient de considérer que les actes successifs de l'employeur, qui à compter de la seconde grossesse de madame [E], a tenté de modifier son contrat de travail puis devant son refus a exercé des pressions afin de l'évincer de la société, caractérise des agissements de harcèlement moral qui ont eu pour effet de porter atteinte à ses droits et d'altérer sa santé mentale. En application de l'article L. 1152?3 du code du travail le licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1152?1 un relatif au harcèlement moral est nul. Toutefois, la résiliation judiciaire du contrat de travail étant effective depuis le 13 mai 2015, le licenciement postérieur est sans effet et sa nullité ne peut être sollicitée. En conséquence, la résiliation du contrat de travail doit être prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

AUX MOTIFS adoptés QUE Sur la demande de résiliation judiciaire, que Madame [O] [E] fait valoir que son contrat de travail énumérait limitativement ses fonctions et que l'activité Test n'était pas incluse dans cette liste ; Qu'elle en conclut que son employeur devait préalablement recueillir son accord écrit pour procéder à un tel changement ; Qu'elle rappelle que des changements de conditions de travail ne peuvent être imposées au salarié en cas d'atteinte excessive à sa vie privée et à des obligations familiales impérieuses ; Qu'elle fait remarquer que venant d'accoucher et allaitant un bébé, il lui était particulièrement difficile d'avoir des déplacements fréquents comme prévus dans le nouveau poste ; que l'employeur rétorque que Madame [O] [E] ayant travaillé 10 ans sur la phase R et D du produit, celui-ci passait en phase test et qu'il était normal que ce soit elle qui suive ce produit ; qu'il rappelle que le contrat de travail prévoit des changements de poste et qu'il est dans son droit le plus strict ; qu'il fait valoir que les déplacements prévus même s'ils étaient fréquents, ne duraient qu'une journée et que cela ne pouvait pas perturber la vie familiale de l'intéressée ; qu'il explique que si les arrêts de travail incessants de Madame [O] [E] ont quelque peu nui au suivi de son travail, cela n'a jamais altéré les bonnes relations entre eux ; Qu'en effet, le contrat de travail prévoit que la liste des missions décrites n'est pas limitative, ce qui autorise l'employeur à affecter sa salariée sur un nouveau poste ; que cependant, cette nouvelle affectation sans accord avec la salariée, apportait une atteinte excessive à sa vie privée et à des obligations familiales impérieuses liées à la condition de jeune mère allaitant son bébé ; que Madame [O] [E] a fait remarquer par courriel, que dans son nouveau poste, elle se retrouvait avoir deux supérieurs hiérarchiques entre elle et Monsieur [G], ce qui n'était pas le cas dans son poste actuel ; que Monsieur [G] est resté taisant sur cette remarque établissant de fait que le nouveau poste n'était pas similaire à l'ancien au sens de l'article L. 1225-25 du Code du Travail ; qu'en conséquence il y a lieu de dire et juger que la résiliation du contrat de travail doit être prononcée et doit être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ALORS en premier lieu QUE la cassation qui interviendra sur le chef de dispositif par lequel la cour d'appel a dit que la salariée avait été victime de harcèlement emportera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du chef de dispositif relatif à la résiliation judiciaire du contrat prononcée en conséquence dudit harcèlement.

ALORS en deuxième lieu QUE si l'atteinte injustifiée à une liberté fondamentale est susceptible de rendre le licenciement consécutif à un refus d'un changement de conditions de travail injustifié, elle ne peut conduire à qualifier de modification du contrat de travail ce qui n'aurait été qu'un simple changement des conditions de travail au regard de la définition des missions de la salariée ; que pour considérer le contrat de travail résilié aux torts de l'employeur, la cour d'appel, après avoir considéré que le changement imposé s'entendait d'un changement des conditions de travail, a affirmé que l'atteinte à la vie personnelle de la salariée était telle qu'était caractérisée l'existence d'une modification du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

ALORS en troisième lieu QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur apporte la preuve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que l'employeur faisait valoir que Madame [E] était, de par son expérience, la mieux placée pour suivre jusqu'à leur terme les missions sur lesquelles elle travaillait depuis longtemps ; que déjà en 2012, il lui avait été indiqué dans son entretien annuel qu'elle réaliserait à terme une étude de terrain et qu'il était conforme à l'évolution normale de sa carrière que ce poste lui revienne ; qu'en ne recherchant même pas si ces éléments constituaient des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 du Code du Travail.

ALORS en quatrième lieu QUE constitue un mode de preuve illicite rendant irrecevable la preuve qu'il établit la reconstitution d'une conversation enregistrée lorsque l'enregistrement est effectué à l'insu de son auteur ; que, dès lors, en se fondant sur la conversation téléphonique retranscrite par huissier de justice et enregistrée à l'insu de Monsieur [G] pour établir l'atteinte excessive à la vie personnelle de la salariée, la cour d'appel a violé les articles 9 du nouveau code de procédure civile et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

ALORS en cinquième lieu QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité ; qu'en se bornant à dire que la décision de changement de poste était motivée par les congés maladie et les grossesses de Madame [E], sans assortir cette assertion d'aucune autre precision, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

ALORS en sixième lieu QUE la résiliation judiciaire est prononcée si le manquement grave de l'employeur fait obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en déduisant des manquements de l'employeur qu'ils justifiaient la résiliation judiciaire du contrat de travail, sans rechercher si ces manquements étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du février 2016, et L. 1221-1 du code du travail.
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de n'AVOIR condamné l'employeur qu'au paiement des sommes de 3 896 euros au titre du solde d'indemnité de licenciement et 42 000 euros à titre de dommages-intérêts liés à la rupture et d'AVOIR débouté la salariée de sa demande au titre du préjudice financier distinct résultant de la perte de salaire des mois de janvier 2018 à avril 2018.

AUX MOTIFS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail étant effective depuis le 13 mai 2015, le licenciement postérieur est sans effet et sa nullité ne peut être sollicitée ; (?) ; que Mme [E], bénéficiait d'une ancienneté de 12 ans et 4 mois au jour de son licenciement ; que dans le dernier état de la relation salariale elle percevait une rémunération mensuelle brute de 3749 ? ; que compte tenu de la dégradation de son état de santé, Mme [E] n'a pas retrouvé d'emploi et était encore inscrite à Pôle emploi au mois de septembre 2018 ; qu'en réparation du préjudice lié à la perte injustifié de son emploi, il lui sera alloué la somme de 42 000 ? à titre de dommages et intérêts ; que sur l'indemnité de licenciement, il résulte des dispositions de la convention nationale collective des bureaux d'études techniques que la salariée a droit au versement d'une indemnité de licenciement égale à un tiers de mois de salaire par année de présence, soit en l'espèce la somme de 15 412,55 ? (3 749 /3 x 12 + 1 249,66 / 12 x4 ) ; que Mme [E] ayant déjà perçu la somme de 11 516,32 ? à ce titre, il reste due la somme de 3896,23 ? ; (?) ; que sur la perte de salaire, Mme [E] soutient avoir subi un préjudice financier distinct relatif à la période de janvier au 12 avril 2018 fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil ; que toutefois, elle ne caractérise pas la faute commise par l'employeur qui serait à l'origine de ce préjudice distinct qui n'aurait pas été pris en compte par l'indemnisation qui lui a été allouée au titre de la rupture de son contrat de travail et au titre du harcèlement moral alors qu'elle a perçu des indemnités journalières et la demande sera donc rejetée.

ALORS QUE la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date ; que si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque le salarié est resté au service de son employeur postérieurement au jugement prononçant la résiliation du contrat de travail ; qu'en jugeant la résiliation effective à la date de saisine de la juridiction prud'homale le 13 mai 2015 et en fixant en conséquence les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail sur la base d'une ancienneté de 12 ans et 4 mois, cependant que la résiliation judiciaire du contrat de travail avait été prononcée le 19 janvier 2017 et que la salariée avait été licenciée le 12 avril 2018, la cour d'appel a violé l'article 1184 alors en vigueur du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [E] de sa demande de rappel sur congés payés.

AUX MOTIFS QUE lors du licenciement le 13 mai 2018, Mme [E] a perçu la somme de 11 054,56 ? au titre des congés payés correspondant à 75 jours. L'employeur a, conformément à la convention collective applicable, retranché de son calcul les périodes de longue maladie supérieure à 6 mois, celles du 3 mars 2015 au 31 décembre 2016 (9 mois) et du 3 juillet 2017 au 11 mars 2018 (8 mois) ; que Mme [E] soutenant que ces arrêts sont imputables aux agissements de harcèlement moral dont elle a été victime sollicite le paiement des congés payés relatifs à ces périodes ; que cette demande se heurte aux dispositions de la convention collective et ne peut être prise en compte que sous la forme d'une demande en dommages et intérêts qui n'est pas présentée, en conséquence, la demande de Mme [E] en paiement de congés payés sur cette période sera rejetée.

ALORS QUE le salarié dont les arrêts maladie sont en lien avec le harcèlement moral subi est en droit de prétendre à des rappels de salaire et congés payés y compris pour les périodes d'arrêt-maladie ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de congés payés au titre des périodes d'arrêt maladie occasionné par le harcèlement moral dont elle était la victime, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-5 alors en vigueur du code du travail et 1134 alors en vigueur du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-21765
Date de la décision : 07/07/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 18 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 jui. 2021, pourvoi n°19-21765


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.21765
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